Sans roi honnête, pas de justice possible dans le royaume, la place est libre pour toutes sortes d’oppressions et de violences… Jusqu’à quand ? Telle est la question angoissée du croyant qui ne peut alors qu’attendre le retour de manivelle pour punir les méchants et rétablir la justice. Avec cette révélation prophétique qui conclue la péricope : « le juste vit par sa fidélité ». Heureux qui gardera patience jusqu’à ce que Dieu intervienne. Le 2nd Testament (
en fera une promesse de Vie éternelle. On remarquera avec profit un personnage secondaire : les montagnes, dont on dit qu’elles tremblent (
La situation de Paul est meilleure, politiquement, que celle d’Habacuc, puisqu’il vit dans un empire stable à son époque, et malgré la présence d’un despote, Hérode, sur le trône de David. Pourtant, sa situation personnelle est plus critique, dans la mesure où il est en prison à Rome (cf. Actes 28 – Paul, étant citoyen romain comme natif de Tarse, avait le droit d’être jugé à Rome). Il précise bien qu’il y est non pour un délit quelconque, ce qui serait un déshonneur, mais qu’il a été emprisonné pour sa foi (
v8). Raison pour laquelle il peut mettre entièrement sa confiance dans l’Esprit Saint, qui lui donne la conviction que les souffrances endurées ne sont pas vaines, qu’elles profiteront au moins à l’Évangile. Pourtant, il s’inquiète de ce que son fidèle collaborateur Timothée ne perde pied dans sa mission en pensant à Paul dans cette prison, comme l’ont fait ses amis d’Asie. Il souhaite qu’il ne doute pas de la puissance de Dieu, donc de la validité de l’Évangile annoncé. C’est pour cela qu’il fait de sa souffrance un témoignage de sa foi, en cet Évangile de la résurrection reçu du Christ Jésus. Sans crainte pour l’avenir, même sinistre, il fait mémoire du « saint appel » (
v 9), ce fameux « bon dépôt » (
v14) qu’il a reçu et transmis à Timothée.
v 6 Paul craint que le spectacle de ses propres tribulations ne fasse fléchir Timothée dans sa foi. Il l’exhorte donc à s’affermir, à « raviver le don de Dieu ». Reçu par imposition des mains, il s’agit ici du Saint-Esprit.
v 7 Esprit de force,… qu’il oppose à l’esprit de peur que pourrait engendrer la situation.
v 8 Le thème de la honte est fort ici, repris au
v 12.
Notez le parallélisme entre l’emprisonnement de Paul et le témoignage rendu au Seigneur… dont il faut se rappeler qu’il a lui-même été emprisonné et crucifié, même si ce n’est pas reprécisé dans le §. «
Souffre avec moi » n’est en rien une allusion à la sanctification par la souffrance. Elle n’est que la manifestation d’une solidarité entre ces 2 personnes qui souffrent de la mort prochaine probable de l’une d’entre elles. Au
v 12, Paul dira d’ailleurs «
j’endure ces souffrances » et non «
je me glorifie de ces souffrances »…
v 9 Cette précédence de la grâce garantit la permanence des promesses évangéliques malgré l’adversité.
v 10 ce rappel est destiné à Timothée, pour qu’il vive tout cela dans la perspective de la résurrection et non seulement dans la souffrance.
v 11-12 en rappelant que c’est comme « héraut, apôtre et docteur » de l’Évangile de Jésus-Christ qu’il est en souffrance, il entend éloigner la honte de la condamnation par la société.Il relit ses mésaventures à la lumière du Jour du Seigneur, où il sait bénéficier de la grâce du Grand Juge, même si ce ne sera pas le cas à son procès sur terre.
v 13
Le français courant traduit par « norme » ce qui est un modèle, un exemple : Paul, comme souvent, exhorte vivement Timothée à garder l’enseignement qu’il lui a transmis.
v 14 Le mot « dépôt » (aussi au v 12) terme technique de finance, renvoie à l’idée de « trésor » et de «richesse » tels que développés en
1 Tim. 6 v 17 à 20. Ce dépôt à faire fructifier est ici l’espérance !
Sujets de prédication :
- Paul, « héraut, apôtre et docteur » de l’Évangile de Jésus-Christ
- Derrière nous, la grâce de l’appel reçu, devant nous la perspective de la grâce promise au grand Jugement, la grâce du présent se vit même dans la souffrance.
Luc 17 v 5 à 10
Pour moi, la réponse de Jésus doit être lue à la lumière (avant) de la question des disciples d’une part, (après) de la parabole du serviteur «inutile » de l’autre.
La question des disciples porte sur la quantité de foi nécessaire… nécessaire à quoi ? D’après cet évangile, au pardon, si tant est qu’il y ait un lien avec le texte qui précède. Le pardon des offenses semble trop difficile aux disciples sans disposer de plus de forces issues de Dieu. Jésus se moque d’eux, me semble-t-il, en répondant sur le mode de la quantité : « gros comme » ou « autant que » avec ce grain de sènevé qui est traditionnellement considéré alors comme la plus petite des graines (
Mt 13,22). Il semble dire que la plus petite parcelle de foi peut déjà faire des miracles, ce qui sous-entend : si vous n’en faites pas, c’est que vous n’en avez pas. Le parallèle en
Matthieu 17 v 20ss, est présenté comme une réponse de Jésus à une autre question, sur l’efficacité de la prière, va plutôt dans le sens d’un manque de foi pour obtenir un exaucement: «
ce genre de démon ne peut s’en aller, sinon par la prière et par le jeûne »(TOB).
En fait, c’est plutôt ici la demande des disciples à Jésus d’être à l’origine de ce surplus de foi: «
augmente-nous » qui déclenche la réponse ironique de Jésus : «
si vous aviez de la foi ».
Ce que donne la grâce, ce n’est pas avoir une parcelle de puissance divine, c’est être dans la confiance nécessaire pour suivre Jésus. C’est de l’ordre de l’être et non de l’avoir.
La parabole du serviteur qui suit l’éclaire sous l’angle du devoir : « nous avons fait ce que nous devions faire » (Segond Rév.). Elle invite les apôtres à ne pas faire jouer la concurrence entre eux pour savoir qui est le plus fort à pardonner, à guérir ou dans l’extraordinaire de la mission. Mais seulement à faire ce qu’ils se sentent appelés à réaliser, selon les moyens (les charismes, dit Paul) que Dieu met à leur disposition.
Proposition de prédication
Luc 17 v 5 à 10 : jauger la foi ? Vous dormez bien, vous, la nuit, en ce moment ? Moi, j’avoue que j’ai un peu de mal à m’endormir : quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend… (un peu de place pour l’actualité menaçante du jour) En attendant, comme le prophète contemple, impuissant, la situation qui se dégrade autour de lui, écoutons la parole qui lui est adressée : « Attends avec confiance même si cela paraît long: ce que j’annonce arrivera à coup sûr et à son heure. Écris: l’homme aux intentions mauvaises dépérit, mais le juste vit par sa fidélité. » L’apôtre Paul s’est d’ailleurs déjà réapproprié cette dernière phrase dans l’épître aux Romains (1,17) en traduisant du grec : « le juste vivra par la foi ».Il surenchérit même dans l’épître à Timothée: « Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi. N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur… Garde le bon dépôt » – le bon dépôt de la foi ! La foi est ici donc indissociable de la patience vis-à-vis de la misère qui nous entoure.
Me permettrait-elle alors de mieux dormir ? Nous sommes alors tentés, comme les disciples, de dire à Jésus :
« Augmente notre foi » Dans l’espoir de voir ainsi notre avenir mieux assuré ! Gare alors à la gifle : «
si vous aviez de la foi gros comme un grain de moutarde… vous diriez à un arbre (dit Luc17, 5)
ou une montagne (dit Mt 17,20)
déracine-toi, ou soulève-toi et va te jeter dans la mer, et cela arriverait»…
A ce propos, je ne résiste pas à l’envie de vous raconter une histoire que me racontait ma grand mère quand elle me faisait le catéchisme (avec l’accent, c’est mieux !) : C’était autrefois dans les Cévennes. Une vieille cévenole se lamentait de ce que la montagne lui bouchait la vue lorsqu’elle ouvrait sa fenêtre le matin. Puis un jour, elle a lu cette phrase dans sa Bible. Alors, ne faisant ni une ni deux, au moment de faire sa prière le soir, après avoir fermé ses volets comme tous les soirs, elle se met à genou et dit : « mon Dieu, mon Dieu, fais je t’en prie que cette montagne ne soit plus là demain ! » puis elle se couche, le cœur content, dort du sommeil du juste. Le lendemain matin, elle ouvre ses volets, et que voit-elle ? La montagne !…qui n’a pas bougé d’un pouce ! Alors elle s’en va vers ses fourneaux en se disant : « Té, je le savais ! »… Quelle est la morale de cette histoire ? Qu’elle n’y croyait pas ? Qu’elle n’avait pas la foi ? Qu’elle ne croyait pas assez? Ou que Dieu, pour quelque obscure raison, n’a pas voulu l’exaucer, considérant lui, au contraire, que la vocation d’une montagne est de témoigner de l’éternité et de la puissance du créateur, et donc qu’elle était très bien à sa place ? (à moins que quelqu’un sur la montagne ne l’ait prié de n’en rien faire ! ) …Vous aurez peut-être encore bien des interprétations à me donner ! Mais prise en elle-même, cette phrase de Jésus semble rendre quasi-impossible la foi, puisque personne n’a jamais vu un arbre, à fortiori une montagne, relever ses jupes et se mettre à courir – même si l’on parle bien du pied de la montagne !- avant de se mettre au bain ! Prise en-dehors de tout contexte, ex abrupto, cette petite phrase : « si vous aviez de la foi… vous diriez à un arbre (ou une montagne) soulève-toi et va te jeter dans la mer, et cela arrivera» pose encore de nos jours un drôle de problème ! Mais si l’on voit de prés le texte, il s’agit ici avant tout d’une réponse ironique de Jésus à une demande des apôtres, qui demandent « augmente-nous la foi ! » Oui, Jésus est ironique en leur disant : « si vous aviez de la foi
gros comme un grain de moutarde » car il joue sur le volume de la foi, comme eux le faisait en en demandant toujours plus. Or, la foi ne suppose pas de capitalisation. En avoir ou pas, là est la question. Luc évite ici toute discussion sur les quantités pour ne plus parler que de la qualité de la foi ! Pour lui, il n’y a que le premier pas qui compte, celui qui nous rend esclave du maître, dés lors que nous avons été rachetés par lui. D’autres textes, ailleurs, dans la Bible, parlent de la quantité de la foi et essayent de répondre à la question : « pouvons-nous (pas Dieu, nous !) augmenter notre foi ? » Ici, il n’en est pas question. C’est tout.
Chez Luc, la parabole du simple serviteur qui suit permet de comprendre autrement cette parole. Une parabole facile à comprendre, qui nous dit que chacun doit rester à sa place : Dieu est le maître, nous ne sommes que ses serviteurs. Simples ou inutiles, « nous avons fait seulement ce que nous devions faire… »
La parabole du serviteur est là pour ne pas laisser les disciples se décourager, après la cinglante histoire du sycomore. Elle nous permet de comprendre qu’en demandant à Jésus de faire quelque chose pour eux, ils n’ont fait qu’inverser le processus ! Que Jésus renverse à nouveau. Il ne leur dit qu’une chose, à ses apôtres : c’est à vous de travailler pour votre foi, pas à Dieu ! Comme serviteurs de Dieu, comme simple croyant, il ne nous est pas demandé de faire des exploits incroyables, comme de faire galoper un arbre ou une montagne, ce qui est non seulement inutile mais assez dangereux finalement. « Prépare mon repas, puis change de vêtements pour me servir pendant que je mange et bois; après quoi, tu pourras manger et boire à ton tour. » voilà ce qui nous est demandé.
– Préparer le repas du Seigneur, c’est se préparer à partager la Ste Cène avec lui, mais aussi s’occuper de ses invités, « les pauvres, les infirmes, les boiteux et les aveugles. »
– Changer de vêtement, ce peut être l’image de la conversion, mais aussi une invitation à ne pas avoir peur de se salir en retroussant nos manches, à nous préparer à l’action. Nous n’avons pas pour autant à attendre d’autre récompense que celle qui nous est faite lorsque nous mangeons et buvons le repas du Seigneur, promise dans notre baptême également : c’est la participation à la croix du Christ ! Notre salut, notre pardon, avec la vie éternelle et l’amour de Dieu.
Luc l’a déjà dit autrement, en inversant les rôles : « Restez en tenue de travail et gardez vos lampes allumées. Et soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, afin de lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera. Heureux ces serviteurs que le maître à son arrivée trouvera en train de veiller. En vérité, je vous le déclare, il prendra la tenue de travail, les fera mettre à table et passera pour les servir. » (
Luc 12/ 35 à 37)
Si donc nous attendons de Dieu qu’il nous augmente la foi, nous faisons fausse route : ce n’est pas de la quantité de notre foi que dépend le résultat de notre action ou de notre prière. Chez Matthieu, d’ailleurs – et c’est pourquoi il utilise une image plus massive- la phrase s’insère dans un enseignement plus vaste sur la prière. Ce que souhaite Jésus c’est que nous nous confiions à lui dans la prière, que nous nous laissions conduire par lui avec confiance. Comme un enfant suit son père en lui tenant la main. L’accent est mis ainsi sur le fait qu’il ne faut pas hésiter dans notre confiance en Dieu. Prions donc avec confiance, en nous efforçant de ne pas hésiter, de faire taire toutes nos inquiétudes dés lors que nous demandons quelque chose à Dieu ! C’est de lui que dépend le reste, pas de nous.Chez Luc, pour y revenir, c’est à la suite d’un enseignement sur le pardon que les disciples lui ont demandé un coup de pouce pour avoir plus de foi. C’est sans doute que le pardon semble demander une bonne dose de foi ! Pourtant, on ne peut pas pardonner à moitié. Ou l’on pardonne, ou pas ! L’instruction est la même pour nous, de nos jours, en ce qui concerne la prière ou le pardon. Mais il faut bien reconnaitre que ce sont des préoccupations de disciples. Ce qui préoccupe le plus les gens qui nous entourent, c’est la question récurrente du Mal, de ce qui nous menace chaque jour, à travers le spectacle permanent des média. La tentation est grande alors de reprendre un peu de foi, comme on prend un somnifère, pour ne plus y penser…Mais la foi nous demande d’être des serviteurs ! Non pas des serviteurs qui dorment en attendant le retour du maître absent, mais des serviteurs qui ont du pain sur la planche ! Qui doivent tout mettre en œuvre de ce qui est possible pour que le maître soit satisfait d’eux, qu’il soit chez lui ou non. Pas question de se reposer sur la foi, ni de laisser Dieu faire les choses à notre place, pour déplacer un arbre ou une montagne. Non. Il faut le faire nous-mêmes. Commençons donc par l’arbre. Par le planter, d’ailleurs, avant de le déplacer. Mais commençons. Mettons-nous au travail. Au mieux. Selon ce que le Saint-Esprit nous inspirera, dans l’église comme dans notre travail, dans la vie de tous les jours. Et quand nous aurons « fait tout ce qui est ordonné », peut-être alors pourrons-nous dire: « nous sommes de simples serviteurs; nous n’avons fait que notre devoir ». Et le maître nous accordera alors un repos bien mérité. AMEN.
thématique : La foi/Quantité et Qualité