Textes : Ézéchiel 17, v. 11 à 24 Ps 85 Amos 7, v. 12 à 15 Éphésiens 1, v. 3 à 14 Marc 6, v. 7 à 17Pasteur Georges PhilipTélécharger le document au complet

Notes bibliques

On prêche peu à partir des Psaumes. On a plutôt la fâcheuse habitude de les utiliser liturgiquement en les bricolant, car il y a des éléments difficiles à garder tels que. Or, les psaumes sont la traduction liturgique de l’Ancien Testament. Ils doivent donc être lus et compris à la lumière de Jésus Christ. Dans l’Église, on ne prêche pas la première alliance, on prêche l’Alliance de Dieu avec l’humanité tout entière, en Jésus Christ. Voici pourquoi, si j’ai choisi de rédiger une prédication sur le Psaume 85, j’y ajoute l’éclairage du texte de l’Évangile de Marc 6, 7-17.Description du PsaumeCe Psaume a une certaine notoriété, surtout à cause de sa deuxième partie, sur la paix, la justice, la fidélité et la vérité.Ce Psaume est composé de deux parties, comportant chacune deux strophes.La première partie, versets 1-8, est collective ; elle emploie le NOUS.La deuxième partie, versets 9-14, est un message personnel introduit par le JE.On peut penser qu’il s’agit d’un dialogue entre l’assemblée (Nous) et celui qui préside (Je).Ou une évocation de l’Histoire d’Israël exilé et de retour (Nous) et un message de type prophétique (Je) face aux difficultés ou détresses rencontrées.Que raconte le Psaume ?Le Psaume est écrit en deux parties et quatre strophes. La première partie rend compte du retour des exilés de Babylone.Les versets 1 à 4 y voient la fidélité de Dieu à ses promesses.Il a puni puis il a pardonné. Sa colère s’est apaisée, non à cause de quelque mérite que ce soit, chez son peuple, mais par pure grâce, parce qu’il est Dieu, et qu’il ne revient pas sur sa parole.Les verstes 5 à 8 traduisent le désarroi des exilés revenus.Rien n e correspond à ce qu’ils espéraient. Ils sont mal reçus. Ils retrouvent un pays occupé par d’autres. Dieu est-il toujours en colère contre eux ? La promesse et l’Alliance sont-elles caduques ? S’est-on trompé en espérant en la fidélité du Seigneur ?Deux thèmes me paraissent intéressants à creuser :Israël relit son histoire, avec ses erreurs, ses fautes, ses infidélités. Il ne triche pas devant Dieu, ni devant les hommes en l’écrivant.Qu’en est-il de la mémoire de notre chère France devant son attitude vis à vis des Noirs et de l’esclavage ? devant son attitude vis à vis des Juifs entre 39 et 45 ? devant ses crimes et ses tortures pendant la guerre d’Algérie ? et la liste n’est pas close, malheureusement ! Il ne s’agit pas de suivre ici la mode des repentances, mais de reconnaître ce qui s’est passé.Devant les épreuves consécutives au retour de l’exil, Israël s’interroge : Dieu en est-il l’auteur ? Dieu est-il la cause de tous les malheurs, de toutes les misères, de tous les cataclysmes ? si oui, pourquoi ? Sinon, que signifient-ils ?La deuxième partie du psaume (versets 9-14) exprime un message d’espérance à ceux qui s’interrogent et doutent. Un prêtre ou un prophète, c’est à dire un simple prédicateur rappelle aux fidèles ce qui fonde leur foi.Les versets 9-10 sont pédagogiques.La promesse de Dieu c’est la paix (le shalom) mais celle-ci n’est possible que si le peuple renonce à ses folies (idolâtrie, syncrétisme, religion rituelle, illusion de puissance). Dans ce cas, tout redevient possible pour Dieu, puisque par ses prétentions le peuple ne lui fait pas obstacle.Les versets 11-14 sont une évocation de la force de l’Alliance. Tout ce qui la fonde se retrouve et s’unit : la justice et la paix, la grâce et la vérité.La bénédiction de Dieu se traduit très concrètement dans les récoltes abondantes et dans l’allusion à un chemin ouvert et heureux.Il me paraît important de souligner ici le malentendu. Israël a envisagé un avenir glorieux, avec un messie puissant.L’Évangile nous révèle l’accomplissement de la promesse dans la faiblesse et la pauvreté de Jésus, dans l’échec de la croix et la lumière de Pâques.J’invite donc à relire ici Marc 6, 7-13 et à méditer sur les conditions de travail des disciples envoyés, qui sont le portrait de l’église aujourd’hui.Pauvreté, dénuement, échec, sont-ils contradictoires avec l’Évangile ou sa pleine et authentique révélation ?Précisons diverses sur les motsREVENIR = le RetourIl s’agit tout autant de celui d’Israël sur son pays que de celui de Dieu vers son peuple qui croyait qu’il s’était détourné de lui.La PAIX = « Schalom » = absence de guerre mais aussi : richesse, bonheur, bonnes récoltes, bonnes conditions de vie.La JUSTICE = Tzedaka = ce qui est conforme au droit et ce qui est conforme à la volonté de Dieu, c’est à dire le salut.Fidélité et Bonté = Hesed = cela exprime le comportement de Dieu envers ses enfants : grâce, bonté, miséricorde, amour, fidélité, etc.….La Crainte du Seigneur = c’est à dire, non pas la peur, mais le respect, l’autorité reconnue, l’amour et la confiance envers lui.Le verset 14 est difficile à comprendre et à traduire. Choisissez : « La Justice marche devant sa face et prépare un chemin pour ses pas. » (Maillot – LeLièvre) « La Justice marche devant lui et ses pas tracent le chemin. » (TOB) « La Loyauté marche devant le Seigneur et trace le chemin devant ses pas. » (François Courant) « La Justice marchera devant lui et la paix sur la trace de ses pas. » (Ed. Dhorme – Pléiade) « La Justice marchera sur ses pas et marquera ses pas sur le chemin. » (Segond révisée) « La Justice le précèdera et le bonheur marchera dans la trace de ses pas. (Trad. Maredsous) « La Justice marche devant le Seigneur et prépare le chemin devant lui. » (Parole de Vie)Pistes de PrédicationComment passer de la fonction liturgique des psaumes pour les juifs à la prédication de l’évangile pour l’homme d’aujourd’hui ?Comment articuler péché / pardon / repentance / espérance et sortir du triangle infernal culpabilité / expiation méritoire / on repart à zéro ? Apprendre à relire son (notre) histoire devant Dieu pour discerner et accueillir l’avenir qui est donné ?La fonction du langage et d’un cadre liturgique dans la structuration de la personne et de l’Église. (autrement dit : sens et utilité du culte.)Quelle espérance partager avec des personnes dont la vie est (ou semble) définitivement brisée et n’envisagent aucun avenir ?

Prédication

Mes amis, La religion se porte bien ! La foi je ne sais pas, mais la religion se porte bien ; elle suscite de nouvelles passions autour des fictions qui déferlent sur le marché littéraire et, bien sûr, draine des profits considérables pour les auteurs. Les foules se passionnent pour les relations entre Jésus et Marie Madeleine ; sur une descendance cachée. Judas est-il un abominable traître ou bien le meilleur copain de Jésus ? Ne lui a-t-on pas fait endosser les basses œuvres du véritable traître, Pierre bien sûr ? Le vrai tombeau de Jésus n’est-il pas caché dans le midi de la France ? Au fait pourquoi la France ? Vous avez reconnu la série du da Vinci Code, le prieuré de Sion et l’Évangile de Judas qui ressurgit régulièrement. Tout cela fleure la presse « people » et les média de la même veine. On est curieux ; on voudrait bien savoir. Dans le fond, il n’y a rien de choquant dans tout cela ; l’Église n’avait-elle pas intérêt à tenir cachés des secrets qui risquaient de la déstabiliser ? Dans tout cela, il n’y a rien de nouveau qu’on ne connaisse depuis très longtemps. Mais l’ignorance est devenue telle aujourd’hui que cela devient du jamais vu, du jamais dit, du sensationnel. Quelle ne fut pas la sagesse des Juifs d’abord, puis des Pères de l’Église, de définir le canon des Écritures ; c’est à dire celles auxquelles ils ont reconnu une autorité certaine, ce qui ne veut pas dire une exactitude ou une infaillibilité littérale ! Le Psaume 85, que nous écoutons aujourd’hui, nous ramène sur le terrain de notre humanité réelle, sur celui de l’Histoire et de la Foi. Car le Testament que nous a légué Israël ne cache rien. Il nous rapporte les grands événements et les faiblesses parfois terrifiantes des Patriarches, des Rois et du Peuple dans son ensemble : trahisons, meurtres, lâchetés, adultères, et aussi des actes admirables de bonté, de fidélité, de foi et de courage. Les livres de la Torah (ou Loi) et les écrits des prophètes nous rapportent tout cela comme une catéchèse, c’est à dire un enseignement que chaque génération doit transmettre pour l’édification de la suivante. Le grand livre des 150 Psaumes est la traduction ou l’expression liturgique de cette mémoire. Autrement dit, avec des formes diverses : prières, cantiques, confessions de foi, cris de détresse ou d’espérance, les Psaumes traduisent de manière très contrastée tous les aspects de la vie humaine ou de l’histoire d’un peuple, Israël, avec celui dont ils ignorent le nom mais dont ils ont reconnu la présence et les œuvres sur cette terre. Ainsi, chaque génération peut y puiser une nourriture neuve pour sa foi et un éclairage précieux quand il faut choisir et s’engager. Comme tout texte liturgique, le Psaume demande à être lu et relu afin de s’en pénétrer et d’y discerner ou d’y entendre la Parole que Dieu adresse aujourd’hui à son fidèle ou à son Église. Le Psaume 85 nous rapporte, semble-t-il, ce qu’ont connu et vécu les déportés à Babylone de retour en Israël après de longues décennies d’exil ? Une telle situation peut-elle trouver quelque actualité, quelque pertinence pour l’humanité du 21ème siècle ? Le plan du texte du Psaume 85 est simple et logique. Dans un premier temps, le peuple réfléchit au désastre de l’exil à Babylone. Il en conclut que c’est le juste châtiment infligé par le Seigneur pour ne pas être resté fidèle à l’Alliance qui les unit. Paradoxalement, ce châtiment conforte Israël dans sa confiance en la fidélité de Dieu ; car s’il châtie, c’est qu’il n’a oublié ni son peuple, ni ses enfants, ni ses promesses. Le retour d’exil est la confirmation de cette certitude. Dans un deuxième temps, le peuple de ceux qui sont revenus d’exil connaît un certain découragement. Tout ne se passe pas comme ils l’avaient prévu : ils sont mal accueillis par ceux qui étaient restés et qui, au bout d’un certain temps avaient pris possession des biens laissés à l’abandon. Alors, Dieu en veut-il encore à ses fidèles ? Cette question fait naître la prière qui invite à nouveau le peuple à s’en remettre entièrement à Dieu et à ne pas s’avachir dans une sécurité pieuse et illusoire. Tout cela reste d’une vérité et d’une actualité criante. Nous ne sommes pas ici dans le monde des fables ou des fictions. Nous sommes au cœur de notre univers humain réel. La mode des repentances de tous ordres n’est qu’une vilaine farce quand elle ne traduit pas le désir profond de changer notre regard sur les autres différents et notre comportement vis à vis d’eux. Sans ce désir et la demande insistante adressée à Dieu : « Fais-nous revenir vers toi et toi, reviens à nous, Dieu de notre salut », sa Parole ne saurait nous rejoindre et guérir notre vie. Car nous avons la redoutable faculté d’empêcher la Parole de Dieu d’entrer dans l’Histoire des hommes puisque c’est d’abord à nous qu’elle s’adresse et que nous avons la responsabilité de la transmettre. Souvenons-nous que notre vocation est d’être les serviteurs de cette Parole, les apôtres de Jésus Christ aujourd’hui, pour les hommes d’aujourd’hui, dans le monde d’aujourd’hui. La deuxième partie du Psaume nous rapporte la Parole que Dieu adresse à son peuple désormais prêt à l’entendre. Mis à part une petite mise en garde : « qu’ils ne reviennent plus à leur sottise », c’est une parole d’espérance qui redit la fidélité inépuisable de Dieu. L’homme inspiré qui la proclame ne fait que rappeler ce que les fidèles savent déjà : Si Dieu revient de sa colère et vers les hommes, alors tout redevient possible. Le cœur de l’homme peut connaître une pleine guérison et la terre devenir un monde renouvelé où la paix et la justice, l’amour et la vérité, manifesteront aux yeux de tous la gloire et le règne de Dieu. Rêve impossible ! Tout cela est trop beau ! Ces belles paroles ne sont-elles pas un peu vieillottes et dépassées ? Le vieux savant Théodore Monod répondait à un journaliste de télévision qui lui posait ces questions : « Comment pouvez-vous dire cela ? On n’a pas encore essayé de vivre comme l’Évangile nous y invite. » Et c’est bien d’Évangile qu’il s’agit ici. L’erreur serait de croire que par nos propres forces, par nos propres moyens, avec nos propres forces nous pourrions réaliser le meilleur des mondes. Ça, c’est le rêve désastreux de Babel, des dictateurs et des idéologies de tous les siècles. Or l’Évangile nous dit que ce sera l’œuvre de Dieu, en nous et avec nous. Ce projet a connu son achèvement avec Jésus Christ. Devant lui, le mal et le mensonge ont reculé ; la vie et la vérité ont montré leur force par le refus de la violence, de la peur et de la volonté de puissance. Et à tous ceux qui l’ont suivi et qui le suivent aujourd’hui, à tous ceux qui n’osent pas y croire, aux craintifs et aux frileux, à chacun de nous venu ici ce matin, le Christ assure que ce qu’il est venu faire, nous pouvons le faire à notre tour, à la seule condition d’utiliser les mêmes armes que Lui. Chacun est libre de répondre à l’appel du Seigneur : les disciples ont choisi de partir, sur sa parole, sans rien d’autre que leur confiance en lui, et ils ont pu réaliser une moisson inespérée. La tentation suprême que nous devons affronter et vaincre, aujourd’hui, est celle de la résignation, de ne plus oser croire et espérer en Dieu et en l’homme, en Dieu venant vers l’homme et en l’homme retournant vers Dieu. Car ce qu’Israël a vécu et raconté dans les Psaumes, dans sa liturgie, c’est notre humaine condition dans toute sa vérité : enfants de Dieu, pécheurs, pardonnés et envoyés pour être témoins du règne de Dieu sur notre monde. Comme disciples du Christ, nous savons que nous sommes dans la même situation devant Dieu, mais nous savons aussi que désormais rien, ni notre péché, ni notre infidélité, ni nos doutes, ni nos fautes, ni même l’incroyance ne peuvent nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ. Rien, absolument rien ! Sauf nous ! Sauf notre propre décision. Car Dieu respecte sans réserve notre liberté. Mais comment l’homme peut-il être pleinement libre devant Dieu, s’il reste prisonnier de son ignorance à cause de la timidité, de la paresse ou de l’indifférence de ceux que Jésus Christ a choisis pour être ses témoins ?