Textes : Apocalypse 2, v. 12 à 17 Ps 145 Ésaïe 45, v. 22 à 24 2 Thessaloniciens 1, v. 11 à 2, v. 2 Luc 19, v. 1 à 10Monsieur Jacques ValuisTélécharger le document au complet

Prédication

Et il entra dans Jéricho et passa à travers la ville. Et voici un homme nommé Zachée, il était chef des publicains et riche. Et il cherchait à voir Jésus, qui il était, et il ne pouvait pas à cause de la foule du peuple, parce qu’il était de petite stature. Et il courut devant eux et il monta sur un sycomore, afin de le voir parce qu’il devait passer par là. Jéricho c’est la ville qui s’est opposée à l’entrée du peuple élu dans la terre promise. Elle représente l’opposition à la promesse, elle est dans une certaine mesure le symbole du mal et du refus de Dieu. Jésus passe par la ville. Une foule grouillante se presse sur son passage et un homme de petite taille auquel personne ne laisse la place est emporté par le flux et le reflux de la marée humaine. Cet homme c’est Zachée. Deux traits le caractérisent : sa profession de collecteur d’impôts et sa richesse. Autant d’éléments qui sont de nature à le discréditer, d’abord comme collaborateur avec l’occupant romain, ensuite parce que la corruption et la prévarication qui caractérisent cet agent du fisc le font haïr de ses compatriotes aux dépens desquels il s’est enrichi outrageusement. Et pourtant cet homme s’appelle Zachée, et cela signifie « celui qui est juste, celui qui est pur ». Singulière contradiction ! Dans cet homme qui semble vivre entièrement pour l’argent, qui a déshonoré sa fidélité à l’égard du peuple de Dieu et le privilège qu’il a de lui appartenir existe toutefois et paradoxalement un désir ardent de rencontrer Jésus. Or il se heurte à deux obstacles : celui de la foule…et celui inhérent à sa petite taille. La foule c’est celle des disciples et des fidèles qui forme écran. Jusqu’à quel point en transposant ce qui doit l’être ne doit on pas y voir une image de l’Église qui, par certains de ses dogmes, de ses pratiques et de ses exemples peut être un obstacle difficilement franchissable pour rencontrer Jésus en toute simplicité, Esprit et Vérité. Le second handicap procède du fait que Zachée est un homme de petite taille. Il peut en concevoir un complexe par rapport aux autres, celui « de ne pas être à la hauteur » au propre comme au figuré. Deux obstacles doivent donc être surmontés : celui de la foule des adorateurs et le sentiment de petitesse. Mais pourquoi Zachée tient il donc à « voir » Jésus ? Pourquoi veut-il tant savoir qui il est ? En fait malgré ses imperfections et son statut, il éprouve une aspiration, un mouvement irrépressible pour que la rencontre ait lieu. Pour en juger, il suffit de l’observer : loin de se décourager, il va courir en avant et grimper sur un sycomore sachant que l’arbre se situe sur le passage du Christ. En somme Zachée qui se sait petit spirituellement va se donner les moyens de dépasser son handicap. Il n’existe aucune fatalité car il pressent confusément que qui cherche trouve. En la circonstance, Zachée ne se préoccupe pas d’être ridicule en se juchant là haut, il ne redoute pas les regards ironiques ou haineux de ceux qui le connaissent. Ce qui importe par-dessus tout, c’est d’établir le contact avec Jésus. Et lorsque Jésus arriva à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée, descends vite ; car aujourd’hui, je dois demeurer dans ta maison. Et il descendit en toute hâte et le reçut dans sa maison plein de joie. En sa qualité de prophète, Jésus connaît les cœurs ; il connaît aussi les aspirations profondes de Zachée. Pendant que Jésus lève les yeux sur lui, le grand jour de l’histoire du salut se lève lui aussi pour lui. Aujourd’hui, l’Écriture a été accomplie pour lui, cette Écriture qui promet la bonne nouvelle aux pauvres, aujourd’hui le Sauveur s’est approché de lui, aujourd’hui il rencontre en Jésus l’action paradoxale de Dieu qui réussit là où l’on ne peut rien espérer du point de vue strictement humain. Le publicain est appelé par son nom. Jésus ne voit pas la foule, mais l’individu, la personne. Il s’adresse à lui comme s’il était un familier en s’invitant chez lui en toute simplicité. Mais il lui faut redescendre et vite. La présence de Dieu n’est pas une chose qui se gagne par la force en s’élevant –fut ce dans un arbre- en progressant, en se purifiant, au contraire, la présence de Dieu dans l’Évangile se reçoit dans l’humilité et dans la faiblesse. On ne cherche pas à gagner Dieu comme on le ferait en grimpant à un mat de cocagne, ce Dieu qui nous donne la vie n’est pas dans la hauteur inatteignable, il est en bas, il nous attend, il vient vers nous et il nous dit : « Descends donc de ton arbre, de tes prétentions, de ces fausses hauteurs que tu te donnes. Simplement descends, moi, je suis en bas, je t’attends et ouvre tes bras pour m’accueillir ». Dieu se souvient de Zachée, il a pitié de lui. Il vient en aide à son serviteur dans son infinie miséricorde. La volonté de salut de Dieu qui doit être accomplie par Jésus se réalise pour cet homme pécheur décrié par les siens et qui fait profession de spolier ses semblables. L’entrée dans la maison de Zachée, c’est l’effraction du salut dans le cœur de cet homme, et c’est le sujet d’une grande joie à la différence du jeune homme riche qui a tourné les talons, rempli de tristesse. Mais tout n’est pas si simple comme la suite va nous le démontrer! Et tous ceux qui le voyaient murmuraient et disaient : il est entré chez un pécheur pour y faire sa demeure. Mais Zachée s’en vint et dit au Seigneur : Voici que je donne la moitié de ma fortune aux pauvres, et s’il m’est arrivé d’extorquer quelque chose, je le restitue au quadruple. Un juif pieux ne saurait avoir à sa table des publicains et des pécheurs publics ni s’attabler à la leur. En entrant dans la maison de ce pécheur notoire, Jésus choque et scandalise. Tous ceux qui, il y a peu l’acclamaient ne comprennent rien et adoptent à son égard une attitude d’hostilité. Jésus fait ainsi l’expérience de la versatilité de la foule qui manifestement ne saisit pas le message. Quelques temps plus tard, à Jérusalem après avoir subjugué la foule, c’est elle qui demandera sa mise à mort. Tout le monde est scandalisé et murmure. Israël murmure dans le désert lorsque Dieu ne lui demande pas ce qu’il demande. La volonté de salut de Dieu rencontre l’incompréhension et le murmure. Jésus accomplit la volonté de Dieu et passe par-dessus le murmure des hommes. « Heureux celui qui ne se scandalise pas de moi » -Luc 7, 23- il faut penser à cela lorsque le Seigneur agit d’une manière différente de celle que nous attendions. Le publicain Zachée a compris que c’est aujourd’hui le temps du salut, que c’est aujourd’hui que l’offre divine est faite. Il a accompli sa conversion. L’authenticité de sa conversion apparaît dans la volonté d’accomplir de manière radicale les prescriptions de la Loi. Il ne veut pas restituer seulement cent vingt pour cent de ce qu’il a acquis malhonnêtement mais au-delà en donnant le quadruple ou le quintuple. Touché par l’amour de Dieu à travers Jésus il dépasse largement les exigences de la loi et celles de son interprétation par les Docteurs. Dieu sanctifie son peuple lorsque Jésus s’occupe des pécheurs. Mais Jésus lui dit : Aujourd’hui le salut est venu pour cette maison, parce qu’il est lui aussi un fils d’Abraham. Car le fils de l’homme est venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. Voici donc un pécheur à qui Jésus dit qu’il est sauvé ; ce n’est pas fréquent ? Tentons de discerner la raison pour laquelle Jésus a pu dire à Zachée que le salut était arrivé sur sa maison. Qu’a-t-il fait pour cela ? La solution est elle dans les paroles mêmes du publicain converti ? « Je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rends au quadruple ». Est-ce par ses œuvres que Zachée est sauvé ? Non. La preuve, c’est que Jésus lui dit qu’il est sauvé, mais ajoute aussitôt : « le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Ainsi la conclusion même du récit est que le salut est offert par grâce et non par mérite. Certes Jésus écoute-t-il avec bienveillance Zachée qui lui explique ce qu’il va faire comme bonnes œuvres mais en fait il n’en tiendra pas compte. Il considère que Zachée comme nous tous est par nature condamnable et perdu, et néanmoins il lui donne le salut ! La mission de Jésus s’accomplit par l’accueil des pécheurs. Dieu l’a envoyé pour apporter le salut et non la perte. Le salut et non la condamnation, la vie et non la mort. « Le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs » (I Tim. 1. 15). L’annonce prophétique au sujet du temps du salut est par Lui accomplie : « Je chercherai ce qui est égaré, je ramènerai à la maison ce qui est dispersé, je panserai ce qui est blessé, je réconforterai ce qui est malade, je garderai ce qui est fort et je le ferai paître de la bonne manière » Ézéchiel 34 v.l6 Ce qui avait été exprimé dans les paraboles concernant l’amour des pécheurs, voilà que cela est réalisé dans la réalité de la vie. Jésus est le sauveur de ceux qui sont perdus. Zachée va donc être qualifié de « Fils d’Abraham » ce qui exprime sa réintégration dans le peuple de Dieu. Lorsque Jean, le Baptiste réclamait des fruits authentiques de conversion, il fustigeait les prétendus fils d’Abraham qui ne vivaient pas en conformité avec la foi et les œuvres du « Père des croyants ». Et il avait ajouté ce défi : « Des pierres que voici Dieu peut suscite des enfants à Abraham ». Or, voici que Dieu vient de réaliser quelque chose d’aussi miraculeux : l’impossible salut d’un riche, collecteur d’impôts de surcroit. Le récit de la conversion de Zachée réunit tous les mots et toutes les idées qui sont chères à l’Évangile des pauvres : Aujourd’hui, Salut, Sauver ce qui était perdu, Petit, Pécheur, Publicain ; La nécessité de la volonté divine de Salut, La hâte, L’urgence, L’accueil dans la maison, La joie. C’est une grâce divine débordante et une bonne volonté débordante de l’homme qui se manifestent à Jéricho, cette ville sur qui reposait une ancienne malédiction (Josué 6, v. 26), dans la maison du chef des publicains, d’un pécheur qui est riche. Jéricho, c’est la ville d’où Jésus monte à Jérusalem, la porte de la ville où l’attend l’achèvement de l’histoire du salut, et d’où viendra le Salut. Maranatha ! Amen, viens Seigneur Jésus.