Textes : Jean 8, v. 1 à 11 Psaume 23 Ésaïe 25, v. 6 à 9 Philippiens 4, v. 12 à 20 Matthieu 22, v. 1 à 14 Pasteur Mino RandriamanantenaTélécharger le document au complet

Notes bibliques De ces textes, je propose de travailler Matthieu 22, v.1 à 14. Travail biblique Le texte (traduction Nouvelle Bible Segond) Matthieu 22, 1Jésus leur parla encore en paraboles ; il dit : 2Il en va du règne des cieux comme d’un roi qui faisait les fêtes de la noce de son fils. 3Il envoya ses esclaves appeler ceux qui étaient invités aux fêtes de la noce ; mais ils ne voulurent pas venir. 4Il envoya encore d’autres esclaves en leur disant : Allez dire aux invités : « J’ai préparé mon déjeuner, mes bœufs et mes bêtes grasses ont été abattus, tout est prêt ; venez aux fêtes de la noce ! » 5Ils ne s’en soucièrent pas et s’en allèrent, celui-ci à son champ, celui-là à son commerce ; 6les autres se saisirent des esclaves, les outragèrent et les tuèrent. 7Le roi se mit en colère ; il envoya son armée pour faire disparaître ces meurtriers et brûler leur ville. 8Alors il dit à ses esclaves : Les fêtes de la noce sont prêtes, mais les invités n’en étaient pas dignes. 9Allez donc aux carrefours, et invitez aux fêtes de la noce tous ceux que vous trouverez. 10Ces esclaves s’en allèrent par les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, mauvais et bons, et la salle des fêtes de la noce fut remplie de convives. 11Le roi entra pour voir les convives, et il aperçut là un homme qui n’avait pas revêtu d’habit de noces. 12Il lui dit : Mon ami, comment as-tu pu entrer ici sans avoir un habit de noces ? L’homme resta muet. 13Alors le roi dit aux serviteurs : Liez-lui les pieds et les mains, et chassez-le dans les ténèbres du dehors ; c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. 14Car beaucoup sont appelés, mais peu sont choisis. Le contexte Le passage de Luc 14,16-24 présente de nombreux points de ressemblance avec notre texte, même si une lecture détaillée montre de profondes différences entre ces deux textes. Beaucoup considèrent qu’il s’agit de deux textes parallèles : il s’agit bien de la même parabole, avec la même préparation d’un festin, le même envoi de serviteurs chargés de l’invitation, les même refus des invités et la même condamnation des premiers invités. À cette parabole, Matthieu ajoute les versets 11 à 13, qui constituent une nouvelle parabole, dont la terminologie comme la pointe sont très nouveaux par rapport aux versets précédents ; puis enfin le verset 14, sans doute une parole isolée de Jésus, qui s’applique mieux aux versets 1 à 10 qu’aux versets 12 et 13. Dans le contexte littéraire de l’évangile de Matthieu, le sens de la parabole principale se comprend à partir des deux paraboles précédentes : il s’agit d’une polémique destinée à révéler aux juifs la gravité de leur refus de Jésus. Matthieu exprime cette pointe assez claire dans un récit plus riche en allusions théologiques et en terminologie palestinienne que chez Luc. Les deux textes parallèles de cette parabole, sans doute de sources littéraires différentes, présentent deux versions d’une même et unique histoire. Je propose de subdiviser notre passage en 3 parties : Versets 1 à 10 : Les invitations aux fêtes de la noce. Versets 11 à 13 : La parabole de l’habit de noce. Verset 14 : Une grâce abondante. Les invitations aux fêtes de la noce (v.1-10) Il en va du règne des cieux somme d’un roi qui faisait les fêtes de noce de son fils. (v.2) Les gens de l’époque de Jésus étaient très hospitaliers et échangeaient entre eux de fréquentes invitations : anniversaires de naissance, mariages, vendanges et récoltes, tonte de laine, et même les funérailles étaient une occasion de convier des proches et des connaissances à la table familiale (cf. par exemple la Lettre de Jérémie, ch. 32). Un banquet étant une occasion de réjouissances, les gens de cette époque en avaient fait un symbole de l’ère messianique où toutes les promesses s’accompliront pour eux. Jésus lui-même applique l’image du festin au bonheur de la vie future et au Règne des cieux dans les évangiles, comme ici. Dans le royaume des cieux, il se passera ce que la parabole va raconter. Le Christ est là et sa présence bouleverse les conditions de participation à ce royaume. Les auteurs de l’Ancien Testament désignaient souvent Dieu sous les traits d’un roi. Il envoya ses esclaves appeler ceux qui étaient invités… Ils ne voulurent pas venir (v.3) L’appel est lancé, mais les invités ne voulurent pas venir : il ne s’agit pas d’une affaire de prédispositions innées ni de sentiments, mais de décision volontaire. J’ai préparé mon déjeuner, mes bœufs et mes bêtes grasses ont été abattus, tout est prêt ; venez aux fêtes de la noce ! (v.4) Les invités, à la rencontre desquels des serviteurs étaient envoyés à l’heure du festin, étaient accueillis par un baiser de leur hôte. On leur lavait les pieds, que les sandales protégeaient mal contre la poussière, sans doute pour ne pas salir les coussins où certains d’entre eux s’allongeaient pour manger ; on leur répandait sur la tête une huile parfumée ; peut-être y déposait-on une couronne ; et le maître du repas (Jn.2,8) les menait à leurs places respectives selon la considération dont on voulait les entourer (1Sm.9,22 ; Lc.14,8). Il y avait de la musique, des chants, des danses et des jeux d’esprit pour égayer les convives. Le festin nuptial durait sept jours, qu’on appelait les sept jours du repas de noces (cf. Jug.14,10-12). C’est sans doute pour cela que notre texte parle des fêtes (au pluriel) de la noce. Le repas préparé est un festin royal. Ils ne s’en soucièrent pas… Les fêtes de la noce sont prêtes, mais les invités n’en étaient pas dignes… Ces esclaves… rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, mauvais et bons, et la salle des fêtes de la noce fut remplie de convives (v.5-10). L’évangile de Matthieu souligne le fait que les invités ne « se soucient pas » de l’invitation (avec le mot grec « amélèsantes »). Il s’agit visiblement ici d’une négligence, d’une indifférence au sens fort de ce mot. Ces invités ne sont pas dignes, non pas en raison de défauts quelconques ou d’ignorances naturels, mais à cause de leur refus. L’injustice dans l’évangile de Matthieu consiste en une décision de refuser la justice supérieure à celle des Scribes et des Pharisiens (Mat.5,20) qui vient de Dieu. Les serviteurs sont envoyés aux carrefours, sans doute là où se trouvent les foules innombrables à inviter au royaume, on peut penser aux carrefours des grandes villes syro-palestiniennes du milieu où l’évangile de Matthieu a été conçu. L’expression « ceux que vous trouvez » signifie que les serviteurs ne feront pas un tri : ils appelleront tout le monde, ce qui montre la visée universaliste et missionnaire soulignée dans l’évangile de Matthieu (lire par exemple 2,1-12 et 15,21-28), et des méchants et des bons (expression juive rahiym vethoviym) constituent l’assemblée, ce qui fait penser à la parabole du filet (Mat.13,47-50). Ces méchants seront sans doute finalement rejetés du royaume lorsque le moment sera venu à en croire les versets 11 à 14. La parabole de l’habit de noce (v.11-13) Le roi entra pour examiner les convives, et il aperçut là un homme qui n’avait pas revêtu d’habit de noces. Il lui dit : Mon ami, comment as-tu pu entrer ici sans avoir un habit de noces… (v.11-12). D’après certains commentateurs, comme Pierre Bonnard par exemple, les versets 11 à 14, qui sont propres à l’évangile de Matthieu, sont sans doute un réajustement par rapport à une interprétation libertine des versets 11 à 10. L’entrée dans l’Assemblée est gratuite, mais chaque invité se souviendra qu’il s’agit de l’Assemblée du Roi ! Dieu « examine » (theasasthai) son nouveau peuple. Quel est donc ce vêtement de noce ? Pierre Bonnard estime qu’il ne s’agit ni de la foi au sens protestant, ni des œuvres méritoires au sens catholique romain mais de la « justice » (dikaiosunh) constamment réclamée des fidèles par l’évangile de Matthieu, justice ou fidélité nouvelle dont les chapitres 5 à 7 donnent quelques exemples. Pour l’évangile de Matthieu, aucun homme n’est dispensé de se soumettre à la Loi. Cependant, il n’assigne pas à la Loi la même fonction que la justice : si la première est le critère de classement à l’intérieur du Royaume (Mat.5,19), la seconde conditionne l’accès à celui-ci (Mat.5,20). Il est donc possible de transgresser les commandements de la Loi (et courir le risque d’être appelé le « plus petit » dans le Royaume, d’après Mat.5,19) tout en ayant une justice supérieure à celle des pharisiens (condition sine qua non pour y entrer). Une grâce abondante (v.14) Car beaucoup sont appelés, mais peu sont choisis (v.14). Les « beaucoup d’appelés » (klètoi) du verset 14 sont probablement tous ceux qui sont entrés dans l’église appartenant au milieu dans lequel l’évangile de Matthieu a été conçu, et les « choisis » (eklektoi) sont certainement ceux-là seuls qui, se montrant dignes de la grâce qui leur a été faite, c’est-à-dire acceptant d’en vivre dans la reconnaissance, seront les vrais « justes » (et non les propres justes !) du royaume. Accepter de vivre de la grâce par laquelle Dieu les déclare justes, sans condition, consiste à accepter de laisser cette grâce produire la reconnaissance dans leur vie de tous les jours. C’est par exemple le genre de reconnaissance qui résulte de la contemplation des oiseaux du ciel et des lis des champs. La « justice » qui surpasse celle des Scribes et des Pharisiens consiste en une vie qui chante sa reconnaissance envers la justice gratuite de Dieu. La justice de Dieu attirera jour après jour une telle vie reconnaissante vers le meilleur d’elle-même, dans une quête permanente de la solution la mieux adaptée à chaque situation : « la grâce coûte », « la grâce oblige », c’est « le prix de la grâce ». Pistes pour la prédication Le festin du Grand Roi est ouvert à tous L’universalité de l’appel du Grand Roi interpelle encore et encore tout être humain. Toutes les barrières, quelles qu’elles soient, tombent, le Grand Roi appelle par-delà toute inimité : les uns et les autres sont invités à la même table. Au festin du grand Roi, il n’y aura pas que moi, car les prostitués font partie des invités. L’Envoyé du grand Roi s’est déplacé pour moi. Il n’est pas venu pour les bien-portants mais pour les pécheurs repentants. Il y aura des voleurs s’estimant trop pécheurs pour mériter la joie d’être à table avec le Roi. Il y aura des truands assumant humblement leur incapacité de se sauver du péché. Avec lui, il n’est pas besoin de se faire passer pour quelqu’un d’autre. Dieu nous pardonne tels que nous sommes. Il nous relève. Il nous donne le courage d’être ses enfants. Il nous attire vers le meilleur de nous-mêmes. Il nous donne le courage de reconstruire, de surmonter le désespoir, de croire que la mort n’a pas le dernier mot, d’espérer malgré tout. Qui acceptera la justice gratuite que Dieu offre ? Le Dieu du Jésus de l’évangile de Matthieu donne la pluie aux justes et aux injustes, fait briller le soleil sur les bons et les méchants. Seulement, qui acceptera la gratuité de sa bonté ? Qui acceptera de porter l’habit de fête qu’il offre ? Proposition de prédication Ce passage est d’une violence parfois inaudible. Il y a certains passages comme celui-là dans la Bible qui détonnent par rapport au discours d’amour et de paix de Dieu. En tout cas, la Bible ne semble pas chercher à dénier la violence et la souffrance en livrant un discours feutré et épuré. Au contraire, elle essaie de la dire avec ses mots, parfois crûment. Elle dit que Dieu vient nous rejoindre dans la souffrance causée par la violence de ce monde. Dieu veut nous aider à surmonter le mal. Le Roi de la parabole va à la rencontre des gens à travers ses serviteurs. Il veut les aider, les sortir de leurs impasses faites de souffrances, de culpabilité, de remords, d’enfermements et d’échecs. Pour cela, il utilise tous les arguments qui sont à sa disposition, c’est-à-dire un langage, une culture, à la portée de ceux qu’il appelle. Ici, les arguments se déclinent en terme gustatif : la bonne viande bien grasse était fort appréciée à cette époque. Mais les premiers invités s’en trouvent indignes. Leur indignité ne consiste pas à en un défaut naturel quel qu’il soit, ni à une ignorance prédéterminée. Ils sont jugés indignes parce qu’ils refusent l’invitation. Les contre-arguments que les premiers invités avancent sont d’ordre matériel : en fait, ils sont affairés à d’autres préoccupations. Ils s’attardent à ce qui est accessoire et finissent par en oublier l’essentiel. Le Roi décide donc d’aller rejoindre les gens, les mauvais comme les bons, là où ils en sont, dans leurs rues et aux carrefours de leur vie, dans les événements ordinaires de leur histoire personnelle, tout comme dans les événements inhabituels de leur vie, dans leur violence subie ou commise, dans leur souffrance, dans les grisailles des remords. Le Roi les rejoint là, par l’intermédiaire de ses serviteurs, prenant le risque d’être rejeté. Par amour, le Roi lui-même court le risque de subir la violence et la souffrance à travers ses serviteurs qui sont maltraités et tués. C’est un Roi qui connaît la souffrance humaine. Il connaît la violence pour l’avoir subie. Voilà comment il vient combattre la violence et la souffrance parmi les hommes. Par amour, il devient faible et vient lutter à leur côté pour les aider à surmonter leur souffrance. Pour mener ce combat, le Roi invite tout le monde et met gratuitement à la disposition de chacun un habit de noce. Seul l’habit de noce qu’il offre est digne de sa haute majesté. Aucune personne, venant avec son propre habit, ne pourra subsister devant lui ou supporter sa gloire. Voilà la justice de ce Roi. C’est une justice à la mesure de son amour et de sa grâce infinie. L’habit qu’il offre, c’est sa justice. Il déclare chacun juste, sans condition, indépendamment de ses mérites. Voilà sa justice. Mais il ne s’impose pas. Chacun est libre de refuser ou d’accepter son offre. Qui acceptera de participer à la joie de la fête ? Qui fera de sa vie une reconnaissance, en acceptant de vivre en tant qu’humain justifié à chaque instant ? « Choisis la vie et tu vivras », parole de Dieu. Amen !