3eme dimanche de l’Avent 

 

 

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Notes bibliques

 

Ésaïe 35

(d’après la Nouvelle Bible Segond) Le désert et le pays desséché s’égayeront. La plaine aride tressaillira d’allégresse et fleurira comme le narcisse. Elle se couvrira de fleurs et tressaillira avec chants d’allégresse et cris de joie. La gloire du Liban lui sera donnée, la magnificence du Carmel et du Sarôn. Ils verront la gloire de l’Éternel, la magnificence de notre Dieu. Rendez fortes les mains faibles, affermissez les genoux qui font trébucher; dites à ceux dont le cœur palpite : « Soyez forts, n’ayez pas peur : Il est là, votre Dieu ! » La vengeance viendra, la rétribution de Dieu; il viendra lui-même vous sauver. Alors les yeux des aveugles seront dessillés, les oreilles des sourds s’ouvriront. Alors le boiteux sautera comme un cerf, et la langue du muet poussera des cris de joie car de l’eau jaillira dans le désert, des torrents dans la plaine aride. Le lieu torride se changera en étang et la terre de la soif en fontaines. Dans le domaine où se couchaient les chacals, il y aura place pour les roseaux et les joncs. Il y aura là un chemin frayé, une voie; on l’appellera « Voie sacrée ». Nul impur n’y passera; elle sera pour ceux qui la suivront, et les imbéciles ne s’y égareront pas. Là il n’y aura pas de lion; le fauve n’y viendra pas. On ne les y trouvera pas. Là marcheront des gens rachetés ainsi ceux que l’Éternel a libérés reviendront. Ils arriveront à Sion avec des cris de joie, une joie perpétuelle couronnera leur tête. La gaieté et la joie viendront à leur rencontre, le chagrin et les gémissements s’enfuiront.

 

Matthieu 11,2-19

(d’après la Nouvelle Bible Segond) /2// Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il envoya ses disciples lui dire /3/: Es-tu celui qui vient, ou devons-nous en attendre un autre ? /4/Jésus leur répondit :  Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez : /5/les aveugles recouvrent la vue, les infirmes marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts se réveillent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. /6/Heureux celui qui ne trouvera pas en moi une occasion de chute ! /7/A leur départ, Jésus se mit à dire aux foules, à propos de Jean :  Qu’êtes-vous allés voir au désert ? Un roseau agité par le vent ? /8/Mais qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu avec raffinement ? Voici : ceux qui s’habillent avec raffinement sont dans les maisons des rois ! /9/Mais qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète.10//C’est à son sujet qu’il est écrit : « Moi, j’envoie devant toi mon messager, pour frayer ton chemin devant toi. » /11/Amen, je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiseur. Cependant le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. /12//Depuis les jours de Jean le Baptiseur jusqu’à présent, le royaume des cieux est soumis à la violence, et ce sont les violents qui s’en emparent. /13/Car tous les prophètes et la loi ont parlé en prophètes jusqu’à Jean; /14/ et, si vous voulez l’admettre, Élie qui devait venir, c’est lui. /15/Que celui qui a des oreilles entende ! /16/A qui comparerai-je cette génération ? /Voici à quoi elle est semblable : des enfants assis sur les places publiques, qui appellent les autres /17/en disant : « Nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé. Nous avons chanté des complaintes, et vous ne vous êtes pas lamentés. » /18/Car Jean est venu : il ne mangeait ni ne buvait, et l’on dit : « Il a un démon ! » /19 /Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et l’on dit : « C’est un glouton et un buveur, un ami des collecteurs des taxes, des pécheurs ! » Mais la sagesse a été justifiée par ses œuvres.

 

Éléments de commentaire :

Avec ce récit de Matthieu (dont Luc présente une version plus longue mais que Marc semble ignorer) commence la 3ème partie du 1er évangile avec notamment le chapitre 13 dont les paraboles rendent compte de ce que les œuvres de Jésus ne sont reçues ni par les bourgades de Galilée (11,20-24), ni par les sages (11,25-27). De fait, les conflits avec les pharisiens et autres chefs du peuple (ch 12) s’enveniment. S’il ne saurait être question de conflit entre Jésus et Jean, ce dernier semble douter de la messianité de Jésus. Malgré un grand nombre de guérisons et de signes, Jésus paraît ici de plus en plus incompris.

v. 2 : litt. = Jean entend les œuvres de Christ. « de Christ » et non « du christ » : sans article, c’est le nom propre de Christ qui apparaît dans cette introduction (et non le titre). Cette phrase ne reflète donc pas le point de vue de Jean mais celui du chrétien qui cinquante ans plus tard raconte l’histoire et pour Jésus s’appelle aussi Christ. Le titre de Christ n’est donné à Jésus comme un nom propre qu’en Mt 1,1 (évangile de Jésus-Christ dans le titre de l’ouvrage) 16,20. Si Jean avait reconnu dans ces œuvres celles du X, sa question serait dépourvue de sens. Il a entendu les œuvres dont l’Église confesse qu’elles sont celles du X.

v. 3 : la réponse de Jésus va-t-elle apaiser les doutes de Jean ? On ne le sait pas car le récit n’accompagne pas le retour des disciples de Jean mais reste avec Jésus qui délivre un enseignement concernant Jean. Quant à ce dernier, il n’obtient rien de nouveau par rapport à ce qu’il savait déjà. Jésus ne semble pas répondre à sa question en se présentant comme celui qui devait venir.

v. 5 : toutefois, il cite un extrait d’un texte messianique (Ésaïe 35) amplifié de deux éléments nouveaux : la résurrection des morts et l’annonce de la bonne nouvelle aux pauvres. Ce qui se passe auprès de Jésus excède ce qui a été annoncé par le prophète.

v.7 -on peut s’interroger sur la question de Jésus : qui irait chercher un roseau dans le désert. On peut répondre à cela que le désert de Jean n’est pas le Sahara mais les rives du Jourdain. De plus, cette localisation de Jean dans le désert dépend de l’application à son ministère de la citation d’Ésaïe : voix [de celui] qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur (Ésaïe 40,4 repris en Marc 1,3; Matthieu 3,3; Luc 3,4). On retrouve ce motif du désert dans le texte d’Es 35, où après avoir annoncé que diverses guérisons seront les signes de la venue des temps messianiques, il est précisé que  le lieu torride se changera en étang et la terre de la soif en fontaines. Dans le domaine où se couchaient les chacals, il y aura place pour les roseaux et les joncs. La mention du roseau n’a donc rien de fortuit, elle prolonge dans la bouche de Jésus la référence à Es 35.

Notons qu’ailleurs, le roseau est aussi l’image de la plante qui se fane et qui, séchée, est la proie des flammes (Job 24.24; Ps 82.14; Es 1.31; 5.24; 19.6; Nahum 1.10 Zacharie 12.6 selon la traduction grecque des Septante). Un Jean-Baptiste roseau serait alors l’homme d’un jour, qui certes plie mais ne rompt pas, et se courberait devant le premier potentat qui passe (sur l’instabilité du roseau voir aussi 1 Rois 14,15) ce qui, on le sait ne correspond en rien à l’image de Jean dans les évangiles.

v.8 les vêtements de luxe ne caractérisent pas vraiment le personnage de Jean, vêtu comme le prophète Élie d’une peau de chameau (Matthieu 1,4 reprenant 2 Rois 1,8). Le propos de Jésus n’est pas dénué d’humour !

v.11 Jean, né d’une femme est, quoiqu’étant le plus grand parmi ses semblables, plus petit que le plus petit de ceux qui sont déjà dans le Royaume des Cieux.

v.12. C’est un verset difficile qui peut être interprété de bien des manières : soit comme une allusion à la violence déchainée contre Jean à la suite de sa prédication, soit comme une allusion aux troubles dans le pays liés à l’occupation romaine.

v.14 Jésus renverse de manière étonnante la perspective du récit : alors que Jean demandait si Jésus était celui qui devait venir, Jésus proclame que Jean est celui qui devait venir. La réponse à la question de Jean est ici donnée mais elle n’est pas adressée celui qui interrogeait mais aux auditeurs de Jésus et à travers eux au lecteur de l’évangile. 

 

Proposition de prédication

Jean était en prison. Sans avoir été jugé et donc sans avoir été condamné, Jean était en prison. Il n’attendait pas son jugement. Il savait qu’il n’y aurait pas de procès mais seulement une condamnation, une condamnation qui avait peut-être déjà été prononcée dans le cœur ou le cerveau d’Hérode. Il savait qu’il n’y aurait qu’une exécution sans autre forme de procès et qu’il était, lui Jean, à disposition d’Hérode pour le jour et l’heure à laquelle le roi penserait bon de l’exécuter.

Hérode le tenait. Il l’empêchait de parler aux foules même s’il lui permettait, bon prince, de recevoir quelques disciples et s’entretenir avec eux. Il lui permettait même d’envoyer des messagers au loin pour poser des questions. Pour le reste, Jean, prophète bâillonné, était en prison. Il y a plusieurs types de prison.

Des prisons avec des barreaux, des chaines, des murs. Ce sont les plus banales, les plus évidentes et souvent les plus terribles. Des croyants y sont parfois enfermés par des dictateurs ou des régimes brutaux et décomplexés. On se doit de dénoncer de tels hommes et de tels régimes que ce soit celui du Chili de jadis ou de la Russie, de la Syrie du Soudan d’aujourd’hui.

Mais il y a aussi des prisons plus dorées, comme celles où parfois des hommes et des Églises se laissent attiédir par les reconnaissances et les honneurs et même des prisons subtiles, des prisons de la pensée, qui s’appellent idéologie, des prisons où on nous suggère de hurler avec les loups et de nous taire avec les moutons, de considérer les lois du marché comme si elles avaient été données sur le mont Sinaï ou de répéter à n’en plus finir pour nous donner bonne conscience que décidément on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Jean était en prison. Une vraie prison avec des murs et des gardiens.

Mais jusque dans sa prison il entendait les œuvres de Christ. Cela signifie peut-être qu’il entendait parler de ce que faisait Jésus, mais cela signifie aussi sans doute que les œuvres du Christ, ses œuvres et pas seulement ce qu’on disait d’elles et de lui, les œuvres du Christ parvenaient jusqu’à lui enfermé dans sa prison.

Du coup, Jean s’interrogeait. S’interroger c’est parfois oser un premier pas qui permet à une pensée de sortir de sa propre prison. S’interroger c’est chercher à penser autrement, c’est rechercher et parfois découvrir un autre chemin, une sortie, une autre manière de penser. Jean fait alors demander à Jésus : « Es-tu celui qui vient ou devons-nous en attendre un autre ? » Ce matin c’est cette question qui retient mon attention. L’approche de Noël nous suggère de voir en Jésus celui qui, parce qu’il est venu vivre la vie des humains, est sans cesse celui qui vient, celui qui nous vient, celui qui est encore à venir.

Je n’ai jamais très bien compris comment on pouvait faire remonter le nom de Noël au latin Nativitas. C’est pourtant ce que nous expliquent les dictionnaires et je veux bien croire les savants férus d’étymologie qui nous enseignent cela. Pour moi, le mot même Noël rime surtout avec Nouvelle. Noël reste la grande nouvelle qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie, une grande nouvelle sans cesse nouvelle, sans cesse renouvelée, jamais ancienne quand bien même elle est annoncée dans toutes les langues et sur tous les airs depuis environ 2013 années. Jésus est encore et toujours celui qui vient, celui que nous ne savons pas, celui dont nous avons à apprendre. Celui qui vient, c’est à la fois un absent que nous attendons et quelqu’un dont nous savons qu’il s’est mis en route pour nous rejoindre. Celui qui vient, il est presque là et la rencontre a déjà presque lieu. Presque. C’est comme pour des amis invités dont on sait qu’ils approchent quand on voit les phares de leur voiture balayer la nuit, quand on entend leur voix dans l’interphone. On jette un dernier coup d’œil à la table, on se redonne un coup de peigne, on éteint la télévision. Ils se sont mis en route. Ils arrivent. Ils sont là. Ils viennent. Il se tient à la porte et il frappe.

Noël fête celui qui vient. Mais Jean reste dubitatif. Il se demande si Jésus est celui qui vient ou si on doit en attendre un autre. Et Jésus tout en étant celui qui vient était aussi un autre. Car celui qui vient est autre. Il est différent de ce que Jean, et avec lui beaucoup de ses contemporains, pressentait et espérait. Il est tout aussi différent de celui que nous attendons. Jean ne le voyait pas comme ça. ET nous comment le voyons-nous ? Une rencontre, une vraie rencontre, c’est aussi une surprise, parfois une bonne surprise, parfois une déception. Si nous souhaitons rencontrer une personne, il faut s’attendre à ce qu’elle ne soit pas tout à fait conforme à l’image que nous avons d’elle. Ici, la personne de Jésus, ce qu’il faisait, ce qu’il ne faisait pas, ce qu’il disait et ce qu’il ne disait pas, cette personne-là semble ne pas avoir correspondu à l’idée que Jean se faisait de celui qui doit venir. Mais quand Jean l’interroge, Jésus ne répond pas à sa question.

En lieu et place d’une réponse, Jésus demande aux disciples de Jean de témoigner de ce que Jean sait déjà, à savoir des actes du Christ : autour de Jésus, des aveugles recouvrent la vue, des infirmes marchent, des lépreux sont purifiés, des sourds entendent, des morts se réveillent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. Autour de Jésus des femmes et des hommes vivent des choses si extraordinaires qu’on peut y voir l’accomplissement de la prophétie ancienne écrite il y a bien longtemps au livre d’Ésaïe. Car, si Jésus ne répond pas à la question de Jean, il lui donne à lire, à lire la bible d’une part, à lire la vie d’autre part.

Si vous permettez cet anachronisme inspiré par une célèbre parole du théologien Karl Barth, Jésus propose à Jean de tenir dans une main la Bible et dans l’autre le journal. Et nous que lisons-nous ? Nous, nous sommes comme tout le monde et cette fête de Noël qui s’approche nous pose bien des questions. Mais nous avons la Bible. Alors nous sommes aussi comme Jean et peut-être que, comme Jean aussi, nous sommes enfermés dans des sortes de prisons. Prisons matérielles que sont les maisons d’arrêt et les centrales, ou encore prisons de la maladie, du handicap, de la vieillesse lorsqu’elle entrave notre liberté. Ou prisons morales, spirituelles que sont les préjugés, les idées toute faites. Nos questions peuvent nous aider à nous en sortir. Jésus entend nos questions comme il a entendu le message de Jean. Il entend nos questions et préfère ne pas y répondre tout de suite, pas si vite, pas comme ça. Il nous renvoie aussi à la lecture de la Bible et à celle du quotidien.

Le quotidien, pas forcément le journal. Car les deux, la Bible et le quotidien, contiennent de bonnes nouvelles. Simplement, il faut accepter que ces bonnes nouvelles attendues ne soient pas en tous points conformes à ce qu’on attendait.

Jésus non plus n’était pas comme on l’attendait. On a coutume de dire que les trains qui arrivent à l’heure ne font pas la une des journaux. Et c’est bien ainsi. Cela signifie qu’ils ne constituent en rien une exception. La une des journaux est réservée à ce qui est exceptionnel voire unique. Il est bon que les unes des journaux soient consacrées à des catastrophes, des guerres et toutes sortes de malheur. Cela signifie que ces terribles événements restent exceptionnels dans un monde relativement en paix. Aussi ne faut-il pas s’en tenir aux unes des journaux ou aux reportages de la télévision qui, pour faire de l’audience, braquent leurs projecteurs sur les malfaiteurs et oublient les bienfaiteurs si nombreux qu’on les croient insignifiant. Lisez bien votre quotidien. Lisez ce qu’il y a de bien dans votre quotidien : la présence et l’amour de vos proches, les fleurs de vos jardins, le pain du boulanger, la chanson qu’on aime à fredonner, les personnes guéries, les sortant de prison, le soleil après les nuages, la pluie sur le jardin, une lettre, un coup de fil, un dessin d’enfant, un bon souvenir partagé & que sais-je encore, vous vous le savez.

Vous le savez, nous le savons mais nous l’avons peut-être oublié parce que nos yeux et nos oreilles ont été captés et captivés, nos sens ont été capturés par des images spectaculaires de guerre et de catastrophes exceptionnelles qui nous ont fait oublier le bonheur de vivre. Jean était en prison. Mais les œuvres de Christ étaient parvenues jusqu’à lui. Avait-il compris ce qu’elles signifiaient ? Là étaient la réponse à ses questions. Là est aussi la réponse à nos questions. Avec Noël, Christ vient mais il ne sera peut-être pas comme nous l’attendons et c’est très bien ainsi. Attendez-vous à être surpris. Amen 

 

Thématique / Jean emprisonné/Prisons humaines/Jésus celui qui vient/