Textes : Ps 126 Jérémie 31, v. 7 à 9Hébreux 5, v. 1 à 6 Marc 10, v. 46 à 52Pasteur Nicolas BlancTélécharger le document au complet
Fête de la Réformation
Notre passage est la fin de ce que l’on appelle la quatrième section de l’évangile selon Marc qui avait commencé avec la guérison de l’aveugle de Bethsaïda (8,22-26). Cette section commence et se termine par la guérison d’un aveugle et l’importance des responsabilités que Jésus confie à ses disciples. Alors qu’à Bethsaïda Jésus fera de grands efforts pour guérir l’aveugle, ici c’est la foi de l’aveugle qui le guérit, Jésus ne fera que constater le changement dont cet homme est atteint.La guérison de l’aveugle Bartimée est une occasion pour nous parler de notre relation à Dieu dans le monde. Pour le comprendre, regardons le paragraphe qui précède les versets 46 à 52 : deux disciples veulent une place de choix auprès de Jésus quand il sera dans sa gloire. Notre passage (46-52) est une réponse pratique à la question de la place de l’homme dans le règne de Dieu. Quelle est notre place dans ce règne ? « Qui voudrait devenir grand parmi vous sera votre serviteur, et qui voudrait être le premier parmi vous sera l’esclave de tous » dit Jésus et il ajoute à son propos : « car le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup ». Ainsi la gloire de Jésus que l’homme pourra partager est le service.C’est alors que nous entrons dans notre texte :v.46, Bartimée est la version en hébreu de fils de Timée dit en grec dans le texte. Rares sont les personne dont nous avons le nom dans l’évangile de Marc, cela signifie que ce personnage Bartimée a un rôle important. Et pourtant il n’est qu’un mendiant, aveugle, assis au bord de la route.v.47 : « Fils de David » fait de Jésus l’héritier légitime du Roi David, c’est-à-dire le nouveau roi. Cette expression n’est présente qu’ici dans l’évangile selon Marc. Comment ne pas voir un écho de la discussion précédente avec Jaques et Jean les fils de Zébédée. A la différence que Jésus devient le roi d’un règne déjà là, c’est au présent que Bartimée dit de Jésus qu’il est le roi. « aie compassion de moi » : dans l’Ancien Testament, le verbe hébreu. raam signifie brûler de pitié ou de tendresse pour quelqu’un qui se trouve dans la difficulté, la faiblesse ou la souffrance. Dans l’évangile selon Marc, ce mot apparaît trois fois en grec, une fois où Jésus dit que Dieu a eu compassion pour le démoniaque guéri (5,19). Les deux autres redondances sont ici avec Bartimée, mais cette fois, la compassion est demandée à Jésus lui-même. v.48-49 : Jésus prend le temps de s’arrêter, il stoppe sa marche. Jésus donne l’ordre à ses interlocuteurs de prendre en considération Bartimée en lui parlant, et de ce fait, ces hommes l’encouragent. « Ils » désigne vraisemblablement les disciples qui se mettent au service de la parole. Remarquons le contraste de leur attitude envers Bartimée, avant la parole de Jésus Bartimée est rabroué, après que Jésus ait convoqué les disciples, il est encouragé. Jésus est serviteur de Bartimée, non pas par une action directe vers Bartimée, mais par une action indirecte, les disciples font entrer Bartimée dans le cercle.v.51 : lorsque Jésus demande à Bartimée « que veux-tu que je fasse pour toi ?», c’est une répétition de ce que Jésus demande aux deux disciples Jacques et Jean : « que voulez-vous que je fasse pour vous ? » au verset 36, le lien entre les deux textes est inéluctable. La question est la même, mais la réponse correspond à deux logiques différentes ; là où Jacques et Jean demandent à asseoir leur futur, Bartimée interpelle au présent. Jacques et Jean cherchent une place de choix, Bartimée estime l’avoir déjà reçue (il jette son vêtement de mendiant et se lève d’un bon). Bartimée estime déjà être servi par Jésus. Le texte appuie un changement dans la vie de Bartimée, car Bartimée ne demande pas compassion pour la troisième fois, le chiffre trois représentant la complétude, elle est déjà atteinte. Bartimée a trouvé la compassion dans le fait même d’avoir été accepté parmi le cercle clos de la foule qui l’avait rabroué ; par la parole de Jésus et l’encouragement des disciples qui auparavant le refusaient. Cette fois-ci, Bartimée demande à Jésus de retrouver la vue en appelant Jésus, non plus par un titre royal, mais simplement par maître. Bartimée devient alors un nouveau disciple, il a foi, espérance dans l’enseignement de Jésus, le maître serviteur.v.52 : Jésus ne fait que constater le changement de Bartimée, il ne fait aucun effort de guérison. Compte tenu du lien important entre notre passage et les versets qui précèdent, nous proposons de faire une prédication sur l’ensemble.
Mc 10, 35-45. 46-52 Connaissez-vous la différence entre Jésus et une voiture à 30 000 euros ? Si je vous pose la question, c’est que récemment j’ai vu une publicité télé montrant un père qui n’arrive plus à étonner son fils. Le père use de nombreux stratagèmes pour épater son enfant, il va même jusqu’à mettre le doigt dans une plante carnivore, mais l’enfant en fait de même, ça ne lui fait ni chaud ni froid, le stade de l’émerveillement est terminé, le père est « has been » ! Ce père a perdu sa place d’un héros qui savait étonner son fils, mais le héros est déchu. Heureusement, une grande marque de voiture allemande peut voler à son secours pour que ce père retrouve une place digne devant son fils. La pub montre le père au volant d’une magnifique voiture et un fils épaté par son père au volant de ce merveilleux engin. Merci à cette marque auto, car pour la modique somme de 30 000 €, un père peut retrouver sa place et se sentir aimé par son fils, il n’est plus un « loser » au volant de cette belle voiture, le bolide épate son fils et révèle toute la valeur de ce père. Une voiture à 30 000 €, c’est l’assurance pour un individu de notre société de trouver une place qui lui donne sa véritable dignité de père, et au-delà de la relation entre un père et un fils, la grosse voiture c’est le moyen pour tous de devenir quelqu’un. Notre société serait-elle a ce point aveugle qu’elle ne puisse penser qu’un individu peut être aimable, digne d’être aimé sans apparat, sans grosse voiture, belles fringues ou sans une place dorée ? L’être humain serait donc à ce point sans valeur qu’il lui faudrait s’acheter une place, une image, pour avoir de la valeur, pour être quelqu’un. C’est ce que devaient penser Jacques et Jean les deux disciples de Jésus pour en arriver à demander à Jésus de leur réserver les deux places les plus valorisantes. C’est exactement de la même manière que les deux disciples de Jésus résonnaient lorsqu’ils lui ont demandé à leur maître de leur attribuer des places de vainqueurs, celle à la droite et celle à la gauche du maître. Comme si par leur place à côté de Jésus, ils pouvaient devenir quelqu’un. Pour Jacques et Jean, Jésus devient ici une grosse voiture au volant de laquelle on est quelqu’un. Jésus pour Jacques et Jean n’est rien d’autre qu’un gros bolide à 30 000 € qui pourrait permettre aux deux disciples de se sentir enfin aimés. Mais soyons honnêtes, Jacques et Jean, loin d’être des arrivistes, veulent avant tout servir Jésus au plus près, avoir un rôle. Être à la droite et à la gauche du roi, c’est être à son service, prêt à faire tout ce qu’il faut pour servir le royaume. Jacques et Jean demandent à Jésus d’être des serviteurs pour être appréciés à leur pleine valeur. Jacques et Jean cherchent à savoir quelles seront leurs responsabilités, car dans leur logique, pour être apprécié il faut faire ses preuves. Comment ne pas comprendre ces deux hommes ? Ne sommes-nous pas nous aussi en recherche de preuves à donner aux autres de notre valeur, ne sommes-nous pas souvent menés par l’envie d’être reconnus et appréciés pour nos talents ? On ne cherche pas à usurper, à faire semblant, mais on désire trouver ce qui nous donnera notre valeur, et la joie de pouvoir le prouver, se le prouver. La volonté de bien faire, d’être reconnu comme bons, comme utiles nous pousse à trouver comment montrer nos dons pour prouver que nous sommes dignes d’être aimés. Les sociétés ont beau changer, la priorité des individus reste la même, vouloir devenir quelqu’un même si pour cela nous devons acheter notre place. On ne le pense plus de la même manière, hier on voulait être à côté de Jésus, aujourd’hui, on veut acheter une place par des objets, un travail, un statut social. Mais le résultat est le même, on ne pense pas que nous valons déjà la peine tels que nous sommes car il nous faut d’abord le prouver. Mais voilà, il y a quelqu’un qui vient casser cette logique, qui voit les choses autrement, ce quelqu’un c’est Dieu. Par la parole de Jésus, il nous dit que l’on n’a pas à prouver notre valeur pour être aimé, mais simplement à devenir nous-mêmes. Et pour cela il se met à notre service : en nous guérissant de notre pire peur, celle de n’être personne, celle de n’être rien, bon à rien. Loin de devoir calculer comment prouver notre valeur, en achetant une voiture, un ami, une place à côté de quelqu’un, Jésus nous dit que nous sommes déjà quelqu’un, mais que nous ne le voyons pas. Comme Bartimée, l’aveugle sur le bord de la route, qui ne comprend rien, qui ne voit rien, si nous pensons être un mendiant inutile aux autres, qui ne réussit pas, qui ne fait pas parti du troupeau des vainqueurs. Si vous avez l’impression d’être un Bartimée, alors écoutez ce que dit Jésus, « que puis-je faire pour toi ? » Nous donner la vue, nous donner la vraie vue, celle qui vous montre que nous valons la peine, que nous n’avons pas besoin de nous acheter une place, car nous en avons déjà une. Jésus parle au mendiant assis sur le bord de la route, le mendiant dont personne ne veut : « que veux-tu que je fasse pour toi ? », comme il l’avait dit à Jacques et Jean, mais la réponse de ce mendiant est simple, la vue, simplement pour ne plus être l’homme assis sur le bord de la route, simplement pour ne plus être le mendiant dont personne ne veut. Bartimée ne veut pas être le plus grand, le plus fort, celui que toute le monde va aimer parce qu’il fait des choses merveilleuses. Le mendiant ne demande pas une place près du grand maître, mais simplement d’avoir la vue pour quitter sa place d’aveugle. Bartimée ne veut pas une place aux côtés de Jésus dans la gloire, mais simplement la dignité de la vie, et c’est ainsi que Jésus dit à cet homme « va, ta foi t’a sauvé » et que Bartimée peut suivre Jésus. Il y a deux mondes entre ce que veulent les deux disciples, une place au sommet, une place près du chef, une place de celui qui dirige et qui prouve que l’on est quelqu’un, et ce que demande le mendiant, la vie, l’amour, simplement pour ne plus être sur le bord de la route sans chercher à prouver quoi que ce soit. Et nous, nous sommes-nous posé la question, que voulons-nous au plus profond de nous, quelle est notre attente la plus secrète ? Servir l’homme pour Jésus, ce n’est pas devenir responsable de cet homme, ce n’est pas être un chef qui dirige en maître la vie des gens, l’église ou sa famille, servir l’homme, c’est à la manière de Bartimée simplement demander l’amour, oser dire le besoin d’amour, sans détours, sans supercheries. Être serviteur des hommes, c’est demander l’amour de l’homme, être serviteur de l’homme (et non de Dieu) comme le dit Jésus, c’est devenir un mendiant de l’amour sans chercher à prouver quoi que ce soit, parce qu’on n’a qu’à le dire pour le recevoir. Amen.