Textes : Ps 147 Deutéronome 8, v. 2 & 3 et 14 à 161 Corinthiens 10, v. 16 à 17 Jean 6, v. 51 à 58Pasteur François DietzTélécharger le document au complet

Prédication

« Jésus le pain de vie » Que vivons-nous dans et à travers la communion ? Question difficile qui peut être abordée ailleurs de façon catéchétique, doctrinale… Dans la prédication, il s’agit plus d’ouvrir des chemins pour que chacun puisse recevoir une réponse, un début de réponse, ou au moins une lumière qui éclaire une question présente ou permette d’en poser de nouvelles…. l Le pain est un élément de vie Nous ne savons pas bien mettre en rapport les textes bibliques entre eux et souvent nous oublions que les évangiles s’adressaient à des personnes qui avaient comme textes de référence le 1er testament, les Écritures. Et c’est important de penser que si nous parlons d’une nouvelle alliance, celle-ci a des liens étroits avec la précédente. Nous oublions tout simplement que Jésus était juif, que sa parole et ses références étaient juives…. Si nous l’oublions, nous entendons ces paroles comme une annonce de type dogmatique et c’est souvent cela que nous faisons. Du coup, nous voici de suite dans le domaine de la discussion sur le pain et le corps du Christ. Mais il est possible d’entendre ces paroles dans un autre registre : relire ici Dt. 8, 1 – 3 (texte du jour). En lien avec ce récit du Deutéronome, le pain venu du ciel, c’est maintenant la présence agissante du Christ pour sauver le peuple pèlerin du désert. Ainsi Jésus ne fait pas un discours doctrinal, il n’est pas question avec ces paroles de fonder une interprétation protestante ou catholique sur ce qu’est la communion. Il me semble cependant que l’on peut, en relation avec les textes du 1er testament, souligner que l’évangéliste Jean veut mettre en lumière (au moins) deux choses. D’abord, quand Jésus dit « Je suis » ou quand il met dans la bouche de Jésus « Je suis », nous pouvons comprendre que cela rappelle la façon dont Dieu se fait connaître à Moïse : tu leur diras que le Seigneur vous libérera. Et s’ils me demandent ton nom, que dirais-je ? Tu leur diras « Je suis » m’envoie. Ainsi, cette façon qu’a Jésus de parler avec « Je suis » rappelle la rencontre entre Dieu et Moïse et son peuple. C’est aussi de façon démonstrative qu’a Jésus, lorsque invité à lire et commenter les Écritures dans la synagogue de Nazareth, il s’assied et pour tout commentaire dit plus ou moins « voici le jour du Seigneur est arrivé puisque je suis venu »….La différence tient au style de Jean qui cherche plus à parler comme un philosophe ou qui s’adresse à des milieux épris de philosophie. Ensuite, quand Jésus dit qu’il est le pain de vie, il fait référence à ce que reçut le peuple quand il était au désert. Au sens littéral, il n’est pas possible de croire qu’un morceau de pain, fût-il reçu au moment de la communion nous rend vivants. Mais ce qu’il est possible de recevoir, c’est que la présence de Jésus nous est accordée, même lorsque tout va mal et que nous désespérons qu’un jour nouveau vienne. l Le sang est le signe de la vie C’est dans ce contexte que nous pouvons entendre cette présence de Jésus qui se donne et se donne entièrement. Au premier degré, il faudrait effectivement dire avec ceux qui l’entendent que Jésus veut que nous soyons des anthropophages et cela n’est évidemment pas juste. Nous devons toujours être vigilants dans nos paroles pour ne pas faire entendre à celles et ceux à qui nous nous adressons que les chrétiens mangent le corps du Christ et boivent son sang… Mais avec ce texte, nous ne pouvons pas non plus prendre à la légère la signification de cette vie qui nous est donnée. Le rite que nous vivons est un rite qui dit néanmoins plus que le pain et le vin que nous partageons. Parce qu’à travers ces éléments qui sont ceux de la vie, nous disons aussi que Jésus est mort pour que nous ayons la vie, mais la vie qui nous est donnée est une vie malgré la mort et malgré les morts qui semblent absurdes. Dietrich Bonhoeffer avait trouvé cette formule de la « grâce qui coûte » pour qu’à travers nos confessions de foi nous disions que notre foi s’enracine dans la mort et la résurrection du Christ. Bien sûr, le pain, c’est l’élément qui dit la vie au quotidien, la force vitale que nous recevons pour notre vie au quotidien. Bien sûr, le sang que Jésus indique, ce n’est pas le sang mortifère, ce n’est pas le sang de la victime. Mais il rappelle néanmoins que la vie proposée ne fait pas l’économie de la mort de Jésus sur la croix. l Nous ne chosifions pas ; nous appelons l’Esprit sur nous…. Que nous soyons protestants ou catholiques, que nos traditions désignent le repas du Seigneur par le nom de « Cène » ou de sainte Cène (version protestante) ou d’ « eucharistie » (version catholique), nous devrions revenir de temps en temps aux textes bibliques eux-mêmes qui hésitent parfois. Bien souvent, nous nous présentons à ce moment dont on dit que c’est un moment de fête avec une lourdeur non dissimulée, dans le souvenir non seulement du repas du jeudi saint de Jésus avec ses disciples mais dans l’ambiance du vendredi saint et de la mort de Jésus. Nous oublions les repas très festifs de Jésus, à Cana, dans la maison de Zachée, chez les publicains à qui il rendait visite, celui des pèlerins d’Emmaüs…. Nous entendons facilement que Jésus partage ce pain en disant que c’est son corps…. Eh bien en disant cela, nous avons notre regard attiré sur le pain et non vers le geste. Il est peut-être préférable, même si c’est un peu distordre le texte biblique, de dire « Mon corps, c’est ce pain que je partage avec vous » ou peut-être encore « la vie qui a du sens, c’est quand vous partagez ce pain comme nous allons le faire ». Voilà pourquoi dans le repas que nous prenons ensemble, tout a du sens : le fait que nous répondions à cette invitation du Christ à partager ce pain et ce vin, le pain et le vin qui circulent et tout ce que nous ne pouvons expliquer. Mais il y a aussi ces paroles que nous adressons à Dieu, non pas pour que ce pain et ce vin soient changés, mais pour que nous sortions transformés et que ce geste nous engage à être ensuite porteurs de la même espérance. Ce qui importe, c’est que nous sortions de cette Église, non pas repus mais avec l’idée que nous entamons un repas qu’il nous faut ensuite partager avec d’autres (on prend l’entrée ici et le plat de résistance c’est ailleurs… Mais il faut une entrée !). Ainsi nous pouvons prendre conscience qu’il reste du pain et du vin, les signes de la vie, à distribuer au monde qui en a besoin. Nous pouvons entendre que cette communion nous engage. C’est ce que dit cette prière avant la communion. Nous pouvons terminer par une sorte d’exhortation : bannissons de notre vocabulaire les mots qui pourraient laisser entendre que nous pratiquons un rite où les sacrifices soient destinés à une idole. La table sur laquelle nous disposons le pain et le vin est une table. Et en aucune façon un autel, de ceux qui servent à présenter les sacrifices de viande ou de végétaux qu’on offre aux dieux pour calmer leur faim et s’attirer les bénédictions. Si nous avions en tête cette idée, retournons vite au texte de Paul (1 Co 10, 16 – 19 = texte du jour) qui précisément est introduit dans ce cadre-là, et qui enjoint de se détourner d’une pratique liée au sacrifice comme cela était pratiqué au temple de Jérusalem. Et ce que Paul met alors en lumière, c’est que nous sommes tous ensemble, par ce geste qui nous engage, le corps du Christ. Retenons ceci : la communion, ce n’est pas recevoir un morceau du corps du Christ ni quelques gouttes de son sang mais c’est comme disciples retrouver le sens du message de l’Évangile, d’en vivre et de l’annoncer. Ainsi nous sommes vivants. Amen !