Notes bibliques

Exégèse

Dans l’ensemble de l’Évangile de Marc, ce chapitre surprend. Nous sommes soudain plongés dans un contexte apocalyptique juif ou chrétien datant vraisemblablement de la Guerre juive. (66-70 après J-C.) L’ensemble de ce chapitre reprend les thèmes classiques de l’apocalyptique juive, avec des expressions comme « abomination ou désolation » qui désignent dans le monde juif la profanation de la foi dont le temple de Jérusalem était le symbole même.

En les reprenant à leur compte, les chrétiens y voient le jugement de Dieu sur Israël, et donc le signe de la fin prochaine et du retour en gloire du Christ.
Les chrétiens de l’époque pensaient activement que la fin des temps était très proche. Un contexte de crise profonde (guerre, famine, persécutions, tremblements de terre) étaient des signes évident du retour imminent du Christ. Les événements de 70 (destruction du temple par Titus) vont exacerber ce courant de pensée.

Toutes ces constatations nous donnent à penser l’hypothèse selon laquelle Marc écrit juste après 70 et qu’il a affaire à un mouvement apocalyptique enthousiaste issu des communautés chrétiennes.
La destruction du temple est pour ce mouvement le signe avant-coureur du retour du Christ.

Le passage sur lequel porte plus particulièrement notre étude correspond à la description de la venue du fils de l’Homme.
Il est intéressant de constater que Marc ne se laisse pas aller de manière simpliste dans cet enthousiasme débordant. Dans les versets qui nous intéressent, il met en garde et prend du recul. « Nul ne sait ni le jour ni l’heure ». Verset 32.

Il invite donc son lecteur à ne pas se laisser égarer par ceux qui prétendraient donner des renseignements très précis.
Le but de ce rappel est donné dans les versets 33-37 où Jésus demande par trois fois à ses disciples de veiller.
Mais Marc tient à souligner à travers Jésus que les signes apparents de la fin des temps, qui peuvent faire peur, ne sont pas en fin une fin en soi.

A travers les termes classiques de la littérature apocalyptique, Jésus décrit l’histoire en désignant le réel point final : Il s’agit de la manifestation du fils de l’homme venant sur les nuées. Cet événement signe une différence fondamentale par rapport aux événements constatables dans l’histoire des hommes ; guerres, famines, discordes, profanation du temple. La venue du Christ sur les nuées n’appartient pas à l’histoire des hommes, il n’est donc pas de la fin, mais la fin elle-même.

Du coup, les signes annonçant la fin des temps appartiennent au quotidien des hommes, la fin elle-même étant quelque chose d’autre qui n’a rien à voir avec le monde terrestre.
La vraie fin n’a encore jamais eu lieu. Les signes qui la précèdent ne sont que l’histoire même des hommes qui se déchirent par la haine, le malheur et l’égoïsme.
À travers cet épisode, les disciples sont invités à constater dans l’histoire des hommes que le dénouement est sur le point d’arriver tout comme le paysan qui sait observer la nature sait que, quand le figuier bourgeonne, l’été est proche.
Les disciples sont en quête de renseignements précis. Ils voudraient être des professionnels de l’eschatologie (fin des temps). Jésus les renvoie à leur capacité d’observer les aléas de l’histoire humaine en attente du jugement.

Puis Marc à travers les paroles de Jésus relativise tout ce qui vient d’être dit. « mes paroles ne passeront pas ». Sur cette terre éphémère seules mes paroles demeurent, mais concernant le jour et l’heure, ce que je vous dis ne vous sert à rien puisque moi-même je n’en sais rien !
Jésus lui-même ne peut donner les clés de l’histoire.

Constatons que dans notre soif de tout savoir, de tout vouloir maîtriser, Jésus, lui le fils de Dieu, accepte sa qualité de fils et ne cherche pas à être le Père. Il accepte paisiblement de ne pas tout connaître. Quelle leçon d’humilité pour chacun de nous.

 

Prédication

Et bien voyez-vous, personnellement cela me rassure vraiment de savoir que personne sur la terre ne peut connaître ni le jour ni l’heure de…
De quoi au fait ?
De la fin du monde ? De la fin de l’existence humaine ? Du retour de Jésus ? Du règne de Dieu sur la terre ? Mais oui, dans le fond quand on parle de la fin, il s’agit de quelle fin ?
Depuis quelques années, de ci, de là, j’entends régulièrement, et surtout dans certains milieux plus fondamentalistes, que nous sommes dans la fin des temps, et que le mot d’ordre de Jésus, « veillez et priez » est aujourd’hui encore plus d’actualité.

Vous me direz qu’à l’instant où je vous parle, nous n’avons jamais été si proche, mais essayons de prendre un peu de recul grâce à ce chapitre 13 de l’évangile de Marc.
Ce chapitre semble être mis là dans le récit de Marc, de façon originale. En effet, ce chapitre est écrit avec un langage apocalyptique courant dans les milieux chrétiens et juifs de l’époque. Il important de remarquer que des textes de style apocalyptique ne sont pas exclusivement relégués à la fin de votre bible dans ce fameux livre, l’Apocalypse. Ce style d’écriture se retrouve dans plusieurs livres bibliques.
De plus rappelons ici ce matin, que «apocalypse» ne signifie pas la fin du monde, ou la fin des temps, mais lever le voile, dévoiler.

Dans le verset 1, Marc place Jésus sortant du temple expliquant à ses disciples qu’il ne restera plus rien de cet édifice prodigieux.
Le temple était en effet prodigieux par son architecture, mais aussi et surtout prodigieux pour tout ce qu’il représente pour la foi juive. Lieu de prière par excellence, lieu où la rencontre avec Dieu est possible dans toute sa force, sa sincérité, sa vérité.

Marc écrit son évangile à une période où guerres, famines, tremblements de terre, persécutions sont le lot quotidien. Une crise profonde habite le peuple.
Ces temps difficiles vont connaître un événement qui va radicaliser toutes ces difficultés. En 70 le temple va être détruit par Titus, empereur romain.
Cet événement va exacerber les différentes crises et des mouvements apocalyptiques enthousiastes issus des communautés chrétiennes vont signifier que maintenant tout est dit de l’histoire des hommes ; le Seigneur a choisi et il a abrégé ces jours. Du coup la destruction du temple est le signe avant-coureur du retour du Christ.

Mais le texte de Marc aujourd’hui ne se contente pas d’insérer ce texte juste avant le récit de la passion et de nous proposer une réflexion sur le temple. S’il s’était arrêté là il serait allé dans le sens des enthousiastes. Non, Marc nous invite à aller plus loin dans notre réflexion et surtout à prendre du recul.
« Soyez sur vos gardes ! » ne vous laissez pas abuser par ceux qui vous disent que le Christ est ici ou là. V. 21-23.
« Nul ne sait ni le jour ni l’heure ». V. 32.

Le désir de Marc est quand même surprenant dans la mesure où une apocalypse se propose de mettre ses auditeurs au fait des événements à venir. Ici, il est demandé de ne pas se laisser égarer par ceux qui prétendent donner des renseignements trop précis.
Non, l’objectif du chrétien n’est vraiment pas de se laisser égarer, de se laisser endormir par des discours, mais de veiller. Dans l’ensemble du chapitre, on voit bien que quelques disciples sont avides de connaître les détails sur la fin. Mais ne leur jetons pas trop vite la pierre. Nous aussi nous aimerions dans le fond savoir. Savoir ce qui va se passer. Comment savoir lire les évènements qui nous arrivent. Regardez combien les diseuses de bonne aventure et les médiums font recette aujourd’hui !

Je voudrais revenir sur les premières questions que j’ai posées au début de cette prédication.
Que cherchons-nous à connaître ? La fin du monde ? La fin de l’existence humaine ? Le retour de Jésus ? Le règne de Dieu sur la terre ? Mais oui, dans le fond quand on cherche à savoir, on cherche à savoir quoi ?
Alors oui il faut le constater, nous vivons une époque de tremblements de terre, de famine, de crise. Mais pas plus qu’il y a 2000 ans quand Marc a écrit son Évangile !
Alors allons voir ensemble ce que notre texte ce matin nous répond par rapport à cette question !
Versets 24 et 27. Jésus en apparence du moins fournit à ses disciples des indications précises. Il désigne maintenant le point final de l’histoire en décrivant dans les termes classiques de la littérature apocalyptique, la manifestation du Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel.

Cette description chers amis est, fondamentalement, un plus dans les paroles de Jésus. Cet événement, à la différence des signes qui précèdent, ne ressemble à rien de constatable dans l’histoire des hommes. Cet événement ne ressemble pas aux guerres, aux famines, aux discordes, aux profanations des lieux saints. Cet événement de Jésus qui vient sur les nuées du ciel n’appartient pas à l’histoire des hommes. Il n’est donc pas le signe de la fin, mais la fin elle-même.

Toutes les situations catastrophiques que certains lisent comme des signes annonçant la fin appartiennent au quotidien de l’existence des hommes. La fin elle-même étant le seul élément qui ne trouve pas d’écho dans l’histoire des hommes.

La fin est bien le seul événement sur lequel personne ne pourra se tromper puisque, et pour cause, rien de tel ne s’est jamais passé.
Et tous les signes qui précèdent cette fin sont en fait, dans la logique de Jésus, l’histoire même d’une humanité déchirée par ses guerres, ses haines, ses malheurs.
ET je me permets de vous rappeler, chers amis, que ces catastrophes sont sur la terre depuis toujours.

Alors soyons clair. Oui, ce que j’attends en tant que Chrétien, je ne sais pas si c’est la fin du monde, la fin de l’existence humaine ou le règne de Dieu sur la terre.
Moi ce que j’attends, c’est le retour de Jésus. C’est le retour du fils de l’homme qui viendra sur les nuées.

Alors attention maintenant. Il est évident que mon rôle en tant que chrétien, et humain, est d’accepter mon humanité et ma vocation en tant qu’humain, fils de mon père.
Jésus, lui le premier, a accepté de ne pas savoir quand ce jour allait arriver. Alors de quel droit je saurai, moi, mieux que lui quel jour et quelle heure ?
Jésus est allé au bout de sa vocation : annoncer le Royaume de Dieu. Partager la Bonne nouvelle. Il a aussi beaucoup veillé et prié, souvent seul dans le désert ou sur la montagne. Mais on nous le raconte aussi au milieu du peuple, parlant et guérissant.

Alors je voudrais vous dire, ce matin, que notre ministère à tous n’est pas d’essayer de savoir quand Jésus va revenir. Notre ministère n’est pas d’essayer de percer des mystères. Jésus lui-même n’a pas essayé.
Notre vocation est d’accepter d’être des fils et des filles du Dieu vivant, et à ce titre, de partager autour de nous ce que la bonne nouvelle de l’Évangile nous apporte, transforme en nous.
Parce que, voyez-vous, j’espère que cette Bonne nouvelle change vraiment quelque chose dans votre vie. J’espère qu’elle vous donne la vraie joie, la vraie confiance, le vrai bonheur. Oui c’est à cela que nous sommes appelés, sur la terre. Je ne parle pas d’une vie facile et sans soucis. Non, c’est vrai que la vie n’épargne personne. Mais nous savons que nous ne sommes pas seuls et que notre Dieu est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde.

Alors ne cherchons pas à faire avancer le Royaume de Dieu. Ne cherchons pas à percer les mystères du retour du Christ. Notre vocation se trouve ailleurs, dans l’aujourd’hui, dans le quotidien auprès de ceux qui ne vivent pas encore de la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Oui soyons simplement des témoins du Christ ressuscité, des chrétiens fidèles, et déjà ce ne sera pas mal, car nous vivrons vraiment notre vocation de veilleurs.

Amen.