Textes : Ps 27 Job19, v. 1 & 23 à 271 Corinthiens 15, v. 51 à 57 Jean 5, v. 24 à 29Pasteur Majagira BulangalireTélécharger le document au complet

« La première partie, sous forme d’introduction, peut servir de notes. Elle précise le cadre pour celui qui prépare. La prédication commencerait à partir du commentaire. Destinée à être utilisée dans la préparation, cette prédication est dense. Elle ne saurait être dite à l’état, sauf dans certaines paroisses habituées à ce genre d’exercice. Il faut l’adapter ! N’est-ce pas là le rôle de celui qui, par la préparation, s’approprie ce message. »

Notes bibliques

Introduction : L’Évangile de Jean est celui qui, sans doute et en détail, traite le plus précisément de la question de la filiation[1]. Le concept « filiation » tire sa justification dans la concrétisation de la mission du Christ. Celle-ci se situe dans le cadre bien précis de l’alliance conclue au profit des hommes dans l’établissement de leurs relations d’avec le Père. Il ne cherche aucunement à définir un positionnement ontologique du Christ-Messie par rapport à Dieu. Il dit le bénéfice inhérent au nouveau rapport, régi par une relation qui fait place à l’adoption des nouveaux fils et filles, à travers un Dieu désormais considéré et accepté comme Père. Moins mystique et moins mystifiante que le concept de « filioque[2] », dont la formulation compliquée aboutit à une intellectualisation plutôt desséchante. Celle-ci concerne et rejoint la notion, plus complexe encore, de procession intra-trinitaire. La filiation conduit quant à elle à la conclusion d’une rencontre plutôt vivifiante, qui engage et fait vivre.Il est temps pour l’Église d’entendre, de recevoir ce message de vie : celui-ci invite à la rencontre, conduit à la découverte d’une vie en commun et offre à chacun une possibilité d’y trouver, à côté des autres, sa place. Ce positionnement tranche avec une attitude prompte à l’ « intellectualisation », responsable du dessèchement des cœurs et qui a pour résultat l’éloignement de l’Église.

 

Prédication

Commentaires

  1. 1. Entendre pour croire

Dès le verset 24, la couleur est annoncée : « Celui qui entend ma parole et qui croit celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle » L’appel à entendre sa parole se heurte à celui de l’écoute des paroles habituelles. Sa parole se propose en lieu et place des autres paroles. Quelles sont-elles ? Celles des docteurs de la loi ? Ceux qui disent des paroles qu’ils ne vivent pas mais en tirent profits ! Celles des pharisiens en lutte contre les sadducéens ? Ceux qui scrutent les différents horizons des écritures et se fourvoient, au point de se perdre ! Ils s’éloignent davantage qu’ils ne s’approchent de celui qu’ils sont censés chercher ! Celles des gens simples et rejetés qui entendent et disent : « je ne sais pas qui il est mais ce que je sais c’est qu’il m’a redonné la vue », parole d’aveugles, de prostituées et de collecteurs d’impôts ? Ils ont trouvé le chemin qu’ils ne cherchaient pas. Ils se sont laissé trouver ! A chacun de trouver la réponse qui lui convienne ! Pour l’heure ce qui importe et m’importe : c’est de déterminer la Parole dont il est ici question. Mais quelle est donc la parole de Jésus ? Sa Parole à lui a trois conséquences qui se résument en trois verbes : entendre – croire – avoir ! Trois verbes qui requièrent

  • une certaine concentration pour écouter et saisir le sens, c’est entendre ;
  • une certaine application pour en tirer bénéfice et s’abandonner, c’est croire ;
  • une certaine disposition et disponibilité à recevoir en toute humilité, c’est avoir ce que l’on ne possédait pas.

Écouter pour entendre, c’est se dépouiller de tout ce que l’on a jusque là entendu pour s’ouvrir, pour laisser la place à autre chose ! C’est être prêt à intégrer la nouveauté, à recevoir une parole autre, nouvelle. Cette parole nouvelle met en jeu 4 faits : – la qualité de celui qui la porte – l’origine de cette parole – le contenu de cette parole – la conséquence de sa réception La qualité du porteur de la Parole En Israël, ce point est essentiel ! Une parole à croire venait nécessairement de gens crédibles : prophètes ou membres de la classe sacerdotale. Le Christ n’appartient apparemment à aucune de ces catégories. C’est en tout cas ce que croient et disent ses détracteurs. Rien de bon, dit-on, ne peut advenir de Galilée. Est-ce là la raison ou une des raisons de ne pas recevoir sa Parole ? L’objection, opposée par le Christ, est celle de Jean Baptiste dont le message, malgré son appartenance, n’est pas reçu non plus. La question de l’origine et du contenu est alors posée ! La parole du Christ est irrecevable pour tout fils d’Abraham, juif ou musulman, parce qu’il se pose comme fils de Dieu, médiateur du salut et exécuteur du jugement de Dieu. Pour eux en effet, monothéistes jusqu’au bout des ongles, Dieu est un, il ne saurait donc avoir un fils et personne ne peut prétendre prendre sa place. Il est unique dans son être, dans son action et dans sa compassion. Lui seul est capable de pardon et peut en conséquence l’accorder. Toute autre prétention relève du blasphème et doit être réprimée, vigoureusement combattue : Saul de Tarse a été, en son temps, un des champions de cette cause.

  1. 2. Pour que l’homme se retrouve

Cette difficulté conceptuelle inhérente aux confessions juives et musulmanes contient pourtant la justification de l’argumentation du Christ. En effet, l’homme, désormais pécheur, ne peut retrouver sa place auprès de Dieu. Seule une action venant de Dieu peut changer les choses. D’où la nécessité, l’obligation pour Dieu de venir. Seule possibilité, la concrétisation inédite de la rédemption bouleverse tout. Et c’est ce chambardement qui est difficile à admettre. Il se dit pourtant en une phrase et requiert reconnaissance de la part des bénéficiaires : pour que l’homme s’accomplisse, Dieu se fait homme en Christ. Étant entendu bien sûr que pour la Bible il n’y a pas d’accomplissement possible hors Dieu. En effet, c’est de l’impossibilité pour la mort et le mortel d’accueillir la vie que jaillit la résurrection. Elle est accomplissement, à travers Christ, de la possibilité pour l’humain de faire à nouveau route avec la vie, avec Dieu. Mais toutefois, pour que l’action se fasse, Dieu s’associe à l’homme par et à travers Christ, fils de Marie et fils de Dieu[3]. Ainsi de la croix à la rencontre avec le ressuscité, Dieu qui est vie est constamment expulsé par la mort, qui ne peut le retenir. Avec Jésus, il remonte de la tombe à la vie. Il transforme dès lors la mort définitive en passage obligé. Elle cesse d’être définitive condamnation pour devenir expérience momentanée. Le Christ, devenu homme en Jésus, focalise vers lui toute l’attention de l’adversaire de sorte que, trouvant en Christ force et refuge, l’homme se dégage avec lui de l’emprise et de la prison de la mort pour accéder à la liberté, à la libération. Désormais, les attaques du diable n’ont plus d’effet sur l’homme. Elles sont concentrées sur Jésus, Dieu fait homme. Elles se heurtent à Dieu et s’annulent alors que l’homme, dès lors rendu libre, vit et jouit de sa libération[4]. Christ, en effet, est allé jusqu’à la croix, jusqu’à la tombe, pour qu’aucune croix, aucune tombe ne soient désormais plus opposées à l’homme, ni ne le retiennent prisonnier. Lui qui est l’aimé de Dieu. Christ est allé jusqu’en enfer, pour que désormais plus personne n’y aille et n’y soit retenu.

  1. 3. Pour que l’homme trouve Dieu

La mort est pourtant notre véritable prison. Elle oriente, focalise et mobilise nos énergies, nos actions. Elle est de fait, bien que l’on ne le reconnaît pas toujours, devenue une des préoccupations majeures de notre existence. Les yeux tournés vers la tombe, tout converge vers elle. La peur au ventre, on ose à peine l’évoquer. Et ceux qui ont le courage de l’affronter l’intègrent à travers leur assurance vie et leur contrat obsèques. Une façon réaliste de dire son caractère inéluctable et quelque part de s’y soumettre ! Mon propos choquant et irréaliste consiste à vous inviter à dire non ! A résister et à vous révolter au nom de la vie ! Simplement parce qu’exister pour mourir, c’est cesser de vivre. Mais lever les yeux vers autre chose que la mort, c’est percer les nuages pour apercevoir les rayons lumineux et éclairants qui, annonçant les beaux temps à venir, contiennent les germes de la vie qui éclot et est sans fin. Si toute la tactique du séducteur consiste à faire des nuages quelque chose d’infranchissable et de la mort la fin, je voudrai affirmer que les nuages, tout épais qu’ils soient, ne sont que des brouillards perméables et que la mort, avec tout son cortège de malheurs, n’est que passage.

  1. 4. Pour des retrouvailles réconciliatrices et constructives

Si le Christ est fils de Dieu et fils de l’homme, c’est parce que cette double filiation est condition unique de la réalisation de cette double mission, de ce double accomplissement. Si c’est parce que Fils de Dieu que, bravant la mort, il en sort victorieux en ressuscitant. C’est en fils de l’homme, obéissant au Père, qu’il accomplit sa Parole et se réalise effectivement en Fils pour Dieu[5]. C’est en cette double qualité que, premier-né d’entre ses frères, il efface la malédiction du premier des hommes, Adam, et ouvre la voie de la bénédiction, et se pose en nouvel Adam. En Dieu s’accomplit l’humain, en l’homme s’accomplit le divin. Cette relation éternelle, cette manifestation de l’amour, dit la grandeur de celui qui, pour l’homme qu’il aime, est prêt à tout[6]. C’est dans sa relation à l’homme que Dieu se révèle aimant ! Son amour est tel qu’il est plus que celui qui aime, il est l’amour même[7]. De manière identique, c’est dans son amour pour Dieu, source et base de l’amour pour les autres, que s’accomplit l’homme. Il n’y a d’amour qu’en relation à autrui. Pas d’amour sans l’autre, pas d’amour sans pardon ! L’amour est ouverture et accueil.

  1. 5. Comment tout cela se réalise-t-il ?

Trois étapes sont nécessaires à cet accomplissement :

  1. L’incarnation de Christ vient à bout du jugement qui induit et conduit à la mort
  2. La résurrection du Christ accomplit le détachement et l’éloignement définitif de la mort
  3. L’octroi de l’Esprit-Saint est garanti de l’écoute, possibilité concrète d’accomplissement et assurance interne. Il établit en l’homme la certitude de l’appartenance. C’est cette certitude qui est à la base et interroge sur l’action en retour : envoyés et témoins.

Conclusion : Double destination, double « prédestination » ou double incompréhension, il ne nous revient pas de porter un jugement. Il ne nous revient pas de nous ériger en juge du seul juste. Il nous faut, au contraire, plutôt nous réjouir d’être de ceux à qui la grâce a été faite d’entendre ! Et en réponse, en toute humilité, accepter de devenir vecteurs de l’amour de Dieu, instruments pour apporter et témoigner de la vie, ouvriers dans la moisson du seul et vrai maître de la moisson ! Passer de la vie à la mort, c’est l’affronter, la vaincre avec Christ et s’engager à devenir instrument de vie. Monté à la droite du Père, le Christ s’est momentanément retiré au ciel. C’est désormais à ses frères que nous sommes de continuer à parfaire ce qu’il a commencé et, si possible, de le terminer. Jusqu’à la fin des temps, il est avec nous ! Amen [1] Notion difficile qui a occupé le terrain de la discussion théologique durant de longues années. Elle a divisé l’église et est, aujourd’hui encore, la pierre d’achoppement entre les chrétiens et les autres religions monothéistes (islam et judaïsme). Si le judaïsme, en effet, a appliqué les psaumes royaux au messie (2 ; 45 ; 72 et 110), il est à remarquer que jamais ce dernier n’est appelé Fils de Dieu. Jamais en outre il ne lui est attribué une nature divine ni une préexistence quelconque. Seul le livre d’Hénok Éthiopien admet cette possibilité (46,1 ; 48,27) en ce qui concerne le fils de l’homme identifié au messie. Voir article dans Dictionnaire Encyclopédique de la Bible, BREPOLIS 1987, pp 477 à 479 Les rabbins enseignaient sa préexistence mais dans le sens d’être connu dans la prescience de Dieu. Il demeure quelqu’un à venir. Généralement, le roi-messie, appelé fils premier né (Ps 89,28) et engendré de Dieu (Ps 2,7) doit plutôt son statut à l’alliance conclue entre lui et Dieu (Ps 89,28 et 2 Sam 23,5). Les clauses de l’alliance ( 2 Sam 7,14 (par ex. : je serai pour lui un Père, et il sera pour moi un Fils) sont à mettre en parallèle avec celle de l’alliance avec Israël décrite en Jérémie 31,3 (leur Dieu et mon peuple) Voir Le Grand Dictionnaire de la Bible, Excelsis 2004, pp 602 à 603 Dans tous les cas, il s’agit d’une adoption située dans le cadre précis de l’économie de l’élection. Conformément à la logique développée par Yves Lacoste ; Cf : Dictionnaire Critique de la Bible, PUF 1998, pp 466 à 469. L’originalité du Nouveau Testament réside dans l’affirmation de la double nature du Christ. C’est cette particularité de sa filiation qui permet le développement de la notion de fils adoptifs appliquée aux chrétiens. [2] Liée à la querelle de la procession intra-trinitaire, responsable du schisme de 1054, celle-ci secoue l’église déjà depuis le 4ème siècle. Il n’y a pas de raisons de s’y attarder ici. [3] La filiation, préexistante à la création, se donne à contempler à travers l’incarnation. Dieu s’y dévoile dans sa limitation volontaire, non pas comme le Père tout puissant qui juge et condamne, mais comme le Père aimant qui accueille et adopte. [4] C’est l’expression concrète du message d’Ésaïe 53, à redécouvrir ! [5] Philippiens 2 : 5 à 11 [6] Jean 3 :16 [7] 1 Jean 4 : 8