Textes : Lévitique 2, v. 1 à 16 Psaume 40 1 Samuel 3, v. 3 à 16 1 Corinthiens 6, v. 13 à 20 Jean 1, v. 35 à 42 Pasteur Louis HonnayTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Le récit de l’appel de Samuel est un des mieux connu du Premier testament. Pour bien le comprendre, on doit le replacer dans l’ensemble des récits sur Samuel. Préambule : Le récit commence au ch. 1er avec l’histoire de la naissance presque miraculeuse de Samuel. On est au 11ème siècle avant l’ère courante (=chrétienne). Il n’y a pas encore de roi en Israël, c’est encore l’époque des « juges », selon une appellation fautive, puisqu’il s’agit d’hommes qui gouvernent le peuple. Samuel en sera le dernier. On est ici aux alentours de 1040. Pour la première fois, on mentionne le sanctuaire de Silo, à 40 km au nord de Jérusalem, qui n’est pas encore la capitale qu’elle deviendra avec David. Des prêtres font déjà le service au sanctuaire. Apparemment la prêtrise est héréditaire. Plus tard elle sera la fonction des membres de la famille d’Abiatar avant de passer à la famille de Sadoc. On doit comprendre « famille » au sens large, les milliers de prêtres ne descendaient pas tous du même ancêtre. La fonction du prêtre ne consiste pas à servir d’intermédiaire entre Dieu et le peuple, comme c’est le cas dans certaines branches des religions. Le prêtre israélite fait ce que font tous les membres du peuple : il remplit la tâche de tout Israélite : il apporte les offrandes à l’autel, il les présente à Dieu en signe de sanctification (= mise à part) de tout le peuple. Il remplit la fonction de tout Israélite, en quelque sorte au carré. La faute : Le mot « sacrifice » est impropre pour désigner le geste de l’offrande. Une partie de l’animal offert est brûlée sur l’autel. Une autre partie revient aux prêtres, c’est leur nourriture puisqu’ils ne possèdent pas de revenus propres. Une troisième partie – peut-être la plus volumineuse – est consommée par l’offrant. Peut-être en signe d’une sorte de communion ou de communication entre le Seigneur et le peuple. Sur ces prescriptions : voir Lévitique ch. 3-5. On comprend par là quelle est la faute des fils d’Eli (2/12-17). Ils accaparent les meilleurs morceaux et laissent la viande de mauvaise qualité aux offrants. Ce qu’ils ne doivent évidemment pas faire, le prêtre ne doit pas frustrer le peuple. La sanction ne tarde pas. Dieu annonce par Samuel (3/11-14) la fin de la lignée sacerdotale d’Eli. La vocation : Le prêtre Eli (à ne pas confondre avec le prophète Élie dont parle 1 Rois ch. 17-19) est au courant des agissements pervers de ses fils. Mais il laisse faire au lieu de réprimander. Ou il leur parle si mollement, avec si peu d’autorité qu’en fait, il les laisse continuer. Et ce malgré l’avertissement proclamé par un homme de Dieu (2/27-36), par indifférence, par faiblesse ou, parce qu’âgé, il n’a plus la force de réagir. Ce fragment est peut-être un ajout postérieur, qui veut faire ressortir la non-intervention d’Eli. Il vient en surnombre avec la présentation de l’homme de Dieu. Alors apparaît Samuel dans le récit. On le qualifie de « jeune » Samuel, on en a conclu qu’il était alors un tout jeune enfant. On le représente ainsi, presque comme un bébé. En fait, le mot hébreu qui apparaît ici désigne le garçon non marié. Samuel doit être au moins assez grand pour accompagner un prêtre, pour dormir à sa proximité, pour savoir répéter les paroles entendues. En fait, ces paroles, il ne comprend pas d’où elles viennent. Il croit d’abord qu’Eli l’appelle (v.2-8a). L’auteur du récit précise que la Parole de Dieu était rare en ce temps-là (v.1). Le mot signifie aussi « précieux », mais comme tout ce qui est rare est cher, donc précieux… Dieu précise son accusation (v. 10-14), mais le récit (2/12-17) l’avait fait par avance. Les biblistes se demandent si le rédacteur ne l’a pas d’abord passée sous silence pour la rajouter par la suite. La sanction de la faute des fils d’Eli et de l’inaction de celui-ci est radicale. La faute ne sera jamais pardonnée, même avec les plus grands sacrifices (v.14), ce qui est une sanction extrêmement rare. Jamais plus les descendants d’Eli ne pourront exercer la prêtrise. Peu de temps après les deux fils d’Eli sont morts à la guerre et sa bru est morte en couches. Il n’y a pas eu de successeur, jusqu’à ce que David ré-institue la prêtrise, comme raconté dans le Premier Livre des Rois. Quant à Samuel, il a continué de grandir, mais les commentateurs précisent qu’il grandissait en sagesse. Il continuait de parler (v.21), ce qui a fait dire qu’il était prophète, alors qu’il avait commencé par transmettre un avertissement de la part de Dieu. Le message qu’il a reçu pendant la nuit n’est pas une incubation comme il en existait dans l’Antiquité. Le rêveur reçoit une révélation (incubation) en dormant, tandis que Samuel reçoit le message en étant éveillé. On l’a appelé prophète parce qu’il a continué de recevoir des messages. Le v. 4/1 a été ajouté, il en résulte une mauvaise coupure des chapitres. Bibliographie : Le commentaire de A. Caquot et Ph de Robert sur les deux livres de Samuel (Delachaux-Nestlé 1994). Les notes de la TOB. Suggestion de thèmes pour la prédication (1 thème = 1 prédication).1) Fonction du prophète dans le Premier Testament : transmette des messages de Dieu pour le présent. Comme ici Samuel.2) Fonction du prêtre : donner des directives pour le présent. Avertir des risques d’un comportement erroné. Exemple de Samuel.3) Comment reconnaître la Parole de Dieu ? Exemple (ici) : quand elle sanctionne de faux comportements – quand elle désigne un comportement juste. Quand elle avertit, quand elle montre un comportement qui respecte a) Dieu, b) le prochain.

Prédication

Lectures : Jn 1/35 à 42 et 1 Co 15/3b à 13, 17 à 20 Texte : 1 Samuel 3/1 à 21 Chants : Ps 1 : Heureux AEC 252, NCTC 258, Alléluia 41-16 : Nous te célébrons AEC 204, NCTC 242, Alléluia 21-02 : Nous t’invoquons, ô Seigneur Avec l’histoire de Samuel, nous sommes au 11ème siècle avant l’ère courante ou, si vous préférez, avant l’ère chrétienne. On est vers les années mille quarante. Il n’y a pas encore de roi en Israël. Le premier roi, Saül, sera couronné par Samuel, le héros de notre histoire, il sera remplacé par David, le célèbre roi-poète. Le peuple est dirigé par des hommes qu’on appelle faussement des « juges » mais ils font autre chose que de juger : ils gouvernent le peuple. Il n’existe pas encore de temple à Jérusalem, qui d’ailleurs n’est pas encore la capitale. Elle le deviendra à l’époque de David, sans doute vers les années 970-960. C’est Salomon, le fils de David, qui fera construire le Temple. Pour le moment, l’arche de l’alliance, le symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple, se trouve dans le village de Silo, que les Arabes, qui déforment les noms, ont appelé Klirbet Seilum, à 30 kilomètres au nord de Jérusalem. C’est là que nous trouvons Samuel, qui est au service du prêtre Eli –é-l-i- à ne pas confondre avec le prophète Élie –é-l-i-e- beaucoup plus tardif. Samuel est donc au service de ce vieux prêtre presque centenaire. Pour comprendre la suite, on doit se rappeler qu’une partie du culte israélite consistait en offrande d’animaux ou de végétaux. Mais le mot « offrande » n’est pas tout à fait juste. Le texte hébreu emploie un mot parent du verbe « s’approcher ». On approche de l’autel, donc de Dieu, une partie d’un animal, un bœuf, un mouton, une chèvre. Un morceau est brûlé en signe qu’on se consacre à Dieu. Une partie appartient au prêtre pour sa nourriture. La troisième partie est mangée par celui qui apporte cette sorte de don au Seigneur ou bien elle est partagée en famille. Ces gestes signifient qu’entre le ou les offrants d’une part et Dieu d’autre part, s’établit une sorte de communion ou de communication. Dieu et son peuple, ou au moins Dieu et les gens qui se trouvent là pour cet acte cultuel, sont unis, ils sont en communion les uns avec les autres. C’est un peu ce qui est figuré par le pain et le vin de la Cène chrétienne, où on affirme cette communion-communication entre le peuple chrétien et le Seigneur. C’est donc là le sens de ce qu’on appelle l’ »offrande » juive, telle qu’on la pratiquait à Silo. Mais il se passe de drôles de choses à Silo. Le rédacteur nous informe du comportement pas du tout recommandable des deux fils du prêtre Eli. Ils sont eux-mêmes prêtres, puisque le sacerdoce se transmet d père en fils. Ces deux garnements puisent – peut-être avec une longue fourchette – dans les marmites et dans les pots où la viande est en train de cuire. Ils prennent les meilleurs morceaux et ils laissent le reste aux gens qui sont venus là pour leur culte. Encore pire : ils exigent que ceux qui viennent rendre un culte, leur donnent d’abord ces bons morceaux. Les fidèles n’ont qu’à se contenter du reste, du rebut. C’est là que Dieu intervient. Dieu ne supporte pas que des privilèges –même si ce sont des fils de prêtre – se gavent de viande aux dépens de fidèles – même s’ils ne sont que de simples laïcs. Dieu condamne les deux fils du prêtre Eli. Il condamne Eli lui-même, parce qu’il n’est pas intervenu et qu’il n’a pas réprimandé ses enfants. Pourtant il savait. La partie du récit compris dans le chapitre précédent dit que le manège des deux fils durait depuis un moment. Le père était au courant. Il savait tout. Par la suite, on nous dit qu’il était presque centenaire. Il n’avait peut-être plus la force de réagir. Mais l’âge est-il une excuse à l’inertie ? D’autant plus qu’un homme de Dieu – on ne dit pas qu’il était prophète – était venu trouver Eli pour l’avertir qu’il était coupable de ne rien dire. Malgré tout, Eli ne dit rien. Il n’a peut-être plus la force de gronder ses deux fils. À moins qu’il ne soit à moitié complice. Eh bien, puisque ces deux fils sont pervertis, puisque le père est passif, Dieu lui-même intervient. Dieu va se servir d’un garçon du nom de Samuel. Vous savez, celui que sa mère a eu après être restée longtemps sans enfant, à son grand désespoir. Samuel est employé dans le temple. On ne sait pas très bien ce qu’il y fait. Le texte dit qu’il ouvre les portes le matin, mais il ne fait sans doute pas que ça. Quand on pense à Samuel, on se représente, souvent, un tout jeune garçon, avec une robe, à genoux et contemplant une lumière qui apparaît tout là-haut dans le ciel. En fait, le récit ne parle pas d’un petit enfant. Le mot qu’il emploie – na’ar – peut désigner un enfant, mais aussi un tout jeune homme qui n’est pas marié. Une traduction dit que Samuel est adolescent. Évitons de coller des images pieuses sur un texte qui n’a rien de doucereux. C’est donc à ce jeune que Dieu parle. Il le charge d’une commission qui ne sera pas facile à faire. Samuel doit annoncer ce que Dieu a décidé. Il va sanctionner les deux fils d’Eli pour leur mauvaise conduite. Le jugement n’atteindra pas seulement les fils du prêtre, il atteindra Eli lui-même pour ne pas avoir parlé. Les deux fils se comportaient mal. On dit qu’ils « maudissaient », on doit sans doute comprendre qu’ils commettaient des actes qui valaient une malédiction contre Dieu. En même temps, Eli laisse faire, ce qui est aussi coupable que s’il commettait ce mal lui-même. Ces actes et cette inaction sont très graves selon le jugement de Dieu. Rien ne pourra effacer ces fautes, le message le précise : même l’offrande, ni le sacrifice ne pourront les effacer. Cette sanction montre la gravité de la faute, puisque normalement l’offrande qui accompagne la repentance signifie le pardon. Voilà donc ce que Samuel doit dire au prêtre Eli. C’est si terrible que Samuel, dans un premier temps, n’ose pas le raconter au prêtre. Ce chapitre se termine en disant que Samuel devient prophète. Par ce récit, on voit que le prophète n’est pas celui qui prédit l’avenir. Le prophète parle pour le présent. Il transmet ce que Dieu veut dire aux gens de cette époque, pas aux hommes du futur. Il leur parle pour essayer de leur faire comprendre ce qui les concerne et comment ils doivent réagir après avoir entendu. * * * En écoutant ce récit sur Samuel, sur le message qu’il reçoit et qu’il a mission de transmettre, on comprend un peu mieux ce qu’est la faute, donc en quoi ce chapitre du Premier Testament nous concerne. Qu’est-ce que le péché ? Le péché peut être une faute contre Dieu, il peut être une faute envers quelqu’un, envers le prochain. Les fils d’Eli commettent le mal contre Dieu, puisqu’ils n’observent pas ses prescriptions. Ils commettent le mal contre le prochain, puisqu’ils privent un certain nombre de personnes de la part qui leur revient. Toute faute contre Dieu est en même temps une faute contre le prochain. C’est le rôle du prophète de désigner le mal, de dénoncer ce qui va de travers chez certains individus ou dans la société. C’était le rôle de Samuel. C’est le rôle des prophètes d’Israël. Les prophètes crient souvent contre ce qui se fait de mal. Ce doit être aussi notre rôle. C’est le rôle des prédicateurs. C’est notre rôle à chacun d’entre nous, même si nous sommes de simples fidèles sans fonction officielle. Crier contre le mal, le mal public et le mal privé. Moi, je veux bien, direz-vous. Mais comment reconnaître le mal ? « Moi, disait quelqu’un, je ne sais pas quand quelque chose est bien ou mal. » L’exemple de Samuel nous apprend ce qu’est le mal. Il y a mal quand on essaye de tromper Dieu. Il y a mal quand on fait du tort à quelqu’un. Tout ce qui porte atteinte à la vie, à la propriété, à l’intégrité physique ou morale, tout ce qui rabaisse la personne, tout mépris, tout mauvais sentiment, est une faute. Pas une faute contre la morale, pas une faute contre idée morale, mais contre Dieu, ce qui est autrement sérieux. Quelqu’un disait : « Cela n’a pas d’importance de mentir, ça ne fait de mal à personne. » On aurait pu lui répondre : « Si ! Maintenant que je sais que vous êtes menteuse, je ne pourrai plus vous faire confiance. » Le mal commis contre quelqu’un finit par se retourner contre celui qui le commet. Les deux fils d’Eli sont morts comme conséquence de leur faute répétée. Toute culpabilité mène à la mort. La triste fin d’Eli et de ses deux fils nous apprend ce qu’est la justice et comment nous garder du mal. Quel dommage qu’il ait fallu trois morts pour nous le faire comprendre ! Amen !