Textes : Nombres 16, v. 1 à 15 Ps 147 Deutéronome 8, v. 1 à 16 1 Corinthiens 10, v. 16 & 17 Jean 6, v. 51 à 58Pasteur Guy RousseauTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Plusieurs remarques : – Ces 8 versets sont une petite partie d’un ensemble long de 71 versets – La tentation est grande d’agrandir la lecture en amont et/ou en aval ! Ce qui n’est évidemment pas grave ! Il faut se sentir libre et inclure les versets ajoutés dans la prédication comme éclairant tel ou tel point. – Comme souvent la première réaction est de « lire » ce récit à travers les lunettes de la « Cène », il est prudent de ne pas se précipiter dans une interprétation eucharistique de l’ensemble. Même si cela peut être un des paragraphes de la prédication. – L’on peut avoir une certaine réticence à entendre Jésus parler de manger sa chair et boire son sang. Cela fait quelque peu « cannibale » ! – Une fois n’est pas coutume … proposer :

  • Soit la Cène, si un paragraphe s’y rapporte en soignant la qualité du pain et du vin !
  • Soit distribuer du bon pain (et non du pain quelconque) au moment de la louange ou en signe d’accueil en arrivant. Il doit donner envie d’en reprendre !

Quelques notes : – Jésus se présente lui-même comme le pain vivant descendu du ciel. Le seul pain qui donne la vie éternelle, par opposition à la Manne qui n’a pas empêché la « mort de vos pères » (6,58). – Cette précision « chair et sang » souligne l’incarnation (1,14). – « Manger » ou mâcher, croquer souligne l’effort de mastication. – L’Évangile de Jean n’est pas un catalogue de signes, mais bien concentré sur l’essentiel (20,30-31) affermir la foi des lecteurs et auditeurs. Approfondir – ou faire naître – la foi des croyants, devenir croyants et pratiquants de cette foi. – Le chapitre 6 commence par le signes (miraculeux) des pains en abondance, de la marche sur l’eau ; puis une reprise dans le discours ; et un élargissement d’interprétation. Redire sans cesse le sens de la venue du Christ aujourd’hui ici et maintenant. – La présentation s’apparente au récit de controverse avec les Juifs : sur le réalisme de la chair et du sang ; la contestation de Jésus (crucifié et vrai Fils de Dieu). – Pour la première fois – il y aura 6 autres affirmations analogues – Jésus affirme « je suis ». Il est possible d’utiliser dans la liturgie les 7 affirmations comme une confession de foi. – Jésus est présenté comme étant pleinement 1=le pain, 2=la lumière, 3=la porte, 4=le bon berger, 5= la résurrection et la vie, 6=le chemin, la vérité et la vie et enfin 7=le cep. Et cela dans le présent rendu possible par l’Esprit. – Jésus – le Christ est autre que le Messie des discours véhiculés par les « Anciens » : il est cette chair et ce sang, vrais, incarnés. Au fond ce ne sont pas des idées, mais la réalité quotidienne, gage de cette vie qu’il donne – éternelle – qu’il nous donne. Le croyant en mangeant sa chair et buvant son sang a vraiment part à son humanité. – Jésus insiste aussi – une fois de plus dans Jean – sur l’unité Père – Fils qui rend visible la volonté de Dieu en actes et en paroles. – C’est grâce au Père que le Fils – Jésus à la vie et ainsi la donner à son tour à ceux – disciples et/ou croyants – l’acceptent et le reconnaissent comme Fils du père. – Il est à noter, dans le passage avant la section qui nous occupe, l’insistance sur les Pères qui ont mangé la Manne et sont morts, ainsi que la nécessité de manger le pain. Dans notre texte, l’insistance porte sur la nécessité de manger la chair et boire le sang pour avoir la vie. Il faut opérer une rupture avec cette référence à la Manne qui ne donne pas la vie, pour recevoir ici et maintenant la vie donnée par Jésus. – C’est sans doute là, un des enjeux du texte : la vie vient de cette communion quotidienne avec le Christ. La Cène n’est alors qu’une expression liturgique. – Un autre enjeu ou point fort est le passage du « voir et croire » les signes que Jésus donne pour rendre l’œuvre de Dieu son Père visible, au « croire et manger et boire ». Au bord du lac le Crist Ressuscité donnera à voir et à manger à ses disciples et manger lui-même pour souligner également son incarnation, son humanité. – De même que nous sommes « condamnés à la Résurrection », de même nous sommes invités à vivre sa vie de croyant, aujourd’hui, là où nous vivons, avec tout le terreau de notre foi, elle aussi incarnée. Autres lectures : – Esaïe25, 6-9 Véritable Psaume de reconnaissance :

  • Peut-être lu pour la Proclamation en début de Culte,
  • ou pour la Louange.

– Luc 10,38-42 Récit de Marthe et Marie : Le repas ou Jésus ?

  • Pour la Confession des pêchés : ne pas s’enfermer dans le « il faut », « je dois », des obligations ou rites, en suivant le tiraillement de Marthe …
  • Pour l’Annonce de la Grâce : être à sa place, à la bonne place, en suivant Marie …

– Deutéronome 8,3 L’homme ne vivra pas de pain seulement … soit lu, soit chanté. – Pour l’Intercession prendre un Notre Père « actualisé » qui remplace ou complète la demande du pain. Par exemple :

  • Liturgie Jaune de l’ERF, Choix de textes 13.
  • Livre de Prières, Société Luthérienne, Ed Olivétan 2008, Pages 206 et 256.
  • Cent Prières possibles, André Dumas. Ed Cana 1982, page 23.

µ Note pour le prédicateur / lecteur : – il est toujours recommandé de personnaliser et retravailler la prédication- donc de remplacer « le croyant » par « je », ou par « nous » et faire l’accord des verbes et tournures de phrases- Que le Seigneur te donne la joie, le plaisir, l’audace d’annoncer et prêcher Sa Parole. Ne t’inquiètes pas, il est avec toi – lui l’Emmanuel – dans cette Mission !

Prédication

Accrochage : Il y a plus de 40 ans, en Ardèche. En plus de quelques dégradations dans le Temple, des jeunes s’étaient amusés à noter des inscriptions sur la grosse Bible ouverte et bien en vue sur la table de communion. L’une d’elles concernait ce texte. Ils avaient écrit le mot « cannibales » ! Une fois passés le désagrément et le souci de nettoyer la Bible couverte de phrases mal écrites et indélébiles, mais aussi d’éviter une condamnation des jeunes, le mot faisait son chemin. Leur remarque rejoignait celle des Juifs et des disciples dans le double « comment » du texte. Dans certains peuples, le cannibalisme était un rituel servant à prendre la puissance du défunt. Osons la question : cherchons-nous à absorber une puissance, une énergie, une capacité à vivre du Christ en mangeant sa chair et son sang ? Je vous propose 3 Bouchées de Pains : – Le pain de la Cène – Le pain vivant venu du ciel – Le pain de l’homme Jésus Le pain de la Cène : En lisant à la lettre ce que dit le passage : tous les chrétiens sont des cannibales ! Remarque déplacée, choquante, exagérée, inaudible. Pourtant, il souligne bien la particularité de la Cène : manger. Cela revêt un aspect dur, exigeant, réaliste de la manducation pour avoir la vie éternelle. Les Juifs présents entendent et se demandent qui est celui qui ose parler et exiger cela des croyants. C’est vrai : un homme du village de Nazareth et non de Jérusalem, envoyé en mission par Dieu afin de rendre visible ce Père invisible. Ce Père qui lui a donné vie et qui Lui-même est chargé de la donner. Pour autant, faut-il vraiment cela pour obtenir la Vie ? Faut-il vraiment « mastiquer » (sens du verbe manger utilisé ici) ce pain ? Il s’agit d’une image qui n’est pas neutre. Elle fait allusion et en contre point, au fait de « manger la manne » pour vivre chaque jour dans le désert après la sortie d’Égypte, ou au pain bon que nous avons mangé avec délice tout à l’heure. Ni l’un, ni l’autre ne nous assurent de recevoir la vie éternelle, ils ne sont pas les gages de notre sur Vie ! L’image du pain est d’autant plus forte qu’il est à la base de notre alimentation, voire un élément essentiel à notre vie corporelle. En prenant la Cène, le croyant – c’est-à-dire celui qui « Reconnaît en Jésus-Christ le Seigneur » – mastique et boit. Il montre ainsi qu’il a part à ce qui le nourrit et lui donne la force, et cela au plus profond de lui, au cœur de son être, pour continuer son chemin de vie, en laissant le Christ Vivant agir en lui. Communiant ainsi, le croyant rend témoignage à la Vie véritable : Celle donnée pour toujours. Le pain vivant venu du ciel : La lecture de ce texte est bien sûr différente en fonction de la civilisation à laquelle le lecteur appartient, entre autres celles où le pain n’existe pas. Dans la culture occidentale, le pain est synonyme de nourriture, de vie, de survie comme le dit le légendaire « du pain sec et de l’eau ». Pain lié à la survie exprimée par de nombreuses expressions telles : « il faut bien gagner son pain, sa croûte », « avoir du pain sur la planche », « ne pas manger de ce pain là », et bien d’autres encore. Dans le village de Foussais (85) entre 1946 et 1963, la camionnette du boulanger qui faisait la tournée, portait l’inscription : « Mangez du pain, vous vivrez bien ». Toutes soulignent l’importance du pain comme source indirecte de vie, mais aussi ce qui est bon ou ne l’est pas pour nous. Certains interprètent la demande du Notre Père en remplaçant par exemple le pain par le travail, l’eau, la santé, le vêtement, le logement, l’amour, la dignité ; autant d’éléments indispensables à notre épanouissement, notre survie, notre Vie ou celle de ceux et celles pour lesquels nous intercédons. Notons au passage ce même souci repris dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le rappel de la manne mangée dans le désert par les ancêtres, « vos pères », a bien pour effet de souligner qu’ils sont tous morts, même s’ils ont criés avec force pour l’obtenir et en manger. D’ailleurs quelques un se sont même risqués à en ramasser plus. En vain, son efficacité était de courte durée. Pourtant ce pain était comme descendu du ciel : bénédiction divine. Manger de ce pain-là n’empêchait pas la mort comme étant la fin de tout. Notre bon pain, demain sera dur, rassis et bien moins désirable ! Jésus-Christ rappelle que la vie véritable passe par Lui. André Dumas écrivait dans l’une des 100 prières possibles : « Tu es le Dieu du pain quotidien, du pain nécessaire et du pain suffisant. Écoute la réalité de nos besoins, pour que nous écoutions la suffisance de ta grâce ». La spécificité de l’affirmation de Jésus est qu’elle engage corporellement le croyant et actualise le symbole du pain dans une action concrète. Il devient signe visible de ce don de la Vie. Pour éviter toute dérive vers un transit abdominal absurde, Jésus change de registre. Il passe de manger à demeurer (terme fréquent dans Jean). Ainsi celui qui mange / communie demeure en Lui. Il n’absorbe pas le Père ! Mais reçoit sa vie de Lui. Il s’agit d’union identique à celle du Père et du Fils descendu du ciel. Le pain de l’homme Jésus : Nous avons commencé le Culte en mangeant un morceau de bon pain, pour nous inviter à en reprendre, comme si Jésus lui-même nous invitait sans cesse à revenir à Lui, s’imprégner, se nourrir de sa Parole certes, mais aussi de son pain. À l’approche de l’été la publicité pour des produits « minceur » est abondante : manger moins et mieux, avaler des produits « miracles », etc. … comme si au bout du compte cela durerait éternellement ; alors que c’est juste pour le temps de la plage ! La Vie éternelle est liée, nous l’avons vu, à la manducation du pain. Pain fragile comme le Christ dans sa condition humaine tournée en totalité au service de l’autre. Le croyant peut alors Le suivre, avec confiance, dans le service de l’autre. À ce stade là de la réflexion, Jésus nous donne d’avoir part à son incarnation. Il nous fait passer de celui qui « croit seulement » à celui qui est témoin participant, agissant ; qui partage l’incarnation offerte à force de manger, mastiquer, croquer comme on croque la vie à pleines dents. Rassurons-nous, c’est sans limite, sans danger, aucun risque de surcharge spirituelle, d’overdose. Il ne s’agit pas de devenir des êtres spirituels désincarnés, de s’extraire du monde pour se nourrir et vivre uniquement de la Parole, tentation qui dure depuis des millénaires. Mais « manger sans fin » en ayant toujours « faim et soif » de sa Parole, faim et soif du sens que Lui seul Jésus donne à notre vie. Souvenons-nous d’Ézéchiel (Ez 3, 1-3) : « Celui qui me parlait dit : Toi, l’homme, mange ce rouleau qui t’est présenté, puis va parler aux Israélites. J’ouvris la bouche et il me fit manger le rouleau. Il ajouta : Toi, l’homme, remplis ton ventre et nourris ton corps avec ce rouleau que je te donne. Je le mangeai donc et, dans ma bouche, il eut un goût aussi doux que le miel ». Jésus nous donne de croire à ces paroles et gestes qu’il accomplit, afin d’y avoir part ! J’ai envie de dire « bon appétit », comme l’Évangile (Mt 2, 5-12) dit : « Heureux celui qui … » ou le Psalmiste (Ps 1, 1-3) déjà disait : « Heureux l’homme qui médite sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un cours d’eau qui donne son fruit en son temps. Amen !