Textes : Ps 96 Ésaïe 45, v. 1 & 4 à 61 Thessaloniciens 1, v. 1 à 5 Matthieu 22, v. 15 à 21Pasteur Georges PhilipTélécharger le document au complet
Attention ! Texte piège. On l’a utilisé pour justifier à peu près tous les modes de relations entre l’Église et l’État : théocratie (chrétienté), laïcité, laïcardise (le religieux relégué au privé), césaropapisme (alliance du sabre et du goupillon), doctrine des deux règnes (Luther), réforme radicale (qui vise à établir le royaume de Dieu sur terre), etc., etc.. Tout cela à partir d’un texte qui concerne la légitimité de l’impôt payé par les Juifs à l’empire romain. Notons par ailleurs qu’il existe de nombreux textes dans les deux testaments relatifs aux relations, ou rapports entre les fidèles de Dieu et les diverses formes de pouvoir politique. Ésaïe 45 et le Psaume 96 en sont deux exemples.
Psaume 96 : La souveraineté du Seigneur est universelle (v. 11). Elle est unique (v. 4) Elle concerne toutes les nations de la terre (v. 1,3,7,9,10) Il a le titre le « roi », d’Israël et des nations (v. 10 et 13) Le v. 9 souligne sa « Sainteté » qui le distingue et le met au-dessus de tout. Ésaïe 45, 1-6 : Roi de Perse de 551 à 529, Cyrus devient le nouveau maître du monde après sa victoire sur Babylone en 539. À l’inverse de ses prédécesseurs babyloniens qui usaient de brutalité, il va gouverner avec modération, respectant les peuples, leurs coutumes et leurs religions. Ainsi, dès 538, il publie un édit permettant aux juifs exilés à Babylone, de rentrer chez eux et de rebâtir Jérusalem et le Temple. Le texte d’Ésaïe surprend lorsqu’il déclare Cyrus, un païen, Messie du Seigneur, alors que ce titre est généralement réservé à un descendant de David. Son élection a pour cause la fidélité du Seigneur aux promesses faites à Israël dont Cyrus est le bienfaiteur. Pourtant elle est affirmée alors que Cyrus ne connaît pas le Dieu d’Israël. Quelle est alors la relation entre le Seigneur et son Oint, (Messie) ? étant bien entendu qu’il y a un seul Seigneur, (kyrios en Grec, titre que revendique César à l’époque où sont écrits les Évangiles) (v. 5 et 6) Matthieu 22, 15-21 : Question piège ! N’y tombons pas. Cet épisode est rapporté de manière très proche par Marc et Luc.v. 15 – Dans les passages précédents Jésus a exaspéré les responsables Juifs.N’osant pas l’arrêter publiquement, ils cherchent la faille, le dérapage. v. 16 – Ennemis qu’ils sont, les Pharisiens et les Hérodiens, respectivement hostiles oufavorables aux Romains, deviennent alliés.Les flatteries qui précèdent la question visent à la placer sur le plan de la LOI. v. 17 – Est-il permis… ? La Loi ne dit rien de précis. Donc, aux yeux de Dieu, à la lumière de la Loi, quelle est la juste attitude ? Quelle que soit la réponse de Jésus elle mécontentera une partie de ses adversaires.v. 18-20 – Jésus va retourner la ruse contre eux. Il fait appel à la monnaie de l’impôt impérial, qui porte l’effigie détestée de l’empereur divinisé pour dénoncer leur hypocrisie. « Si vous portez sur vous une telle monnaie, utilisez-la pour ce à quoi elle est destinée. » Il les renvoie donc dos à dos.v. 21 – Jésus dénonce ainsi leurs questions qui masquent la réalité. Il n’y a aucune mesure entre l’impôt, l’empire et l’empereur, qui sont passagers et donc secondaires, et le Royaume de Dieu qui vient et qu’ils ne savent discerner. Ainsi l’attitude de Jésus, face aux autorités sera toujours une liberté totale sans pour autant les ignorer ni les rejeter. En théologie ; comme en tout d’ailleurs, l’important est de poser convenablement les bonnes questions. Elles seules apporteront de bonnes réponses.
- Nécessité et Relativité des autorités humaines
- Dire et vivre sa foi dans une société laïque
- Loi de Dieu et Loi des hommes
- L’impôt : Pour quoi faire ?
- Le Chrétien face à l’État, en démocratie et en dictature.
- Le respect des autorités : Libre obéissance ou soumission, compromis ou compromission.
« Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » Cette petite phrase d’un Rabbi Juif qui devait devenir célèbre, a été prononcée autour de l’année 30. Elle est devenue une des sentences les plus connues et les plus citées. On l’a utilisée à tort et à travers, pour justifier tout et son contraire. Son auteur ne se doutait sans doute pas du succès futur de sa déclaration. Ce n’était pourtant qu’une réponse bien ajustée à une question par laquelle on voulait le piéger, le faire déraper. « On », c’était les dignitaires religieux, toutes tendances confondues, Pharisiens, Hérodiens dans notre texte, que la liberté de parole et d’action de Jésus exaspéraient. « Est-il permis, oui ou non… ? » Une telle expression implique que la question est grave, qu’on en appelle à la Loi de Dieu. Jésus est invité à dire ce que la Loi de Dieu, transmise par Moïse plus de mille ans auparavant (selon la Tradition) demande au Juif fidèle à propos d’un impôt réclamé par l’occupant Romain, autrement dit César. S’il dit « oui », il faut payer, il se met à dos les Pharisiens pour qui la monnaie romaine était une abomination car elle portait l’effigie de l’empereur divinisé, et aussi les zélotes qui considéraient comme un acte de résistance le refus de payer. En revanche, il comble d’aise les Hérodiens très satisfaits de l’ordre romain. S’il dit « non », c’est un subversif, un agitateur qui, par ses propos, risque de semer le trouble dans le peuple. Voilà donc le piège. Avec une telle question, les adversaires de Jésus pensent qu’à tous les coups il perd. Il perd une partie de son autorité, de son audience, et peut-être même la vie. Si Jésus dénonce cette ruse grossière, la réponse qu’il leur fait est en revanche un véritable piège : « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » Sortie de son contexte, cette parole s’est réduite aux rapports entre Dieu et César : Dieu avec César ou Dieu contre César. à partir de là, on a tout justifié. De la Théocratie, c’est à dire le règne de Dieu sur la société par l’intermédiaire de la religion officielle (ce fut la chrétienté en Europe) à l’Athéisme d’État qui s’efforce d’éradiquer toute expression du religieux : le marxisme léniniste par exemple. Mais la réponse la plus hypocrite consiste à affirmer, comme on l’entend encore souvent : « Pas de politique dans l’Église ! ». Car de même que les adversaires de Jésus avaient dans leurs poches la monnaie romaine qu’ils haïssaient, les chrétiens, et les autres religions de notre pays auraient bien tort de faire la grimace à propos de l’ordre social que garantit l’État : liberté de conscience, de culte et d’expression, avantages fiscaux, services sociaux, etc.…etc.…. Notre chère laïcité à la française n’a pas fini de nous tracasser et de nous agiter. C’est sans doute qu’elle est bien vivante. La réponse de Jésus à ses adversaires est régulièrement invoquée par l’État pour inviter les religions à plus de réserve, et par telle ou telle famille spirituelle pour défendre ses positions. Pour faire court, César demande aux religions de s’occuper des affaires du ciel, du spirituel, et de le laisser s’occuper tout seul des affaires de la terre. De leur coté, les religions réclament de César qu’il les débarrasse de tout ce qui, sur terre, les dérange ou leur déplaît et tienne compte de leur avis. Nous sommes régulièrement témoins de telles altercations, fort courtoises en général. Ceci dit, nous sommes loin du texte que nous avons lu dans l’Évangile de Matthieu, et que Marc et Luc nous rapportent dans des termes presque identiques, ce qui prouve que l’anecdote, et particulièrement la réponse de Jésus ont du frapper les témoins. D’une simple question sur la légitimité d’un impôt perçu par l’occupant, nous voilà en train de réfléchir sur la place des religions dans une société, sur la situation du chrétien face à l’État qui administre cette société, sur les droits et les devoirs des uns et des autres, des une vis à vis des autres. Je laisse aux « spécialistes » qui voudraient traiter cette question le soin de le faire pour nous. Plus modestement, je me contenterai de tirer de cet épisode de la vie de Jésus quelques courtes remarques qui en font une bonne nouvelle pour tous ceux qui l’entendent aujourd’hui. Tout d’abord, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est la totale liberté de Jésus à l’égard de toute institution, fut-elle la plus vénérable comme la Torah ou la plus sévère comme l’autorité de César et de ses représentants. Pas plus le grand prêtre Caïphe que le gouverneur Pilate n’entameront, malgré la lourde menace de la croix, sa confiance inébranlable en son Père. Les institutions humaines sont fragiles malgré les apparences et donc éphémères tandis que la Parole et le règne de Dieu sont éternels. Telle est la foi de Jésus. Telle est celle à laquelle il appelle tous ceux qui veulent le suivre. Telle est celle sur laquelle se fonde la glorieuse liberté des enfants de Dieu. Ensuite il faut noter sa faculté à discerner : discerner l’important et l’accessoire : distinguer ce qui fait du bien de l’insignifiant. Comme le dit avec humour une « béatitude pour aujourd’hui » : « Bienheureux ceux qui savent distinguer une montagne d’une taupinière ; ils éviteront bien des tracas. » Car ce n’est pas l’évidence qui a toujours raison. César et ses légions n’ont pas été capables d’accomplir ce qu’un Juif de Palestine et quelques compagnons ont apporté aux hommes de tous les temps. On rapporte que Napoléon Bonaparte, considérant ses années de guerres et de conquêtes, fit, dans un moment de lucidité, cette remarque : « Alexandre, César, Charlemagne et moi avons construit de grands empires. Mais de quoi ont-il dépendu ? De la force ! Or, il y a des siècles, Jésus inaugura un empire bâti sur l’amour et, de nos jours encore, des millions d’hommes voudraient mourir pour lui. » La dernière remarque reprend ce mot « amour » sur lequel le Christ a bâti son empire, comme l’a dit Napoléon. Cet amour n’est pas un sentiment. En effet, Jésus éprouve une grande aversion pour l’hypocrisie de ses adversaires et il ne l’a jamais cachée. Toutefois, même en la dénonçant avec la plus grande fermeté, il n’a jamais voulu les humilier ni les blesser inutilement. Il n’a pas cherché à vaincre, mais plutôt à ouvrir les yeux et les cœurs de ceux-là même qui se déclaraient ses ennemis. En vivant, ainsi il fut la manifestation vivante du Royaume de son Père, de cette vie nouvelle libérée du vieil homme et de ses pulsions et portée par une formidable espérance qu’aucun César ni aucun pouvoir religieux n’a pu ébranler. Alors…. Alors payez vos impôts, de bon cœur ou en râlant. Ils ne sont qu’un signe de l’autorité relative, quoique respectable, de César. Et offrez sans crainte et joyeusement votre vie et votre cœur au seul Seigneur, en sacrifice vivant et saint, le seul qui lui soit agréable.