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Notes bibliques
Le baptême de Jésus est raconté dans les 4 évangiles, ce qui montre à quel point ce passage a été jugé d’une importance capitale dans l’église antique. Important, et dérangeant, car pourquoi Jésus aurait-il besoin du baptême, ce signe qui dit que nous mourons à notre ancienne vie pour renaître à la vie nouvelle ?
Jésus a été baptisé par Jean, et cela a certainement posé des questions dans l’église antique où le rôle et l’importance respectifs des deux a dû être beaucoup discuté. À sa manière, chaque évangéliste raconte l’évènement, en y mettant ses accents propres. La version matthéenne est la plus élaborée des quatre. Pour Matthieu les points propres seront:
  • Là où Jean annonce le Messie juge eschatologique en 3, 1-12, voici un Jésus humble qui demande le baptême de purification. Il y a là une tension dans le récit.
  • Les vs. 14 et 15 sont propres à Matthieu et caractéristiques de ses préoccupations. Le mot justice est typiquement matthéen, et a le sens de soumission fidèle à la volonté de Dieu.
  • On trouve ici le thème de celui qui s’est abaissé est “élevé au-dessus de tout nom” (Phil 2, 6-11), un des motifs christologiques les plus anciens.
  • Dans le parallèle de Luc (Lc 3,21-22) la voix du ciel utilise des mots du psaume 2: “tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré” et de Esaïe 42,1: mon fils bien-aimé. Le motif du serviteur souffrant d’Esaïe et du Messie royal du psaume se rejoignent ainsi.

Ainsi le baptême de Jésus proclame Jésus comme le véritable Ebed IHWH, serviteur de Dieu.

 

Analyse par verset:

13: selon 3,1 Jean prêchait dans le désert de Judée, le voici au bord du Jourdain. Même si les deux ne sont pas en absolue contradiction, le fait que Matthieu mentionne ici le Jourdain a une importance certaine dans le contexte de notre passage. Le Jourdain est en effet la frontière par laquelle il faut passer pour rentrer dans le pays promis (Gn. 32, Jacob lutte avec l’ange et Josué 3, la traversée). Mt insiste sur le caractère insolite de ce qui va se passer : pour être baptisé par lui.

14: le verbe s’opposer semble avoir eu un rôle dans la liturgie de baptême antique (cf Ac 8,36; 10,47; 11,17) Jean ne fait pas assaut de politesse : il relève un empêchement majeur au baptême. Jean reconnaît immédiatement en l’homme qui s’approche le Messie, on a probablement un reflet ici de la polémique qui a existé dans les premières communautés sur le rôle de chacun, puisqu’il a existé des communautés johanniques. 15 : la justice dont parle Jésus est donc l’obéissance totale à la volonté de Dieu. Jean et Jésus ensemble feront la volonté de Dieu, l’un en donnant le baptême, l’autre en le recevant. C’est ainsi qu’ensemble ils ouvrent les temps messianiques. Si l’on considère Jean comme le dernier des prophètes du Premier Testament, nous avons ici le geste qui relie les temps anciens et les temps nouveaux. L’obéissance à Dieu devient ainsi signe de solidarité avec le peuple de Dieu, qui, selon Luc, était venu « tout le peuple » pour se faire baptiser, c’est à dire revenir vers Dieu.

16 : les cieux s’ouvrent, théophanie : Dieu se révèle. L’Esprit de Dieu peut rappeler Genèse 1,2, tout comme la colombe rappelle Genèse 8,10. Les deux sont signes de la nouvelle création, la nouvelle alliance qui s’ouvre.

17 : un lien très particulier entre Dieu et Jésus est ainsi souligné : mon Fils bien aimé. En Jésus deux lignes du Premier Testament se rejoignent: le Messie en tant que Fils de Dieu (Ps 2) et en tant que Serviteur de Dieu (Es 42). En la personne de Jésus les temps messianiques s’ouvrent, mais de manière différente de ce que le judaïsme et que Jean le Baptiste l’attendaient. Dieu lui-même révèle au peuple rassemblé au bord du Jourdain que leur sauveur est là, parmi eux.

 

 

Littérature

  • Pierre Bonnard, L’Evangile selon saint Matthieu, tome 1, Genève, Labor et Fides, 1992
  • J T Nielsen, het evangelie naar Mattheus, deel 1, Nijkerk, Callenbach, 1971
 

Prédication

Une nouvelle année, un nouveau commencement.

Traditionnellement dans l’église nous lisons ce dimanche le récit du baptême de Jésus, qui inaugure son ministère. Curieux récit, qui se trouve dans les 4 évangiles, ce qui est déjà une première indication de l’importance de ce passage pour l’église ancienne. Jésus qui reçoit le baptême ? Mais pourquoi ? Il n’est pas pêcheur, lui, alors pourquoi a-t-il besoin du baptême ? Cela a dû poser pas mal de questions. Matthieu est celui des quatre qui insiste le plus sur cette apparente incongruité, puisque chez lui Jean s’exclame : « C’est moi, disait-il, qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! »

On sait que dans la première église il y a eu une discussion sur qui était le Messie attendu, et que les membres de la communauté de Jean le Baptiste ont eu du mal à accepter que c’était Jésus, celui qui venait accomplir les prophéties. Jean baptisait au bord du Jourdain, là où nous l’avons vu au début du chapitre 3 aller dans le désert de la Judée. Dernier prophète du Premier Testament, Jean en porte les attributs : le vêtement en poil de chameau et la ceinture de cuir autour des reins. Ainsi il rappelle le prophète Elie, dont il a été dit qu’il reviendrait pour annoncer la venue du Messie. Matthieu nous dit à sa manière, compréhensible pour le public d’origine juive pour lequel il écrit, que Jean est le précurseur, celui qui ouvre le chemin pour Celui qui doit venir.

Et le voilà donc au bord du Jourdain, où « toute la Judée et toute la région du Jourdain » était accouru. Les gens ont tout quitté pour venir là, ils ont quitté leur maison, leur travail leur famille… ils ont soif d’un changement, d’un changement radical. Et voici Jean : il leur prêche un baptême de conversion, dans des termes sans aucune ambiguïté. Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion ; et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : “Nous avons pour père Abraham.” Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham. » Jean met le doigt sur ce qui fait mal : ce n’est pas par naissance ou de manière sociologique qu’on fait partie du peuple de Dieu, mais uniquement par conversion : il faut se tourner vers ce Dieu qui nous appelle. C’est une chose qui n’est pas facile à entendre, ni pour les Juifs de cette époque, ni pour les chrétiens d’aujourd’hui.

Ce n’est pas parce que tu es né dans une famille chrétienne, que tu es toi-même chrétien : encore faut-il le vouloir, revenir vers la source, demander le baptême, oser une relation avec Dieu ! Et c’est là que ce lieu du Jourdain prend son importance. Le Jourdain c’est ce fleuve qui dans le livre de Josué marque la frontière du pays promis. Enfin définitivement libéré de l’esclavage en Egypte et de l’errance dans le désert, le peuple le traversera en procession, de manière liturgique, et y érigera un mémorial et un autel pour consacrer le lieu à Dieu. Avant cela déjà le Jourdain a eu un rôle important : lorsque Jacob revient de son exil chez l’oncle Laban, il est devenu père d’une nombreuse famille, et devenu un riche chef de clan, mais il a peur de son frère Esaü qu’il a trompé et devant lequel il a fui il y a longtemps. C’est au gué du Yabbok, affluent du Jourdain qu’il doit lutter avec l’ange, une nuit entière, pour avoir le droit de revenir dans le pays promis à ses ancêtres. Et l’ange, en le quittant, lui donnera une nouvelle identité : Israël. Le Jourdain est ainsi plus qu’une frontière, c’est le symbole et le lieu d’une conversion, d’un changement, comme un changement de paysage intérieur lorsque les Juifs venaient trouver Jean-Baptiste pour être plongés par lui dans le Jourdain. Le mot Jourdain signifie par ailleurs : descente, ou jugement…

Désormais, avec Jean-Baptiste et le Nouveau Testament, on ne traverse plus le Jourdain d’un bord à l’autre, comme un lieu de passage : on s’y enfonce comme en un lieu de vie, comme une terre où l’on va être fécondé pour pouvoir vivre et grandir dans ses eaux. Ainsi on peut laisser derrière soi son ancien « moi » et rentrer, purifié, dans le pays promis. En plongeant dans l’eau, en traversant ainsi symboliquement la mort, le croyant reçoit le pardon des péchés, et la possibilité de vivre une vie nouvelle avec Dieu. Et c’est précisément là que Jésus va être révélé à «tout le peuple » qui était assemblé là pour vivre le baptême de la conversion. C’est à ce moment précis que Jésus est révélé comme le Fils de Dieu à ce peuple en attente. Il « paraît » nous dit le texte.

Ce n’est pas un heureux hasard qui l’amène là, mais sa venue est prévue, attendue, préparée. Ce baptême, Jésus va le recevoir, lui aussi. Lui qui n’a pas besoin de se repentir, de se convertir, puisqu’il est venu justement pour sauver son peuple. Il va recevoir ce baptême en signe de solidarité avec ce peuple qui s’est réuni là, au bord de l’eau, à la frontière. C’est bien Emmanuel, Dieu avec nous, qui paraît ainsi au bord de l’eau. Ici à la frontière, Dieu lui-même vient révéler son Fils.

 

D’emblée Matthieu nous dit ainsi l’essentiel du message du Christ : puisqu’il est devenu un homme de chair et de sang comme nous, qu’il a accepté de vivre notre condition, il nous sauve. Par sa fidélité et son obéissance à la volonté de Dieu, par sa mort, nous avons reçu la vie nouvelle. La solidarité, et bien plus que cela ! Ici, dans ce lieu de conversion et de repentance Dieu révèle son Fils. Comme plus tard à la Pentecôte l’Esprit de Dieu descend sur terre et se pose visiblement sur son élu. Une voix du ciel dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. » « Celui-ci est mon fils » est une citation du Psaume 2, qui parle du Messie, qui jugera la terre avec force.

Le mot bien-aimé fait penser à Esaïe 42, où le prophète parle du serviteur souffrant, qui joue un si grand rôle dans les prophéties du 2e Esaïe. Les évangiles ont interprété la figure du serviteur souffrant comme une figure du Christ, qui a souffert jusqu’à la mort sur la croix pour nous. Ainsi les deux lignes vétérotestamentaires : le Messie triomphant, juge de la terre, et le Serviteur souffrant, sauveur des siens, se joignent ici, dans les eaux du Jourdain. Et c’est à celui-ci que Dieu dit : tu es mon Fils bien-aimé.

Ce Jésus qui accepte d’être baptisé, de descendre dans les eaux de la mort, de faire la volonté de son Père, Dieu lui dit : tu es mon Fils, mon bien-aimé. Et comme ce Jésus est venu pour être solidaire avec nous, cette parole nous est adressée à nous tous aujourd’hui, nous qui venons vers lui, qui nous retournons pour nous convertir, pour nous repentir. La voix du ciel dit à chacun et à chacune d’entre nous : tu es mon enfant, celui qu’il m’a plu de choisir. Amen

 

Thématique : Jean le Baptiste/ Baptême de Jésus/Le baptême/ Conversion/Traversée des eaux/Nouvelle filiation/