La religion au coeur du stade
Est-ce que la religion apporte un supplément d’âme aux sportifs ? Déjà chez les Grecs de l’Antiquité, les Jeux Olympiques étaient dédiés à Zeus et à Poséidon pour les jeux isthmiques de Corinthe. On pensait que les dieux octroyaient la victoire aux athlètes. Le sport et la religion se mêlaient par une série de rites et de codes pour associer l’idéal du sport à une dimension sacrée. Aujourd’hui encore, le désir de vaincre réintroduit cette sacralisation et pousse les athlètes de tous niveaux à des superstitions et des rituels pour attirer la chance : embrasser la pelouse après un but, se signer, prier, lever un doigt vers le ciel… Les enceintes des stades deviennent des cathédrales modernes où des dizaines de milliers de supporters se retrouvent pour vivre et communier à une même passion auprès de leurs idoles qu’ils sont prêts à sacrifier en cas de défaite.1
Des convictions protestantes
Dans le protestantisme, il n’existe pas une doctrine officielle du sport, ni de décision synodale spécifique de l’Église protestante unie de France. Cependant, face au magistère catholique, la Réforme protestante du XVIe siècle a plutôt insisté sur la responsabilité individuelle du croyant. En 1517, Martin Luther redécouvre que le salut de Dieu est offert de manière inconditionnelle à celui qui croit2. Son expérience de foi est un bouleversement radical de sa spiritualité. Ce moine n’accepte plus de se soumettre à la dérive du pouvoir ecclésial de Rome. Le mouvement de la Réforme est né ! La lecture de la Bible, et ses interprétations, devient première face au poids de la tradition ecclésiale et doctrinale. La Réforme protestante n’est pas un retour au passé, mais bien un bond vers un monde nouveau par une désacralisation du religieux et la volonté de répondre de manière pertinente aux questions actuelles, sans tabou.
« Le protestantisme se définira lui-même comme un projet pédagogique grâce à sa vision nouvelle des rapports avec Dieu, le monde, les autres, une vision dans laquelle le rapport au corps se renouvelle lui aussi. »3 Des exercices corporels et d’éducation physique sont proposés dans les programmes des établissements scolaires protestants (Jean Sturm en 1538 à Strasbourg, Jan Comenius en 1638 à Prague). Le corps n’est plus synonyme de péché qu’il faut mortifier pour le purifier, mais il est d’abord perçu comme une création de Dieu à valoriser. Le corps humain est le temple de Dieu4. L’apôtre Paul, dans ses correspondances avec les premières Églises chrétiennes, fait de nombreuses métaphores sur le sport. Le chrétien est à l’image d’un athlète qui court pour le Christ.5
Des initiatives sociales et spirituelles
La révolution industrielle dans les pays anglo-saxons de culture protestante introduira une vision moderne du sport par une transformation des mentalités. En Angleterre, de jeunes travailleurs affluent dans les bassins miniers. Dans leurs rares temps de repos, ces jeunes sont livrés à eux-mêmes et découvrent les vices et les tentations des grandes villes : alcool, jeux de cartes et de hasard, violence, prostitution… La jeunesse devient un corps social en soi que les protestants veulent accompagner spirituellement.
En 1850, un mouvement apparaît : Muscular Christianity. Ses partisans se dressent contre un christianisme mou, quelque peu féminisé et peu attractif. Ils prônent un courage viril et une force morale avec la volonté de se battre et de se dépasser. Plusieurs mouvements chrétiens reprennent pour leur compte ces valeurs : les Young Men Christian Association (YMCA) en 1845, l’Armée du Salut en 1879, et le scoutisme en 1909.
Le YMCA crée alors un réseau international de foyers d’étudiants et de jeunes travailleurs, où le sport, le théâtre, et la vie communautaire sont intimement liés. Les YMCA sont à l’origine de la création du basket-ball en 1891 et du volley-ball en 1895, des jeux praticables à l’intérieur des gymnases de leurs foyers. En développant ces sports d’équipe où l’adresse prend le pas sur la force, ces mouvements protestants entendent contribuer, par une ambition éducative et spirituelle, au renforcement du lien social qui dépasse les appartenances nationales, sociales ou religieuses. Ainsi, ils ont souhaité enseigner le fair-play, le respect des règles et de l’adversaire, le goût de la victoire sans artifice, et l’acceptation de la défaite. Autant de valeurs qui feront de ces sportifs de bons athlètes, mais aussi des citoyens responsables.
1 Le Salut par le foot, Nathalie Luca, Genève, éd. Labor et Fides 1997.
2 La Bible, Épître de Paul aux Romains 1.17 : En effet, la Bonne Nouvelle révèle comment Dieu rend les humains justes devant lui : c’est par la foi seule, du commencement à ta fin, comme l’affirme l’Écriture : “ Celui qui est juste par la foi, vivra ”
3 Le sport et le protestantisme Yann Redalié in revue Évangile et Liberté, no224, déc. 2008, p.10.
4 La Bible, Première épître de Paul aux Corinthiens 3.16 : Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?
5 La Bible, Epître de Paul aux Philippiens 3.12 : Je cours vers le but pour obtenir le prix de l’appel céleste de Dieu en Jésus-Christ.