Textes : Ézéchiel 32, v. 17 à 32 Ps 34, v. 10 à 15 Proverbes 9, v. 1 à 6 Éphésiens 5, v. 15 à 20 Jean 6, v. 51 à 58Pasteur Éric GeorgesTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Traduction« Moi, je suis le Pain vivant qui est descendu du ciel ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pour l’éternité, et le pain que moi je donnerai c’est ma chair pour la vie du monde. Sur quoi, les juifs se mirent à disputer entre eux en disant : « Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ? »Jésus leur dit donc « Amen, amen, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mâche ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai le dernier jour. En effet, ma chair est vraie nourriture, et mon sang est vraie boisson. Celui qui mâche ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Comme le Père vivant m’a envoyé, et comme je vis par le Père, celui qui me mâche vivra par moi. Le pain descendu du ciel n’est pas comme celui qu’ont mangé vos pères et ils sont morts. Celui qui mâche ce pain vivra pour l’éternité. »Sainte Cène non pascaleLa première chose qui frappe lors de ce récit c’est que Jean place ce qui semble bien être une explication théologique de la Sainte Cène en dehors de tout contexte pascal. Le fait est d’autant plus troublant que lors du dernier repas, qui n’est pas, dans l’évangile selon Jean, un repas pascal, Jean ne fera aucune allusion à la communion mais racontera le lavement des pieds.Il n’est pas envisageable que la communauté johannique n’ait pas eu connaissance de la tradition de la communion, il est donc impensable de dissocier ce texte de la Cène. De fait, en séparant la déclaration « Je suis le pain de vie » du dernier repas, l’évangéliste nous donne une indication précieuse : l’affirmation de la Cène n’est pas « ce pain est Jésus Christ » mais bien « Jésus Christ est notre pain », la question n’est donc pas « comment du pain peut-il être le corps du Christ » mais « comment Christ peut-il nous nourrir » ? Comment peut-il ? L’autorité de JésusD’ailleurs, la question des juifs ne porte sur l’identification de Jésus au pain : « comment peut-il dire qu’il est descendu du ciel ? » et « Comment peut-il donner sa chair à manger ? »Cette question porte sur le pouvoir de Jésus. : « Comment peut-il ? » et elle fait écho à une première question posée quelques versets auparavant (Jean 6, 42) « comment peut-il dire qu’il est descendu du ciel ? » Nous connaissons bien son père et sa mère. À cette première question qui était celle de l’origine de Jésus, la réponse de Jésus était claire : ce n’est pas par déduction, en reposant sur un savoir humain, que l’on peut identifier Jésus comme le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient de Dieu. « Nul ne peut venir à moi si le père qui m’a envoyé ne l’attire ». La foi ne peut naître que de l’appel de Dieu.Manger sa chair, boire son sang.La seconde question « Comment peut-il donner sa chair à manger ? » peut sembler risible : comme si les auditeurs de Jésus n’avaient pas été capables de comprendre une image et avaient perçu son appel comme un appel à l’anthropophagie. Pourtant, au-delà de l’ironie, avec ce scandale, Jean souligne bien les deux éléments qui toujours scandaliseront l’humain dans le message évangélique de la grâce : le Dieu broyé et surtout l’anéantissement de l’initiative humaine. En effet, le judaïsme saisit très bien toute l’ambiguïté de l’acte de manger : celui qui est mangé est la victime de celui qui mange mais celui qui mange devient celui qu’il mange. Une des règles alimentaires juives consiste à ne pas manger sa victime avec sa vie, c’est à dire son sang, c’est un rappel fort de l’idée que manger, c’est détruire. Or, en associant le fait de boire son sang à celui de manger sa chair, Jésus va insister sur la dimension de victime. Insistance poussée encore par le passage du verbe fagw « manger » au verbe trwgw, « mâcher », « dévorer ». Il y a là, bien sûr, une évocation de la croix : dans l’Évangile selon Jean c’est sur la croix que Jésus est élevé, c’est dans sa mort qu’il accomplit son but : le salut de l’humanité.Mais Jean fait aussi référence à l’identification de celui qui mange à ce qu’il mange. Là encore, les prescriptions alimentaires du judaïsme témoignent de ce sentiment : celui qui mange de l’impur devient impur. Avec Jésus, c’est le contraire qui se passe : celui qui mange le pur devient pur, celui qui se nourrit de Jésus a la vie éternelle. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui »Mais comment se nourrir de Jésus ? Il ne s’agit pas ici de participer à la Cène ni même de suivre un certain code de conduite.En fait, cet enseignement de Jésus ne se veut pas un code de conduite mais bien une promesse : Quiconque croit en Jésus Christ a reçu cette foi du Père et, avec cette foi, il a reçu la vraie nourriture qui fait vivre éternellement. Ce n’est pas en nous, en nos œuvres que se trouve notre vie (cela signifierait revenir à la loi ou à la manne qui demandait une participation humaine : or ceux qui ont mangé la manne ont fini par mourir (v.58), mais dans ce don que nous avons reçu. Comme le Père vivant m’a envoyé et comme je vis par le Père, celui qui me mâche vivra aussi par moi.La question n’est pas de savoir comment vivre pour se nourrir de Jésus Christ mais de savoir que, puisque Jésus nous nourrit, nous pouvons vivre de sa vie qui est la seule véritable. Autre piste de prédication possible : l’accomplissement en Jésus des promesses de la Première Alliance. Le « plus jamais » est une constante dans l’évangile selon Jean : « Avec ce pain vous ne mourrez plus », « celui qui boit cette eau n’aura plus jamais soif », « tout est accompli ».

Prédication

Genèse IX, 1 à 7 Galates II, 16 à 21 Jean VI, 51 à 58 Entre la diététique et le bio, entre les régimes d’été et la nourriture saine, l’anorexie et la boulimie, la nourriture redevient une préoccupation majeure de notre société pourtant bien alimentée. Alors que pour d’autres populations la question fondamentale est « aurons-nous de quoi manger ? », notre question est « que mangerons-nous ? » ou « que mangeons-nous ? » Mais en fait, cette question n’est pas neuve. Au-delà du besoin de manger, la nourriture a toujours exercé une grande fascination pour l’homme comme en témoignent les règles alimentaires que l’on trouve dans toutes les religions. C’est bien à cette fascination que Jésus s’adresse quand il utilise cette image qui choque bien au-delà du judaïsme « celui qui mange ma chair et boit mon sang » Ce matin, nous ne parlerons pas de la Cène. En effet, en dissociant l’enseignement sur le pain de vie du repas pascal, Jean nous montre que la question n’est pas de savoir si et comment le pain et le vin deviennent corps et sang de Jésus Christ. La question n’est pas non plus de savoir comment nous mangeons Jésus mais bien de comprendre que Jésus est notre nourriture. Et pour cela, nous nous pencherons sur 3 aspects de la nourriture : se nourrir, c’est recevoir, c’est détruire, c’est assimiler. Se nourrir, c’est d’abord absorber quelque chose qui vient de l’extérieur. C’est un fait : nul ne se nourrit de lui-même. Nous ne fonctionnons pas comme une dynamo, alimentés par l’énergie que nous produisons nous-mêmes. Notre besoin de nourriture, au sens large, c’est peut-être la première chose qui nous fait renoncer à l’autarcie. Parce que je dois manger, boire, respirer, je suis obligé de sortir de moi-même, je dois renoncer à me recroqueviller autour de mon nombril. L’extérieur non seulement m’est utile mais il m’est nécessaire. Pour que Jésus soit bien notre nourriture, il faut qu’il vienne de l’extérieur, qu’il ne soit pas issu de nous-mêmes. Or, justement dans cet enseignement sur le pain de vie, Jésus insiste lourdement sur son origine : « Je suis le pain vivant descendu du ciel », l’origine céleste du pain déjà affirmée quelques versets plus haut est répétée par deux fois. Et Jésus insiste encore « le Père m’a envoyé ». Jésus est bien notre nourriture parce qu’il n’émane pas de nous-mêmes mais qu’il nous est donné. Ce n’est pas en nous que nous avons à chercher notre vie, mais c’est de lui que nous la recevons. C’est peut-être le premier scandale : nous ne sommes pas autonomes, nous ne puisons pas notre vie en nous-mêmes, dans nos mérites, dans nos forces mais nous la recevons d’un autre. Deuxième réalité de la nourriture : nous détruisons ce que nous mangeons. Même si nous nous contentions du régime des cavaliers tartares en chevauchée qui, dit-on, se contentaient de blesser légèrement leur cheval à l’encolure pour boire un peu de son sang, cela ne changerait rien : ce que nous mangeons, ce que nous absorbons est détruit. Nous savons bien que nous devons tuer pour vivre. Une des règles alimentaires du judaïsme trouve d’ailleurs son origine dans cela. « Tu ne mangeras pas un animal avec son sang, c’est à dire avec sa vie ». Cette règle vient rappeler que malgré cette nécessité de tuer pour manger, nous ne sommes pas propriétaires des vies desquelles nous nous nourrissons. En s’abstenant du sang, les juifs refusent de réduire l’animal qu’ils mangent au steak qui est dans leur assiette. Or, Jésus ne se contente pas d’affirmer qu’il est le pain de vie, l’image serait relativement douce : il est question de manger – et même de mâcher, suivant son propre terme – sa chair et de boire son sang. Bien sûr, sauf à vouloir tourner le christianisme en dérision, personne n’irait prendre cela comme un appel à l’anthropophagie et les disciples ne se sont pas jetés sur Jésus pour le dévorer. Mais l’image n’en est pas moins radicale. Le don de Jésus est un don complet. Pour que Jésus soit vraiment notre nourriture, il faut qu’il soit détruit. Et c’est sur la croix qu’il s’offre à nous, et qu’il se donne totalement ! Ici, pas question de s’abstenir du sang pour se rappeler que nous ne sommes pas possesseurs de cette vie. Si, cette vie nous est donnée. Il convient de bien rappeler que Jean souligne suffisamment largement l’identité du Père et du Fils pour que nous comprenions qu’il ne réclame pas une victime innocente mais nous invite à nous nourrir de sa propre vie.C’est là le deuxième scandale : en Jésus Christ, notre Dieu nous nourrit de lui-même, au prix de sa vie. Troisième réalité de la nourriture : nous assimilons ce que nous mangeons. Mais cette assimilation se fait dans les deux sens, nous devenons ce que nous mangeons. Bien sûr le végétarien ne devient pas végétal et à part dans Charlie et la chocolaterie, nul n’a encore jamais rencontré de gourmand fait de confiseries. Mais nous savons bien que ce que nous absorbons a des effets considérables sur notre organisme. Et on n’a pas attendu la médecine moderne pour s’en apercevoir, c’est ce qu’affirmait déjà, à sa manière, la loi de Moïse dans ses prescriptions alimentaires : manger un animal impur, c’est se rendre impur. Eh bien Jésus tourne ce risque en promesse : manger le pain vivant qui vit par le Père, lui-même étant LE vivant, c’est vivre à son tour. Pour que Jésus soit vraiment notre nourriture, il faut qu’il nous transforme. Or, nourris de lui, nous sortons de notre mort, c’est-à-dire de notre rébellion contre Dieu, de notre volonté d’être Dieu et nous entrons dans sa vie qui est obéissance. « Ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi », écrit l’apôtre Paul. Et c’est là la vie éternelle que nous recevons du Christ. Non pas seulement la promesse d’une résurrection à l’heure dernière mais, dès à présent, une victoire contre toutes les formes de la mort. Christ vit en nous et c’est par lui que nous vivons. Christ vit en nous et c’est par lui que nous croyons. Christ vit en nous et c’est par lui que nous espérons. Christ vit en nous et c’est par lui que nous aimons.Ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi. C’est bien la le troisième scandale : nourri de Jésus Christ, je perds ma précieuse indépendance, j’accepte qu’un autre soit mon maître, mon Seigneur.Frères et sœurs, ces trois scandales forment une promesse : nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes, dépendants de nos pauvres forces : nous vivons de l’amour de Dieu, un amour si grand qu’il a tout donné pour nous, qu’il s’est donné lui-même, un amour si fort qu’il nous transforme à son image. Frères et sœurs, ce pain qui nous nourrit, c’est Jésus, le Christ : c’est par lui que dès à présent nous vivons. Alors ne vivons pas de notre mort, de notre néant, de nos refus, mais vivons pleinement de son « oui ».