PentecôteTextes : Philippiens 2, v. 12 à 30 Psaume 104 Actes 2, v. 1 à 11 Romains 8, v. 8 à 17 Jean 14, v. 15 à 26 Pasteur Éric De BonnechoseTélécharger le document au complet

 

PentecôteTextes : Philippiens 2, v. 12 à 30 Psaume 104 Actes 2, v. 1 à 11 Romains 8, v. 8 à 17 Jean 14, v. 15 à 26 Pasteur Éric de BonnechoseTélécharger le document au complet

Notes bibliquesIntroduction et planPeu de passages du Nouveau Testament comportent autant de fois le mot grec « pneuma », esprit ou Esprit. Dans des formules denses, parfois éloignées de notre registre de pensée, Paul tourne autour de ce mot « pneuma », essaye de dire quelque chose de cet Esprit insaisissable mais pourtant vital. Et il n’en parle pas comme Luc-Actes ou Jean.Le découpage proposé par notre liste de lecture commence au v. 8, sans doute parce qu’il semble résumer les versets 1 à 7 et évite ainsi d’en lire trop ! Sage précaution pour ne pas faire décrocher l’auditeur devant une telle littérature ! Même pour un texte réduit, le lecteur devra faire un effort particulier pour en faire sentir les articulations (assez nettes) et les mouvements. Un plan pour le début de ce chapitre 8 peut être le suivant (je m’inspire ici, et fréquemment dans les quelques notes qui suivent, de Marc Faessler, “Lecture de Romains 8”, in Bulletin du Centre Protestant, Genève, Avril 1985) : I – La vie chrétienne comme vie dans l’Espritv. 1-4 : “maintenant donc…” – la venue du Fils instaure un nouveau régime : celui de l’Espritv. 5-8 : “en effet…” – ceux qui suivent leur propre nature, meurent et déplaisent à Dieu v. 9-11 : “mais vous…” – suivre l’Esprit : vous vivez de sa présence et de celle du Christ en vousII – La vie chrétienne comme adoption filialev. 12-14 : “ainsi donc…” – ceux qui sont conduits par l’Esprit sont fils de Dieuv. 15-17 : “car…” – l’Esprit reçu est un Esprit d’adoption filialeLa « chair » (v. 8 et précédents)En traduisant par « propre nature », la Bible en Français Courant se démarque des autres versions et veut éviter les faux-sens possibles du terme « chair ». Faessler dit assez clairement : « il est des oppositions au destin funeste. Celle de la chair et de l’esprit n’a pas échappé à un triste sort. Elle s’est vue récupérée par le dualisme, spiritualisée par l’idéalisme, réduite à un manichéisme par le gnosticisme, et même sexualisée par le moralisme ! (…) Le plus commun consiste à confondre chair et péché… alors même que Rm 8,3 dit en toutes lettres que Dieu a condamné le péché dans la chair. » La chair est plutôt, chez Paul, ce qui désigne notre condition humaine dans sa fragilité. Elle est ce qui nous relie au monde de façon sensible, ce qui nous met en contact avec le monde concret, ce qui nous permet d’en connaître quelque chose. Une dimension qui est donc pleine de potentialités, de promesses, mais aussi de pièges quand la chair sacralise ce qu’elle est ou ce qu’elle perçoit. Le péché est cet égarement de la chair, une méprise par laquelle l’homme met la main sur ce qu’il a identifié et découvert, et en fait sa chose. C’est une façon de faire mourir les êtres et les choses perçues, en les figeant, en les coupant de leur sève originelle. Au lieu de voir que ces êtres et ces choses lui échappent, sont des créatures ou des créations qui désignent ultimement le Créateur. Le péché non seulement offense Dieu (v. 8), mais aussi enferme l’homme dans une mortelle logique d’égoïsme (v. 6). L’Esprit et la croix (v. 9-11)Dans l’Évangile de Jean, on peut comprendre que c’est à la croix que Jésus remet l’Esprit (Jn 19,30 : il remit le souffle). Paul précède et fonde plus clairement encore ce lien constitutif entre Esprit et croix. L’Esprit est l’opérateur de la résurrection de Jésus (v. 11), et de celle – à venir – des chrétiens. Il est puissance de vie, et on se demande ce qui le distingue encore du Christ ressuscité ! Car dans ces quelques versets, Paul semble utiliser de façon équivalente les expressions : « Esprit de Dieu », « Esprit du Christ », « Christ », et « Esprit ». « Si l’Esprit de Dieu habite en vous… », « si le Christ est en vous… ». Ce ne sont pas seulement des hypothèses rhétoriques. On entend Paul, entre les lignes, s’appuyer sur une expérience que ses interlocuteurs ont de l’Esprit. Mais – sans pour autant l’exclure absolument – rien ne permet d’y voir une allusion à une expérience charismatique, comme ce serait le cas dans l’épître aux Corinthiens (1Co 12 et 14) ou celle aux Galates (Ga 3,3-5). De façon tranchée, Karl Barth écrit : « dans ce chapitre tout entier, il faut bien noter qu’ “Esprit” ne signifie rien d’autre pour Paul que la validité et la puissance de la loi de grâce, promulguée par l’envoi du Fils de Dieu, pour ceux qui croient en lui, qui croient qu’il est mort et ressuscité pour eux. » Dans Luc-Actes, ce lien entre Esprit et croix n’est pas absent, mais un peu distendu. Par exemple on note que la Pentecôte présuppose la croix (Ac 1,3-4), et que l’effusion de l’Esprit est suivie d’une prédication centrée sur la croix (Ac 2,22-24). Ailleurs, il y a cependant parfois comme une autonomie de l’Esprit, dont Luc souligne surtout la puissance de mise en action en vue du témoignage (Ac 8,39 etc.). L’Esprit d’adoption (v. 12-17)Les v. 12-13 sont une récapitulation des v. 5-11. Ils permettent d’ouvrir un thème nouveau, celui de la filiation, qui culmine dans l’expression : « vous avez reçu un Esprit d’adoption. » Ce terme d’adoption, qui fait référence à une possibilité de la loi romaine (voir Néron… ou Ben-Hur !), permet de décliner plusieurs aspects de l’identité nouvelle du chrétien : – être adopté, c’est trouver son identité principalement dans une parole qui exprime la reconnaissance, le désir de lien de la part du parent. Pour un enfant « biologique », cette parole de désir et d’adoption est d’ailleurs également essentielle. L’adoption ne s’oppose pas nécessairement à la génétique, elle souligne une autre dimension de l’être humain : un être de désir, de parole, un sujet singulier capable de reconnaître d’autres sujets singuliers. Cette parole qui, chez Paul, nous précède pour nous appeler à la pleine vie, est l’Évangile de grâce. – être adopté, c’est être accueilli dans une intimité. Dire « abba », « papa ». Si l’expression est en araméen, c’est sans doute parce qu’elle trouve son écho dans la liturgie que connaissent les Romains, et qu’elle remonte à Jésus lui-même. Mais plus profondément, cette expression ne renvoie-t-elle pas encore à la croix, plus précisément au jardin de Gethsémané (Mc 14,36) ? C’est dans la confiance qu’il reçoit, contre toute logique de la chair, au moment de la plus terrible épreuve, que Jésus manifeste sa propre filialité vis à vis de Dieu, et rend la nôtre possible. L’intimité suggérée par ce mot va donc au delà d’une douillette affection au foyer domestique. – être adopté, c’est aussi participer à une tâche sociale, entrer dans un héritage, recevoir un statut vis à vis de l’extérieur. Ce qu’évoque précisément le v. 17 dans sa double dimension sociale et temporelle. Cette adoption intègre dans un peuple, elle ouvre une espérance pour la gloire à venir. Finissons par quelques paroles de Luther sur ce cri « abba-père » : « c’est le cri du Saint-Esprit dans notre cœur, au milieu de la pire, de la totale impuissance et du désespoir de ce cœur, en face de notre péché radical, de notre doute sur la bonté de Dieu et de l’accusation du diable : tu es pécheur ; (…) dans cette immense détresse où nous n’avons plus aucune expérience de la présence et de l’aide du Christ, où le Christ semble, au contraire, irrité contre nous (…) c’est précisément là que jaillit ce cri inouï. Il perce les nuages, remplit le ciel et la terre, et retentit si fort que les anges, en l’entendant, pensent n’avoir jamais rien entendu auparavant et que Dieu lui-même, dans le monde entier, n’entend rien d’autre que ce cri… Et pourtant ce n’est qu’un humble soupir dans lequel nous restons incapables de percevoir nous-mêmes le cri de l’Esprit. (…) La parole, ou plutôt l’infime soupir dans lequel, envers et contre tous, sans la moindre raison expérimentale, nous disons : Père, cette parole devient plus éloquente que tout Virgile et Cicéron. »Pistes pour la prédicationChoisir ce texte des Romains pour prêcher un jour de Pentecôte, c’est faire le choix de s’éloigner des interprétations habituelles liées à Actes 2 : l’Esprit de communication, de témoignage, de dynamisme pour l’Église… Lire les Romains pour changer un peu, susciter une écoute différente, mais aussi pour refonder plus solidement le discours sur l’Esprit Saint dans ce cœur théologique qu’est la croix du Christ. Il y a des risques : le texte est plus compliqué, le thème est plus austère, il nous rapproche plus de Pâques que de Pentecôte ! Et on n’a pas les envolées plus connues de la suite et de la fin du chapitre 8. Pourtant, il faut trouver un souffle porteur, surtout ce jour-là ! Quelques suggestions : – une prédication autour de l’espérance, qui se laisserait notamment inspirer par le thème du cri, et ce qu’en dit Luther (voir ci-dessus). Espérance dont parle explicitement Paul plus loin (v. 24) et qu’il relie explicitement à une expérience de souffrance (v. 17-18). Parfois l’espérance ne peut faire plus que de pousser un cri, mais déjà toute l’espérance est là. En quoi ce cri ne serait pas seulement cri de souffrance ou de détresse issu de notre misère ou de notre colère, mais acte de foi issu du Saint Esprit ? – autour de la question de « vivre selon l’Esprit » (v. 9). Qu’est-ce que cela signifie ? Paul en parle par opposition à « vivre selon la chair », et en lien avec la croix. Mais il semble faire allusion à une expérience que les Romains auraient de l’Esprit, expérience qui a sans doute à voir avec la prière : « abba-père », c’est la prière de Jésus à Gethsémané, c’est aussi le début du Notre Père (Lc 11,3). Comment mieux laisser traverser notre vie par la présence intérieure de l’Esprit du Christ ? – autour de l’expression « Esprit d’adoption ». Le thème de l’adoption d’enfant relie à des expériences précises, à des tonalités affectives et intimes susceptibles de toucher l’auditoire ; mais ne pas en parler sans délicatesse. L’enjeu de la prédication étant de nous (re)découvrir enfants adoptés, et d’en percevoir les échos dynamiques dans nos vies. C’est la troisième piste que j’explore dans la prédication qui suit. Cette prédication, dans son style et dans ses formulations, veut s’adresser à un public plus large que celui du culte habituel : en ce jour de Pentecôte, il faut tenir compte d’éventuels confirmands et leurs familles ainsi que, comme jadis à Jérusalem, des gens de passage. NB : les titres des sections veulent aider à la clarté pour un lecteur, mais dans une lecture publique il faut les ignorer ! Éric de BonnechosePrédicationRomains 8, 8-17L’Esprit d’adoption1. Une expression à décrypter« Vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions : Abba, Père ! » Par ces mots l’apôtre Paul veut nous dire en quoi consiste la vie du chrétien, la vie avec l’Esprit de Dieu. Ce qui tombe assez bien pour un jour de Pentecôte, où l’on célèbre la venue de l’Esprit Saint sur les disciples du Christ ! Un jour où, dans de nombreuses Églises des jeunes expriment leur foi et leur engagement personnel dans la vie chrétienne. « Vous avez reçu un Esprit d’adoption ». Que signifie, au fond, cette expression ? Nous avons quelques idées, ou quelques souvenirs, de ce que peut être l’Esprit, l’Esprit Saint de Dieu : une force, un élan, une lumière que Dieu nous donne. Un peu insaisissable, mais réel, comme l’élan de l’amour est insaisissable et réel à la fois. Le récit de la Pentecôte, dans le livre des Actes des Apôtres, décrit l’Esprit Saint comme une énergie donnée pour le témoignage chrétien, pour que les chrétiens sortent de leurs craintes et de leurs frontières habituelles pour parler de Jésus-Christ à tous les hommes. Quant à l’adoption, nous savons un peu ce que c’est, même si on n’ose pas toujours en parler. On sent bien tout ce qu’il y a d’intime, de très essentiel, de difficile aussi, dans cette aventure familiale particulière. En France, près de 4 000 enfants sont adoptés chaque année. Des enfants orphelins, ou abandonnés par leurs parents, trouvent un nouveau foyer qui désire les accueillir, les reconnaître pleinement comme leurs enfants. Une expérience où se mêlent la souffrance, l’attente, l’émotion, les surprises, les joies, les combats, l’échec parfois, la consolation souvent.Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, l’apôtre Paul pense moins à l’adoption d’enfants qu’à l’adoption d’adultes. Cela nous paraît curieux aujourd’hui, mais c’était une pratique romaine de son époque. Ceux qui ont vu le film « Ben-Hur » peuvent s’en faire une idée. Dans ce film, Ben-Hur est un juif, condamné à l’esclavage dans les galères romaines. A l’occasion d’une bataille maritime, il sauve la vie du commandant du navire, un général romain. Par reconnaissance et par amitié, ce général l’adopte alors comme fils. Désormais Ben-Hur jouit de tous les droits et de tous les devoirs d’un fils de romain ; il porte l’anneau donné par son nouveau père, il devient héritier de ses biens et de sa renommée. 2. L’adoption comme parole de grâceVoilà donc d’un côté l’Esprit, et d’un autre côté l’adoption. Mais qu’est-ce qu’un Esprit d’adoption ? Cette expression, que Paul invente pour dire au mieux la foi nouvelle, nous dit au moins trois grandes choses. Trois vérités très importantes de la foi chrétienne, que nous allons maintenant découvrir ensemble. La première chose évidente, et principale, c’est que l’adoption est un formidable cadeau, une formidable chance. L’enfant – ou l’adulte – adopté est auparavant dans une situation difficile, précaire, privé de l’affection et du soutien d’une famille. L’adoption lui ouvre des portes extraordinaires pour une nouvelle vie possible. Et cela se fait de façon délibérée, unilatérale, généreuse, par les parents qui choisissent d’adopter. La personne adoptée ne passe pas d’examen ou de concours, elle n’a pas à payer ni rembourser quelque chose, elle est accueillie comme est accueilli un enfant qui naît. Tout enfant a besoin d’être adopté d’ailleurs, au sens d’être accueilli et reconnu personnellement comme enfant au-delà de sa filiation génétique. Mais l’adoption d’un enfant qui avait perdu son soutien familial y ajoute la dimension du sauvetage, une nouvelle chance possible là où le malheur avait frappé. Cela ne veut pas dire que les parents n’aient pas d’attente, bien sûr. Ils espèrent profondément quelque chose de ce nouvel enfant, dans lequel ils mettent tout leur désir. L’adoption est pour eux aussi une formidable ouverture sur la vie. Mais le pouvoir de donner vie, de s’engager dans ce projet, d’appeler ce nouveau lien familial, est – au moins au départ – entièrement de leur côté. Ainsi est Dieu avec nous. La bonne nouvelle que Jésus-Christ vient partager, c’est de dire aux hommes que Dieu vient les adopter. Sans Dieu, nous sommes comme des enfants orphelins. Saint Augustin, un grand penseur chrétien du Vème siècle, le dit avec ses mots : « tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en toi ! » Sans Dieu, nous n’arrivons pas à donner véritablement du sens à notre vie. Nous pouvons faire des projets, construire de belles choses, donner de nous-mêmes. Mais le sens profond, la vraie paix, est de se savoir porté, aimé, appelé, attendu par un amour qui est plus grand que nous-mêmes. Nous ne pouvons pas le fabriquer. C’est Dieu qui le donne librement, généreusement, simplement parce qu’il est Dieu. En nous proposant librement cette adoption, Dieu veut ainsi nous délivrer d’une vie enfermée sur elle-même, d’une vie qui serait une lutte constante pour exister aux yeux de soi-même et des autres. C’est notre malheur, au fond, quand nous sommes sans Dieu : toujours vouloir prouver ce que nous sommes. Avec Dieu, nous pouvons être apaisés sur ce plan là. Nous ne sommes plus orphelins. 3. L’adoption comme partage d’une intimité Mais voici une seconde grande vérité de la foi chrétienne : Dieu ne nous adopte pas seulement pour donner une origine et un sens à notre vie ; l’adoption nous permet de partager avec lui une intimité. Dans beaucoup de religions, Dieu est considéré comme une réalité mystérieuse, immense et surtout lointaine. Même dans le christianisme, on a parfois eu cette image de Dieu assez écrasante, exigeante, peu sensible à nos difficultés humaines. En parlant de l’Esprit d’adoption que Dieu nous donne, l’apôtre Paul souligne au contraire l’intimité possible avec Dieu. On peut lui parler avec confiance, comme un père, comme un « papa ». « Vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions : Abba, Père ! » Paul n’invente pas ce nom de papa, qu’il donne à Dieu. Les premiers chrétiens l’utilisaient volontiers pour parler à Dieu dans leurs prières, pendant le culte ou chez eux. Et ils l’utilisaient parce qu’ils avaient entendu Jésus lui-même le faire, et que cela les avait frappés ! A plusieurs reprises, les Évangiles nous montrent Jésus qui s’adresse à Dieu en disant « abba », « père ». Quand il parle de la prière à ses disciples, il leur demande de commencer par « notre Père ». Mais il y a un moment plus grave, plus douloureux, où Jésus parle ainsi à son papa du ciel. C’est juste avant son arrestation, au jardin de Gethsémané. Jésus sait qu’il va bientôt mourir, et il prie intensément : « abba, ô mon Père, tout t’est possible ; éloigne de moi cette coupe de douleur. Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »C’est très poignant de voir que, dans le moment de la plus grande épreuve, alors que Jésus commence à être très angoissé, l’intimité avec ce papa du ciel se manifeste encore plus fortement. L’Esprit d’adoption n’est pas seulement une intimité pour les bons moments, pour les moments de tendresse ou de détente heureuse que nous pourrions avoir avec Dieu. Ce serait déjà beaucoup, cette intimité. Mais l’Esprit d’adoption donne de vivre une intimité avec Dieu jusque dans les moments difficiles, jusque dans les moments où l’on est tenté de croire que Dieu s’est absenté et nous abandonne.L’Esprit d’adoption trouve sa source dans la vie, dans la mort, dans la résurrection de Jésus-Christ. Il a parlé par cet Esprit, prié par cet Esprit, témoigné de cet Esprit. Il a vécu de cet Esprit jusqu’à en mourir. En le ressuscitant, Dieu a confirmé qu’il était bien, lui Jésus, l’enfant bien-aimé en qui il mettait toute son affection de Père, et que ce lien là était plus fort que la mort. La Pentecôte manifeste que cet Esprit, l’Esprit de Jésus, l’Esprit d’adoption qui fait crier « abba, père », est maintenant promis et donné à tous ceux qui sont liés à Jésus-Christ. 4. L’adoption comme responsabilité dans le mondeDieu nous adopte donc pour nous donner une vie nouvelle, et nous proposer de partager l’intimité d’une présence auprès de nous. Mais tout cela pourrait sembler passif, un peu statique, si l’adoption ne comportait pas aussi une dimension active, constructive, engagée. C’est la troisième vérité de la foi chrétienne que nous allons maintenant envisager. Être adopté, en effet, c’est devenir enfant, héritier, membre d’une famille qui prend sa place parmi les autres familles de la société. Responsable de prendre soin des personnes, de maintenir les valeurs et de gérer les biens de cette famille. Ainsi l’Esprit d’adoption nous fait entrer dans une responsabilité nouvelle, que Dieu nous confie, comme un Père confie une responsabilité à ses enfants. Une responsabilité qui n’est pas une tâche écrasante, ni un privilège qui nous rendrait arrogants. Mais une responsabilité qui devient possible parce que nous savons tout ce que nous devons à Dieu, et parce que nous vivons dans son intimité. Ainsi l’Esprit d’adoption nous fait tourner les yeux vers ceux qui souffrent, pour y reconnaître des bien-aimés que Dieu veut bénir. Ainsi l’Esprit d’adoption nous fait rencontrer ceux qui sont sans but et sans espoir, pour y reconnaître des bien-aimés que Dieu veut rendre à la vie. Ainsi l’Esprit d’adoption nous fait voir les dysfonctionnements des sociétés humaines et les dégradations de l’environnement, pour y reconnaître la création de Dieu en souffrance, en attente de libération. Ainsi l’Esprit d’adoption invite ceux qui font leur confirmation aujourd’hui, dans de nombreuses Églises de par le monde, à joindre leur prière et leur foi et leur engagement à ceux de tous les autres chrétiens qui veulent témoigner de l’amour d’un Dieu qui est « abba », Père. Ainsi l’Esprit d’adoption, le souffle qui fait de nous des enfants de Dieu, nous donne le souffle d’aller avec joie et confiance sur les chemins de notre vie. Amen. Chants :AEC 622 ; NCTC 189 ; Alléluia 47-07 « Si Dieu pour nous s’engage » au moins la strophe 3

PentecôteTextes : Philippiens 2, v. 12 à 30 Psaume 104 Actes 2, v. 1 à 11 Romains 8, v. 8 à 17 Jean 14, v. 15 à 26 Pasteur Éric de BonnechoseTélécharger le document au complet

Notes bibliquesIntroduction et planPeu de passages du Nouveau Testament comportent autant de fois le mot grec « pneuma », esprit ou Esprit. Dans des formules denses, parfois éloignées de notre registre de pensée, Paul tourne autour de ce mot « pneuma », essaye de dire quelque chose de cet Esprit insaisissable mais pourtant vital. Et il n’en parle pas comme Luc-Actes ou Jean.Le découpage proposé par notre liste de lecture commence au v. 8, sans doute parce qu’il semble résumer les versets 1 à 7 et évite ainsi d’en lire trop ! Sage précaution pour ne pas faire décrocher l’auditeur devant une telle littérature ! Même pour un texte réduit, le lecteur devra faire un effort particulier pour en faire sentir les articulations (assez nettes) et les mouvements. Un plan pour le début de ce chapitre 8 peut être le suivant (je m’inspire ici, et fréquemment dans les quelques notes qui suivent, de Marc Faessler, “Lecture de Romains 8”, in Bulletin du Centre Protestant, Genève, Avril 1985) : I – La vie chrétienne comme vie dans l’Espritv. 1-4 : “maintenant donc…” – la venue du Fils instaure un nouveau régime : celui de l’Espritv. 5-8 : “en effet…” – ceux qui suivent leur propre nature, meurent et déplaisent à Dieu v. 9-11 : “mais vous…” – suivre l’Esprit : vous vivez de sa présence et de celle du Christ en vousII – La vie chrétienne comme adoption filialev. 12-14 : “ainsi donc…” – ceux qui sont conduits par l’Esprit sont fils de Dieuv. 15-17 : “car…” – l’Esprit reçu est un Esprit d’adoption filialeLa « chair » (v. 8 et précédents)En traduisant par « propre nature », la Bible en Français Courant se démarque des autres versions et veut éviter les faux-sens possibles du terme « chair ». Faessler dit assez clairement : « il est des oppositions au destin funeste. Celle de la chair et de l’esprit n’a pas échappé à un triste sort. Elle s’est vue récupérée par le dualisme, spiritualisée par l’idéalisme, réduite à un manichéisme par le gnosticisme, et même sexualisée par le moralisme ! (…) Le plus commun consiste à confondre chair et péché… alors même que Rm 8,3 dit en toutes lettres que Dieu a condamné le péché dans la chair. » La chair est plutôt, chez Paul, ce qui désigne notre condition humaine dans sa fragilité. Elle est ce qui nous relie au monde de façon sensible, ce qui nous met en contact avec le monde concret, ce qui nous permet d’en connaître quelque chose. Une dimension qui est donc pleine de potentialités, de promesses, mais aussi de pièges quand la chair sacralise ce qu’elle est ou ce qu’elle perçoit. Le péché est cet égarement de la chair, une méprise par laquelle l’homme met la main sur ce qu’il a identifié et découvert, et en fait sa chose. C’est une façon de faire mourir les êtres et les choses perçues, en les figeant, en les coupant de leur sève originelle. Au lieu de voir que ces êtres et ces choses lui échappent, sont des créatures ou des créations qui désignent ultimement le Créateur. Le péché non seulement offense Dieu (v. 8), mais aussi enferme l’homme dans une mortelle logique d’égoïsme (v. 6). L’Esprit et la croix (v. 9-11)Dans l’Évangile de Jean, on peut comprendre que c’est à la croix que Jésus remet l’Esprit (Jn 19,30 : il remit le souffle). Paul précède et fonde plus clairement encore ce lien constitutif entre Esprit et croix. L’Esprit est l’opérateur de la résurrection de Jésus (v. 11), et de celle – à venir – des chrétiens. Il est puissance de vie, et on se demande ce qui le distingue encore du Christ ressuscité ! Car dans ces quelques versets, Paul semble utiliser de façon équivalente les expressions : « Esprit de Dieu », « Esprit du Christ », « Christ », et « Esprit ». « Si l’Esprit de Dieu habite en vous… », « si le Christ est en vous… ». Ce ne sont pas seulement des hypothèses rhétoriques. On entend Paul, entre les lignes, s’appuyer sur une expérience que ses interlocuteurs ont de l’Esprit. Mais – sans pour autant l’exclure absolument – rien ne permet d’y voir une allusion à une expérience charismatique, comme ce serait le cas dans l’épître aux Corinthiens (1Co 12 et 14) ou celle aux Galates (Ga 3,3-5). De façon tranchée, Karl Barth écrit : « dans ce chapitre tout entier, il faut bien noter qu’ “Esprit” ne signifie rien d’autre pour Paul que la validité et la puissance de la loi de grâce, promulguée par l’envoi du Fils de Dieu, pour ceux qui croient en lui, qui croient qu’il est mort et ressuscité pour eux. » Dans Luc-Actes, ce lien entre Esprit et croix n’est pas absent, mais un peu distendu. Par exemple on note que la Pentecôte présuppose la croix (Ac 1,3-4), et que l’effusion de l’Esprit est suivie d’une prédication centrée sur la croix (Ac 2,22-24). Ailleurs, il y a cependant parfois comme une autonomie de l’Esprit, dont Luc souligne surtout la puissance de mise en action en vue du témoignage (Ac 8,39 etc.). L’Esprit d’adoption (v. 12-17)Les v. 12-13 sont une récapitulation des v. 5-11. Ils permettent d’ouvrir un thème nouveau, celui de la filiation, qui culmine dans l’expression : « vous avez reçu un Esprit d’adoption. » Ce terme d’adoption, qui fait référence à une possibilité de la loi romaine (voir Néron… ou Ben-Hur !), permet de décliner plusieurs aspects de l’identité nouvelle du chrétien : – être adopté, c’est trouver son identité principalement dans une parole qui exprime la reconnaissance, le désir de lien de la part du parent. Pour un enfant « biologique », cette parole de désir et d’adoption est d’ailleurs également essentielle. L’adoption ne s’oppose pas nécessairement à la génétique, elle souligne une autre dimension de l’être humain : un être de désir, de parole, un sujet singulier capable de reconnaître d’autres sujets singuliers. Cette parole qui, chez Paul, nous précède pour nous appeler à la pleine vie, est l’Évangile de grâce. – être adopté, c’est être accueilli dans une intimité. Dire « abba », « papa ». Si l’expression est en araméen, c’est sans doute parce qu’elle trouve son écho dans la liturgie que connaissent les Romains, et qu’elle remonte à Jésus lui-même. Mais plus profondément, cette expression ne renvoie-t-elle pas encore à la croix, plus précisément au jardin de Gethsémané (Mc 14,36) ? C’est dans la confiance qu’il reçoit, contre toute logique de la chair, au moment de la plus terrible épreuve, que Jésus manifeste sa propre filialité vis à vis de Dieu, et rend la nôtre possible. L’intimité suggérée par ce mot va donc au delà d’une douillette affection au foyer domestique. – être adopté, c’est aussi participer à une tâche sociale, entrer dans un héritage, recevoir un statut vis à vis de l’extérieur. Ce qu’évoque précisément le v. 17 dans sa double dimension sociale et temporelle. Cette adoption intègre dans un peuple, elle ouvre une espérance pour la gloire à venir. Finissons par quelques paroles de Luther sur ce cri « abba-père » : « c’est le cri du Saint-Esprit dans notre cœur, au milieu de la pire, de la totale impuissance et du désespoir de ce cœur, en face de notre péché radical, de notre doute sur la bonté de Dieu et de l’accusation du diable : tu es pécheur ; (…) dans cette immense détresse où nous n’avons plus aucune expérience de la présence et de l’aide du Christ, où le Christ semble, au contraire, irrité contre nous (…) c’est précisément là que jaillit ce cri inouï. Il perce les nuages, remplit le ciel et la terre, et retentit si fort que les anges, en l’entendant, pensent n’avoir jamais rien entendu auparavant et que Dieu lui-même, dans le monde entier, n’entend rien d’autre que ce cri… Et pourtant ce n’est qu’un humble soupir dans lequel nous restons incapables de percevoir nous-mêmes le cri de l’Esprit. (…) La parole, ou plutôt l’infime soupir dans lequel, envers et contre tous, sans la moindre raison expérimentale, nous disons : Père, cette parole devient plus éloquente que tout Virgile et Cicéron. »Pistes pour la prédicationChoisir ce texte des Romains pour prêcher un jour de Pentecôte, c’est faire le choix de s’éloigner des interprétations habituelles liées à Actes 2 : l’Esprit de communication, de témoignage, de dynamisme pour l’Église… Lire les Romains pour changer un peu, susciter une écoute différente, mais aussi pour refonder plus solidement le discours sur l’Esprit Saint dans ce cœur théologique qu’est la croix du Christ. Il y a des risques : le texte est plus compliqué, le thème est plus austère, il nous rapproche plus de Pâques que de Pentecôte ! Et on n’a pas les envolées plus connues de la suite et de la fin du chapitre 8. Pourtant, il faut trouver un souffle porteur, surtout ce jour-là ! Quelques suggestions : – une prédication autour de l’espérance, qui se laisserait notamment inspirer par le thème du cri, et ce qu’en dit Luther (voir ci-dessus). Espérance dont parle explicitement Paul plus loin (v. 24) et qu’il relie explicitement à une expérience de souffrance (v. 17-18). Parfois l’espérance ne peut faire plus que de pousser un cri, mais déjà toute l’espérance est là. En quoi ce cri ne serait pas seulement cri de souffrance ou de détresse issu de notre misère ou de notre colère, mais acte de foi issu du Saint Esprit ? – autour de la question de « vivre selon l’Esprit » (v. 9). Qu’est-ce que cela signifie ? Paul en parle par opposition à « vivre selon la chair », et en lien avec la croix. Mais il semble faire allusion à une expérience que les Romains auraient de l’Esprit, expérience qui a sans doute à voir avec la prière : « abba-père », c’est la prière de Jésus à Gethsémané, c’est aussi le début du Notre Père (Lc 11,3). Comment mieux laisser traverser notre vie par la présence intérieure de l’Esprit du Christ ? – autour de l’expression « Esprit d’adoption ». Le thème de l’adoption d’enfant relie à des expériences précises, à des tonalités affectives et intimes susceptibles de toucher l’auditoire ; mais ne pas en parler sans délicatesse. L’enjeu de la prédication étant de nous (re)découvrir enfants adoptés, et d’en percevoir les échos dynamiques dans nos vies. C’est la troisième piste que j’explore dans la prédication qui suit. Cette prédication, dans son style et dans ses formulations, veut s’adresser à un public plus large que celui du culte habituel : en ce jour de Pentecôte, il faut tenir compte d’éventuels confirmands et leurs familles ainsi que, comme jadis à Jérusalem, des gens de passage. NB : les titres des sections veulent aider à la clarté pour un lecteur, mais dans une lecture publique il faut les ignorer ! Éric de BonnechosePrédicationRomains 8, 8-17L’Esprit d’adoption1. Une expression à décrypter« Vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions : Abba, Père ! » Par ces mots l’apôtre Paul veut nous dire en quoi consiste la vie du chrétien, la vie avec l’Esprit de Dieu. Ce qui tombe assez bien pour un jour de Pentecôte, où l’on célèbre la venue de l’Esprit Saint sur les disciples du Christ ! Un jour où, dans de nombreuses Églises des jeunes expriment leur foi et leur engagement personnel dans la vie chrétienne. « Vous avez reçu un Esprit d’adoption ». Que signifie, au fond, cette expression ? Nous avons quelques idées, ou quelques souvenirs, de ce que peut être l’Esprit, l’Esprit Saint de Dieu : une force, un élan, une lumière que Dieu nous donne. Un peu insaisissable, mais réel, comme l’élan de l’amour est insaisissable et réel à la fois. Le récit de la Pentecôte, dans le livre des Actes des Apôtres, décrit l’Esprit Saint comme une énergie donnée pour le témoignage chrétien, pour que les chrétiens sortent de leurs craintes et de leurs frontières habituelles pour parler de Jésus-Christ à tous les hommes. Quant à l’adoption, nous savons un peu ce que c’est, même si on n’ose pas toujours en parler. On sent bien tout ce qu’il y a d’intime, de très essentiel, de difficile aussi, dans cette aventure familiale particulière. En France, près de 4 000 enfants sont adoptés chaque année. Des enfants orphelins, ou abandonnés par leurs parents, trouvent un nouveau foyer qui désire les accueillir, les reconnaître pleinement comme leurs enfants. Une expérience où se mêlent la souffrance, l’attente, l’émotion, les surprises, les joies, les combats, l’échec parfois, la consolation souvent.Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, l’apôtre Paul pense moins à l’adoption d’enfants qu’à l’adoption d’adultes. Cela nous paraît curieux aujourd’hui, mais c’était une pratique romaine de son époque. Ceux qui ont vu le film « Ben-Hur » peuvent s’en faire une idée. Dans ce film, Ben-Hur est un juif, condamné à l’esclavage dans les galères romaines. A l’occasion d’une bataille maritime, il sauve la vie du commandant du navire, un général romain. Par reconnaissance et par amitié, ce général l’adopte alors comme fils. Désormais Ben-Hur jouit de tous les droits et de tous les devoirs d’un fils de romain ; il porte l’anneau donné par son nouveau père, il devient héritier de ses biens et de sa renommée. 2. L’adoption comme parole de grâceVoilà donc d’un côté l’Esprit, et d’un autre côté l’adoption. Mais qu’est-ce qu’un Esprit d’adoption ? Cette expression, que Paul invente pour dire au mieux la foi nouvelle, nous dit au moins trois grandes choses. Trois vérités très importantes de la foi chrétienne, que nous allons maintenant découvrir ensemble. La première chose évidente, et principale, c’est que l’adoption est un formidable cadeau, une formidable chance. L’enfant – ou l’adulte – adopté est auparavant dans une situation difficile, précaire, privé de l’affection et du soutien d’une famille. L’adoption lui ouvre des portes extraordinaires pour une nouvelle vie possible. Et cela se fait de façon délibérée, unilatérale, généreuse, par les parents qui choisissent d’adopter. La personne adoptée ne passe pas d’examen ou de concours, elle n’a pas à payer ni rembourser quelque chose, elle est accueillie comme est accueilli un enfant qui naît. Tout enfant a besoin d’être adopté d’ailleurs, au sens d’être accueilli et reconnu personnellement comme enfant au-delà de sa filiation génétique. Mais l’adoption d’un enfant qui avait perdu son soutien familial y ajoute la dimension du sauvetage, une nouvelle chance possible là où le malheur avait frappé. Cela ne veut pas dire que les parents n’aient pas d’attente, bien sûr. Ils espèrent profondément quelque chose de ce nouvel enfant, dans lequel ils mettent tout leur désir. L’adoption est pour eux aussi une formidable ouverture sur la vie. Mais le pouvoir de donner vie, de s’engager dans ce projet, d’appeler ce nouveau lien familial, est – au moins au départ – entièrement de leur côté. Ainsi est Dieu avec nous. La bonne nouvelle que Jésus-Christ vient partager, c’est de dire aux hommes que Dieu vient les adopter. Sans Dieu, nous sommes comme des enfants orphelins. Saint Augustin, un grand penseur chrétien du Vème siècle, le dit avec ses mots : « tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en toi ! » Sans Dieu, nous n’arrivons pas à donner véritablement du sens à notre vie. Nous pouvons faire des projets, construire de belles choses, donner de nous-mêmes. Mais le sens profond, la vraie paix, est de se savoir porté, aimé, appelé, attendu par un amour qui est plus grand que nous-mêmes. Nous ne pouvons pas le fabriquer. C’est Dieu qui le donne librement, généreusement, simplement parce qu’il est Dieu. En nous proposant librement cette adoption, Dieu veut ainsi nous délivrer d’une vie enfermée sur elle-même, d’une vie qui serait une lutte constante pour exister aux yeux de soi-même et des autres. C’est notre malheur, au fond, quand nous sommes sans Dieu : toujours vouloir prouver ce que nous sommes. Avec Dieu, nous pouvons être apaisés sur ce plan là. Nous ne sommes plus orphelins. 3. L’adoption comme partage d’une intimité Mais voici une seconde grande vérité de la foi chrétienne : Dieu ne nous adopte pas seulement pour donner une origine et un sens à notre vie ; l’adoption nous permet de partager avec lui une intimité. Dans beaucoup de religions, Dieu est considéré comme une réalité mystérieuse, immense et surtout lointaine. Même dans le christianisme, on a parfois eu cette image de Dieu assez écrasante, exigeante, peu sensible à nos difficultés humaines. En parlant de l’Esprit d’adoption que Dieu nous donne, l’apôtre Paul souligne au contraire l’intimité possible avec Dieu. On peut lui parler avec confiance, comme un père, comme un « papa ». « Vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions : Abba, Père ! » Paul n’invente pas ce nom de papa, qu’il donne à Dieu. Les premiers chrétiens l’utilisaient volontiers pour parler à Dieu dans leurs prières, pendant le culte ou chez eux. Et ils l’utilisaient parce qu’ils avaient entendu Jésus lui-même le faire, et que cela les avait frappés ! A plusieurs reprises, les Évangiles nous montrent Jésus qui s’adresse à Dieu en disant « abba », « père ». Quand il parle de la prière à ses disciples, il leur demande de commencer par « notre Père ». Mais il y a un moment plus grave, plus douloureux, où Jésus parle ainsi à son papa du ciel. C’est juste avant son arrestation, au jardin de Gethsémané. Jésus sait qu’il va bientôt mourir, et il prie intensément : « abba, ô mon Père, tout t’est possible ; éloigne de moi cette coupe de douleur. Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »C’est très poignant de voir que, dans le moment de la plus grande épreuve, alors que Jésus commence à être très angoissé, l’intimité avec ce papa du ciel se manifeste encore plus fortement. L’Esprit d’adoption n’est pas seulement une intimité pour les bons moments, pour les moments de tendresse ou de détente heureuse que nous pourrions avoir avec Dieu. Ce serait déjà beaucoup, cette intimité. Mais l’Esprit d’adoption donne de vivre une intimité avec Dieu jusque dans les moments difficiles, jusque dans les moments où l’on est tenté de croire que Dieu s’est absenté et nous abandonne.L’Esprit d’adoption trouve sa source dans la vie, dans la mort, dans la résurrection de Jésus-Christ. Il a parlé par cet Esprit, prié par cet Esprit, témoigné de cet Esprit. Il a vécu de cet Esprit jusqu’à en mourir. En le ressuscitant, Dieu a confirmé qu’il était bien, lui Jésus, l’enfant bien-aimé en qui il mettait toute son affection de Père, et que ce lien là était plus fort que la mort. La Pentecôte manifeste que cet Esprit, l’Esprit de Jésus, l’Esprit d’adoption qui fait crier « abba, père », est maintenant promis et donné à tous ceux qui sont liés à Jésus-Christ. 4. L’adoption comme responsabilité dans le mondeDieu nous adopte donc pour nous donner une vie nouvelle, et nous proposer de partager l’intimité d’une présence auprès de nous. Mais tout cela pourrait sembler passif, un peu statique, si l’adoption ne comportait pas aussi une dimension active, constructive, engagée. C’est la troisième vérité de la foi chrétienne que nous allons maintenant envisager. Être adopté, en effet, c’est devenir enfant, héritier, membre d’une famille qui prend sa place parmi les autres familles de la société. Responsable de prendre soin des personnes, de maintenir les valeurs et de gérer les biens de cette famille. Ainsi l’Esprit d’adoption nous fait entrer dans une responsabilité nouvelle, que Dieu nous confie, comme un Père confie une responsabilité à ses enfants. Une responsabilité qui n’est pas une tâche écrasante, ni un privilège qui nous rendrait arrogants. Mais une responsabilité qui devient possible parce que nous savons tout ce que nous devons à Dieu, et parce que nous vivons dans son intimité. Ainsi l’Esprit d’adoption nous fait tourner les yeux vers ceux qui souffrent, pour y reconnaître des bien-aimés que Dieu veut bénir. Ainsi l’Esprit d’adoption nous fait rencontrer ceux qui sont sans but et sans espoir, pour y reconnaître des bien-aimés que Dieu veut rendre à la vie. Ainsi l’Esprit d’adoption nous fait voir les dysfonctionnements des sociétés humaines et les dégradations de l’environnement, pour y reconnaître la création de Dieu en souffrance, en attente de libération. Ainsi l’Esprit d’adoption invite ceux qui font leur confirmation aujourd’hui, dans de nombreuses Églises de par le monde, à joindre leur prière et leur foi et leur engagement à ceux de tous les autres chrétiens qui veulent témoigner de l’amour d’un Dieu qui est « abba », Père. Ainsi l’Esprit d’adoption, le souffle qui fait de nous des enfants de Dieu, nous donne le souffle d’aller avec joie et confiance sur les chemins de notre vie. Amen. Chants :AEC 622 ; NCTC 189 ; Alléluia 47-07 « Si Dieu pour nous s’engage » au moins la strophe 3