Reprise

 

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Notes bibliques

Il s’agit d’un récit de rencontre avec le Ressuscité en deux volets. Tout d’abord Jean 20, 19 à 23. De tels récits de rencontres avec le Ressuscité ont été rédigés très tôt. Nous en trouvons des parallèles, p.ex. en Mt 28. Curieusement, le récit ne contient pas d’évocations du contexte, donc, par exemple, pas d’allusion au témoignage de Marie ou aux témoignages du tombeau vide.

Le centre de ce récit est, évidemment, le miracle de l’apparition de Jésus (à travers les portes fermées : ce qui prouve sa qualité divine) et son appel à la vocation première des chrétiens, à la rémission des péchés.

Un élément surprenant : Le Ressuscité présente ses mains (avec les marques de clous) et son côté. Parallèle manifeste à Lc 24, 39, mais dans Jean nous n’avons pas le trouble, la frayeur des disciples (Lc 24, 37). Apparemment, Jn tient, avant tout, à souligner par cela l’identité du Ressuscité avec Jésus, mort à la croix.

Bien sûr, ce texte (Jn 20, 19 à 23) mériterait, à lui seul, une prédication : Identité du Ressuscité avec le fils de l’homme, mort à la croix, sa présence parmi nous, les disciples, malgré qu’il soit monté au ciel (réalisation de la promesse Jn 14, 18ss)

Et la suite, la conséquence logique de sa présence parmi nous : Nous accomplirons en son nom sa mission, en remettant les péchés, en déchargeant nos compagnons de route des fardeaux qui pèsent sur eux.

J’ai opté, par contre, pour une prédication sur la seconde partie de l’évangile du dimanche, sur l’histoire de Thomas, surtout à cause de son originalité : pas de parallèles ailleurs !

Ce second récit (Jn 20, 24 à 31) s’enchaîne à la première partie, avec une légère contradiction : Si « les » disciples sont réunis, on dirait qu’ils étaient au complet (sans compter Judas) – mais, apparemment, un des douze a manqué la rencontre avec le Ressuscité (qui, sous-entendu, avait eu lieu le jour même de la résurrection).

Le récit fait sous-entendre, en plus, que la réunion était de caractère cultuel. Elle se répète huit jours après (on se rappelle les réunions cultuelles avec la Sainte Cène qui, très tôt, se sont organisées le ‘premier jour de la semaine’). Et, comme si Jésus avait « entendu » les objections de Thomas, il lui permet de le toucher (à l’opposé de Jn 20, 17 !). Sur cela, Thomas fait une confession de foi (la dernière dans Jn !) – et la rencontre se termine par une parole de Jésus qu’on a très souvent pris pour une critique, adressé à Thomas. Mais ce serait une explication trop facile. « Les » disciples (qui étaient présents le soir de Pâques) n’avaient-ils pas, eux aussi, ‘cru parce qu’ils avaient vu’ ?

Pour aller plus loin, je pars de la signification du nom « Thomas » et des deux petits moments où Thomas apparaît dans l’évangile avant Pâques :

Jn 11,16, Thomas se permet une remarque très irrévérencieuse et ironique. Il ne veut surtout pas monter à Jérusalem pour y mourir !

Jn 14,5, Thomas se permet également une réponse à Jésus qui fait preuve d’une certaine « distance critique » par rapport à Jésus.

Et le nom : Thomas est un nom araméen (donc de la langue maternelle de Jésus) qui signifie « jumeau ». Dans notre évangile, fait rare pour Jn, on nous explique exprès cette signification, par sa traduction grecque. Signe d’une importance à découvrir.

Or, nulle part dans l’évangile, nous n’apprenons quelque chose d’un frère jumeau de Thomas. Nous rencontrons ce disciple, par contre, comme celui qui se permet de « faire l’avocat du diable ». Avec cela, à mon avis, il devient le modèle même de l’homme sceptique, de celui qui, même dans le domaine de la foi, n’arrive pas à écarter, à faire taire son bon sens. Il pose des questions ‘hérétiques’. Il admet ses doutes.

Mais pourtant, à un moment donné, Thomas va arriver à faire cette confession de foi solennelle : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Il la fait – au moment de ‘toucher’ les blessures de Jésus…

Je ne sais malheureusement plus où, mais je suis tombé, un jour, sur un récit du martyre de Thomas. Thomas, selon ce récit, était connu, dans l’église primitive, comme un des premiers martyrs pour la foi. Connaissant ce détail, le fait que Thomas « touche » les plaies de Jésus va nous couper le souffle : Nous y découvrons un double-sens en effet « touchant » qui nous permet de tout comprendre : Ce même Thomas qui, toujours à nouveau, avait eu des objections critiques, qui se permettait des questions qui semblaient tout remettre en question : Ce même Thomas ne broncha pas au moment de l’épreuve, il parvint non seulement à dire, mais à vivre une ‘confession de foi’ vraiment digne de tout disciple.

C’est ainsi que Thomas devient un modèle pour nous autres chrétiens. Il nous montre que les questions critiques (ces questions que nous refoulons si souvent dans le coin le plus noir de notre cœur) ont leur droit (Thomas, malgré elles, EST disciple, fait partie des douze !) – et il aura même le privilège d’une proximité extraordinaire du Ressuscité (il va le ‘toucher’ – dans le plein  sens du terme !).

J’ai donc voulu mettre en avant ce « Thomas » dans ma prédication. Je le fais d’une manière très personnelle. Ne me dites pas qu’un autre prédicateur ne peut pas tout simplement faire siennes ces phrases très personnelles. C’est clair – mais je les laisse pourtant dans mon manuscrit pour appeler le lecteur (et surtout le futur prédicateur du même évangile) à trouver sa place à lui ‘face à’ ou, mieux encore, ‘dans’ cet évangile. Je suis persuadé que nos auditeurs ont besoin, parfois (et même assez souvent !) de tels témoignages très personnels.

Essayez donc de donner le vôtre.

 

Cantiques proposés

AEC 475, NCTC 212, Alléluia 34-15 : Mon Rédempteur est vivant,  Str 1-2-3 ;

AEC 484, Alléluia 36-07 : Seigneur en ta victoire Str 1-2-3 ;

AEC 528, NCTC 243, Alléluia (M) 36-08 : O Jésus, tu nous appelles, Str 1-2.

 

Prédication

Bien chers amis,

J’ai toujours été touché au plus profond de mon âme, tout au long de mon adolescence, par l’accent plein de mépris avec lequel on « jugeait » celles et ceux qui doutaient.

Connaissant – un peu du moins – mon propre cœur, je savais très bien que je méritais pleinement ce jugement sévère qu’on portait sur les chrétiens qui n’arrivaient pas à écarter les questions critiques, qui connaissaient les obscurités du doute et les insécurités du cœur, celles qui te font plonger dans ces moments de silence et de mise en question, qui t’obligent, toujours à nouveau, à chercher, à implorer Celui qui comprend et qui pardonne… et qui, j’en suis certain, t’accueille, et m’accueille, même avec nos doutes…

Eh oui, j’en étais persuadé, même avant de connaître de près l’évangile de ce disciple qui doute –  cet évangile qui fait partie du récit pascal, et qui nous est proposé pour notre méditation d’aujourd’hui. 

Si Thomas, le disciple qui doute, a trouvé une place privilégiée dans les récits de Pâques, il est, du moins pour moi, (mis à part le Ressuscité, bien sûr !) le personnage le plus important de toutes les traditions pascales. Il me semble être d’une importance majeure que Thomas et son DOUTE se trouvent, en effet, au centre du message pascal – et aussi au centre de notre méditation d’aujourd’hui.

 

Le disciple Thomas porte un surnom. On l’appelle « Didyme », ce qui signifie le double, le jumeau. Mais, à notre connaissance, Thomas n’avait ni frère ni sœur du même âge. Autrement dit : il faut comprendre cette appellation « Didyme », jumeau, sur un plan différent, dans un sens métaphorique, symbolique. Ce surnom qualifiait Thomas, apparemment, de personnage double. Empruntant les paroles d’un poète allemand, Thomas aurait pu dire : « Hélas ! Ce sont deux âmes qui habitent dans mon cœur » !  Eh oui, deux âmes, deux orientations différentes orientent ma vie. Elles sont diamétralement opposées, et pourtant elles ont, toutes les deux, leur place dans mon cœur et dans ma vie : Je veux croire, je me suis lancé dans une existence fondée sur la foi. Je veux être un disciple de Jésus. Je me suis engagé à fond dans l’église du Christ. Et pourtant il y a des moments sombres et difficiles dans ma vie qui pèsent sur mon cœur et qui mettent tout en question. Oui, je connais très bien ces expériences où tout est remis en question, où toutes les certitudes s’écroulent, où les convictions les plus profondes commencent à chanceler ; ces instants pendant lesquels il m’arrive de me trouver en face de cette question préoccupante, à savoir si j’ai vraiment eu raison de m’engager dans cette direction, et si cette vie pour le Christ et son Église vaut vraiment la peine d’être vécue et poursuivie.

Vous aussi, peut-être, bien chers amis, vous connaissez ce genre de questions. Et il ne s’agit pas simplement de savoir si cette entreprise que nous appelons EGLISE vaut vraiment une vie d’homme ou de femme. Ce ne sont pas seulement l’engagement dans la foi ou les efforts investis dans les activités de paroisse qui peuvent faire surgir de telles questions. Ce ne sont pas non plus seulement les orientations éthiques qui découlent de notre engagement chrétien qui sont à l’origine de ces préoccupations, ni les priorités de choix et d’emplois du temps qui en sont les conséquences.

Le doute, c’est une mise en question existentielle. Ce sont des troubles du cœur, ce sont des questions qui vont bien plus loin. Ce sont des interrogations qui minent plus profondément notre personnalité pour remettre en question nos engagements, nos prises de position, nos orientations de vie. Le doute parvient à tout ébranler, à tout mettre en question, il arrive à troubler tout notre esprit et toutes nos orientations personnelles.

 

Très souvent d’ailleurs, le doute pose la question si innocente et combien compréhensible du POUR QUOI : Pourquoi cette maladie qui atteint un être qui m’est cher ?  Pourquoi cette souffrance qui, par exemple, est imposée, actuellement, à tant de Juifs et d’Arabes en Israël ? Pourquoi cet avenir incertain pour tant de nos jeunes qui ne savent pas comment faire pour trouver du travail, pour accéder à une place valable dans la société qui nous entoure ?

 Je sais que tout cela vous préoccupe, vous aussi, bien chers sœurs et frères. Le privilège de pouvoir cheminer au coude à coude sur la même route que vous, fait partie de mon bonheur. Voir, avec vous, comment tant de personnes parmi nous sont très activement engagées dans notre  communauté, pour faire le possible en face des détresses que nous rencontrons, pour côtoyer les malades, pour accompagner les infirmes, pour réunir des fonds d’entraide, pour encourager nos jeunes… tout cela fait chaud au cœur.

 

Et je suis persuadé, d’ailleurs, que de tels engagements très concrets sont la seule façon – vraiment « chrétienne » – de relever le défi du doute. Tu te demanderas en vain où se « cache » Dieu quand tu vois des gens souffrir – tant que tu ne comprends pas que c’est toi qui es appelé, à réagir en son nom, donc à faire tout le possible, très concrètement. Il est inutile de se poser les grandes questions de la foi, tant que tu n’es pas prêt à vivre très simplement l’amour où tu te trouves. Il ne sert à rien de se lancer dans les discours philosophiques ou théologiques, tant que nous n’avons pas compris que nous sommes appelés à vivre, en toute humilité, très concrètement avec celles et ceux qui sont dans la souffrance et qui ont besoin d’être accompagnés. Au lieu de nous plonger dans les réflexions spirituelles, il importe de mettre les mains à la pâte, même au risque de les salir. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à VIVRE activement – au lieu de prendre nos distances, au lieu de rester des spectateurs curieux, des témoins de ce qui se passe – ce qui, par ailleurs, arrive parfois à nous paralyser de terreur. Nous sommes appelés  à faire comme si Dieu n’existait pas, comme si c’était nous – et nous seuls ! – qui étaient obligés de faire le nécessaire, à la place de Dieu – et voici qui tu te verras sortir du doute !

Le doute, le scepticisme de Thomas pose la question du « POUR QUOI ? »- et aussi la question du « A QUOI BON ? » Pourquoi tant de souffrances pour des victimes innocentes ? Pourquoi, sur notre terre, les uns souffrent-ils sans l’avoir mérité, et pourquoi les autres, les pilleurs impitoyables du bien de leurs ennemis et les marchands d’armes, s’enrichissent-ils sans arrêt – sans aucune pudeur ni réticence ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Mais il existe aussi cette autre question : A quoi bon s’engager ? Que faire avec nos moyens si faibles, avec les moyens de bord, les outils à notre portée, si peu efficaces ? A quoi bon notre petit coup de main – en face de la souffrance écrasante de tant de femmes et d’hommes innocents ?

Nous aussi, nous sommes de semblables « jumeaux », de tels « Didymes », de tels personnages doubles qui, d’un côté, accueillent à cœur ouvert le message de l’amour paternel de notre Dieu créateur et qui, de l’ autre, connaissent aussi (et en même temps !) le doute paralysant, ce sentiment d’être impuissants, d’être démunis ; l’impression de se trouver du mauvais côté, d’être dépourvu de toute orientation valable. Nous voici envahis par ce vertige qui met en question toute confiance, toute foi, tout engagement au nom de l’Amour…

 

Mais il est important de retenir que Thomas, celui qui DOUTE, se trouve au cœur du message pascal. Puisqu’il fait partie des témoins de la résurrection, nous n’avons plus besoin d’avoir honte de nos questions, ni de nos doutes. Nous, personnages doubles, nous, aussi incertains que nous soyons, nous voici représentés par Thomas – au cœur même des rencontres avec le Ressuscité.

Avec et par cette expérience nouvelle, il n’est plus nécessaire de cacher nos doutes. Nous ne sommes plus obligés de camoufler nos questions, de dissimuler notre insécurité derrière un masque souriant ou pieux. Il ne faut plus « faire comme si », il est inutile de faire disparaître nos incertitudes derrière une façade impeccable qui, au fond, ne cache que des ruines.

Nous sommes appelés à entendre et à méditer le récit de Pâques de Jean, très attentivement afin de nous retrouver DANS ce récit, pour nous découvrir nous-mêmes dans cette histoire qui traite de notre propre foi – et de nos propres doutes.

Thomas n’a pas été présent au moment où Jésus s’est montré à ses disciples. C’était un moment de culte, d’ailleurs (le récit parle d’une réunion au premier jour de la semaine. Les disciples s’étaient donc réunis le dimanche pour fêter la résurrection de Jésus et pour célébrer cette Cène qui nous unit) . Mais, pour mettre les choses au clair : Thomas a séché le culte. Il avait « un empêchement », comme il nous arrive d’en avoir. C’est ainsi qu’il rate cette expérience d’affermissement de la foi que les autres disciples ont pu partager.

Thomas n’a pas eu l’occasion de partager le moment bouleversant de la rencontre avec le Ressuscité. Il ne sait donc pas encore que le désarroi, la peur, la détresse du vendredi saint n’ont pas eu le dernier mot. Thomas n’était pas là,  et c’est ainsi qu’il ne comprend pas comment ses frères et amis ont pu trouver la paix malgré la peur, comment ils ont pu accéder à cette certitude que la peur et la mort sont vaincues, comment ils ont pu surmonter le deuil et la souffrance, les incertitudes et le doute.

Thomas n’était pas parmi les disciples. Mais pourtant, il a sa place parmi eux. Il fait partie de la communauté chrétienne. Il est l’un des douze, il est un disciple – bien qu’il n’ait pas encore rencontré le «ressuscité». Aujourd’hui encore nous  connaissons des amis qui ont leur place parmi nous, mais qui n’ont pas encore découvert l’essentiel. Certains veulent être des disciples, et pourtant, ils se trouvent dans le doute. D’autres sont appelés, mais ils n’arrivent pas à répondre complètement à l’appel reçu…

C’est grave. Mais, attention : Le plus grave, c’est nous ! Nous qui traçons des limites, nous qui faisons des divisions entre les « bons » et les « mauvais », entre les croyants et les sceptiques. C’est nous qui écartons de nous parfois celles et ceux qui osent penser et dire ce que nous n’acceptons pas de reconnaître dans notre propre cœur…

Thomas, celui qui doute, n’a rien entre les mains. Il ne rencontre que des mots. Les autres lui assènent des certitudes toutes faites. Peut-être rencontre-t-il, par-dessus tout, le rejet, le mépris des autres qui ne comprennent pas ses doutes. Thomas est appelé à faire confiance en des mots. C’est difficile, vous le savez. C’est presque impossible. J’ajoute : Il faut, même, se méfier des mots ! Et même des mots de la prédication. Les mots ne peuvent pas tout faire. Les mots, à eux seuls, ne peuvent surtout pas susciter la foi !

Regardez autour de vous, regardez dans votre propre cœur, et vous verrez : la prédication ne suscite pas la foi. Ce qui fonde, ce qui suscite la foi, ce n’est jamais un mot. C’est toujours un acte, une expérience. Une rencontre peut-être, un amour vécu, un miracle partagé : Voici ce qui peut bouleverser une vie, voici ce qui peut nous orienter vers la foi. Ce qu’il nous faut donc absolument, c’est la rencontre – avec le Christ Ressuscité.

Voici pourquoi Thomas a raison avec son doute. Il demande de plein droit de pouvoir croire avec tous ses sens ! Vous avez bien retenu que le Christ Ressuscité ne lui refuse pas cette expérience très concrète. Thomas a bien le droit de SAISIR l’incroyable. Ce sera, en effet, Thomas qui aura le privilège de toucher le Ressuscité. Thomas, avec toute son incertitude, va être témoin dans le sens profond du mot. Il va « toucher » la foi (et ce n’est pas pour rien que je me permets de jouer avec le double-sens de ce mot !)

Thomas va faire l’expérience très concrète que ce même Jésus qui est passé à travers les souffrances et les obscurités les plus atroces, que ce même Jésus qui a été déshonoré, torturé, bafoué, massacré (comme tant d’hommes et de femmes aujourd’hui encore !) que ce Jésus est LE VIVANT. Thomas va faire l’expérience concrète que le Ressuscité a précédé tous ceux et toutes celles qui souffrent, à travers les enfers les plus cruels de la douleur et de la souffrance – pour les vaincre, pour en sortir vainqueur !

Voici la raison pour laquelle Thomas s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Voici la raison d’être de cette confession de foi. 

Bien sûr, vous me direz que le texte nous présente, après cette confession de foi, une remarque critique de Jésus : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru ! »

En effet, on dirait bien une remarque critique qui semble remettre en question la valeur de cette confession de foi. Mais le lecteur critique de la Bible pourrait aussi poser la question de savoir pourquoi Thomas, celui qui doute, devrait-il être prêt à croire sans cette rencontre personnelle avec le Ressuscité.

Je suis persuadé que ce récit veut nous dire le pur contraire. Jésus ne critique point Thomas ! Par contre, Jésus montre comment Thomas est parvenu à cette confession de foi. Il retrace le chemin de cette rencontre par laquelle Thomas a trouvé la foi. Mais il poursuit par la béatitude de ceux qui ne voient pas et qui croient pourtant ! 

Ce récit de Thomas et de son doute reflète certainement un savoir partagé, à l’époque, par tous les chrétiens : selon une tradition très ancienne, Thomas faisait partie des premiers martyrs pour la foi. Thomas, toute sa vie de disciple durant, a été un esprit réfléchi ; il savait reconnaître ses incertitudes, il ne dissimulait pas ses doutes. Peut-être même a-t-il été un frère qui arrivait assez souvent à « casser la tête » à ses compagnons de route, avec ses questions, avec ses doutes, avec des mises en questions qui risquaient parfois paralyser tout le monde. Mais lorsqu’il a fallu prouver, par un engagement concret, son amour pour son Seigneur, Thomas a tenu ferme. Lorsqu’il a fallu lancer sa propre existence dans la brèche, Thomas l’a fait. C’est ainsi que Thomas a touché les plaies de son Seigneur !  Vous comprenez maintenant le double sens de cette expression qui peut nous couper le souffle – comme il a coupé le souffle aux premiers chrétiens, à l’époque.

Thomas a touché, très concrètement, les plaies de Jésus. Il n’a pas retiré la main, pour la garder propre ! Et nous sommes appelés à en faire autant. Amen.

 

Seigneur notre Dieu.

Tu envoies ton fils, le Ressuscité, à notre rencontre pour nous amener à faire l’expérience de la vie, pour nous faire découvrir la foi.

Il peut nous arriver de rencontrer le Ressuscité, sous les traits des souffrants, des malades qu’il faut accompagner, des mourants qu’il ne faut pas laisser mourir solitaires, des victimes de violences qui ont besoin

de notre engagement et aussi de notre aide financière…

Ne permets pas que nous passions sans rien voir quand tu nous fais rencontrer le Ressuscité ; éveille nos cœurs et ouvre nos esprits afin

que nous trouvions la vie, et le vivant, même là où la mort semble tout déterminer. Nous te prions pour toutes celles et pour tous ceux qui souffrent.

Mets en route ceux que tu veux utiliser comme les outils de ton amour

pour les aider, pour les accompagner, pour les consoler,

pour les affermir dans la foi. Et nous te prions aussi pour toutes celles et tous ceux qui doutent : permets que la réalité pascale s’avère plus forte que la mort, plus forte que le doute, puisque c’est toi le Vivant ; c’est toi qui viens et qui nous fais partager ta présence, ton amour.

 

Thématique : Doute/Foi