Notes préparatoires

Le récit de la guérison du sourd et muet a un parallèle dans Matthieu 15, 29 à 31 ; le contexte est le même que dans Marc. Il se situe après la guérison de la fille de la femme Syro-Phénicienne et avant la seconde multiplication des pains.
Mais les différences sont sensibles ; Matthieu cite une foule nombreuse de malades et d’infirmes. En Marc il est seul mentionné. Jésus, en Matthieu, guérit tous les gens et ils glorifient tous Dieu. En Marc un seul est guéri et les témoins répandent la bonne nouvelle.
Le cadre géographique que mentionne Marc, notamment l’itinéraire de Jésus est étrange, en zig-zag ; cela fait penser à un récit de miracle que Marc aurait inséré ici pour souligner que la bonne nouvelle dépasse dès lors les frontières d’Israël et va vers le monde entier.
Jésus rencontre ici un homme aux prises avec le mal ; il est infirme sourd et muet. Il ne peut ni communiquer, ni entendre les autres ; son handicap est physique mais aussi social.il n’est pas possible pour lui de s’insérer dans la société de son époque.
Le récit nous dit que des « gens »anonymes amènent le sourd muet ; ils sont désignés par « on » ; ceci suppose deux choses :
Les habitants ont entendu parler de Jésus et de sa puissance de Guérison.
Ils ont déjà ouvert leurs yeux sur la détresse de l’homme malade et font preuve de compassion envers lui. (La compassion n’est pas de la pitié). Ils le prennent en charge
La guérison en elle-même :
Jésus ne procède pas comme on lui demande de le faire, il prend le sourd –muet à l’écart et le sépare de la foule. On peut s’interroger sur le sens de ce geste : pudeur ? Pour ménager cet homme ? Pour lui éviter de devenir un spectacle aux yeux de la foule ? Ou plus précisément pour souligner l’œuvre de Dieu qui touche chacun de manière individuelle ?
Jésus procède à deux gestes pour rejoindre le malade : il met ses doigts dans les oreilles et dépose de la salive sur sa langue.
Agit-il comme un thaumaturge avec des gestes rituels ou se met –il tout simplement à la portée de l’homme pour qu’il comprenne ce que Jésus veut accomplir ? Ensuite il lève les yeux au ciel manifestant ici que ce qui va se produire vient de Dieu (voir pour l’épisode de Lazare ou il fait la même chose en jean 11).
Le mot Ephata n’est pas un mot magique mais le mot araméen qui signifie : « Ouvre–toi ».
On attribuait autrefois à la salive des vertus curatives, si Jésus semble utiliser cette méthode, il y donne un sens différent. C’est bien la parole de jésus comme manifestation de la puissance et de la volonté divine qui agit ici ; Dieu veut ouvrir chacun à la vie. L’œuvre d’amour et de salut ne touche pas seulement notre être intérieur mais l’humain dans sa dimension physique, sociale, psychologique spirituelle.
Le miracle c’est que l’homme va ici entendre et parler. Il va pouvoir prendre sa place dans la société.
Suite à cela Jésus commande à la foule de ne rien dire de ce qu’ils ont vu ; Marc cultive le secret messianique. Il ne faut rien révéler avant la manifestation de la résurrection. Mais comme le laisse entendre notre récit, les présents sont tellement impressionnés qu’ils ne peuvent se taire. Ils vont donc diffuser la bonne nouvelle autour d’eux. C’est une évangélisation avec des témoins inattendus. A la différence peut être de nous-mêmes qui souvent n’osons même pas parler de ce que nous avons reçu ; nous pensons à tort que c’est réservé à de spécialistes .
Enfin ce récit a eu lieu en territoire païen, c’est un prélude à la mission auprès des non-juifs.
Ce récit pose plusieurs questions qui peuvent fournir la trame d’une prédication :
Croyons-nous à la puissance de Dieu ?
Quand nous sommes malades, invoquons-nous sa présence ?
Le ministère de L’église (donc de tous ses membres) ne consiste –t-il pas à accompagner les malades et avec compassion à invoquer Dieu ensemble, à porter le fardeau en commun ?
L’Eglise n’invoque pas un pouvoir et n’en détient pas elle reçoit le don de l’Esprit- saint qui l’anime et la guide.

 

Prédication
Marc 7, 31 à 37

Jésus revient de Tyr et de Sidon et se rend en décapole sur la rive « païenne » du lac de Galilée. Il vient hors de la terre d’Israël en territoire que l’on dit païen, il vient à la rencontre de ceux et celles qui n’ont pas entendu parler de Dieu, il vient annoncer et manifester la bonne nouvelle.
On amène alors devant lui un homme sourd et muet depuis sa naissance et on lui demande de lui imposer les mains. Un geste de confiance en cet inconnu dont la réputation a peut être traversé les frontières. Jésus ne dit rien il emmène le sourd muet avec lui à l’écart et il ne lui impose pas les mains. Pas de rite religieux, pas de rite sensé transmettre une énergie divine ou magique. Mais d’abord un intérêt pour l’homme qui souffre et qui erre dans la nuit.
Ce matin nous lisons cet évangile et nous pourrions nous attarder sur tous les gestes de Jésus, sur sa pratique mais nous passerions ainsi peut être à coté de ce qui est essentiel.
La parole que nous entendons s’adresse à nous tous et lorsque Jésus prononce le fameux Ephata , ouvre toi c’est à nous qu’il le dit aujourd’hui.
Chaque détail du récit est au service de cette exclamation !
Il est question ici de s’ouvrir de dépasser nos portes et nos barrières comme jésus dépasse les frontières.
Les amis du sourd muet, cet inconnu dont nous ne connaitrons pas le nom et auquel nous pouvons plus facilement ainsi nous identifier, amènent l’homme vers Jésus.
Ils ont déjà commencé à ouvrir leurs yeux et leur cœur ; ils ont compris sa détresse, et pensent que peut être il pourra être sauvé, arraché à sa nuit profonde. Les amis de cet homme ont amené leur ami parce qu’ils avaient confiance en Jésus.
Ils ont pensé que Dieu se soucie de tout homme ou femme ; qu’il s’intéresse à chacun individuellement. Nous avons l’impression d’être comme un individu sans importance perdu dans l’immensité de la création et de l’univers. Nous pensons nous aussi : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu prennes garde à lui ? » (Psaume 8, 4 et 144,3).
Pourtant le texte suggère que Dieu se préoccupe de chacun de manière individuelle. Un Dieu qui voit, qui écoute, qui sent, ressent ; Un Dieu sensible et qui peut changer d’avis. L’Evangile ne parle pas d’un Dieu qui sauve tous les hommes globalement mais d’un Dieu qui s’approche et se laisse approcher dans notre intimité. Un ami qui vient sauver chacune de nos vies nous arracher aux prisons que nous construisons autour de nous et qui nous rendent sourds et muets , stériles et sans vie authentique.
Les proches de l’homme sourd et muet avaient été interpellés par sa souffrance, leurs yeux s’étaient ouverts et aussi leur cœur. Nous sommes nous aussi invités à entendre les cris de ceux et celles qui vivent là près de nous dans la peine et la difficulté. Et aussi à nous souvenir des promesses de Dieu.
Puis Jésus avance ses doigts vers les oreilles de l’homme, pour que ce qui est fermé soit ouvert, que l’homme entende et s’ouvre à ce qui est autour de lui, mais plus encore qu’il puisse désormais s’ouvrir à la parole de Dieu, celle qui fait vivre. A quoi sert –il que Dieu donne sa parole si nul ne peut la recevoir et la comprendre.
Il ya dans nos vies, avouons le, des domaines dans lesquels nous sommes sourds à la parole de Dieu. Nous avons pour cela souvent de bonnes raisons. Certains, peut-être parce qu’ils n’ont pas entendu ou qui l’ont entendu mais qui luttent, qui résistent qui ne veulent pas changer. Et puis il peut y avoir ces situations ou nous préférons passer à coté sans nous attarder ou nous cédons à l’écho de l’indifférence, passer à côté des problèmes et que ceux-ci ne nous touchent pas.
Nous ne les entendons pas, nous ne les reconnaissons pas. C’est la tentation de voir la douleur comme quelque chose de naturel, de s’habituer à l’injustice. Nous nous disons que c’est normal, qu’il en a été toujours ainsi. C’est l’écho qui naît dans un cœur blindé, fermé, qui a perdu la capacité d’étonnement et, par conséquent, la possibilité de changement. Il s’agit d’un cœur qui s’est habitué à passer sans se laisser toucher. Là encore nous avons besoin que Dieu nous crie ouvre –toi et qu’il le fasse en nous !
Puis Jésus dépose de la salive sur sa langue. Jésus ne parle pas, il pose des actes que le sourd muet peut ressentir, comprendre, il parle par gestes qui disent avant tout Dieu a vu ta souffrance et te touche là ou tu es infirme et enfermé.
Le geste que fait Jésus rappelle celui du potier qui façonne l’argile entre ses mains. Jésus pose ses doigts dans les oreilles du malade pour qu’il puisse à nouveau entendre la Parole créatrice de Dieu. Ce geste évoque aussi le souffle que Dieu veut communiquer à sa vie par l’Esprit-Saint, il veut lui délier la langue pour qu’il puisse louer Dieu, et proclamer ses merveilles.
Jésus lève alors les yeux au ciel. Il révèle ainsi l’origine de la puissance qu’il met en œuvre et la vraie finalité de la guérison qu’il offre à notre humanité : il est venu d’auprès du Père, pour nous ouvrir le chemin qui conduit à lui.
Alors s’échappe de la bouche de Jésus un profond soupir.
Durant toute sa vie publique, Jésus va consacrer son énergie à « délier les enchaînés » (Ps 145) en prenant sur lui leur chaînes ; il va «redresser les accablés » en prenant leur joug sur ses épaules ; il va « ouvrir les yeux des aveugles ».
Désormais l’homme peut s’ouvrir, ce qui l’en empêchait a été enlevé.
Jésus lui dit en araméen Ephata, ouvre –toi !
Jésus lui conseille de s’ouvrir non seulement à Dieu mais d’abord et avant tout à la vie et aux autres. Nous avons parfois du mal à accepter que la vie change, qu’elle évolue, qu’elle passe. Nous sommes nostalgiques, nos souvenirs nous hantent. Mais hier est passé et ne reviendra pas ; le vent de l’esprit de Dieu nous pousse inévitablement vers d’autres lieux et d’autres rencontres et à vivre les choses différemment.
Nous ouvrir à l’avenir au changement, voir ou Dieu nous conduit, voir où il veut agir et nous amener à nous engager. Nous avons peur de l’aventure, mais Dieu ne cesse d’inventer la nouveauté ; il est le créateur de toutes choses. Celui qui de la mort ressuscite l’homme et le remet debout.
Dieu a peut-être pour chacun de nous des merveilles en réserve alors il nous faut devant lui un cœur ouverte et disponible. Nous attendre à l’inattendu ; et peut –être ne pas lui dicter ce que nous voulons mais lui faire confiance pour qu’il nous fasse découvrir ce qui est le meilleur pour nous sans qu’il nous l’impose. Que les choses se fassent parce qu’il viendra nous rencontrer dans nos vies, là ou nous sommes !
Ouverture à Dieu certes mais aussi ouverture aux autres qui attendent notre présence. Entendre, recevoir, comprendre ce qui fait leur peine, leurs espoirs, leur misère et ensemble nous en remettre à Dieu. Et en nous engageant au service les uns des autres devenir d’humbles témoins d’un Dieu qui ne cesse de vouloir rejoindre nos vies dans son amour et sa grâce.

Amen