Textes : Lévitique 13, v. 47 à 59 Psaume 41 Ésaïe 43, v. 18 à 25 2 Corinthiens 1, v. 18 à 22 Mc 2, v. 1 à 12Pasteur Hugues LehnebachTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Les controverses : Ce récit inaugure une série de débats, de controverses entre Jésus et les cadres religieux du judaïsme de Galilée. Elles reflètent sans doute le climat des relations qui existaient entre les Chrétiens et les autorités juives dans l’église primitive. Marc signale d’autres échanges de ce type : Mc 2, 15-16a ; 2, 18 a ; 2, 23 ; 3, 1-3 ; 11, 27 ; 12, 13 ; 12, 18a ; 12, 28a . Y a-t-il eu transformation d’un récit initial en controverse ? C’est ce qu’avance E. Trocmé. A la première mise en forme du récit il s’agissait simplement d’hommes pieux défavorables à Jésus. Plus tard le narrateur aurait remplacé les hommes pieux par des lettrés. S. Legasse met en évidence le plan des controverses : A- guérison d’un Paralytique (2, 1-12 )A’- Guérison de l’homme à la main sèche ( 3, 1-6 )B- Repas avec les Pêcheurs (2, 13-17 )B’- Les épis arrachés le jour du sabbat ( 2, 23-28)C – Débat sur le jeûne ( 2, 18-22 ) Le tout s’achève sur le complot qui annonce la passion : A et A’ commencent par l’entrée de Jésus à Capharnaüm, B et B’ correspondent au dernier repas de Jésus ( opposition des disciples de Jean Baptiste qui jeûnent aux disciples de Jésus qui ne jeûnent pas ). Ainsi toute l’intention de l’évangile de Marc aboutissant au constat du centurion devant la croix « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu » ( Mc 15, 39 ) serait contenu de façon sous jacente à ces controverses. Des exégètes pensent que la relation de ces controverses a été utilisée à l’intérieur des communautés primitives pour prendre ses distances vis à vis des positions judéo – chrétiennes. A noter que Cuvillier émet ici des réserves. Le rassemblement devant la maison : La maison mentionnée est sans doute celle de Pierre et André citée en Mc 1, 29, maison qui sert de base opérationnelle à Jésus au début de son ministère. Des fouilles archéologiques permettent de décrire le type de maison dont il s’agit ici. Elle se limite à un rez-de-chaussée. Le toit devait être fait de boue et de paille soutenu par des traverses de bois Il était donc facile d’y faire un trou. La découverte de petits escaliers à paliers dans de nombreuses cours de maisons à Capharnaüm permet de se représenter l’action des porteurs à partir du toit. La nouvelle de la présence de Jésus dans la ville a déclenché un rassemblement massif. Jésus profite de l’occasion pour instruire la foule. Mc2, 2 « Il leur annonçait la Parole ». C’est ce que feront plus tard les disciples suivant en cela l’exemple donné par Jésus. Les imprévus du récit : Jésus ne va pas vers les gens. Ce sont les gens qui se rassemblent. On ne sait pas bien ce qu’ils cherchent. Jésus les enseigne mais on ne sait pas ce qu’il leur dit. Des porteurs surviennent et imposent la présence du paralytique. Jésus remet ses péchés à cet homme qui ne demandait rien. Pourquoi les scribes sont-ils là ? On ne sait. Pas plus que nous connaissons leurs réactions en conclusion. Ces imprévus nous incitent à aller chercher ce qui lie pourtant le tout : les effets de la puissance de la prédication de Jésus. La démarche des porteurs : Elle démontre leur détermination, leur énergie. C’est comme cela que Jésus l’interprète. Il considère que leur capacité à renverser les barrières est bien significative de leur foi. A noter que c’est le seul épisode de l’évangile où la foi des autres est reconnue comme étant au bénéfice de quelqu’un ( Cuvillier). Le pardon : Jésus s’arroge le droit de pardonner aux hommes leur péché. Aux yeux des théologiens juifs seul Dieu a cette prérogative ( Ex. 34, 6-7 ; Is.43, 25 ; 44, 22 ) Conséquence : pour eux Jésus blasphème. Mais Jésus ne leur laisse pas le temps de répondre. Il enchaîne pour donner sens au miracle : le Fils de l’Homme a le pouvoir de remettre les péchés. Ce sera le motif de la Passion pour déclarer Jésus passible de la peine de mort ( Mc 14, 64). C’est, dit E. Trocmé, le pouvoir de guérir qui atteste ici le pouvoir de pardonner. Attitude du paralytique : Il obéit à la parole autoritaire de Jésus : « je te le dis , lève-toi ». L’ordre est exécuté immédiatement. L’homme se met debout, prend sa civière et sort. « devant tout le monde ». Son rôle est terminé. « Tous sont stupéfaits ». Il n’est plus dépendant, ni lié à son brancard. Il n’est pas davantage dépendant de son bienfaiteur ( remarque de Focant ). Jésus a ouvert des espaces clos comme la maison encombrée, au profit d’une restauration de la communication et de la circulation de la parole. Le Fils de l’Homme ( d’après Focant) : Le titre Fils de l’Homme est utilisé 82 fois dans les évangiles. Ce titre n’y est jamais expliqué. – Dans l’A. T ; la formule désigne un homme ( ex. Ps. 8, 5 )De même dans Ézéchiel interpellé 94 fois par la même formule, ce qui marque sa solidarité avec les hommes. – Au deuxième siècle avant Jésus Christ, au livre de Daniel, le sens de la formule change pour devenir apocalyptique (Dan. 7, 13-14 ; 14.18 ) « Avec les nuées du ciel comme un Fils d’Homme surgit…avec un pouvoir éternel donné aux saints du Très Haut ».L’image personnalise-t-elle alors une collectivité ? – L’apocalyptique juive a interprété Dn 7, 13 dans un sens individuel et non plus collectif. Le Fils de l’Homme devient la figure du rédempteur et du juge de la fin des temps (1 Hen 45, 1-4, 48,2 ; 62, 5.7.9.14 ). On ne sait si cette apocalyptique juive était connue du temps de Jésus. – Dans les synoptiques on parle du Fils de l’Homme de trois façons : soit sa passion, sa mort, sa résurrection (Mt. 8, Mc 9, Lc 7 ), soit sa vie terrestre ( Mt.9, Mc 2, Lc 7) , soit le retour du Fils de l’Homme ( Mt. 13 , Mc 3 , Lc 11 ). Selon certains exégètes Jésus aurait partagé avec la tradition de Dn 7, 13-14 l’attente de la venue du Fils de l’Homme à la fin des temps. Les logia les plus authentiques seraient ceux où Jésus se distingue de la figure du Fils de l’homme, notamment Mc 8, 38. En effet la tendance de la tradition chrétienne ultérieure a été d’identifier Jésus avec le fils de l’homme à venir, puis d’utiliser le titre plus largement pour divers aspects de la vie de Jésus. Bref , Jésus a utilisé le titre de « Fils de l’homme » mais nous ne savons pas clairement en quel sens. Retenons que chez Marc le thème dominant utilisé avec ce titre est celui de la souffrance et de la résurrection du Fils de l’homme en la personne de Jésus. Par le recours à cette christologie énigmatique du Fils de l’homme Marc élargit le thème du secret à la tradition de la mort et de la résurrection de Jésus. Fils de Dieu incognito, Jésus est aussi le Fils de l’homme apocalyptique mais qui souffre et meurt. E. Trocmé considère qu’il s’agit d’une autorité qui s’exerce dès maintenant parmi les hommes. La foi : « Jésus voyant leur foi ». C’est la seule occasion où Jésus voit la foi de quelqu’un. Mais que signifie croire ? Le contexte dit Valette ne permet pas de le savoir. La foi est-elle quelque chose qui se voit ? qui consiste à trouer le toit ? A noter que les témoins directs de l’événement ne savent rien de la croix, de la résurrection, de l’évangile. Sauf une chose : Jésus porte en lui une puissance divine qui sauve et guérit. Mais la foi est-elle seulement confiance en une puissance , en ce que l’homme désire ? Non ! La vraie foi se manifeste à ce qu’elle croit et non seulement à la force ave laquelle elle croit. Ceux qui croient en la vérité de sa Parole permettent que la foi se voit à travers eux. Jésus a vu la foi des amis du paralytique. Elle est ici attente d’un secours. ( Comme en Lc 18, 8 ; Mt. 13 , 58 Mc 6, 6) La foi est une démarche : Des hommes vont vers Jésus venu vers eux. Place de la foi dans la guérison ( Valette ) : Elle n’est pas une condition sine qua non de la guérison mais elle est souvent présente et s’exprime par un détail ( « Elle les servit », Mc 1, 31 ; un geste : Mc 5, 27-28 ; une action : ici même dans Mc 12, 1-12 ). Mieux vaut éviter l’expression « guérison par la foi ». La foi en effet n’est pas le prix de la guérison, ni de son moyen, ni de sa condition. Elle est l’accord profond du malade ou de son entourage avec celui qui guérit, avec celui qui peut donner plus que la guérison. C’est Jésus qui sauve. Ce n’est pas la foi. La guérison est avant tout rétablissement d’une relation. La foi est dans l’évangile liée à la guérison parce qu’il est inconcevable pour Jésus de guérir les hommes sans guérir la maladie qui est absence de Dieu. Pistes pour la prédication Introduction : Ce texte fonctionne comme une parabole, comme une illustration extraordinaire de ce qu’est l’annonce de l’évangile qui est écoute, parole et action. Jésus est interrompu en pleine conférence devant un public attentif. Il s’adapte instantanément à la situation insolite qu’on lui impose : un homme descend du plafond, paralysé, muet. Jésus n’a pas besoin de l’entendre parler pour savoir ce qu’il demande. Jésus, après avoir « écouté », va répondre à l’attente désespérée en lui apportant la paix, en lui annonçant l’amour de Dieu pour lui. Mais son propos n’est pas réduit à un effet d’annonce. Il passe à l’action et guérit l’homme dans sa chair. L’annonce de l’évangile se concrétise par une action diaconale. Puis Jésus interpelle les scribes. L’évangile devient proclamation qui met les contradicteurs en face de leurs contradictions. Ainsi la proclamation de l’évangile est ce qui rend ce récit parfaitement cohérent malgré les imprévus remarqués à première lecture. ( C’est dans la lecture de l’excellent opuscule de L. Schlumberger Sur le seuil – Olivetan – que j’ai trouvé la source de la cohérence du récit ). – I – Croire… « Jésus voyant leur foi… » Qu’est-ce que croire ? Ce récit est l’occasion offerte de nous interroger sur ce que cela signifie. Comment croire au miracle de la guérison, au miracle de la rencontre avec Jésus. Mais qu’est ce que Jésus a vu ? Il a vu des hommes déterminés agir de façon solidaire en faveur d’un homme dépendant. Ils agissaient ainsi parce qu’ils espéraient que Jésus allait le guérir. Nous aussi nous voulons croire, nous voulons faire le pari de la victoire sur le désespoir et sur la mort sous toutes ses formes, la victoire de la paix, de la libération de ce qui rend l’homme esclave. Croire ne signifie pas que la foi du charbonnier est ce qui déclenche le miracle. Est-ce la force avec laquelle nous sommes certains que le miracle va se produire et que cela déclenchera l’impossible qui importe? Ce serait là pratique de magie. La foi n’a pas grand chose à voir avec cela. La vraie foi se manifeste par ce qu’elle croit. L’enfant qui croit avoir manqué de foi parce qu’il a eu une mauvaise note malgré la prière qu’il avait adressée à Dieu pour ne pas être interrogé se trompe. Il se dit : « je n’y ai pas assez cru ». Il avait fait appel à un Dieu tout puissant susceptible de lui accorder sa toute puissance, palliant ainsi sa faiblesse. La foi n’est pas le moyen, la condition de la guérison, le prix payé par les porteurs du paralytique. Les porteurs croyaient simplement en la puissance de la Parole de Jésus. Ils étaient tout simplement dans l’attente d’un secours. Ils s’étaient engagés dans une démarche et faisaient l’effort urgent que Jésus rendait possible par sa présence. Leur foi avait mis ces hommes en mouvement vers celui qui était allé vers eux. Ce n’est donc pas la foi qui sauve. C’est Jésus. La foi que Jésus a vue est celle des amis du paralytique et celle de ce dernier qui a souhaité que ce projet d’aller à la rencontre de Jésus se réalise. La foi dans ce récit est l’accord profond entre le malade et son entourage avec celui qui guérit. La guérison ne se limite pas à la guérison physique. Elle est rétablissement d’une relation avec Dieu, des hommes entre eux et de l’homme atteint avec lui même. La foi n’est pas davantage adhésion à un contenu.Cette question survient quand on s’arrête à la réaction des scribes qui s’interrogent. Jésus a-t-il ou non le droit de dire ce qu’il dit ? De pardonner les péchés par exemple ? Ils s’arrêtent donc sur l’enseignement, sur le contenu du discours. Nous faisons de même quand nous nous interrogeons sur le contenu d’une confession de foi par exemple; Dans le souci d’adhérer intellectuellement à un discours plausible nous confondons foi et croyance en une certitude, en la clarification de l’ objet d’un savoir, à l’adhésion à une formulation , à un enseignement. Faut-il « croire » aux quarante jours du jeûne de Jésus au désert ? à la transfiguration ? à l’Ascension, à la Résurrection ? Nous faut-il de cette manière chercher des bonnes raisons de croire ? Les mots ne sont pas à prendre au premier degré. Ils décrivent un fait dont le sens profond dont la réalité n’est sensible qu’à la foi . Nous perdrions alors beaucoup de temps à chercher et à développer des arguties fonctionnant comme des preuves. C’est sur ce dangereux chemin que se sont engagés certains frères qui mettent en question l’évolutionnisme et l’apport scientifique de Darwin pour « ne pas perdre la foi » comme ils disent. Dès lors si c’est bien Dieu lui-même qui a conduit la main du rédacteur du livre de la Genèse, le monde a bien été fait en 6 jours. Les porteurs du paralytique ne confondaient pas croyance et foi.Contrairement à ce que pensent les scribes, le pardon accordé au paralytique est un acte de puissance et non pas seulement une parole. Et le miracle est une prédication. Tout comme la prédication est miracle car elle met un homme debout , dans sa personne toute entière. « Je te le dis. Lève-toi ». Et l’homme se lève, prend son brancard et franchit la porte. Libéré. Sans un mot il a été l’acteur des effets d’une Parole. Son rôle est maintenant terminé. Le public présent dans la maison est, lui, témoin de cette puissance. Ils ne séparent pas la parole prononcée, le contenu du discours, de la personne de Jésus lui-même. Ils ont eu foi en cette Parole.

Guérison par la foi ?

Quelle est la place de la foi dans cette guérison ? Il convient d’être prudent quand on parle de guérison par la foi. En effet nous pourrions avoir tendance à ne prendre en compte que l’acte du thaumaturge qui miraculeusement rétablit l’homme dans son intégrité physique. Et cela seulement. Notons que la foi n’est pas toujours mentionnée dans les récits de guérisons. L’homme à la main paralysée, ( Mc3, 1-6 ), le sourd-muet ( 7, 31-37 ) l’aveugle de Bethsaïda ( 8, 22-26 ) par exemple. Si elle n’est pas explicitement mentionnée, elle est présente de façon implicite ou traduite par un détail. Les guérisseurs au temps de Jésus étaient nombreux. Toutefois les miracles de Jésus sont différents des autres miracles de guérisons en ce qu’ils s’attaquent à la totalité du drame vécu par le malade ou l’infirme concerné. Le miracle de Jésus est ce qui concrétise une Parole qui rétablit l’homme dans la totalité de sa personne. La maladie est signe de l’absence de Dieu. Aussi quand Jésus guérit l’homme, il ne guérit pas seulement la maladie mais il rétablit cette présence de Dieu. Il s’attaque à la totalité du mal. Il ne rétablit pas seulement la santé du malade mais sa relation avec Dieu, avec les autres et avec lui-même. C’est pourquoi il annonce le pardon en même temps qu’il guérit. La foi c’est cette confiance qui a permis aux acteurs de ce récit, les porteurs et le paralytique lui-même, d’avancer sans savoir commet ils parviendraient à franchir les obstacles : la foule, le service d’ordre s’il y en avait un, le toit . A tout moment un rien pouvait tout arrêter. La rencontre avec Jésus c’était l’autre rive vers laquelle ils allaient. Leur foi n’était étayée d’aucun argument logique, d’aucune démonstration intellectuelle. A priori la foi n’est pas quelque chose que l’on peut justifier par la raison. Leur foi était une ferme assurance d’être portés, protégés, sauvés. La foi qui les habitait n’en restait pas à l’état d’un sentiment de plénitude, de bien-être. Elle les mettait en marche pour agir en restant solidaires de l’un d’eux en souffrance. La foi porte vers l’engagement . – II –

Péché et culpabilité

Jésus dit explicitement à cet homme : « tes péchés sont pardonnés ». Jésus a toujours récusé l’idée qu’il y avait un lien direct entre la maladie d’une personne et son péché. La maladie n’est qu’un signe du péché présent dans le monde. Il est vrai que dans l’A. T. l’idée du péché cause de la maladie est souvent mentionnée. C’est la question lancinante posée à Job par ses amis. On se souvient combien ils le conjurent de reconnaître sa faute car, pensent-ils, s’il en est là avec ses ulcères et ses malheurs, c’est bien parce qu’il a péché. Si ce n’est lui même, peut être ses enfants ? ou ses proches dont la faute retombe mystérieusement sur lui ? Cette réaction est toute naturelle. Le petit enfant qui voit son frère qui le taquinait tomber dans l’escalier ne lui crie t-il pas « c’est bien fait ! c’est le bon Dieu qui te punit ! » ? La culpabilité habite en l’homme dès l’enfance. Et nous sommes portés à confondre la culpabilité avec le péché. Cette culpabilité est là depuis toujours. Elle est là dès la petite enfance et naît avec l’agressivité du bambin qui est agressif avec sa mère tant il craint qu’elle ne l’aime plus et l’abandonne. Inconsciemment le petit enfant retourne cette agressivité dont il se sent coupable contre lui-même. Cela se poursuit plus tard quand il en veut à son père, pour lui tout-puissant, de ne pas lui donner cette toute-puissance. Et ce sentiment de culpabilité demeure. L’astuce utilisée pour nous décharger de cette culpabilité est de reporter la faute sur l’autre, sur l’immigré, l’État, le voisin. Ce n’est plus moi qui suis coupable. C’est l’autre. Le péché est tout autre. Le péché , dit l’apôtre Paul, est l’ambition d’être en règle avec la loi.. De gagner son salut par les œuvres. Les païens ont péché sans la loi. Mais c’est une apparence. Les structures sociales leur servaient de loi (Rom. 2, 12, 15 ) . Ils sont dans la même situation que les juifs qui, eux, avaient la loi mais l’ont violée ( Rom. 2, 17 ). Tous sont pécheurs mais tous peuvent être sauvés par la foi ( Rom. 2, 21 ). Le péché signifie non pas la faute morale mais l’incrédulité païenne ou la volonté de se faire « un nom » en obéissant à la loi. Dieu révélé en Jésus Christ n’est pas un Dieu régleur de comptes. La loi montre que l’homme est en état de péché. En cela elle joue un rôle. Elle appelle à une conversion, un changement d’orientation. A nous tourner vers un Dieu qui appelle la personne par son nom à vivre réconcilié avec Lui. La faute éthique est faute contre les hommes. Elle est déficit dans ma relation de moi à moi, de moi aux autres, de moi au monde. Elle est le déclic qui révèle ma séparation d’avec Dieu. Mais si je pense pouvoir accéder à la paix et me réconcilier avec Dieu père imaginaire tout puissant en obéissant sans faute à la loi, je suis me fourvoie. Je suis malade. J’adore un faux Dieu car Il n’est pas une toute puissance qui juge et culpabilise. En allant à la rencontre du Christ, je peux rencontrer un Dieu d’amour qui ne cherche pas à régler des comptes avec moi mais veut me rétablir libéré en pleine possession de ma personne. Vivre la rencontre avec la personne de Jésus, c’est vivre cette libération de la culpabilité. C’est entendre sa Parole, y adhérer et se trouver par sa puissance réconcilié avec soi, les autres et le cosmos. Les scribes sont sur une toute autre longueur d’onde. Dieu seul à leurs yeux est autorisé à pardonner. Si Jésus se permet de dire « ton péché est pardonné », il prend la place de Dieu et blasphème. Et le blasphème est punissable de mort. Si le Fils de l’Homme a autorité pour pardonner les péchés, que penser de l’absolution donnée à celui qui se confesse ? Luther avait insisté sur le fait que le pardon est lié à la foi et non à l’aveu, à la pénitence. Demander pardon c’est en fait se convertir, c’est aller à la rencontre de Jésus dans la foi. Accorder le pardon c’est donc simplement attester, confirmer la réconciliation opérée. Pardonner à celui qui nous a offensé comme il nous est conseillé dans le Notre Père c’est bien rétablir la communication, entre frères, entre lui et moi, et entre Dieu et moi-même. Encore faut-il bien entendu que ce pardon accordé ne le soit pas dans la culpabilité. Ou encore pour culpabiliser celui qui a offensé. N’est-il pas dit au texte du Lévitique 19, 17-18 (plus clair dans la traduction de Chouraqui) : « Ne hais pas ton frère en ton cœur, admoneste, admoneste ton prochain : ne te charge pas de faute pour lui … et tu aimeras ton semblable comme toi-même ». Il n’est donc pas question que la victime prenne la faute sur elle et soit sommée de pardonner.. Pensons à la femme violée, au vieillard frappé et laissé gisant sur le sol. Ils sont innocents et pourtant se sentent coupables. Il lui faut reprendre le prochain, dénoncer le mal dont il ou elle a été la victime Après seulement pourra s’amorcer la démarche du pardon.[1] Annoncer l’évangile c’est témoigner de l’événement survenu dans la vie de ce paralytique. Et la meilleure façon de rendre ce témoignage est d’aller nous-mêmes à la rencontre de Celui dont la parole libère de la culpabilité et … de ce qui nous séparait de Dieu quand nous voulions donner sens à notre vie par nos œuvres, par nous même. Alors comme à chaque fois que notre baptême nous est renouvelé, nous aussi pouvons nous mettre debout et aller, témoignant en paroles et en actes que nous sommes nous aussi réconciliés avec nous même, avec notre frère et avec Dieu. P.S. Nous avons largement puisé dans les apports de Valette et d’Ansaldi. [1] Mary Balmary Le sacrifice interdit, p. 57 et suivantes.