Textes : Ps 19 Nombres 11, v. 25 à 29Jacques 5, v. 1 à 6 Marc 9, v. 38 à 48Pasteur Roland LaipeTélécharger le document au complet
Notre récit s’inscrit dans le contexte large des annonces de la Passion. Les disciples ont quelques difficultés à entendre Jésus, à discerner ce que sera leur suivance, lors de la disparition de leur maître. Là où les disciples se voyaient les maîtres du monde, Jésus leur parle de sacrifice, de service, d’attention aux plus petits, de confiance en Dieu. Prendre la suite de Jésus ne se fera pas sans difficulté. Ils auront l’assurance de se savoir choisis, envoyés par le maître, mais ils devront également vivre sans assurance. La victoire annoncée sur la mort n’autorise pas un triomphalisme débordant et ne leur donne aucun passe droit. Leur seule sécurité, c’est de placer leur confiance en Jésus, le Crucifié Ressuscité.
Après la première annonce de la Passion, où Pierre rejette catégoriquement ce chemin (Marc 8,32), notre récit suit la deuxième annonce de la Passion. Nous sommes les témoins privilégiés d’un dialogue de Jésus avec les Douze, dans une maison (la maison) de Capharnaüm. Une partie de cet enseignement se retrouve dans l’évangile de Mathieu (Chapitre 18, 8 à 10) dans un contexte de cheminement du pardon. Nous retrouvons le même appel : celui qui se revendique comme disciple a la possibilité de vivre comme son maître. Ce que Jésus a vécu, dans son évangélisation, ses disciples vont l’expérimenter. Ils n’auront pas de passe droit, pas de statut protégé, ni aucune facilité. Après la seconde annonce de la Passion, les disciples ne veulent pas entendre, pas comprendre (v 32). Il faut toute la pédagogie de Jésus pour reprendre cette annonce, partir de leurs questionnements, pour resituer son enseignement. Il va leur dire comment se comporter dans le monde, malgré le Mal qui sera fait sur la Croix. A partir d’exemples concrets, il posera les pôles de vie du disciple qui se situent dans une logique de Service, dans la pratique de l’accueil des enfants (une reprise de cette dynamique d’accueil sera confirmée plus loin, dans ce récit), dans l’accueil bienveillant des actions des disciples « non labellisés », non reconnus par le groupe de Douze, et dans l’accueil reconnaissant d’un petit geste de solidarité (un verre d’eau). Notre récit peut se diviser en deux parties : Une question sur le statut du disciple, qui ne ferait pas partie de la communauté (v 38 à 41) : faut-il faire partie des Douze, être reconnu par les Douze? Cette question est reprise de manière plus polémique, en Luc 11,23. Une interpellation sur l’être du disciple (v 42 à 48), sur l’attitude à adopter face au Mal est donnée : le danger ne vient pas forcément de l’extérieur, de l’autre, étranger au groupe. Jésus invite à un discernement intérieur, à une prise de conscience pour agir de manière radicale. Les personnages :
- Jean : c’est l’un des fils de Zébédée. Il a été le témoin de la transfiguration (Marc 9, 2). Il est celui qui pose la question du statut de cet exorciste anonyme. Il sera aussi celui qui, avec son frère, posera une question sur leur place (Marc 10, 35), aux côtés du Jésus Glorieux, Ressuscité. Ici, il désire que Jésus fixe le cadre de leur autorité sur les disciples qui œuvrent hors de leur groupe.
- Jésus : Il enseigne ses disciples sur les différentes exigences de la vie de disciple. Il répond à la question de Jean, pour ensuite donner un enseignement sur les postures d’humilité et d’accueil nécessaires pour tous ceux qui veulent se revendiquer de Lui. Il présente également les situations des disciples qui peuvent être acteurs de scandales.
- Les Douze : Ils ont une place de choix dans les Évangiles, ce qui doit correspondre à une autorité qui a dû leur être reconnue et, en même temps, une autorité qui a été contestée. Ici, l’évangéliste Marc semble s’appuyer sur une parole de Jésus pour restreindre l’autorité des disciples, hors de ce cercle des Douze, dont les Évangiles nous rapportent des listes avec quelques variables. Il devait exister des rivalités au sein des Douze (la question de savoir qui est le plus grand), mais également avec d’autres disciples. Ils exerçaient un pouvoir d’accueil et d’exclusion. Ici, Jésus les invite à exercer un accueil « large ».
- Un disciple inconnu : Il est le sujet de questionnement des Douze. Il chasse les démons au nom de Jésus mais ne fait pas partie des Douze, ou ne suit pas leurs recommandations : il ne nous suit pas.
Les expressions : v.38 « Il ne nous suit pas ». Dans la majorité des textes, il est question de suivre Jésus. Ici, nous avons une trace originale qui témoigne de la place connue ou reconnue de l’autorité des Douze. « Au nom de Jésus », « en mon nom », donner un verre d’eau « au nom de votre appartenance » : En préambule à notre texte et dans celui-ci, la puissance reconnue des gestes et exorcismes se fonde sur le nom de Jésus. Nous en avons un écho dans le livre des Actes. Le disciple n’agit pas par lui même. C’est la puissance de Jésus qui opère et qui se transmet par le groupe des Douze et au delà. Cette puissance échappe à l’Institution et, en même temps, l’institution représente Jésus « Qui n’est pas contre nous est pour nous » 40 Des versets 38 à 41, nous avons plusieurs pronoms possessifs au pluriel. L’enseignement semble concerner le groupe des Douze. « Quiconque » : (37, 41,42) : Là où les Douze cherchent à assoir une autorité, un savoir faire, une pratique exclusive, Jésus élargit le champ d’interprétation. Le disciple agit envers ceux qui ne font pas partie de son groupe : il est celui qui accueille un enfant au nom de Jésus, qui chasse les démons au nom de Jésus. Il agit également en faveur de son groupe : il donne à boire à ses frères en Christ et il doit veiller à ne pas faire tomber « les petits » de sa communauté. Il exerce une solidarité tout azimut. La réponse au Mal commis à la Passion, c’est un fleuve d’attention, d’accueil, de solidarité. La réponse n’est pas à trouver dans la recherche d’une quelconque récompense, d’accéder à un quelconque pouvoir. La réponse à trouver n’est pas dans le repli identitaire. A partir du verset 42, nous trouvons un enseignement qui interpelle individuellement chaque disciple, avec une succession de pronoms personnels : lui, ta, tu, ton, tes Cela laisse à penser que Jésus invite à un discernement personnel et non à une pratique collective. « faire tomber un de ces petits » v42 : « Mikros » de qui parle Jésus ? Parle-t-il exclusivement d’un membre de cette nouvelle communauté, de disciples, de catéchumènes? Le petit peut concerner indifféremment l’adulte ou l’enfant. Le « petit », adulte ou enfant, est celui qui se trouve dans une situation où un autre vient lui faire subir un Mal. Ici, il est question de ne pas détruire une relation « croire en moi » : cette expression est inédite dans les évangiles synoptiques. Peut-être un ajout pour définir, circonscrire l’enseignement de Jésus? Là où Jésus aurait appelé à une attention particulière envers tous les petits de la terre, certains manuscrits auraient réduit sa portée en la limitant au cercle des croyants. « une meule d’âne » 42 : c’est une grosse meule qui servait à moudre le grain, avec l’aide d’un animal pour faire tourner celle-ci. Jésus utilise un langage symbolique, accessible à quiconque, avec l’image du corps, en utilisant trois membres : « main, pieds et œil ». La main et le pied sont les « outils » qui font subir le Mal, qui détruisent une relation. L’œil serait le regard posé sur le Mal. Le disciple peut parfois refuser de voir le Mal, subi ou donné. S’il accepte de se séparer de cette mauvaise vision, de cet œil « aveugle », il sera capable de construire des relations, de voir chaque être humain comme un frère, comme un petit à aider, comme un être à aimer. « La Géhenne » (43,45 et 47-48) : Nous pouvons penser à un lieu : lieu du châtiment éternel pour ceux qui seront écartés du Royaume. Mais nous pouvons penser également à une situation où notre être brûle de haine et de vengeance, où le ver de la souffrance attise le feu d’une impossible réparation. La traduction serait alors : « la torture » Dans nos traductions, nous avons parfois une recherche de parfaite symétrie dans cette triade. Certains manuscrits ne reprennent pas ce qui caractérise la Géhenne « dans le feu qui ne s’éteint pas… où leur ver ne meurt pas et le feu ne s’éteint pas ». Il est aussi difficile de décrire la Géhenne que le Royaume. Ce sont deux réalités qui ne peuvent cohabiter. D’où l’utilisation d’impératifs lié à des verbes « d’amputation » « Entrer dans la vie » : C’est une expression qui est reprise deux fois (43 et 45) dans une structuration à trois termes. La troisième parle d’entrer dans le Royaume de Dieu. Le sens de la vie du disciple, c’est de vivre avec les valeurs du Royaume, de tout faire pour témoigner de ce Royaume. Avec des verbes au présent, Jésus présente cette démarche pour le temps présent. C’est maintenant, aujourd’hui, que le disciple est appelé à entrer dans la vie. « Si » (43,45 et 47) : Marc évoque le conditionnel, une éventualité. Le disciple peut être dans la situation de faire tomber, de rompre une relation. Les disciples peuvent avoir intériorisé le Mal fait à Jésus et vouloir reproduire ce Mal ou chercher à se venger. Jésus les invite à ne pas se laisser vampiriser par ce Mal et extraire, couper, ce qui, en eux, est un obstacle relationnel. « Coupe-la; Coupe-le; jette-le » : trois impératifs qui indiquent la radicalité de l’intervention. Au lieu de vouloir se croire parfait, se « re »garder indemne, entier. En chacun de nous, il y a une partie de nous qui fait chuter, qui fait du mal. Il faut l’extraire, l’amputer. Il invite à mettre à distance ce qui peut faire chuter. L’amputation est « bonne ». Vouloir croire à une image parfaite de notre personne peut nous interdire l’accès au Royaume. « Faire scandale» : repris quatre fois, traduit par « faire tomber » Ce verbe n’existe pas dans la littérature grecque. Ce serait un concept juif. Scandaliser peut signifier détruire une relation de confiance, provoquer activement une rupture de relation. Le disciple est appelé à ne pas rompre une relation, avec un petit. Et il est aussi invité à se démarquer radicalement de ce qui, en lui, peut provoquer cette rupture de relation. La logique du Royaume, c’est de travailler à une vie relationnelle, et non de se refermer sur soi ou de se couper des autres. « Il vaut mieux » repris quatre fois pour signifier une équivalence au verset 42 : si tu fais du Mal à un petit, c’est comme si tu avais une meule autour de ton coup, c’est comme si tu te noyais, comme si tu laissais les forces du mal agir en toi ou « il est bon pour toi » (v.43, 45,47) Ce qui est bon pour le disciple, c’est d’avoir cette vie relationnelle riche, à l’image de Jésus qui allait avec tous, sans distinction. C’est de cette vie là dont les disciples ont à témoigner. Pistes pour la prédication Le fil conducteur peut sembler difficile à trouver. – Un message peut travailler
- sur les couples : grandeur et petitesse;
- sur les verbes : accueillir, empêcher, donner à boire : comment les traduire aujourd’hui, face aux différentes réalités de notre monde ?
- sur ce qui faire rompre des relations : les situations qui font tomber, qui font du Mal, que j’ai du mal à voir dans ma vie….
- sur ce qui est bon pour nous : les critères du « bon pour notre vie » s’inscrivent dans le remplissage, le trop plein ou l’amputation?
– Le discours de la Passion se décline dans la vie du disciple ou de son « groupe » : par l’accueil des petits, par le respect de celui qui agit au nom de Jésus mais qui ne fait pas partie de mon « Église ». Ne serait-ce pas un récit à revisiter pour entrer en dialogue avec les autres églises, qui témoignent de la même manière ou d’une manière différente? Avons-nous des exemples où d’autres sont empêchés de témoigner par des « frères »? – Le chemin de la suivance du Crucifié Ressuscité est posé : avec qui continuer la route et comment? Jésus ne se prononce pas sur la qualité du disciple, ni sur sa supériorité supposée. Il témoigne d’une ouverture inconditionnelle à l’autre, d’un pouvoir d’aimer, même le plus petit, au lieu d’aimer le pouvoir sur les plus petits. – Dans le cadre de la seconde annonce de la Passion, que faire avec ce Mal subi? Est-t-il plus important de se compter, de voir qui est fidèle, de compter ses partenaires ou de prodiguer du bien, de soutenir les témoins de vie, de ne pas se laisser vampiriser par le Mal ? La réponse de Jésus est dans le service, l’amour, et une mise à distance de ce qui peut faire rompre une relation. Où sont les lieux institutionnels qui mettent en avant la rupture de relation comme remède au Mal ? Ne sommes-nous pas dans une société qui veut écarter les plus petits, ceux qui ont fait chuter, ceux qui sont en prison ? Ne sommes-nous pas dans le fantasme de croire que nous sommes parfaits, entiers? Et par là même, ne sommes-nous pas en train de construire un mur avec ces petits, en ne cherchant pas les moyens de construire des relations avec eux, en les aidant à pouvoir, eux-aussi, se démarquer de ce qui les a fait sombrer, trébucher dans le Mal commis ? Chants : AEC 252, NCTC 258, Alléluia 41-16 : « Nous te célébrons » AEC 565, NCTC S-33, Alléluia 61-81 : « Je crois en Dieu » AEC 607, NCTC 280, Alléluia 46-02 : « Seigneur, accorde-moi d’aimer » Des textes Prière Mahatma Gandhi Prends ton sourire et donne-le à celui qui n’en a jamais eu Prends un rayon de soleil et fais-le percer les ténèbres qui enveloppent la terre Découvre une source et purifie celui qui est dans la boue Prends une larme et dépose-là sur le visage de celui qui n’a jamais pleuré Prends ton courage et mets-le dans le cœur de celui qui ne peut plus lutter Découvre un sens à la vie et partage-le avec celui qui ne sait plus où il va Prends dans tes mains l’Espérance et vis dans la lumière de ses rayons Prends la bonté et donne-la à celui qui ne sait pas donner Découvre l’amour et fais-le connaître à l’humanité. Louange (Traces Vives/Louange/20 Lytta Basset)Dieu notre Père,quand les mots se font rares,quand le pardon ne vient pas aux lèvres,quand l’amour bâillonné n’a plus rien à dire,quand mensonges et demi-vérités brouillent toutes les pistes,nous venons nous reposer en toi,en ta Parole — sainte, crédible, fiable,et ta Parole apaise notre infinie soif de vérité.Dieu notre Père,quand les mots nous lâchent,quand la solitude du dedans interdit toute parole,quand la jalousie inexprimable ravage la paix intérieure,quand amertume et colère font des autres un enfer,nous venons nous reposer en toi,en ta Parole — sainte, crédible, fiable,et ta Parole apaise notre infinie soif de vérité.Dieu notre Père,quand les mots soudain s’embrasent,quand ta compassion se propage de proche en proche,quand ta grâce enfin triomphe de la surdité,quand aimer et être aimé ne se discutent plus,nous te louons pour ta Parole — sainte, crédible, fiable,et avec Simon-Pierre, nous confessons :“O Christ, à qui irions-nous ?Tu as des paroles de vie éternelle !”.
Lectures : 2 Samuel 3 versets 22 à 39 Jacques 5 versets 1 à 6 Marc 9 versets 38 à 48 Pour parler de la solitude et du « vivre ensemble », un philosophe (Schopenhauer) utilisait cette image « les hommes sont comme des hérissons. Ils se collent les uns aux autres pour se réchauffer, mais alors, ils se piquent. Alors ils s’éloignent et ils prennent froid et ils se rapprochent à nouveau » Les hommes vivent donc dans ce mouvement perpétuel. A la suite de sa seconde annonce de la Passion, Jésus invite au service du prochain. Mais, nous l’expérimentons chaque jour, notre service est toujours menacé parce que nous avons la peur du hérisson, de celui qui va nous piquer. Alors devons-nous renoncer à l’appel de Jésus ? Avec la foi, il me semble que je suis appelé à dépasser cette peur de l’autre, et voir, peut être, que les épines ne sont pas chez l’autre mais en moi ? Ce matin je vous propose de redécouvrir le chemin qui nous invite à ne pas avoir peur de l’autre, pour vivre une relation harmonieuse avec notre prochain. Sur ce chemin, Jésus nous invite à porter un regard sur notre propre vie. Un regard auquel nous ne sommes pas habitués parce que trop occupés à regarder l’autre, mon prochain avec « ses épines ». 1. Vivre en harmonie avec celui qui ne fait pas partie de mon groupe, qui n’a pas la même pratique que moi : Les disciples veulent écarter un homme qui chasse les démons au nom de Jésus, mais qui ne fait pas partie de leur groupe. Dans sa réponse, Jésus rappelle que la toute puissance de sa Parole échappe à la petite organisation naissante du rassemblement des disciples. Nul n’a le monopole de la puissance de la Parole de Dieu, aucun groupe, ni aucun disciple, fussent-ils des proches de Jésus. La communion avec Jésus ne se mesure pas aisément. La Parole de Dieu est proclamée et agit dans n’importe quel lieu. C’est pourquoi Jésus n’appelle pas ses disciples à constituer un groupe fermé sur lui-même. Il les appelle à reconnaître que la parole de Dieu circule partout et particulièrement chez celui qui ne fait pas partie de mon groupe. La foi s’épanouit et grandit dans le cœur de mon prochain Parce que la Parole de Dieu dépasse les structures visibles, humaines, il invite ses disciples à trouver les moyens de faire route avec ceux qui ne font pas parties de leur groupe. Dans ce contexte, l’autre ne peut pas être perçu comme un danger, comme quelqu’un qui ferait un contre témoignage. Si danger il y a, il n’est pas tant à rechercher chez l’autre, mais… en nous-mêmes. 2. Il s’agit, pour le croyant qui veut être grand dans le royaume de Dieu, de ne pas être une occasion de chute. Dieu attend de moi un témoignage d’amour. Ce qui peut paraître déroutant, c’est que Jésus ne nous demande pas d’analyser le comportement du prochain, comme nous savons si bien le faire. Nous sommes toujours prompts à trouver la faiblesse, le défaut chez l’autre, pour le mettre en situation d’infériorité. Jésus nous demande de regarder ce qui fait notre vie, ce qui dirige nos comportements, nos modes de pensées. Vous avez remarqué qu’il utilise souvent l’expression « toi ». Il s’agit bien, pour le disciple qui veut devenir grand, de ne pas se réfugier derrière la communauté ou derrière son prochain pour évacuer sa responsabilité de témoin de l’amour de Dieu dans le monde. L’action du disciple sera mise en valeur, quelle que soit l’importance de son acte (de l’exorcisme au don du verre d’eau). Cela veut dire que tout acte fait au nom de Jésus a une valeur en soi. Alors que nous cherchons parfois à quantifier, dans notre économie humaine, Dieu accorde la même valeur à nos actes. Que l’on puisse s’investir beaucoup en temps et en argent ou que l’on puisse donner ce qui peut paraître des petites choses, Dieu ne regarde que notre volonté de faire ou de donner en son Nom. De plus, Jésus oriente le service des disciples dans une seule direction. Si le disciple agit au nom de Jésus, il ne peut faire un contre témoignage. Il ne doit pas être un témoin d’exclusion au nom de Celui qui est venu nous réconcilier. Celui qui désire être grand, dans le Royaume, ne peut prendre le risque de provoquer une rupture de relation. C’est pour cela que Jésus dit : « il vaudrait mieux pour lui, qu’on lui mette autour du coup, une meule et qu’on le jette dans la mer » v. 42 Dans la littérature hébraïque, la mer est le symbole par excellence du mal. Dans un langage symbolique, Jésus dit que faire tomber un petit, revient à se laisser submerger par un mal que nous aurions subi. Le disciple doit prendre garde à ne pas se laisser submerger par le mal. 3. Après avoir décrit l’importance de tous les actes faits au Nom de Jésus, Jésus présente une série de trois petites paraboles qui invitent le disciple à reconnaître l’intégralité de sa personne. Plus que jamais, l’enjeu est d’entrer dans la vie, c’est à dire d’avoir accès à une vie relationnelle « céleste » harmonieuse, où l’on peut devenir le plus grand. En parlant de la main, du pied et de l’œil qui peut faire chanceler le disciple, Jésus veut que chacun prenne garde de ne pas intérioriser le mal que nous aurions subi. Car à vouloir trop l’intérioriser, c’est lui qui guidera ta main, ton pied et ton œil. Et il sera l’occasion d’une chute et d’une rupture de relation pour toi et pour autrui. Ceux qui s’intéressent aux Sciences Humaines et particulièrement en psychologie trouveront des concordances avec ce texte. En effet, des études ont été réalisées pour comprendre le mécanisme de la violence et de sa reproduction. La majorité des actes de violence est réalisée par des êtres humains qui ont vécu eux-mêmes des situations de violence. Ils les avaient oubliées dans le plus profond d’eux-mêmes mais cette violence resurgit presque toujours en reproduisant ce qui a été subi. J’ai pu le vérifier à maintes reprises dans le monde carcéral. En parlant de mutilation, Jésus utilise l’imaginaire pour inviter le disciple à se rendre compte que l’image intacte de lui-même n’est qu’un fantasme. Nul n’est parfait. Chacun a un parcours de vie fait de souffrances, de mal subi refoulé, intériorisé et parfois reproduit. Si le disciple accepte de se souvenir de son état d’enfance « c’est à dire de sa capacité à entrer dans une relation de confiance », s’il se découvre comme n’étant pas indemne de l’action du mal, cela sera bon pour lui. Cette démarche est bénéfique pour toi. Pour que le disciple entre et devienne grand dans le royaume, la première chose n’est pas de se demander si mon prochain est digne de mon aide. La première chose, c’est de faire un retour sur ma vie, mon passé. Il faut que je me reconnaisse comme un mutilé de la vie, comme quelqu’un qui n’a pas une image idéale et comme quelqu’un qui a pu mettre à distance, extérioriser une souffrance pour ne pas tomber dans la spirale infernale de la reproduction d’une souffrance. Vouloir à tout prix conserver une image parfaite de soi (ses deux mains, ses deux pieds, ses deux yeux voyants…), c’est s’interdire l’accès à des relations vivantes avec notre prochain. Tout ce cheminement, vous le savez, ne se fait pas en deux temps et trois mouvements. Il est le chemin sur lequel doit cheminer le disciple qui veut vivre son attachement à Jésus. Les disciples sont donc invités à des comportements qui se différencient des autres hommes : ils sont appelés à être le Sel. Grâce à ce Sel, il y aura la paix entre les hommes. Une paix qui implique des relations harmonieuses entre tous les hommes. Ainsi, pour vivre ensemble, Jésus n’attend pas des surhommes; Il dit bien que c’est « quiconque » : quiconque peut suivre ce chemin. Il nous sait aveugles, boiteux ou manchots. Et il sait que cette faiblesse n’est pas un frein pour que nous puissions vivre des relations harmonieuses avec notre prochain. Sa Parole ne restera jamais kidnappée par une Église particulière pour que des hommes et des femmes se lèvent, pour aider les plus petits de notre monde. Si nous sommes des hérissons, pour reprendre l’image de ce philosophe, ne cherchons pas à nous méfier des épines pour entrer ou ne pas entrer en relation avec notre prochain. Mais regardons, en nous-mêmes, les épines que nous avons et qui sont un frein à la rencontre de l’autre. Je vous l’accorde, c’est un chemin exigeant pour celui qui cherche à être grand dans le Royaume de Dieu. C’est le chemin pour celui qui veut agir et parler au nom de Jésus. Il t’appelle et t’a déjà précédé sur ce chemin…. Amen