Textes : Deutéronome 11, v. 16 à 32 Romains 3, v. 21 à 28Matthieu 7, v. 21 à 27Pasteur Louis HonnayTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Le Deutéronome est attribué à Moïse (voir 1/1 et 4/45). En réalité c’est une compilation tardive, comme le montrent divers indices, même si certains éléments sont anciens. Il est difficile d’attribuer une date précise à chacun des divers composants. La tradition admet Moïse comme auteur de l’ensemble, parce qu’on le considère comme le grand législateur d’Israël. Le mot « Deutéronome » signifie « Deuxième Loi », parce qu’effectivement certaines dispositions, de l’Exode ou des Nombres, par exemple, s’y répètent. La lecture synagogale va de 1/1 à 4/25. La lecture de ce dimanche englobe des versets appartenant à deux lectures à la synagogue, ce qui fait que la lecture chrétienne de ce dimanche est assez disparate. Essayons cependant de distinguer quelques éléments. v. 16 On le trouve répété au v. 27-28. Israël est entouré de voisins païens. À partir de l’Exil (587), il vivait en Mésopotamie entouré de païens. Les contacts inévitables risquent de contaminer la foi israélite, ce qui est d’ailleurs souvent arrivé. D’où l’exhortation, sans cesse reprise par les prophètes, de résister à la tentation d’imiter la religion en oubliant le Seigneur. Voir, par exemple, la lutte du prophète Élie (I Rois 18). v. 17 L’idolâtrie, l’abandon de Dieu, risque d’entraîner la sécheresse. Cette conséquence nous paraît une idée absurde ou une punition exorbitante. Mais regardons-y de plus près. Nous savons aujourd’hui que le non-respect de la nature provoque des catastrophes naturelles. Ne pas respecter la création de Dieu (climat, pollution, etc.) équivaut à mépriser Dieu le Créateur. D’où l’équation : négliger la volonté de Dieu = désordre climatologique. La Bible n’est pas si bête. v.18 + 20 La Parole de Dieu doit habiter dans le cœur. Dans la Bible, le cœur –et quelquefois les reins- sont le siège de la pensée. Ce n’est pas le cerveau, parce que bibliquement la pensée est liée à la matière, au corps. Pour qu’on n’oublie pas la Parole de Dieu et les commandements qu’elle comporte, le Deutéronome prévoit une coutume toujours suivie aujourd’hui. Quand le Juif prie, il attache à sa main et à son front de petits boîtiers (les tefilim) contenant de petits parchemins avec un verset biblique. Au front parce que la tête pense, à la main parce qu’elle agit. Il faut que la pensée et l’action soient inspirées par la Parole de Dieu. À l’entrée des maisons juives, on accroche un écriteau avec un verset biblique, pour signifier « cette maison est celle de Dieu ». Il n’y a pas si longtemps on voyait ce genre de pancartes dans des maisons protestantes. Voir les grands panneaux avec versets dans les temples. v.19 Importance de la transmission des parents aux enfants. Dans les familles juives, l’éducation à la foi se fait à la maison. La mention de la route, de la maison, etc. signifie sans doute que chaque acte de la vie est l’objet de l’éducation (dire bonjour, par exemple) ou bien que chaque acte à un sens spirituel. v.22 On compare l’existence à la marche. Suivre les chemins du Seigneur signifie vivre en accord avec sa volonté, avec ses projets. La phrase est au conditionnel (« si… »). Ce qui signifie que la promesse d’habiter le pays (v.24) ne se réalise pas automatiquement. La promesse du pays se réalise dans la mesure où Israël est fidèle à son Seigneur. L’exil sera compris comme la conséquence de l’infidélité. v. 23 & 25 Il est bien spécifié que c’est le Seigneur qui donne un pays à Israël. Les historiens savent que l’occupation du pays s’est réalisée pacifiquement. Les récits de batailles (à Jéricho, à Guilboa, …), très peu nombreuses, ne sont historiques, ils sont là pour affirmer la propriété d’Israël sur certains territoires. Il n’existe pas de traces de grands combats. v. 24 Ce sont les frontières idéales, idéalisées. Israël n’a jamais atteint l’Euphrate. v. 26-28 Par contre, le texte insiste sur la responsabilité d’Israël. Il existe deux chemins, deux modes de vie possibles : la vie en accord avec Dieu et la vie sans lui, en lui tournant le dos. On retrouve ce thème, développé en 30/15-20, associé au thème de l’amour pour Dieu. Aimer Dieu, c’est vivre ses commandements. v. 29-30 Il s’agit sans doute d’une sorte d’assemblée célébrée à l’arrivée dans le pays, où on avait installé un autel pour une fête. Peut-être s’agit-il du sanctuaire de Sichem, qui a été quelque temps le centre du culte. v. 31-32 Une affirmation : il est certain qu’Israël entrera dans son pays. Puis une dernière recommandation : l’important n’est pas de croire des articles de croyance, mais de faire, de vivre en suivant la Parole de Dieu. Autres textes du jour Romains 3/24-28 On peut rappeler que la foi ne dispense pas de suivre les commandements. Au contraire, la foi est un commandement. Matthieu 7/21-27 insiste sur la pratique, pas sur la déclaration de foi.Thèmes possibles pour la prédicationEn choisir un :a) Les nombreuses idoles modernes (argent, puissance, confort, idéologies…). Savoir les discerner. Remède : se centrer sur la Parole de Dieu comme sens de l’existence.b) Importance de la transmission. Entre génération, à l’intérieur de notre génération. Que transmettre ? Comment transmettre ?c) Les deux chemins possibles, avec Dieu ou contre Dieu. Un choix constamment impératif.d) Israël et son pays. Le pays comme don de Dieu. Qu’est-ce que cela signifie dans le contexte actuel ?

Prédication

Il y a deux façons de comprendre la foi ou, si on préfère pour voir plus large, deux façons de comprendre la religion, qui est autre chose que la confiance en Dieu. Il y a une première manière qui consiste à dire : Il faut faire des gestes prescrits. Il suffit d’avoir une certaine croyance, de fréquenter l’église, de croire tout ce qu’il y a dans le catéchisme. Il suffit de faire ses prières, autant que possible en suivant les modèles prescrits, peut-être qu’il y a quelque chose au-dessus de nous, sans qu’on sache très bien ce que c’est. Et il a une autre façon, tout à fait contraire, qui consiste à dire que l’essentiel, c’est la foi, c’est la disposition intérieure, l’adhésion au fait que Dieu existe. Mais cela n’entraîne aucun changement dans la vie. Je garde ma foi pour moi, je n’en parle à personne. Je ne vais ni au culte, ni à la messe, Dieu m’est intime, il habite en moi. Je le sais, j’en suis sûr, et cela me suffit. Je n’ai pas besoin de manifestations extérieures. Vous l’avez compris, je viens de faire deux caricatures ou ce qui ressemble à des caricatures. La première, ce serait en gros, la manière catholique. On va à la messe, on reçoit l’eucharistie, on fait peut-être des pèlerinages, et ça suffit. La seconde manière, ce serait le protestantisme, avec son goût des dispositions personnelles, son refus d’extérioriser ses croyances, sa préférence pour l’intimité. – 0 – 0 – L’ennui avec les caricatures, c’est qu’elles déforment la réalité. En fait, ni la croyance tout extérieure, ni la croyance qui s’étale ne correspondent à ce que la Parole de Dieu nous dit de celui qui met sa confiance dans le Seigneur, de celui dont on parle – ou plutôt qui parle dans le Premier et dans le Nouveau Testament. Écoutons encore ce que dit le Deutéronome : « Les paroles que voici, vous les mettrez en vous, dans votre cœur. » Ici, nous devons faire attention. Dans la Bible, le cœur n’est pas cet organe intérieur, tout au fond de nous-mêmes. Le cœur n’est pas seulement ce qui envoie le sang dans le corps. Le cœur, c’est l’organe de la pensée et de la décision. Dans la Bible, ce n’est pas le cerveau qui pense, mais c’est le cœur. Le cœur, c’est ce qui organise l’existence, ce qui forme des projets, ce qui dirige notre activité, soit en bien, soit en mal. C’est ce qui commande tout le reste. Quand le Deutéronome dit que la Parole de Dieu doit habiter dans notre cœur, cela signifie que le cœur n’existe pas sans l’activité, ou sans les activités qu’il commande ou qu’il entraîne, même si nous ne le voulons pas consciemment. Les actions vont avec le cœur, parce que le cœur commande les actions. Il n’existe pas de cœur sans les actes qu’il commande et aucun acte ne se produit si le cœur ne les commande pas. La foi ne se sépare pas des œuvres, ni les œuvres de la foi. La foi produit des œuvres, elle commande nos façons de nous comporter. La foi – ou, si on préfère, la confiance en Dieu – produit des manières de nous conduire, autrement dit, elle produit des œuvres. Il n’existe pas de vie, si le sang ne circule pas dans les veines, et si le sang circule, il y a de la vie. On n’est pas sauvé par les œuvres. Nous, les protestants, nous insistons beaucoup là-dessus. Le salut par la foi sans l’aide des œuvres a été le grand motif de la Réforme au seizième siècle. Et un des grands sujets de discussion avec les catholiques. Pas de salut par les œuvres, d’accord. Mais on peut retourner l’idée : pas de foi sans les œuvres. Si on voulait garder seulement la foi en éliminant les œuvres, ce serait vouloir que le corps humain vive en restant immobile. Comme le corps d’une personne en état de mort cérébrale, incapable de bouger. La foi sans les œuvres serait comme un corps sans vie, privé de mouvement, privé de pensée. Les œuvres montrent que la foi vit, que la foi est productive. D’accord, on n’est pas sauvé par les œuvres. Mais on n’est pas sauvé sans les œuvres. Si la Parole de Dieu habite dans notre cœur, comme le Deutéronome le demande, notre existence en sera orientée, continuellement réorientée. Il y a peut-être une sorte de perversion à vouloir que la foi soit une affaire de cœur dans le mauvais sens du mot, une affaire purement intérieure. Vouloir cantonner la foi au for intérieur, cela pourrait devenir un prétexte pour ne pas l’extérioriser, pour se dispenser de la traduire en actes, en gestes, pour tout dire pour se dispenser de la vivre. Pour échapper à l’exigence d’exprimer sa foi par des actes, pour ne pas l’incarner dans la vie de tous les jours. Ce serait une façon d’échapper à l’exigence d’incarner simplement la foi, tout simplement ce serait ne pas vouloir la vivre. Dans ce passage du Deutéronome que nous essayons de méditer, il y a un détail significatif. Il est demandé aux Israélites d’inscrire les commandements de Dieu sur la main, entre les yeux et sur le montant des portes. Aujourd’hui, quand un Juif prie, il attache un petit boîtier sur son front et un autre sur sa main. Parce que le cerveau pense et la main agit. Le même passage ordonne d’inscrire un verset biblique à la porte des maisons ou des appartements, pour affirmer « cette demeure est celle de Dieu ». Il n’y a pas tellement longtemps on voyait dans certaines maisons protestantes un écriteau avec un verset biblique. Ces habitudes ne sont pas des façons de se glorifier en disant « Voyez comme je suis bien, comme je suis croyant ». Non, pas du tout. Ce sont des manières d’affirmer ce qu’on est, des manières de ne pas avoir peur de ce qu’on est, d’affirmer ce qu’on est sans avoir peur du qu’en dira-t-on. C’est une façon de montrer sa foi par des gestes simples et significatifs. – 0 – 0 – Donc, pas de foi sans pratique, pas de pratique sans foi. Mais notre texte du Deutéronome insiste sur un autre aspect important. Il nous prévient que, si on ne met pas en œuvre les commandements de Dieu, le ciel serait fermé. Il ne pleuvrait plus, les plantes ne pousseraient plus, il n’y aurait plus de récoltes. Une pareille punition peut nous paraître exorbitante. Comment le fait de ne pas aller au culte ou de ne pas faire ses prières peut-il nous priver de pluie ? Il semblerait que cette idée provienne d’un esprit dérangé par la superstition ou d’une croyance superstitieuse à une sorte de divinité absurde et fantastique. Pourtant, réfléchissons un peu. Pensons-y, non pas à partir d’idées bizarres ou de théorie arriérée, mais à partir de faits que nous connaissons bien. C’est un fait que tout le monde –ou presque- comprend que les activités humaines produisent des effets sur le climat. On sait que le fait de chauffer l’air avec nos fumées d’usines ou simplement avec nos radiateurs perturbe les courants atmosphériques. On peut modifier le climat d’un pays et même de la terre entière par une activité humaine non réfléchie, en faisant n’importe quoi sans précaution. On peut provoquer des ouragans et des raz-de-marée si on fait n’importe quoi sans réfléchir, sans prendre les précautions indispensables. Il se passe qu’on oublie, comme le dit la Genèse. Il se passe qu’on oublie que la terre sur laquelle nous marchons, que l’air que nous respirons, que l’eau que nous buvons, tout cela est la création de Dieu. Tout cela n’est pas venu tout seul. Tout cela, c’est le résultat de l’intervention de Dieu. De sorte qu’en envoyant des fumées toxiques dans les airs, en rejetant des poisons dans les rivières, en polluant les sols, en réchauffant la glace des pôles, nous perturbons la création de Dieu. Nous méprisons la création de Dieu. Finalement, c’est Dieu lui-même que nous méprisons. Le Deutéronome a raison. Nos bêtises, les petites et les grosses, sont autant de façons de rejeter les commandements de Dieu, des façons de le rejeter lui-même. Remercions les gens qui nous parlent du climat : ils nous font comprendre qu’on ne peut pas séparer la foi des œuvres. – 0 – 0 – Pour essayer de rassembler ce que nous venons de dire, nous nous rappellerons ces paroles que les rédacteurs du Nouveau Testament ont mises dans la bouche de Jésus : « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entrent dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père. » En une seule phrase, Jésus rassemble les réflexions que le Deutéronome nous inspire. Pour Jésus non plus, la foi et les actes ne se séparent pas. Ils ne peuvent pas se séparer. La foi, c’est la confiance en Dieu. Les actes, ce sont les manifestations de la confiance. Nous n’avons pas à privilégier le Nouveau Testament contre l’Ancien. Mais nous devons chercher à écouter partout une Parole de Dieu pour en vivre. Amen !