Textes : Jérémie 28, v. 1 à 17 Ps 40 Ésaïe 49, v. 3 à 6 1 Corinthiens 1, v. 1 à 3 Jean 1, v. 29 à 34Pasteur Georges PhilipTélécharger le document au complet
Je commencerai cette note par une recommandation : lisez une ou plusieurs introductions à l’Évangile selon Jean : T.O.B., Nouvelle Segond, ou encore Parole de Vie. L’Évangile de Jean est très différent des trois autres, lesquels ont d’ailleurs de sérieuses différences entre eux. Jean est le plus critique, le plus contestataire, le plus anti-institution des Évangiles. Soyons donc vigilants quant aux concordances. D’autre part, dimanche dernier était proposé le récit du baptême de Jésus par Jean le Baptiste (Matt. 3, 13-17). Or, le récit de Jean ne raconte nulle part un quelconque baptême de Jésus. Matthieu évoque un dialogue entre Jésus et Jean. L’Évangile de Jean l’ignore, etc. etc…. Luc évoque même un lieu de parenté entre Jésus et Jean, ignoré par tous les autres. La question qui demeure première est : Que veut nous faire découvrir, comprendre Jean l’Évangéliste de son Jésus ?
On peut relire les versets 19-27 qui précèdent notre texte et qui ont bien des résonances avec les autres évangiles. Mais notre passage est original à plusieurs titres. 1. Jean le Baptiste est le premier à reconnaître et à témoigner. Il est un personnage connu et célèbre et son témoignage n’en a que plus d’autorité. Humblement, il s’efface devant celui qui vient et qui est plus grand que lui. Jean baptise dans l’eau, mais il ne baptise pas Jésus. Le baptême de Jean est un baptême de repentance (ou conversion). Jésus en a-t-il besoin, Lui que Jean déclare être le Fils de Dieu ? Un peu plus loin, (Jean 3,22 et Jean 4,2) indique que Jésus baptisait lui aussi, toutefois pas lui-même mais ses disciples. D’autre part, il n’y a pas de récit de la cène chez Jean. Il le remplace par le lavement des pieds que le théologien Paolo Ricca considère comme le « sacrement du Frère ». Jean l’évangéliste contesterait-il l’institution de sacrements ? Se méfierait-il d’une église qui se structure avec des rites, des ministères, des traditions ? Nombreux sont les traits de son évangile qui autorisent à se poser la question. 2. Jean le Baptiste n’a jamais vu Jésus. Il l’annonce puis il le reconnaît. (Prophète) En ceci, il annonce la situation de tous les disciples après lui. Énorme question : Comment reconnaître le Christ, aujourd’hui ? Toutefois, il donne une indication spécifique à la personne du Jésus terrestre : l’Esprit vient et DEMEURE sur lui. Ainsi, tout le temps de son ministère, Jésus a été porteur de l’Esprit Saint. C’est, sans doute ce qui conduit Jean à affirmer qu’il est le Fils de Dieu. 3. Il est intéressant de noter le jeu de mots sur les verbes que l’on traduit par VOIR. Jean utilise trois verbes : Blepein, voir ; Theomaï, regarder avec étonnement, en se posant des questions ; et Idein, voir au sens de comprendre. Je donne trois exemples : v. 29 : Jean voit (Blepein) Jésus qui vient vers lui. v. 32 : Jean voit (Theomaï) l’esprit descendant comme une colombe. v. 33 : Celui sur qui tu verras (Idein) l’esprit descendre et demeurer…. Or, Jean utilisera les trois mêmes verbes pour rendre compte de la progression des témoins de la résurrection (chapitre 20, 1-18). 4. Le titre que Jean le Baptiste donne à Jésus pose pleine de questions : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Jean unit dans cette expression les thèmes de l’agneau pascal (la libération), le bouc émissaire (le pardon) et l’agneau sur le trône royal (qui est vainqueur et qui règne). Il n’est pas interdit de penser aussi à l’idée du jeune bélier qui conduit le troupeau. 5. Une question qui agite le dialogue entre les églises « historiques » et les églises « évangéliques » : le baptême d’eau et le baptême dans l’Esprit Saint. Ils sont distincts. Faut-il les séparer ? Les églises « historiques » disent non, les églises « évangéliques » et « pentecôtistes » disent oui. Je crois que ces dernières ont tort, car cela conduirait à rendre le don gratuit de l’Esprit par Dieu dépendant d’une décision préalable de l’homme. Or, la grâce est première et décisive ; elle n’attend que la réponse de l’homme, mais n’en dépend pas.
- Être témoin du Christ aujourd’hui : discerner et annoncer
- Voir et Croire et Dire
- La Foi, libre réponse à la Grâce, au delà de toutes règles et de toute institution
- Jésus est le Christ qui accomplit l’œuvre de Dieu pour les hommes.
- Jésus est le seul chef de l’Église (semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens)
- Sans l’Esprit Saint, il n’y a ni foi, ni disciples, ni église.
Quelques temps avant sa mort, je veux dire son assassinat, le pasteur Martin Luther King commençait ainsi un de ces célèbres discours : « C’est une humanité désorientée qui se prépare, une fois encore à fêter Noël. » Un peu plus de 40 ans plus tard, il semble que rien n’ait changé. Noël a été fêté avec tant de tapage et de gaspillage que l’Évangile a été noyé, étouffé, submergé. Cela peut paraître décourageant et conduire certains à se résigner et à attendre la fin. Pourtant, si nous relisons la Bible dans son ensemble, Dieu en a vu d’autres, et il n’a jamais baissé les bras. Il a piqué de terribles colères, annoncé les pires châtiments, parfois aussi gardé le silence, un silence encore plus terrible que les avertissements, mais il ne s’est jamais résigné à l’échec définitif. Il a toujours su discerner au milieu des gesticulations de l’humanité, la petite lampe qui fume, la petite lumière qui vacille, la foi et l’espérance d’hommes et de femmes qui comme lui ne renoncent pas, ne désespèrent pas. Et c’est parmi ces hommes et ces femmes qu’il a choisi et appelé ceux que l’on nomme prophètes, témoins ou martyrs. Grâce à eux, nous avons, aujourd’hui encore, l’assurance que rien n’est perdu, mais bien au contraire que tout est déjà joué et gagné. Le mal est vaincu, l’homme est renouvelé, la résurrection est à l’œuvre et le royaume est déjà parmi nous. En douter, c’est se livrer sans combattre au désespoir et à la mort. Pourtant ne nous trompons pas. L’Évangile, celui de Jésus Christ, n’est pas une fuite vers un avenir illusoire ; ce n’est pas le rêve d’un autre monde qui ne peut être que meilleur. L’Évangile est une bonne nouvelle pour le monde et les hommes d’aujourd’hui. Jean l’Évangéliste a parfaitement compris cela, lui qui nous a parlé de son Jésus demandant à son Père de ne pas retirer ses disciples du monde mais de les garder du mal, c’est à dire de l’abandon, du découragement, de la résignation et pour finir du conformisme. Jean le baptiste, un des fidèles résistants, a ainsi été un de ses prophètes dans les temps où tout allait être décisif : la venue de celui qu’il reconnaît comme le Fils d Dieu, l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Le péché, c’est justement la tentation de baisser les bras, de se résigner à vivre dans un monde qui rejette ou nie son Dieu. Être prophète, c’est au contraire reconnaître la présence de Dieu qui veille avec passion sur sa création, malgré les apparences, contre les évidences et les contradictions. Et cette présence de Dieu s’est pleinement manifestée dans la vie d’un homme, nommé Jésus. Pas un surhomme. Pas un Homme-Dieu, mais un homme comme nous dont toute l’existence fut remplie de l’Esprit Saint, c’est à dire de la présence vivante et dynamique de celui qu’il nomme son Père. N’aller pas dire cela sur les places publiques aujourd’hui. Vous passerez au mieux pour un rêveur ou un naïf, voire pour un dangereux illuminé. Il faut dire qu’on fait et qu’on continue à faire dire à Dieu tant de choses stupides et criminelles, qu’on se sert de lui pour justifier tant d’abominations qu’on peut comprendre le scepticisme des foules. Et pourtant… ! Ce monde désorienté a toujours faim d’une parole pour se relever et reprendre courage, pour retrouver une espérance perdue qui lui permette de redonner sens à sa vie et à ses entreprises. « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » Dans cette formule qui rassemble plusieurs affirmations de la foi d’Israël et des premiers chrétiens, Jean nous redit que Jésus est celui qui se donne entièrement en offrande à son Père, qui lui offre toute sa vie, que cette offrande est un appel à abandonner la folle prétention de vivre sans Dieu et ainsi à redécouvrir la richesse et la beauté d’une vie libérée de toutes les dominations qui l’asservissent et la défigurent. C’est un appel à le suivre comme un troupeau suit le jeune et vigoureux bélier qui le conduit vers un riche et paisible pâturage. Avec lui, tout est offert, tout est promis. Telle est l’inépuisable fidélité de Dieu envers ceux qui mettent leur confiance en lui. Grâce à lui qui a donné sa vie et qui est ressuscité, nous apprenons que la mort est déjà vaincue, malgré les apparences. Grâce à lui, qui a vécu sa vie comme une béatitude, heureux, debout et en marche, nous découvrons que la création désirée et aimée de Dieu n’est pas perdue mais qu’elle avance vers son accomplissement, un monde où règnent la paix, la justice et l’amour. Grâce à lui, nous comprenons que notre vie n’est pas un accident dépourvu de sens de l’évolution, mais qu’elle est une promesse. Seul l’Esprit Saint qui nous vient par lui nous permet de comprendre et de recevoir tout cela, et par-dessus tout de le vivre. La proclamation de Jean le Baptiste est suivie de l’arrivée des premiers disciples qui, à leur tour, vont reconnaître en Jésus, qui le Messie, qui celui que les Écritures dans leur ensemble avaient annoncé, qui le Fils de Dieu ou le roi d’Israël. Et ils l’ont suivi. Mes amis, l’Évangile nous donne les éléments qui nous permettent de reconnaître à notre tour le Christ présent parmi nous. Il nous propose des mots pour le nommer, et il est un appel à nous relever, à nous mettre en marche et à le suivre sur le chemin où le Père nous attend et nous accueille. Heureux celles et ceux qui mettent leur confiance et leur espérance en lui. Amen.