Textes : Luc 5, v. 12 à 26 Ps 72 Ésaïe 60, v. 1 à 6Éphésiens 3, v. 2 à 6 Matthieu 2, v. 1 à 12Pasteur Georges PhilipTélécharger le document au complet
Merci à la liste de lectures de la F.P.F. qui nous propose pour le dimanche de l’Épiphanie un autre texte que celui des Mages que Matthieu et la tradition nous imposent chaque année. Car en voilà une question : qu’est-ce que l’Épiphanie ? Je redoute la « petit-Jésuslâtrie » comme réponse à cette question, car j’ai la conviction qu’elle pervertit le texte de Matthieu et le message de l’Évangile. Généralités sur Luc 5, 12-26 Voici deux récits de miracles qui ne sont pas des guérisons médicales, malgré les apparences. Préalablement, après son baptême et la tentation au désert, Jésus a successivement subi un échec à Nazareth, opéré deux délivrances, celle d’un possédé de son démon, celle de la belle mère de Simon de sa fièvre. Après le symbolique récit de la pêche miraculeuse, voici nos deux récits : Ici c’est le religieux traditionnel qui est en cause : n un lépreux, un impur, exclu de la société, n un paralysé « subissant » les conséquences de son péché Jésus va donc s’attaquer à forte partie : dénoncer l’ineptie de traditions aussi obsolètes qu’inhumaines et manifester, faire apparaître (Épiphanie) la bonne nouvelle du Règne de Dieu pour tous, ici et maintenant. Luc 5, 12-16 : Purification d’un Lépreux A l’époque, la lèpre est une maladie incertaine. Aussi, on commence par juger et condamner, puis on vérifie. (voir Lévitique 13 et 14). Pour la loi, la lèpre n’est pas une simple maladie, mais une impureté, qui exclut celui qui en est frappé de la communauté humaine et de manière définitive, car on ne savait pas la soigner. Qualifiant le lépreux d’impur, elle est une souillure religieuse, donc la conséquence d’un décret divin. v. 12 : l’homme est présenté comme atteint sévèrement de la lèpre. Il supplie Jésus de le purifier, c’est à dire de le délivrer de la peine qu’on lui inflige, l’exclusion, et de lui rendre son humanité, sa dignité, même s’il reste malade. La lèpre : maladie ou impureté religieuse ? v. 13 : Jésus touche le lépreux. Il choisit donc d’être considéré comme impur avec lui. En même temps il affirme au malade qu’il est purifié. L’homme n’est plus impur, mais seulement malade. v.14 : Il faut pourtant en passer par les règles sociales et religieuses. On vit dans un monde dont Jésus ne nie pas les contraintes, mais qui les rectifie et nous appelle à changer notre regard. v.15 : On se presse autour de Jésus pour être guéri, ce qui est totalement différent. On veut faire de Jésus un guérisseur. Et lui se met à l’écart et prie. Le religieux, transfiguré, devient l’Évangile. Luc 5, 17-26 : Annonce du pardon à un paralyséVoici un autre épisode où l’Évangile affronte la tradition religieuse, autrement dit, les idées reçues.v.17 : Jésus enseigne les foules, y compris les théologiens et les gens pieux. Il opère, par la puissance du Seigneur, des guérisons, mais on ne sait pas lesquelles.v.18 : Le succès de la prédication et le nombre des auditeurs devient un obstacle qui exclut ceux qui demandent ou supplient. Il faut jouer des coudes, sinon faire preuve d’initiative.v.19 : L’imagination de la solidarité devient le signe d’une foi à toute épreuve. Elle crève les plafonds.v.20 : Tes péchés sont pardonnés : Déception ? On attendait mieux ? Ou bonne nouvelle : ta maladie n’est pas la conséquence de ton péché. Ta dignité est intacte aux yeux de Dieu…et aux miens.v.21 : Le religieux se rebiffe et accuse, sans compassion.v.22 : Jésus connaît bien le cœur de l’homme, particulièrement celui de l’homme religieux, vertueusement attaché à la Loi.v.23 : Est-il plus facile de guérir ou de dire une parole de pardon de la part de Dieu ?v.24 : Le Fils de l’Homme, c’est à dire l’être humain (sens de l’Ancien Testament) a le pouvoir de pardonner, d’annoncer le pardon, vous comme moi, et de libérer son prochain de ses culpabilités. Lève-toi ! c’est le langage de la résurrection. Désormais, porte cette civière qui jusqu’à ce jour te portait, sans aucune espérance, et en marche ! (Heureux ! des Béatitudes)v.25 : Le miracle de la résurrection n’est pas le résultat d’une constatation humaine, mais le fruit de la foi en celui qui l’annonce, Jésus, celui dont la voix venue du ciel a dit : Tu es mon Fils.v.26 : Qu’est ce que les témoins ont vu ou entendu ?- Une simple guérison spectaculaire ?- Une parole qui libère, relève et rend à la vie ? Et Jésus, venu de Nazareth, qui est-il ?
Miracles : Qu’est-ce qu’une guérison…et de quoi ? Le débat entre la religion et la foi, entre la Loi et l’Évangile.Peut-on encore parler de miracles aujourd’hui ?Épiphanie : Les actes et les paroles de Jésus révèlent qu’il est Fils de Dieu.
Il y a des mots qui tuent et des mots qui font vivre. Y a-t-il encore aujourd’hui des personnes pour dire à quelqu’un qui souffre, quel que soit le mal qui l’accable, qu’il est frappé par Dieu ou que c’est la conséquence de son péché ? Malheureusement il y en a. Et il y en a même parmi ceux qui se disent chrétiens, disciples de Jésus Christ et qui ne se rendent pas compte qu’ils tiennent un discours en totale contradiction avec celui de leur maître. Il faut bien le reconnaître, le Mal est bien présent dans notre monde. Il est une force obscure qui frappe, qui blesse, qui tue et nous ne comprenons pas pourquoi. Certes, il y a les souffrances et les injustices qui sont les conséquences de l’égoïsme, de la violence, de l’aveuglement dont les hommes ne cessent de faire preuve. Avec un peu de bonne volonté et de sens humanitaire, on peut espérer que cela peut se corriger. Le péché, nous dit la Bible, est bien la cause de nombre de souffrances et de dysfonctionnements dont l’homme est responsable. Ainsi en est-il des guerres, de la faim, des injustices de toutes sortes. Mais que dire devant la maladie, les cataclysmes, les épidémies, les accidents absurdes et les morts qu’ils causent ? Le monde a toujours connu cela malheureusement, et encore plus malheureusement, les religions ont trop souvent voulu justifier le malheur. Et cela n’a pu générer que culpabilité et désespoir, sans qu’on n’y puisse rien comprendre. Et les hommes ont été réduits à se résigner devant ce qu’ils appellent le destin ou à crier leur révolte et à protester contre l’injustice. On trouve cela aussi bien dans les plus anciennes tragédies que dans les cris de souffrance des hommes d’aujourd’hui. L’Évangile aujourd’hui nous parle d’un lépreux et d’un paralysé. Pourquoi leur souffrance? Pourquoi le regard des autres qui jugent ? Pourquoi aussi le combat de quelques compagnons solidaires qui refusent de se résigner devant le malheur de leur ami ? Nous aimerions bien, par nos propres moyens établir une vraie justice, rétributive, relevant le juste et punissant le coupable. Nos sociétés essaient de le faire et les résultats, à ce jour, sont de plus en plus terrifiants. Malheur à jamais à celui qui a fauté un jour. Nous n’avons pas fait beaucoup de progrès depuis le temps où Jésus affrontait le problème du Mal. Un lépreux était exclu à jamais du monde des vivants, jusqu’à sa mort, et un paralysé était définitivement marqué du sceau du péché. Et voici qu’avec Jésus le discours change. Une parole nouvelle surgit qui dérange l’ordre établi selon les valeurs ou les croyances humaines. L’épiphanie, la manifestation du règne de Dieu par la parole et les actes de son Messie, de son Fils renverse radicalement l’ordre établi. Un lépreux ou un paralysé sont seulement des personnes frappées par la maladie, et non punies. Elles ont besoin de notre compassion pour garder courage et l’assurance que Dieu les aime et n’est pour rien dans leur épreuve. Un condamné pour un crime doit certes payer pour sa faute, mais il est appelé à la repentance et à une vie renouvelée et ne doit pas être enfermé dans son délit d’hier. Les victimes de toutes sortes de souffrances ne doivent pas se murer dans la honte, mais être assurées de leur dignité, malgré leur blessure, et découvrir qu’un avenir leur est offert. Avec Jésus, c’est cette parole d’espérance et de renouvellement qui se lève sur notre humanité tout entière. Croyants ou incroyants, tous sont au bénéfice de la miséricorde de Dieu. Il appartient à ceux qui se déclarent ses enfants de la manifester dans leur manière de regarder et d’accueillir ceux dont la vie a été éprouvée. Jésus a su entendre et écouter les cris de souffrance. Il a répondu par des paroles de délivrance. « Je le veux. Sois purifié. » Reviens parmi nous ! « Tes péchés te sont pardonnés. » Rien ne te sépare de Dieu ou de nous Nous voulons être avec toi et t’aider à retrouver ta dignité d’enfant de Dieu. Ce n’est pas seulement dans une naissance plus ou moins mystérieuse que Jésus se révèle être le fils de Dieu. C’est en manifestant pleinement son humanité, dans une parole porteuse d’espérance et de réconciliation, et dans des actes qui traduisent la compassion de son Père, qu’il a apporté aux hommes de tous les temps l’assurance que rien, ni la vie ni la mort, ni les épreuves, ni la maladie, ni quoi que ce soit ne peut désormais nous séparer de l’amour de Dieu, son Père et Notre Père. Amen !