Textes : Josué 9, v. 1 à 27 Psaume 25 Ézéchiel 18, v. 25 à 28 Philippiens 2, v. 1 à 11 Matthieu 21, v. 28 à 32 Pasteur Elisabeth Brinkman (Reprise)Télécharger tout le document

Notes bibliques

QUI est le fils véritable ?Introduction :Les textes qui nous sont proposés aujourd’hui tournent autour de la thématique de l’obéissance et de la conversion. La parabole de Matthieu semble au premier regard d’une simplicité presque trop grande : évidemment le fils qui obéit le mieux, c’est celui qui dit non au départ, mais qui finalement se repent et va quand-même travailler dans la vigne. Traditionnellement on a vu dans ce fils la figure des goyim qui acceptent le Christ, là où les Juifs l’ont rejeté : le fils qui dit oui et fait non est alors le peuple d’Israël qui avait reçu la loi et les prophètes, mais qui n’a pas reconnu Jésus comme Fils de Dieu. Le vs. 32 va bien dans ce sens : vous, voyant cela, vous ne vous êtes pas dans la suite davantage repentis pour le croire.Autre possibilité : considérer la parabole comme un appel à une vie juste, morale car les publicains et les prostituées se sont convertis : ils ont commencé par dire non, mais finalement ils vont bien travailler dans la vigne. Là aussi, le vs. 32 donne la solution : les collecteurs d’impôt et les prostituées, c’est-à-dire les marginaux, vous précèdent dans le Royaume de DieuMais si c’était aussi simple, alors pourquoi c’est justement dans ce texte, que par ailleurs l’évangile de Matthieu est le seul à avoir, qu’il y a des variantes importantes dans les plus anciens manuscrits ? Car les variantes autres que fautes de copiste ou flottement sur la signification d’un mot, attestent en général d’un débat théologique sur le sens du texte. Nos traductions mettent en général en premier le fils qui dit non et qui change d’avis (en suivant ainsi les manuscrits Sinaïticus et Vaticanus) ; mais certains manuscrits anciens tels le Codex Bezae et la Vetus Latina inversent les deux, de sorte que le bon fils est celui qui dit oui et qui ne fait rien ! Contexte de la parabole des deux enfants: Le chapitre 21 ouvre sur l’entrée de Jésus à Jérusalem : nous sommes en route vers la croix, et la question qui dominera désormais est de savoir qui croit, qui restera fidèle au Fils, et qui abandonnera, ou ne croira pas. L’heure du choix est arrivée.Et Matthieu va expliquer cela dans une série de récits : les vendeurs chassés du Temple, le figuier stérile, la question de l’autorité de Jésus suivis de 3 paraboles : les deux fils, les vignerons homicides et le banquet nuptial. Notre parabole est ainsi la première réponse de trois à la question des grands prêtres et des anciens du peuple, qui demandent à Jésus « en vertu de quelle autorité tu fais cela ? »A travers ces paraboles Jésus montre à quel point les autorités religieuses ont déjà choisi contre lui, se croyant les véritables fils d’Abraham. Ils ne ressentent pas le besoin de se convertir.Verset par verset :Vs 28 : Quel est votre avis ? La parabole commence de manière polémique, et interpelle les pharisiens et les anciens du peuple. La question qu’ont posé les autorités juives, c’est de savoir en vertu de quelle autorité Jésus agit. Il s’agit bien de démontrer que c’est leur autorité à eux, qu’ils estiment acquis depuis toujours, qui est questionnable. Un homme avait deux fils : en fait le grec ne parle pas de fils, mais d’enfants. Et il n’est pas question d’un père, mais d’un homme. La différence peut paraître minime, et nous pensons évidemment de suite à cette autre parabole d’un père et de ses deux fils, la parabole du fils prodigue. Pourtant cette phrase : un homme avait deux enfants nous donnera la clé de lecture du récit. Car qui est le véritable fils ? En fait aucun des deux….. Le véritable Fils du Père, c’est celui que chante le chant de Philippiens 2 : il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix.Vs 29-30 : le premier enfant dit non pour ensuite faire oui. Les copistes qui ont inversé (Codex Bezae et Vetus Latina en particulier), et qui ont placé d’abord le fils qui dit oui mais qui ne fait pas, y ont vu la figure des juifs, tandis que l’autre représenterait les païens. Le contexte polémique dans laquelle est insérée la parabole permet une telle lecture. Mais il ne s’agit pas uniquement de cela. Jésus attire l’attention des chefs religieux sur les pécheurs qui d’abord, ont refusé Dieu mais qui maintenant, aujourd’hui, grâce à son Envoyé, se repentent et lui obéissent ; tandis que les personnes pieuses, au moment décisif, n’obéissent pas. (P. Bonnard, L’évangile selon Matthieu, p. 313) La question de fond est donc celle de l’obéissance. Le premier enfant ne se repent d’ailleurs pas tout de suite, il lui faut du temps. Tout ça montre bien que faire la volonté du Père n’est pas si facile que ça !Vs 31 : Ici seulement intervient le mot père : le « un homme » du vs 28 est bien le Père céleste. La solution de la petite énigme posée par Jésus semble si évidente que la réponse des Pharisiens va de soi : bien sûr, c’est le premier qui a fait la volonté de son père. On sent presque leur dédain : trop facile, il n’y a pas de véritable joute théologique. La réponse de Jésus est cinglante : En vérité, Amen. Ces mots solennels introduisent toujours quelque chose d’important, une parole à laquelle il faut spécialement prêter attention. Et, ô scandale pour les bien-pensants, cette parole est : collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu ! Ceux qui se croient premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers nous dit l’Évangile ailleurs. Le verbe précéder ne veut pas simplement dire qu’ils arriveront juste un peu plus tôt, mais a un sens beaucoup plus exclusif : les collecteurs d’impôts et les prostituées prendront la place dans le Royaume de ceux qui s’y voient déjà ! Et il y a une bonne raison à cela, que Jésus va expliquer dans le vs. qui suit.Vs 32 : un parallèle de ce vs se trouve en Luc 7, 28-30 : « Je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d’une femme, aucun n’est plus grand que Jean ; et cependant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui. « Tout le peuple en l’écoutant et même les collecteurs d’impôts ont reconnu la justice de Dieu en se faisant baptiser du baptême de Jean. Mais les Pharisiens et les légistes ont repoussé le dessein que Dieu avait pour eux, en ne se faisant pas baptiser par lui. »Par la mention de Jean le Baptiste notre passage est rattaché solidement à la péricope précédente (21, 23-27) où la question « en vertu de quelle autorité fais-tu cela », adressée à Jésus, est mise en parallèle avec le baptême de Jean. Mais au fait, que disait Jean-Baptiste ? Il disait « Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion ; et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham ». C’était peut-être bien là le problème des autorités religieuses : une espèce de suffisance qui permet de ne pas se remettre en question. Il est possible que ce vs. soit un rajout plus tardif à la parole de Jésus, et une mise en perspective de celle-ci. Perspective de l’histoire du Salut (P Bonnard, J Jeremias) qui va des prophètes, via Jean le Baptiste jusqu’à Jésus et qui insiste que ce sont toujours ceux qui se repentent, ceux qui obéissent, qui obtiennent la bonne part.

Prédication

Lequel des deux fils a fait la volonté du Père ?Lequel des deux a fait la volonté du Père ? Cela semble si simple….. et les pharisiens tombent allègrement dans le piège : le premier bien sûr ! Celui qui a d’abord dit non, et pour finir y est allé ! Élémentaire, non ? Eux qui sont réputés pour la finesse de leur débat théologique, seraient presque vexés devant la simplicité de la question ! Et nous avec…. Mais est-ce si simple que cela ?Les manuscrits les plus anciens ont 2 variantes : dans le premier (les ms Sinaïticus et Vaticanus, tous deux datant du 4ième siècle), repris en général dans nos traductions modernes, le premier enfant dit non, mais change d’avis et va à la vigne. Le deuxième dit oui, mais ne bouge pas. Mais il ya des manuscrits aussi anciens et importants (le Codex Bezae et la Vetus Latina) qui inversent les deux réponses : alors c’est le premier enfant qui dit oui et ne bouge pas, et le second qui dit non, mais pour finir accepte d’aller travailler dans la vigne ! Et c’est là aussi le premier, celui qui dit oui pour ensuite faire non, dont Jésus dit : il a fait la volonté du père !Le fait qu’il y ait ainsi deux variantes, montre bien qu’il y a eu très tôt un débat, sur qui fait quoi. Origène estimait que le bon ordre c’était de mettre d’abord celui qui dit oui et qui pour finir ne fait rien. Avec d’autres pères de l’Église il voit dans cet enfant la figure d’Israël, qui a reçu la loi de Dieu, qui en apparence obéit, mais qui rejette le Christ. Notre texte s’apparente alors à des passages comme Luc 18/12 où le pharisien se glorifie : « Seigneur je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont accapareurs, injustes, adultères… je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus… » Mais les lectures plus modernes du texte sont en général d’accord pour mentionner d’abord l’enfant qui dit non, mais qui pour finir va bien travailler dans la vigne. Le péager et la prostituée sont, comme souvent, figure des païens, de tous ces petits, marginaux et mal vus de la société qui ont suivi Jésus et ont mis leur confiance en lui. Vous allez me dire : quelle importance, la portée de la parabole est de toutes façons claire comme de l’eau de roche : il s’agit d’un appel à la conversion et en même temps d’une condamnation de ceux qui se croient déjà arrivés à cause de leur piété…. Il me semble que c’est une lecture un peu rapide.Essayons d’aller un peu plus loin : la parabole s’ouvre sur la phrase de Jésus : « Un homme avait deux enfants. » Ne disons pas trop vite : un père avait deux fils. On le fait presque automatiquement, pensant à cette autre parabole d’un père qui avait deux fils, là aussi l’un est méritant, et l’autre un chenapan qui a préféré aller courir le vaste monde jusqu’au moment où il n’a plus rien… Mais notre texte dit clairement un homme (anthropos) avait deux enfants. (tekna) Un homme avait deux enfants. Pourquoi ? Regardons le cadre dans lequel la parabole a été insérée. Jésus est à Jérusalem, dans l’enceinte du Temple, et il a annoncé sa mort prochaine. L’entrée triomphante dans Jérusalem a eu lieu, et maintenant il s’agit pour tous ceux qui l’ont suivi jusque là de faire le choix décisif, qui l’ont accueilli comme un roi en criant Hosanna ! : le suivre jusqu’à la croix ou l’abandonner. C’est alors qu’il raconte 3 paraboles : la nôtre, un homme avait deux enfants, puis celle des vignerons homicides et pour finir celle du festin des noces. Chaque fois il s’agit de montrer que le Royaume de Dieu n’est pas pour ceux qui croient y avoir droit de par leur rang, leur piété ou leur appartenance au peuple élu, mais qu’il est une question de suivance, d’obéissance et surtout de conversion.C’est pour cela qu’il ne faut pas dire trop vite : un père avait deux fils !Car qu’est-ce que c’est qu’être fils, véritablement fils du Père ?Le premier enfant dit non. Il n’a pas envie d’aller faire un travail ingrat, fatigant, salissant. La vigne, même si elle est depuis Ésaïe 5 une métaphore qui indique le pays d’Israël, cette vigne est un lieu de travail dur et ingrat. Le travail de vigneron est en général un travail que font les esclaves, et le fils de la maison n’a pas à faire ce travail rude et difficile. Qu’il dise non n’est donc pas en soi très étonnant ! Pourtant, le maître du domaine le lui demande. Pourtant, on entend de la tendresse dans la façon dont l’homme s’adresse à cet enfant : Mon enfant, va donc aujourd’hui travailler à la vigne. L’enfant, ce n’est pas l’esclave, pas l’ouvrier, mais l’héritier du domaine ! Il y a là de la tendresse, mais aussi l’appel à la responsabilité, car le domaine, la vigne, c’est bien aussi l’affaire de l’enfant, de l’héritier !! Et puis il y a l’urgence : c’est aujourd’hui que la vigne a besoin d’être travaillé, pas demain ou après-demain : c’est aujourd’hui, tout de suite, qu’elle a besoin de soins… Notre monde, c’est aujourd’hui qu’elle a besoin de recevoir des soins, pas demain ni après-demain mais dès aujourd’hui ! C’est urgent ! Et il s’agit de notre héritage à tous. Comment dire non alors ? Ne sommes-nous pas tous quelque part comme cet enfant qui dit non, parce qu’il n’a pas envie ? Au moins lui, il finit par y avoir.Après avoir rechigné contre l’appel du père, il décide d’y aller : il se convertit. Il obéit, même si c’est avec un temps de retard.Est-il pour autant meilleur que celui qui dit oui pour commencer, mais qui ne fait rien ? Pourquoi a-t-il dit oui, d’abord ? Par facilité, pour être débarrassé de la demande ? Comme ces enfants à qui on demande de ranger leur chambre et qui le repoussent constamment parce qu’il faut d’abord finir le jeu bien plus intéressant ? Ces enfants sont plein de bonne volonté, simplement, il y a toujours plus intéressant, plus pressé à faire… L’enfant en question dit d’ailleurs oui d’une manière bien particulier : Ego, Kurie ! Moi, je… Sûr de lui ! C’est ainsi que parle Jésus : Ego eimi, moi, je suis…. Il reprend là le mot IHWH, qui lui aussi vient de la même racine, Moi, Je suis ! L’enfant qui dit oui est très conscient de sa valeur ! Et vous avez entendu qu’il appelle son père : Kurie, seigneur ? Sans doute est-ce une manière dont répondait un enfant poli à son père, le maître de maison. En même temps cela met de la distance entre lui et son père. Trop, peut-être ? Mais ne sommes-nous pas comparables à lui ? Nous voulons bien faire ce que Dieu nous demande, mais au moment où cela nous arrange, pas aujourd’hui, au moment où Dieu nous pose la question… Nous le confessons chaque dimanche dans notre confession des péchés, et est-ce que cela nous fait changer, ne serait-ce que pour la semaine qui s’ouvre ? Et est-ce que nous voyons réellement Dieu comme notre Père, ou nous aussi, ne mettons-nous pas aussi parfois cette distance vis-à-vis de lui ?Amen ! En vérité, je vous déclare, dit Jésus après sa petite parabole. Amen, mot de la liturgie juive qui veut dire : c’est ainsi ! C’est vrai ! En général le mot amen termine une prière ou la prédication, pour renforcer la portée de ce qui a été dit. Jésus commence toujours par ce mot : dans ses discours le mot Amen ! introduit quelque chose qui a une importance particulière. Alors, ce qu’il dit, est-ce d’une importance si capitale ? « Collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu ». C’est une jolie morale qu’il donne là : on aurait pu l’inventer nous-mêmes…. Ya qu’à faire de même… Vous ne trouvez pas que c’est une pointe un peu décevante ? Bien sûr, la phrase reprend bien toute la théologie de la Bible, selon laquelle le Royaume de Dieu est pour les petits, les mal aimés et les mal famés, puisqu’ils entendent, eux, l’appel de Dieu à la conversion. Contrairement à ceux qui sont pleins de suffisance à l’idée d’être les héritiers d’Abraham, et donc d’avoir droit, sans avoir à faire quoi que ce soit, aux meilleures places au banquet céleste ! Est-ce que Jésus se limite alors vraiment à une morale un peu facile ? Chaque fois dans la Bible, Dieu a choisi les petits, les faibles, les gens de mauvaise vie, parce qu’ils obéissent, et qu’ils entendent Sa voix. Est-ce que le Royaume des cieux va alors reproduire toujours la même chose : une division morale entre les bons d’un côté et les mauvais de l’autre ? Les élus et les réprouvés ? La conclusion de la parabole est alors très simple : il ne s’agit pas de ce que nous confessons, de ce que nous disons, mais de comment nous agissons, de notre action. C’est alors à l’aune de notre degré d’engagement dans le travail dans la vigne, ce monde dont nous sommes les héritiers et les lieutenants, que nous serons jugés….. Y’a qu’à……….Il me semble qu’il y a bien plus dans la pointe de la parabole des deux enfants. Ce n’est que maintenant que Jésus va utiliser le mot père. Lorsqu’il est devenu clair qu’aucun de ces deux enfants n’a réellement fait la volonté du Père. Même pas celui qui finalement y est allé, après avoir tergiversé. Car le père avait une demande urgente, et l’enfant n’a bougé qu’au moment où cela l’a arrangé, lui. Ce n’est pas non plus la véritable obéissance ! La question de l’obéissance rejoint ainsi la question du Père : faire la volonté du Père, et interroge la relation filiale que nous avons à Dieu. Et nous revoilà à la question qui a lancé la parabole : en vertu de quelle autorité est-ce que tu enseignes ? Ce n’est pas pour rien que Matthieu renvoie les pharisiens à Jean le Baptiste dans sa réponse à cette question sur l’autorité. Car Jean est le précurseur, celui qui montre (selon l’évangile de Jean) l’agneau de Dieu. Jean est celui qui à la fois, comme tous les prophètes, appelle à la conversion, et celui qui ouvre le chemin pour Celui qui vient, le Fils du Père. C’est lors du baptême de Jésus que, dans la version de Matthieu, les cieux s’ouvrent, et une voix dit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. » De véritable Fils, il n’y en a qu’un seul : c’est Jésus, le Christ. Nous, les humains, même si nous sommes pleins de bonne volonté, nous ne sommes pas capables de suivre la voix qui nous appelle à la conversion et à la suivance. En cela nous sommes les deux enfants de la parabole à la fois. Parfois nous avons envie, mais quelque chose nous retarde ou nous empêche. Parfois nous n’avons simplement pas envie d’y aller, quitte à nous repentir après et quand même faire un effort d’obéissance. Le véritable Fils, le Fils unique, c’est Jésus, et nul autre texte ne le dit aussi bien que Philippiens 2 : lui qui s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix.Pour Jésus le travail dans la vigne n’a pas été plus facile qu’il ne le serait pour nous. Un travail aussi ingrat, salissant et fatigant, et autant un travail d’esclave que dans notre parabole.Mais Jésus a obéi à son Père. Il a obéi tout de suite, et n’a pas tergiversé. Il n’a pas dit d’abord non, je ne veux pas. Il n’a pas non plus dit oui, pour ensuite laisser tomber. Il est allé au bout de son travail, et l’a payé de sa mort.Oui, Jésus est le seul que nous pouvons appeler Fils. Nous ne sommes les enfants de Dieu, que parce Jésus est devenu, qu’il a voulu devenir, notre frère. Aujourd’hui il nous appelle, nous, ces enfants récalcitrants, à devenir des fils et des filles. En vérité et en justice.Mon enfant, va donc aujourd’hui travailler à la vigne.Comment faire alors ? Paul nous montre le chemin, lorsqu’il dit : S’il y a donc un appel en Christ, un encouragement dans l’amour, une communion dans l’Esprit, un élan d’affection et de compassion, alors comblez ma joie en vivant en plein accord. Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l’unité ; ne faites rien par rivalité, rien par gloriole, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous. Que chacun ne regarde pas à soi seulement, mais aussi aux autres. Amen

Textes : Josué 9, v. 1 à 27 Psaume 25 Ézéchiel 18, v. 25 à 28 Philippiens 2, v. 1 à 11 Matthieu 21, v. 28 à 32 Pasteur Elisabeth Brinkman (Reprise)Télécharger tout le document

Notes bibliques

Qui est le fils véritable ?Introduction :Les textes qui nous sont proposés aujourd’hui tournent autour de la thématique de l’obéissance et de la conversion. La parabole de Matthieu semble au premier regard d’une simplicité presque trop grande : évidemment le fils qui obéit le mieux, c’est celui qui dit non au départ, mais qui finalement se repent et va quand-même travailler dans la vigne. Traditionnellement on a vu dans ce fils la figure des goyim qui acceptent le Christ, là où les Juifs l’ont rejeté : le fils qui dit oui et fait non est alors le peuple d’Israël qui avait reçu la loi et les prophètes, mais qui n’a pas reconnu Jésus comme Fils de Dieu. Le vs. 32 va bien dans ce sens : vous, voyant cela, vous ne vous êtes pas dans la suite davantage repentis pour le croire.Autre possibilité : considérer la parabole comme un appel à une vie juste, morale car les publicains et les prostituées se sont convertis : ils ont commencé par dire non, mais finalement ils vont bien travailler dans la vigne. Là aussi, le vs. 32 donne la solution : les collecteurs d’impôt et les prostituées, c’est-à-dire les marginaux, vous précèdent dans le Royaume de DieuMais si c’était aussi simple, alors pourquoi c’est justement dans ce texte, que par ailleurs l’évangile de Matthieu est le seul à avoir, qu’il y a des variantes importantes dans les plus anciens manuscrits ? Car les variantes autres que fautes de copiste ou flottement sur la signification d’un mot, attestent en général d’un débat théologique sur le sens du texte. Nos traductions mettent en général en premier le fils qui dit non et qui change d’avis (en suivant ainsi les manuscrits Sinaïticus et Vaticanus) ; mais certains manuscrits anciens tels le Codex Bezae et la Vetus Latina inversent les deux, de sorte que le bon fils est celui qui dit oui et qui ne fait rien ! Contexte de la parabole des deux enfants: Le chapitre 21 ouvre sur l’entrée de Jésus à Jérusalem : nous sommes en route vers la croix, et la question qui dominera désormais est de savoir qui croit, qui restera fidèle au Fils, et qui abandonnera, ou ne croira pas. L’heure du choix est arrivée.Et Matthieu va expliquer cela dans une série de récits : les vendeurs chassés du Temple, le figuier stérile, la question de l’autorité de Jésus suivis de 3 paraboles : les deux fils, les vignerons homicides et le banquet nuptial. Notre parabole est ainsi la première réponse de trois à la question des grands prêtres et des anciens du peuple, qui demandent à Jésus « en vertu de quelle autorité tu fais cela ? »A travers ces paraboles Jésus montre à quel point les autorités religieuses ont déjà choisi contre lui, se croyant les véritables fils d’Abraham. Ils ne ressentent pas le besoin de se convertir.Verset par verset :Vs 28 : Quel est votre avis ? La parabole commence de manière polémique, et interpelle les pharisiens et les anciens du peuple. La question qu’ont posé les autorités juives, c’est de savoir en vertu de quelle autorité Jésus agit. Il s’agit bien de démontrer que c’est leur autorité à eux, qu’ils estiment acquis depuis toujours, qui est questionnable. Un homme avait deux fils : en fait le grec ne parle pas de fils, mais d’enfants. Et il n’est pas question d’un père, mais d’un homme. La différence peut paraître minime, et nous pensons évidemment de suite à cette autre parabole d’un père et de ses deux fils, la parabole du fils prodigue. Pourtant cette phrase : un homme avait deux enfants nous donnera la clé de lecture du récit. Car qui est le véritable fils ? En fait aucun des deux….. Le véritable Fils du Père, c’est celui que chante le chant de Philippiens 2 : il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix.Vs 29-30 : le premier enfant dit non pour ensuite faire oui. Les copistes qui ont inversé (Codex Bezae et Vetus Latina en particulier), et qui ont placé d’abord le fils qui dit oui mais qui ne fait pas, y ont vu la figure des juifs, tandis que l’autre représenterait les païens. Le contexte polémique dans laquelle est insérée la parabole permet une telle lecture. Mais il ne s’agit pas uniquement de cela. Jésus attire l’attention des chefs religieux sur les pécheurs qui d’abord, ont refusé Dieu mais qui maintenant, aujourd’hui, grâce à son Envoyé, se repentent et lui obéissent ; tandis que les personnes pieuses, au moment décisif, n’obéissent pas. (P. Bonnard, L’évangile selon Matthieu, p. 313) La question de fond est donc celle de l’obéissance. Le premier enfant ne se repent d’ailleurs pas tout de suite, il lui faut du temps. Tout ça montre bien que faire la volonté du Père n’est pas si facile que ça !Vs 31 : Ici seulement intervient le mot père : le « un homme » du vs 28 est bien le Père céleste. La solution de la petite énigme posée par Jésus semble si évidente que la réponse des Pharisiens va de soi : bien sûr, c’est le premier qui a fait la volonté de son père. On sent presque leur dédain : trop facile, il n’y a pas de véritable joute théologique. La réponse de Jésus est cinglante : En vérité, Amen. Ces mots solennels introduisent toujours quelque chose d’important, une parole à laquelle il faut spécialement prêter attention. Et, ô scandale pour les bien-pensants, cette parole est : collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu ! Ceux qui se croient premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers nous dit l’Évangile ailleurs. Le verbe précéder ne veut pas simplement dire qu’ils arriveront juste un peu plus tôt, mais a un sens beaucoup plus exclusif : les collecteurs d’impôts et les prostituées prendront la place dans le Royaume de ceux qui s’y voient déjà ! Et il y a une bonne raison à cela, que Jésus va expliquer dans le vs. qui suit.Vs 32 : un parallèle de ce vs se trouve en Luc 7, 28-30 : « Je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d’une femme, aucun n’est plus grand que Jean ; et cependant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui. « Tout le peuple en l’écoutant et même les collecteurs d’impôts ont reconnu la justice de Dieu en se faisant baptiser du baptême de Jean. Mais les Pharisiens et les légistes ont repoussé le dessein que Dieu avait pour eux, en ne se faisant pas baptiser par lui. »Par la mention de Jean le Baptiste notre passage est rattaché solidement à la péricope précédente (21, 23-27) où la question « en vertu de quelle autorité fais-tu cela », adressée à Jésus, est mise en parallèle avec le baptême de Jean. Mais au fait, que disait Jean-Baptiste ? Il disait « Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion ; et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham ». C’était peut-être bien là le problème des autorités religieuses : une espèce de suffisance qui permet de ne pas se remettre en question. Il est possible que ce vs. soit un rajout plus tardif à la parole de Jésus, et une mise en perspective de celle-ci. Perspective de l’histoire du Salut (P Bonnard, J Jeremias) qui va des prophètes, via Jean le Baptiste jusqu’à Jésus et qui insiste que ce sont toujours ceux qui se repentent, ceux qui obéissent, qui obtiennent la bonne part.

Prédication

Lequel des deux fils a fait la volonté du Père ?Lequel des deux a fait la volonté du Père ? Cela semble si simple….. et les pharisiens tombent allègrement dans le piège : le premier bien sûr ! Celui qui a d’abord dit non, et pour finir y est allé ! Élémentaire, non ? Eux qui sont réputés pour la finesse de leur débat théologique, seraient presque vexés devant la simplicité de la question ! Et nous avec…. Mais est-ce si simple que cela ?Les manuscrits les plus anciens ont 2 variantes : dans le premier (les ms Sinaïticus et Vaticanus, tous deux datant du 4ième siècle), repris en général dans nos traductions modernes, le premier enfant dit non, mais change d’avis et va à la vigne. Le deuxième dit oui, mais ne bouge pas. Mais il ya des manuscrits aussi anciens et importants (le Codex Bezae et la Vetus Latina) qui inversent les deux réponses : alors c’est le premier enfant qui dit oui et ne bouge pas, et le second qui dit non, mais pour finir accepte d’aller travailler dans la vigne ! Et c’est là aussi le premier, celui qui dit oui pour ensuite faire non, dont Jésus dit : il a fait la volonté du père !Le fait qu’il y ait ainsi deux variantes, montre bien qu’il y a eu très tôt un débat, sur qui fait quoi. Origène estimait que le bon ordre c’était de mettre d’abord celui qui dit oui et qui pour finir ne fait rien. Avec d’autres pères de l’Église il voit dans cet enfant la figure d’Israël, qui a reçu la loi de Dieu, qui en apparence obéit, mais qui rejette le Christ. Notre texte s’apparente alors à des passages comme Luc 18/12 où le pharisien se glorifie : « Seigneur je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont accapareurs, injustes, adultères… je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus… » Mais les lectures plus modernes du texte sont en général d’accord pour mentionner d’abord l’enfant qui dit non, mais qui pour finir va bien travailler dans la vigne. Le péager et la prostituée sont, comme souvent, figure des païens, de tous ces petits, marginaux et mal vus de la société qui ont suivi Jésus et ont mis leur confiance en lui. Vous allez me dire : quelle importance, la portée de la parabole est de toutes façons claire comme de l’eau de roche : il s’agit d’un appel à la conversion et en même temps d’une condamnation de ceux qui se croient déjà arrivés à cause de leur piété…. Il me semble que c’est une lecture un peu rapide.Essayons d’aller un peu plus loin : la parabole s’ouvre sur la phrase de Jésus : « Un homme avait deux enfants. » Ne disons pas trop vite : un père avait deux fils. On le fait presque automatiquement, pensant à cette autre parabole d’un père qui avait deux fils, là aussi l’un est méritant, et l’autre un chenapan qui a préféré aller courir le vaste monde jusqu’au moment où il n’a plus rien… Mais notre texte dit clairement un homme (anthropos) avait deux enfants. (tekna) Un homme avait deux enfants. Pourquoi ? Regardons le cadre dans lequel la parabole a été insérée. Jésus est à Jérusalem, dans l’enceinte du Temple, et il a annoncé sa mort prochaine. L’entrée triomphante dans Jérusalem a eu lieu, et maintenant il s’agit pour tous ceux qui l’ont suivi jusque là de faire le choix décisif, qui l’ont accueilli comme un roi en criant Hosanna ! : le suivre jusqu’à la croix ou l’abandonner. C’est alors qu’il raconte 3 paraboles : la nôtre, un homme avait deux enfants, puis celle des vignerons homicides et pour finir celle du festin des noces. Chaque fois il s’agit de montrer que le Royaume de Dieu n’est pas pour ceux qui croient y avoir droit de par leur rang, leur piété ou leur appartenance au peuple élu, mais qu’il est une question de suivance, d’obéissance et surtout de conversion.C’est pour cela qu’il ne faut pas dire trop vite : un père avait deux fils !Car qu’est-ce que c’est qu’être fils, véritablement fils du Père ?Le premier enfant dit non. Il n’a pas envie d’aller faire un travail ingrat, fatigant, salissant. La vigne, même si elle est depuis Ésaïe 5 une métaphore qui indique le pays d’Israël, cette vigne est un lieu de travail dur et ingrat. Le travail de vigneron est en général un travail que font les esclaves, et le fils de la maison n’a pas à faire ce travail rude et difficile. Qu’il dise non n’est donc pas en soi très étonnant ! Pourtant, le maître du domaine le lui demande. Pourtant, on entend de la tendresse dans la façon dont l’homme s’adresse à cet enfant : Mon enfant, va donc aujourd’hui travailler à la vigne. L’enfant, ce n’est pas l’esclave, pas l’ouvrier, mais l’héritier du domaine ! Il y a là de la tendresse, mais aussi l’appel à la responsabilité, car le domaine, la vigne, c’est bien aussi l’affaire de l’enfant, de l’héritier !! Et puis il y a l’urgence : c’est aujourd’hui que la vigne a besoin d’être travaillé, pas demain ou après-demain : c’est aujourd’hui, tout de suite, qu’elle a besoin de soins… Notre monde, c’est aujourd’hui qu’elle a besoin de recevoir des soins, pas demain ni après-demain mais dès aujourd’hui ! C’est urgent ! Et il s’agit de notre héritage à tous. Comment dire non alors ? Ne sommes-nous pas tous quelque part comme cet enfant qui dit non, parce qu’il n’a pas envie ? Au moins lui, il finit par y avoir.Après avoir rechigné contre l’appel du père, il décide d’y aller : il se convertit. Il obéit, même si c’est avec un temps de retard.Est-il pour autant meilleur que celui qui dit oui pour commencer, mais qui ne fait rien ? Pourquoi a-t-il dit oui, d’abord ? Par facilité, pour être débarrassé de la demande ? Comme ces enfants à qui on demande de ranger leur chambre et qui le repoussent constamment parce qu’il faut d’abord finir le jeu bien plus intéressant ? Ces enfants sont plein de bonne volonté, simplement, il y a toujours plus intéressant, plus pressé à faire… L’enfant en question dit d’ailleurs oui d’une manière bien particulier : Ego, Kurie ! Moi, je… Sûr de lui ! C’est ainsi que parle Jésus : Ego eimi, moi, je suis…. Il reprend là le mot IHWH, qui lui aussi vient de la même racine, Moi, Je suis ! L’enfant qui dit oui est très conscient de sa valeur ! Et vous avez entendu qu’il appelle son père : Kurie, seigneur ? Sans doute est-ce une manière dont répondait un enfant poli à son père, le maître de maison. En même temps cela met de la distance entre lui et son père. Trop, peut-être ? Mais ne sommes-nous pas comparables à lui ? Nous voulons bien faire ce que Dieu nous demande, mais au moment où cela nous arrange, pas aujourd’hui, au moment où Dieu nous pose la question… Nous le confessons chaque dimanche dans notre confession des péchés, et est-ce que cela nous fait changer, ne serait-ce que pour la semaine qui s’ouvre ? Et est-ce que nous voyons réellement Dieu comme notre Père, ou nous aussi, ne mettons-nous pas aussi parfois cette distance vis-à-vis de lui ?Amen ! En vérité, je vous déclare, dit Jésus après sa petite parabole. Amen, mot de la liturgie juive qui veut dire : c’est ainsi ! C’est vrai ! En général le mot amen termine une prière ou la prédication, pour renforcer la portée de ce qui a été dit. Jésus commence toujours par ce mot : dans ses discours le mot Amen ! introduit quelque chose qui a une importance particulière. Alors, ce qu’il dit, est-ce d’une importance si capitale ? « Collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu ». C’est une jolie morale qu’il donne là : on aurait pu l’inventer nous-mêmes…. Ya qu’à faire de même… Vous ne trouvez pas que c’est une pointe un peu décevante ? Bien sûr, la phrase reprend bien toute la théologie de la Bible, selon laquelle le Royaume de Dieu est pour les petits, les mal aimés et les mal famés, puisqu’ils entendent, eux, l’appel de Dieu à la conversion. Contrairement à ceux qui sont pleins de suffisance à l’idée d’être les héritiers d’Abraham, et donc d’avoir droit, sans avoir à faire quoi que ce soit, aux meilleures places au banquet céleste ! Est-ce que Jésus se limite alors vraiment à une morale un peu facile ? Chaque fois dans la Bible, Dieu a choisi les petits, les faibles, les gens de mauvaise vie, parce qu’ils obéissent, et qu’ils entendent Sa voix. Est-ce que le Royaume des cieux va alors reproduire toujours la même chose : une division morale entre les bons d’un côté et les mauvais de l’autre ? Les élus et les réprouvés ? La conclusion de la parabole est alors très simple : il ne s’agit pas de ce que nous confessons, de ce que nous disons, mais de comment nous agissons, de notre action. C’est alors à l’aune de notre degré d’engagement dans le travail dans la vigne, ce monde dont nous sommes les héritiers et les lieutenants, que nous serons jugés….. Y’a qu’à……….Il me semble qu’il y a bien plus dans la pointe de la parabole des deux enfants. Ce n’est que maintenant que Jésus va utiliser le mot père. Lorsqu’il est devenu clair qu’aucun de ces deux enfants n’a réellement fait la volonté du Père. Même pas celui qui finalement y est allé, après avoir tergiversé. Car le père avait une demande urgente, et l’enfant n’a bougé qu’au moment où cela l’a arrangé, lui. Ce n’est pas non plus la véritable obéissance ! La question de l’obéissance rejoint ainsi la question du Père : faire la volonté du Père, et interroge la relation filiale que nous avons à Dieu. Et nous revoilà à la question qui a lancé la parabole : en vertu de quelle autorité est-ce que tu enseignes ? Ce n’est pas pour rien que Matthieu renvoie les pharisiens à Jean le Baptiste dans sa réponse à cette question sur l’autorité. Car Jean est le précurseur, celui qui montre (selon l’évangile de Jean) l’agneau de Dieu. Jean est celui qui à la fois, comme tous les prophètes, appelle à la conversion, et celui qui ouvre le chemin pour Celui qui vient, le Fils du Père. C’est lors du baptême de Jésus que, dans la version de Matthieu, les cieux s’ouvrent, et une voix dit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. » De véritable Fils, il n’y en a qu’un seul : c’est Jésus, le Christ. Nous, les humains, même si nous sommes pleins de bonne volonté, nous ne sommes pas capables de suivre la voix qui nous appelle à la conversion et à la suivance. En cela nous sommes les deux enfants de la parabole à la fois. Parfois nous avons envie, mais quelque chose nous retarde ou nous empêche. Parfois nous n’avons simplement pas envie d’y aller, quitte à nous repentir après et quand même faire un effort d’obéissance. Le véritable Fils, le Fils unique, c’est Jésus, et nul autre texte ne le dit aussi bien que Philippiens 2 : lui qui s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et, reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix.Pour Jésus le travail dans la vigne n’a pas été plus facile qu’il ne le serait pour nous. Un travail aussi ingrat, salissant et fatigant, et autant un travail d’esclave que dans notre parabole.Mais Jésus a obéi à son Père. Il a obéi tout de suite, et n’a pas tergiversé. Il n’a pas dit d’abord non, je ne veux pas. Il n’a pas non plus dit oui, pour ensuite laisser tomber. Il est allé au bout de son travail, et l’a payé de sa mort.Oui, Jésus est le seul que nous pouvons appeler Fils. Nous ne sommes les enfants de Dieu, que parce Jésus est devenu, qu’il a voulu devenir, notre frère. Aujourd’hui il nous appelle, nous, ces enfants récalcitrants, à devenir des fils et des filles. En vérité et en justice.Mon enfant, va donc aujourd’hui travailler à la vigne.Comment faire alors ? Paul nous montre le chemin, lorsqu’il dit : S’il y a donc un appel en Christ, un encouragement dans l’amour, une communion dans l’Esprit, un élan d’affection et de compassion, alors comblez ma joie en vivant en plein accord. Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l’unité ; ne faites rien par rivalité, rien par gloriole, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous. Que chacun ne regarde pas à soi seulement, mais aussi aux autres. Amen

Textes : Josué 9, v. 1 à 27 Psaume 25 Ézéchiel 18, v. 25 à 28 Philippiens 2, v. 1 à 11 Matthieu 21, v. 28 à 32 Pasteur Elisabeth Brinkman (Reprise)Télécharger tout le document

Notes bibliques
 
 
 

Qui est le fils véritable ?Introduction :Les textes qui nous sont proposés aujourd’hui tournent autour de la thématique de l’obéissance et de la conversion. La parabole de Matthieu semble au premier regard d’une simplicité presque trop grande : évidemment le fils qui obéit le mieux, c’est celui qui dit non au départ, mais qui finalement se repent et va quand-même travailler dans la vigne. Traditionnellement on a vu dans ce fils la figure des goyim qui acceptent le Christ, là où les Juifs l’ont rejeté : le fils qui dit oui et fait non est alors le peuple d’Israël qui avait reçu la loi et les prophètes, mais qui n’a pas reconnu Jésus comme Fils de Dieu. Le vs. 32 va bien dans ce sens : vous, voyant cela, vous ne vous êtes pas dans la suite davantage repentis pour le croire.Autre possibilité : considérer la parabole comme un appel à une vie juste, morale car les publicains et les prostituées se sont convertis : ils ont commencé par dire non, mais finalement ils vont bien travailler dans la vigne. Là aussi, le vs. 32 donne la solution : les collecteurs d’impôt et les prostituées, c’est-à-dire les marginaux, vous précèdent dans le Royaume de DieuMais si c’était aussi simple, alors pourquoi c’est justement dans ce texte, que par ailleurs l’évangile de Matthieu est le seul à avoir, qu’il y a des variantes importantes dans les plus anciens manuscrits ? Car les variantes autres que fautes de copiste ou flottement sur la signification d’un mot, attestent en général d’un débat théologique sur le sens du texte. Nos traductions mettent en général en premier le fils qui dit non et qui change d’avis (en suivant ainsi les manuscrits Sinaïticus et Vaticanus) ; mais certains manuscrits anciens tels le Codex Bezae et la Vetus Latina inversent les deux, de sorte que le bon fils est celui qui dit oui et qui ne fait rien ! Contexte de la parabole des deux enfants: Le chapitre 21 ouvre sur l’entrée de Jésus à Jérusalem : nous sommes en route vers la croix, et la question qui dominera désormais est de savoir qui croit, qui restera fidèle au Fils, et qui abandonnera, ou ne croira pas. L’heure du choix est arrivée.Et Matthieu va expliquer cela dans une série de récits : les vendeurs chassés du Temple, le figuier stérile, la question de l’autorité de Jésus suivis de 3 paraboles : les deux fils, les vignerons homicides et le banquet nuptial. Notre parabole est ainsi la première réponse de trois à la question des grands prêtres et des anciens du peuple, qui demandent à Jésus « en vertu de quelle autorité tu fais cela ? »A travers ces paraboles Jésus montre à quel point les autorités religieuses ont déjà choisi contre lui, se croyant les véritables fils d’Abraham. Ils ne ressentent pas le besoin de se convertir.Verset par verset :Vs 28 : Quel est votre avis ? La parabole commence de manière polémique, et interpelle les pharisiens et les anciens du peuple. La question qu’ont posé les autorités juives, c’est de savoir en vertu de quelle autorité Jésus agit. Il s’agit bien de démontrer que c’est leur autorité à eux, qu’ils estiment acquis depuis toujours, qui est questionnable. Un homme avait deux fils : en fait le grec ne parle pas de fils, mais d’enfants. Et il n’est pas question d’un père, mais d’un homme. La différence peut paraître minime, et nous pensons évidemment de suite à cette autre parabole d’un père et de ses deux fils, la parabole du fils prodigue. Pourtant cette phrase : un homme avait deux enfants nous donnera la clé de lecture du récit. Car qui est le véritable fils ? En fait aucun des deux….. Le véritable Fils du Père, c’est celui que chante le chant de Philippiens 2 : il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix.Vs 29-30 : le premier enfant dit non pour ensuite faire oui. Les copistes qui ont inversé (Codex Bezae et Vetus Latina en particulier), et qui ont placé d’abord le fils qui dit oui mais qui ne fait pas, y ont vu la figure des juifs, tandis que l’autre représenterait les païens. Le contexte polémique dans laquelle est insérée la parabole permet une telle lecture. Mais il ne s’agit pas uniquement de cela. Jésus attire l’attention des chefs religieux sur les pécheurs qui d’abord, ont refusé Dieu mais qui maintenant, aujourd’hui, grâce à son Envoyé, se repentent et lui obéissent ; tandis que les personnes pieuses, au moment décisif, n’obéissent pas. (P. Bonnard, L’évangile selon Matthieu, p. 313) La question de fond est donc celle de l’obéissance. Le premier enfant ne se repent d’ailleurs pas tout de suite, il lui faut du temps. Tout ça montre bien que faire la volonté du Père n’est pas si facile que ça !Vs 31 : Ici seulement intervient le mot père : le « un homme » du vs 28 est bien le Père céleste. La solution de la petite énigme posée par Jésus semble si évidente que la réponse des Pharisiens va de soi : bien sûr, c’est le premier qui a fait la volonté de son père. On sent presque leur dédain : trop facile, il n’y a pas de véritable joute théologique. La réponse de Jésus est cinglante : En vérité, Amen. Ces mots solennels introduisent toujours quelque chose d’important, une parole à laquelle il faut spécialement prêter attention. Et, ô scandale pour les bien-pensants, cette parole est : collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu ! Ceux qui se croient premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers nous dit l’Évangile ailleurs. Le verbe précéder ne veut pas simplement dire qu’ils arriveront juste un peu plus tôt, mais a un sens beaucoup plus exclusif : les collecteurs d’impôts et les prostituées prendront la place dans le Royaume de ceux qui s’y voient déjà ! Et il y a une bonne raison à cela, que Jésus va expliquer dans le vs. qui suit.Vs 32 : un parallèle de ce vs se trouve en Luc 7, 28-30 : « Je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d’une femme, aucun n’est plus grand que Jean ; et cependant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui. « Tout le peuple en l’écoutant et même les collecteurs d’impôts ont reconnu la justice de Dieu en se faisant baptiser du baptême de Jean. Mais les Pharisiens et les légistes ont repoussé le dessein que Dieu avait pour eux, en ne se faisant pas baptiser par lui. »Par la mention de Jean le Baptiste notre passage est rattaché solidement à la péricope précédente (21, 23-27) où la question « en vertu de quelle autorité fais-tu cela », adressée à Jésus, est mise en parallèle avec le baptême de Jean. Mais au fait, que disait Jean-Baptiste ? Il disait « Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion ; et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham ». C’était peut-être bien là le problème des autorités religieuses : une espèce de suffisance qui permet de ne pas se remettre en question. Il est possible que ce vs. soit un rajout plus tardif à la parole de Jésus, et une mise en perspective de celle-ci. Perspective de l’histoire du Salut (P Bonnard, J Jeremias) qui va des prophètes, via Jean le Baptiste jusqu’à Jésus et qui insiste que ce sont toujours ceux qui se repentent, ceux qui obéissent, qui obtiennent la bonne part.

Prédication

Lequel des deux fils a fait la volonté du Père ?Lequel des deux a fait la volonté du Père ? Cela semble si simple….. et les pharisiens tombent allègrement dans le piège : le premier bien sûr ! Celui qui a d’abord dit non, et pour finir y est allé ! Élémentaire, non ? Eux qui sont réputés pour la finesse de leur débat théologique, seraient presque vexés devant la simplicité de la question ! Et nous avec…. Mais est-ce si simple que cela ?Les manuscrits les plus anciens ont 2 variantes : dans le premier (les ms Sinaïticus et Vaticanus, tous deux datant du 4ième siècle), repris en général dans nos traductions modernes, le premier enfant dit non, mais change d’avis et va à la vigne. Le deuxième dit oui, mais ne bouge pas. Mais il ya des manuscrits aussi anciens et importants (le Codex Bezae et la Vetus Latina) qui inversent les deux réponses : alors c’est le premier enfant qui dit oui et ne bouge pas, et le second qui dit non, mais pour finir accepte d’aller travailler dans la vigne ! Et c’est là aussi le premier, celui qui dit oui pour ensuite faire non, dont Jésus dit : il a fait la volonté du père !Le fait qu’il y ait ainsi deux variantes, montre bien qu’il y a eu très tôt un débat, sur qui fait quoi. Origène estimait que le bon ordre c’était de mettre d’abord celui qui dit oui et qui pour finir ne fait rien. Avec d’autres pères de l’Église il voit dans cet enfant la figure d’Israël, qui a reçu la loi de Dieu, qui en apparence obéit, mais qui rejette le Christ. Notre texte s’apparente alors à des passages comme Luc 18/12 où le pharisien se glorifie : « Seigneur je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont accapareurs, injustes, adultères… je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus… » Mais les lectures plus modernes du texte sont en général d’accord pour mentionner d’abord l’enfant qui dit non, mais qui pour finir va bien travailler dans la vigne. Le péager et la prostituée sont, comme souvent, figure des païens, de tous ces petits, marginaux et mal vus de la société qui ont suivi Jésus et ont mis leur confiance en lui. Vous allez me dire : quelle importance, la portée de la parabole est de toutes façons claire comme de l’eau de roche : il s’agit d’un appel à la conversion et en même temps d’une condamnation de ceux qui se croient déjà arrivés à cause de leur piété…. Il me semble que c’est une lecture un peu rapide.Essayons d’aller un peu plus loin : la parabole s’ouvre sur la phrase de Jésus : « Un homme avait deux enfants. » Ne disons pas trop vite : un père avait deux fils. On le fait presque automatiquement, pensant à cette autre parabole d’un père qui avait deux fils, là aussi l’un est méritant, et l’autre un chenapan qui a préféré aller courir le vaste monde jusqu’au moment où il n’a plus rien… Mais notre texte dit clairement un homme (anthropos) avait deux enfants. (tekna) Un homme avait deux enfants. Pourquoi ? Regardons le cadre dans lequel la parabole a été insérée. Jésus est à Jérusalem, dans l’enceinte du Temple, et il a annoncé sa mort prochaine. L’entrée triomphante dans Jérusalem a eu lieu, et maintenant il s’agit pour tous ceux qui l’ont suivi jusque là de faire le choix décisif, qui l’ont accueilli comme un roi en criant Hosanna ! : le suivre jusqu’à la croix ou l’abandonner. C’est alors qu’il raconte 3 paraboles : la nôtre, un homme avait deux enfants, puis celle des vignerons homicides et pour finir celle du festin des noces. Chaque fois il s’agit de montrer que le Royaume de Dieu n’est pas pour ceux qui croient y avoir droit de par leur rang, leur piété ou leur appartenance au peuple élu, mais qu’il est une question de suivance, d’obéissance et surtout de conversion.C’est pour cela qu’il ne faut pas dire trop vite : un père avait deux fils !Car qu’est-ce que c’est qu’être fils, véritablement fils du Père ?Le premier enfant dit non. Il n’a pas envie d’aller faire un travail ingrat, fatigant, salissant. La vigne, même si elle est depuis Ésaïe 5 une métaphore qui indique le pays d’Israël, cette vigne est un lieu de travail dur et ingrat. Le travail de vigneron est en général un travail que font les esclaves, et le fils de la maison n’a pas à faire ce travail rude et difficile. Qu’il dise non n’est donc pas en soi très étonnant ! Pourtant, le maître du domaine le lui demande. Pourtant, on entend de la tendresse dans la façon dont l’homme s’adresse à cet enfant : Mon enfant, va donc aujourd’hui travailler à la vigne. L’enfant, ce n’est pas l’esclave, pas l’ouvrier, mais l’héritier du domaine ! Il y a là de la tendresse, mais aussi l’appel à la responsabilité, car le domaine, la vigne, c’est bien aussi l’affaire de l’enfant, de l’héritier !! Et puis il y a l’urgence : c’est aujourd’hui que la vigne a besoin d’être travaillé, pas demain ou après-demain : c’est aujourd’hui, tout de suite, qu’elle a besoin de soins… Notre monde, c’est aujourd’hui qu’elle a besoin de recevoir des soins, pas demain ni après-demain mais dès aujourd’hui ! C’est urgent ! Et il s’agit de notre héritage à tous. Comment dire non alors ? Ne sommes-nous pas tous quelque part comme cet enfant qui dit non, parce qu’il n’a pas envie ? Au moins lui, il finit par y avoir.Après avoir rechigné contre l’appel du père, il décide d’y aller : il se convertit. Il obéit, même si c’est avec un temps de retard.Est-il pour autant meilleur que celui qui dit oui pour commencer, mais qui ne fait rien ? Pourquoi a-t-il dit oui, d’abord ? Par facilité, pour être d