Textes : Luc 19, v. 28 à 44 Psaume 48 Ésaïe 50, v. 4 à 7 Philippiens 2, v. 6 à 11 Pasteur Jean-Pierre SternbergerTélécharger le document au complet
Dimanche des Rameaux
28 | Après avoir ainsi parlé, il partit en avant et monta vers Jérusalem. |
29 | Lorsqu’il approcha de Bethphagé et de Béthanie, près du mont dit des Oliviers, il envoya deux de ses disciples, |
30 | en disant : “Allez au village qui est en face; quand vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s’est jamais assis; détachez-le et amenez-le. |
31 | Si quelqu’un vous demande : « Pourquoi le détachez-vous ? », vous lui direz : « Le Seigneur en a besoin. »” |
32 | Ceux qui avaient été envoyés s’en allèrent et trouvèrent les choses comme il leur avait dit. |
33 | Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : “Pourquoi détachez-vous l’ânon ?” |
34 | Ils répondirent : “Le Maître en a besoin.” |
36 | Et ils l’amenèrent à Jésus. Puis ils jetèrent leurs vêtements sur l’ânon et firent monter Jésus. |
37 | A mesure qu’il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin. |
38 | Ils disaient : “Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts !” |
39 | Quelques pharisiens, du milieu de la foule, lui dirent : “Maître, reprends tes disciples !” |
40 | Il répondit : « Je vous le dis, si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront ! » |
41 | Quand, approchant, il vit la ville, il pleura sur elle |
42 | en disant : « Si tu avais su, en ce jour, toi aussi les choses de ta paix …mais maintenant cela est caché à tes yeux. |
43 | Car des jours viendront sur toi où tes ennemis t’entoureront de barricades, t’encercleront et t’enserreront de tous côtés; |
44 | ils t’écraseront toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas connu le temps de ta visitation. » |
Notes bibliques On parle à propos de ce jour et de ce texte des rameaux. Les allemands nomment ce jour Palmsonntag, ce qui est plus conforme au texte qui évoque les palmes coupées par les disciples enthousiastes. Le texte toutefois lui préfère parler du jour de la visite. « Tu n’as pas connu, dit Jésus à Jérusalem le temps de ta visite ». Car il s’agit bien d’une visite, une visite officielle, celle d’un chef d’état de passage dans une capitale, comme celle d’un président français en tournée africaine : on a déroulé le tapis rouge, on a distribué des drapeaux aux enfants des écoles, on les a massés le long du cortège officiel, on leur a fait chanter des chansons tout y est. Tout y est mais tout est différent. En fait de tapis rouge, ce sont les vêtements de ses disciples qui sont posés sur l’âne et sur la route. Les enfants sont grands; ils ne sortent pas des écoles du quartier mais viennent de loin pour le pèlerinage, ils n’ont pas de drapeaux dans les mains mais des palmes, des branches d’arbres coupés ici et là, ils ne chantent pas de simples chansons mais des psaumes, ils n’accueillent pas un chef d’état de passage mais le messie fils de David annoncé par les prophètes. Cette visite revêt ainsi à la fois le caractère d’une fête spontanée où on utilise ce qu’on a sous la main, des vêtements, des branches … et celui d’un évènement depuis longtemps annoncé et attendu, un accomplissement. Jésus est attendu à Jérusalem, trois fois attendu et salué. Il est d’abord salué par la foule des disciples. Ils sont montés comme lui à la fête, ils accueillent à Jérusalem celui qu’ils ont connu et entendu en Galilée. Il est aussi salué et accueilli par des gens qui ne le connaissent que de réputation, des gens de Jérusalem comme ces propriétaires de l’âne à qui il suffit qu’on dise « son maître en a besoin » pour qu’ils le laissent emmener ou encore, ces pharisiens qui sont dans la foule mais trouvent que cette foule va trop loin. Ces pharisiens choqués ou prudents appellent Jésus « maître », c’est à dire ici « enseignant » et non « seigneur ». Ils ne sont pas de ses disciples mais reconnaissent en lui un professeur de religion à l’égal de nombreux autres qui enseignent dans les synagogues de Jérusalem ou de province. Jésus est enfin accueilli et salué par la bible même puisque ses disciples et ce disciple qui rédige cette page de l’évangile de Luc est tout imprégné du texte de l’oracle du prophète Zacharie lorsqu’il écrit cette page. Ce jour là, à Jérusalem, tout semble converger vers Jésus, les regards de ses disciples, ceux des curieux, et peut-être même aussi ceux sadducéens, des partisans d’Hérode et des Romains qui ne sont jamais loin et rendent inquiets les pharisiens curieux. Ce jour là cette visite de Jésus constituait l’évènement principal de la journée, un évènement attendu et improvisé à la fois, une fête un peu folle mais pourtant pleine de sens. Pourtant, à l’issue de fête, Jésus s’adresse à Jérusalem et lui dit « tu n’as pas connu le temps de ta visite … ». Les hommes se sont tu et les pierres vont se mettre à crier. Les hommes se sont tu, il ne resta plus à Jérusalem pierre sur pierre. Il y a dans toute fête un revers de tristesse. A chaque Noël nous prenons conscience de l’absence d’amis, chaque anniversaire nous rappelle le temps qui passe, chaque fois que nous partageons le pain et le vin du repas du Seigneur, nous savons que tous n’ont pas accès à la nourriture, au logement, au travail. Au soir de cette fête qui pourrait être considérée comme son triomphe, Jésus pleure sur Jérusalem comme pour un rendez-vous manqué. Quand l’évangéliste rappelle les mots du Christ, Jérusalem est ruinée, le temple détruit. On ne peut revenir en arrière mais comprendre le passé, c’est déjà prévoir le futur et prévenir le mal. Si toute fête a un revers de tristesse, elle a aussi une signification profonde. Celle des Rameaux est tout aussi importante pour nous que pour les premiers disciples de Jésus. Car on ne peut parler des Rameaux sans mentionner la fête juive de Soukkot, la fête des cabanes. Si nous n’étions pas au printemps et à une semaine de Pâques, tout dans ce texte nous ramènerait à l’automne et à cette grande fête juive. C’est à cette occasion dans le judaïsme qu’on brandit des palmes et des branches d »arbres dont on construit des cabanes, c’est à ce moment là qu’on chante le psaume 118 cité dans notre texte de l’évangile, c’est alors que retentit à la synagogue le cri « Hosanna », « sauve ». On a souvent souligné la versatilité de la foule qui acclame Jésus aux Rameaux et crie « crucifie-le », au soir du jeudi saint. Mais qui sait si les évangélistes n’ont pas rapproché en une seule semaine des évènements qui se sont déroulés à des mois d’intervalles. Jésus est monté bien des fois à Jérusalem, les 3 premiers évangiles, à la différence de Jean, n’en mentionnent qu’une seule. Pourquoi les rameaux ne se seraient-ils pas produits en automne ? Toujours est-il que ce récit est tout empreint de l’ambiance et de la signification de la fête des cabanes qui commémore le temps passé dans le désert avec Moïse. A Soukkot on lit à la synagogue l’Ecclésiaste, « vanité des vanités, tout est vanité » mais cela n’a rien de triste. On se souvient joyeusement que l’être humain ne saurait construire autre chose qu’une cabane, un abri provisoire et que tous nos palais, nos temples, nos édifices destinés à affronter les siècles et nos institutions les plus sacrées ne sont que des cabanes renforcées destinées elles aussi tôt ou tard à disparaître, emportée par les vents du désert. Et voilà qu’à cette occasion, ou en reprenant pour lui toutes les caractéristiques de cette fête des cabanes vient un homme monté sur âne, un âne qui n’est même pas à lui, un âne qu’on lui a prêté pour l’occasion, un roi sans couronne, salué par des branches qui demain serviront à allumer le feu, marchant non sur des tapis mais sur les vêtements de gens de passage, un homme semblable en cela à David dansant nu devant l’arche, monté sur un âne comme Salomon sur l’ânesse de son père (1 Rois 1), humble et victorieux comme le messie annoncé par Zacharie. Un fils de l’homme vient et annonce qu’est venu le temps de vivre autrement. Tel pourrait être le sens de cette fête des rameaux : Il est temps pour les puissants de vivre autrement en sachant toute la fragilité de leurs palais et de leurs assurances. Il est temps pour les petits de vivre autrement libérés de la peur qui tient les pharisiens muets. Il est temps pour les croyants de se rappeler que tous nos systèmes et nos crédos ne sont que des huttes, des constructions provisoires faites avec les matériaux trouvées au bord du chemin. Il est temps pour ceux qui doutent de rassembler des morceaux de vérité éparses pour voir si par hasard, ils ne donneraient pas une vraie direction. Il est temps. Il est temps et il est important pour nous de ne pas manquer le rendez-vous que nous donne ce texte, de ne pas louper cette visite de Jésus, le roi humble, pauvre, bientôt crucifié. Lui seul nous sauve et non les pierres que nous aurons cru solides. Pour avoir cru en ses pierres, en son temple, Jérusalem les a entendu crier et a vu crouler ses murs et sa splendeur. Voilà donc ce qui est solide : le pas d’un âne qui porte un homme, la joie des gens qui marchent ensemble, partageant richesses et pauvreté, chants et feux nomades. Nous ne sommes rien d’autres que des nomades. Apprenons donc à être de bons nomades avec un roi nomade lui aussi, un roi qui n’a pas de lieu où reposer sa tête, monté sur un âne pour faire taire tous ceux qui paradent en char. Prédication Pour cette prédication, je proposerai un dispositif un peu particulier propre à maintenir l’attention de nos auditeurs. Je suggère au prédicateur de se munir d’un jeu de 32 cartes qu’il aura préparé au préalable de la manière suivante : sur le dessus du jeu seront réunies toutes les cartes de trèfles et de carreaux à l’exception du roi de carreau, puis sert placées dans l’ordre : valet de cœur, roi de cœur, roi de pique, dame de cœur, Joker, roi de carreau. C’est l’histoire reprise chaque année. Les acteurs sont familiers et nous savons déjà ce qui se joue entre eux. Nous entrons par la grande porte de Jérusalem dans le jeu de la passion, un jeu et une histoire tissée de grands fils de joie et de lanières de peur, de liens de souffrance, peut-être même de désespoir et tout au bout de cette semaine, répercuté d’âge en âge et pourtant inouï, l’appel de la résurrection. Une semaine c’est court, trop court pour dire la passion de Dieu pour l’être humain, la passion de Dieu pour tout ce qui se joue entre les hommes; la passion de Dieu à déjouer les pièges du malheur et de la peur des hommes. Aujourd’hui à la suite d’un petit âne nous foulons les vêtements et les branches disposés par les disciples. Nous mettons nos pas dans les millions de pas qui ont usé des milliers de chemins de croix. Nous nous préparons à assister une fois de plus au jeu de la passion, agitant les branches aujourd’hui, recevant le pain et le vin jeudi, pleurant le fils vendredi, silencieux samedi, réveillés dimanche. Nous nous coulons dans le rythme de ce jeu qui nous fait passer par tant de sentiments. Et une fois de plus nous jouons sans tricher car nous savons au plus profond de nous que ce qui se joue cette semaine est au cœur de l’histoire mais aussi au delà de l’histoire, puisqu’il s’agit bien d’un homme de chair et de sang, de pleurs et d’amitié et qu’il s’agit de Dieu. Pourquoi Dieu ? Pourquoi devait-il entrer ans Jérusalem assis ainsi sur un âne ? Pourquoi allait-il rompre le pain et pourquoi allons-nous partager le pain et le vin ? Pourquoi fallait-il et fallait-il qu’il fut trahi, livré, interrogé, frappé, tabassé, torturé, crucifié, achevé, enseveli ? et nous face à lui. Pourquoi nous est-il dit qu’il est ressuscité et qu’est-ce que cela fait ? Aujourd’hui, une fois de plus nous étalons sur la table le jeu de la semaine sainte et chacun se choisi un pion qu’il pose sur la case départ. Pas de dé, c’est le jeu de l’âne, pas celui des petits chevaux : nous avançons tous au même pas. Mais qui va gagner et qu’est-ce qu’on gagne ? Jésus entre dans le jeu. Voici Jérusalem. Cartes sur table. Rien dans les poches, rien ne va plus : les jeux sont prêts. Choisissez mesdames et messieurs, choisissez une carte ou plutôt dites-moi un chiffre entre un et 32 ou mieux encore exceptionnellement aujourd’hui, nous reprendrons les cartes les unes après les autres. [le prédicateur retourne 13 cartes = tous les trèfles et les carreaux à l’exception du roi de carreaux] Voici les cartes : ce ne sont que trèfles et carreaux, feuilles et carrés. feuilles des arbres agités par les disciples, carrés de tissus posés sur la route. Fête des formes et des couleurs. Branches sur fond de ciel, tissus sur fond de terre. Cadre tracé à la hâte pour celui qui vient. [le prédicateur retourne une carte : valet de cœur] Un valet précède le roi qui va venir, un valet, un serviteur, appelons-le disciple. Un disciple a coupé une branche et s’est dépouillé de son vêtement. Il a mis tout son cœur dans cette fête. Il n’imagine pas la suite de l’histoire. Il se réjouit et nous avec lui. Il proclame : « il vient, le roi de gloire ». [le prédicateur retourne une carte : roi de cœur] Il vient le roi de cœur. Un roi sans garde, sans char, sans même un cheval. Il est vrai qu’en Israël c’est l’âne, la monture des rois. Il vient et tous l’acclament, mais lui ne dit rien. Il est comme leur jeu. Lui qui toujours marche à pieds, le voilà porté, hissé, assis sur les vêtements des autres, le voilà montré et silencieux. Vers quel château de cartes emmène-t-on le roi de cœur ? Croit-il vraiment qu’ils vont le porter au pouvoir ? Et eux croient-ils vraiment qu’ils vont pouvoir remplacer les puissants et mettre le prophète de Galilée à la place ? [le prédicateur retourne une carte : roi de pique] Ils croient en lui car derrière lui, derrière le roi de cœur se profile le roi de pique. Allez savoir pourquoi, dans nos jeux, le roi de Pique tient une harpe à la main et son nom nous est donné : David. Derrière Jésus, c’est David qu’ils acclament. Un David qui entre aussi dans Jérusalem, un David qui danse à en perdre le souffle. Un David à peine vêtu. Un roi joyeux au sein de son peuple. Un roi, le roi, sans garde et sans cheval. Le roi qui vient. Hosanna ! Ça veut dire « Sauve donc », « Sauve nous Seigneur notre Dieu. »! [le prédicateur retourne une carte : reine de cœur] Et voici alors une nouvelle carte qui vient à notre rencontre. Judith, la dame de cœur. Judith un nom qui signifie : la juive, la judéenne. Fille de Jérusalem, réjouis-toi, il vient ton roi humble et monté sur le dos d’un ânon, le petit d’une ânesse. La foule se presse. La fête passe. Trèfles, cœurs et carreaux, le grand jeu, le beau jeu, le jeu de la vie. [le prédicateur retourne une carte : Joker] Joker. Que vient-il faire ici ? Un fou dans ce jeu de fous. Jésus serait-il prince des fous. Le joker -on le sait- remplace toutes les cartes, remplace n’importe quelle carte. Qui se cache sous le joker ? Qui fait le fou aujourd’hui et montrera un autre visage demain ? Sait-il déjà celui qui met ses pas dans ceux de son maître que bientôt ses pieds vont l’emmener dans les arrière cours du temple négocier pour trente deniers la vie du roi qui vient. [le prédicateur retourne une carte : roi de carreau] Car plus loin ou de plus haut, on observe la scène. Le roi de carreau se nomme toujours César. Sur cette carte et pour aujourd’hui, on ne voit pas ses mains. Il les tient dans ses poches, dans son dos, que tient-il dans ses mains ? Cartes sur table. Rien ne va plus les jeux sont prêts. Les voilà. Ils sont là. Une fois enlevées les trèfles et les carreaux. Une fois la fête dépouillée des branches et des vêtements, les voilà. César qui cache encore son jeu, le fou avec dans la tête on ne sait quel projet, la dame de Jérusalem, foule de ceux qui acclament aujourd’hui et demain hurlent avec les fous, les valets, disciples ardents mais demain tremblants et cachés, et descendu de son âne, et bientôt portant la croix comme il vient d’être porté, le roi de cœur. Pourquoi Jésus devait-il entrer ainsi dans Jérusalem, juché sur un âne ? Pourquoi vient-il rompre notre pain et le partager avec nous, pourquoi ce vin couleur de sang ? Parce que Dieu vient habiter nos fêtes, nos espérances, nos peurs, notre mort et nos morts, alors nos peurs, nos fêtes, nos espérances et chacun de nos jeux s’en retrouvent différents même s’ils semblent semblables et répétés . Pourquoi est-il entré ? Il ne dit rien. Il est entré. Il est entré chez nous. Il est passé par cette porte-là dans cette ville là, dans cette histoire qui n’était pas la-nôtre et que nous avons dû apprendre. Il a fait sienne une joie et une souffrance qu’il ne connaissait pas mais qui sont les-nôtres. Parce qu’il a fait de son histoire un peu de notre histoire, c’est ainsi que nous le rencontrons, dans ce récit, dans ces fêtes tristes ou joyeuses que nous nous préparons à vivre. Hosanna au fils de David. Il vient, cette semaine encore mais à nouveau. C’est la sainte semaine. C’est pour nous et pour la multitude en rémission des péchés. Amen
Textes : Luc 19, v. 28 à 44 Psaume 48 Ésaïe 50, v. 4 à 7 Philippiens 2, v. 6 à 11Pasteur Jean-Pierre SternbergerTélécharger le document au complet
Dimanche des Rameaux
28 | Après avoir ainsi parlé, il partit en avant et monta vers Jérusalem. |
29 | Lorsqu’il approcha de Bethphagé et de Béthanie, près du mont dit des Oliviers, il envoya deux de ses disciples, |
30 | en disant : “Allez au village qui est en face; quand vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme ne s’est jamais assis; détachez-le et amenez-le. |
31 | Si quelqu’un vous demande : « Pourquoi le détachez-vous ? », vous lui direz : « Le Seigneur en a besoin. »” |
32 | Ceux qui avaient été envoyés s’en allèrent et trouvèrent les choses comme il leur avait dit. |
33 | Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : “Pourquoi détachez-vous l’ânon ?” |
34 | Ils répondirent : “Le Maître en a besoin.” |
36 | Et ils l’amenèrent à Jésus. Puis ils jetèrent leurs vêtements sur l’ânon et firent monter Jésus. |
37 | A mesure qu’il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin. |
38 | Ils disaient : “Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire dans les lieux très hauts !” |
39 | Quelques pharisiens, du milieu de la foule, lui dirent : “Maître, reprends tes disciples !” |
40 | Il répondit : « Je vous le dis, si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront ! » |
41 | Quand, approchant, il vit la ville, il pleura sur elle |
42 | en disant : « Si tu avais su, en ce jour, toi aussi les choses de ta paix …mais maintenant cela est caché à tes yeux. |
43 | Car des jours viendront sur toi où tes ennemis t’entoureront de barricades, t’encercleront et t’enserreront de tous côtés; |
44 | ils t’écraseront toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas connu le temps de ta visitation. » |
Notes bibliquesOn parle à propos de ce jour et de ce texte des rameaux. Les allemands nomment ce jour Palmsonntag, ce qui est plus conforme au texte qui évoque les palmes coupées par les disciples enthousiastes. Le texte toutefois lui préfère parler du jour de la visite. « Tu n’as pas connu, dit Jésus à Jérusalem le temps de ta visite ». Car il s’agit bien d’une visite, une visite officielle, celle d’un chef d’état de passage dans une capitale, comme celle d’un président français en tournée africaine : on a déroulé le tapis rouge, on a distribué des drapeaux aux enfants des écoles, on les a massés le long du cortège officiel, on leur a fait chanter des chansons tout y est. Tout y est mais tout est différent. En fait de tapis rouge, ce sont les vêtements de ses disciples qui sont posés sur l’âne et sur la route. Les enfants sont grands; ils ne sortent pas des écoles du quartier mais viennent de loin pour le pèlerinage, ils n’ont pas de drapeaux dans les mains mais des palmes, des branches d’arbres coupés ici et là, ils ne chantent pas de simples chansons mais des psaumes, ils n’accueillent pas un chef d’état de passage mais le messie fils de David annoncé par les prophètes. Cette visite revêt ainsi à la fois le caractère d’une fête spontanée où on utilise ce qu’on a sous la main, des vêtements, des branches … et celui d’un évènement depuis longtemps annoncé et attendu, un accomplissement. Jésus est attendu à Jérusalem, trois fois attendu et salué. Il est d’abord salué par la foule des disciples. Ils sont montés comme lui à la fête, ils accueillent à Jérusalem celui qu’ils ont connu et entendu en Galilée. Il est aussi salué et accueilli par des gens qui ne le connaissent que de réputation, des gens de Jérusalem comme ces propriétaires de l’âne à qui il suffit qu’on dise « son maître en a besoin » pour qu’ils le laissent emmener ou encore, ces pharisiens qui sont dans la foule mais trouvent que cette foule va trop loin. Ces pharisiens choqués ou prudents appellent Jésus « maître », c’est à dire ici « enseignant » et non « seigneur ». Ils ne sont pas de ses disciples mais reconnaissent en lui un professeur de religion à l’égal de nombreux autres qui enseignent dans les synagogues de Jérusalem ou de province.Jésus est enfin accueilli et salué par la bible même puisque ses disciples et ce disciple qui rédige cette page de l’évangile de Luc est tout imprégné du texte de l’oracle du prophète Zacharie lorsqu’il écrit cette page.Ce jour là, à Jérusalem, tout semble converger vers Jésus, les regards de ses disciples, ceux des curieux, et peut-être même aussi ceux sadducéens, des partisans d’Hérode et des Romains qui ne sont jamais loin et rendent inquiets les pharisiens curieux. Ce jour là cette visite de Jésus constituait l’évènement principal de la journée, un évènement attendu et improvisé à la fois, une fête un peu folle mais pourtant pleine de sens. Pourtant, à l’issue de fête, Jésus s’adresse à Jérusalem et lui dit « tu n’as pas connu le temps de ta visite … ». Les hommes se sont tu et les pierres vont se mettre à crier. Les hommes se sont tu, il ne resta plus à Jérusalem pierre sur pierre. Il y a dans toute fête un revers de tristesse. A chaque Noël nous prenons conscience de l’absence d’amis, chaque anniversaire nous rappelle le temps qui passe, chaque fois que nous partageons le pain et le vin du repas du Seigneur, nous savons que tous n’ont pas accès à la nourriture, au logement, au travail. Au soir de cette fête qui pourrait être considérée comme son triomphe, Jésus pleure sur Jérusalem comme pour un rendez-vous manqué. Quand l’évangéliste rappelle les mots du Christ, Jérusalem est ruinée, le temple détruit. On ne peut revenir en arrière mais comprendre le passé, c’est déjà prévoir le futur et prévenir le mal. Si toute fête a un revers de tristesse, elle a aussi une signification profonde. Celle des Rameaux est tout aussi importante pour nous que pour les premiers disciples de Jésus. Car on ne peut parler des Rameaux sans mentionner la fête juive de Soukkot, la fête des cabanes. Si nous n’étions pas au printemps et à une semaine de Pâques, tout dans ce texte nous ramènerait à l’automne et à cette grande fête juive. C’est à cette occasion dans le judaïsme qu’on brandit des palmes et des branches d »arbres dont on construit des cabanes, c’est à ce moment là qu’on chante le psaume 118 cité dans notre texte de l’évangile, c’est alors que retentit à la synagogue le cri « Hosanna », « sauve ». On a souvent souligné la versatilité de la foule qui acclame Jésus aux Rameaux et crie « crucifie-le », au soir du jeudi saint. Mais qui sait si les évangélistes n’ont pas rapproché en une seule semaine des évènements qui se sont déroulés à des mois d’intervalles. Jésus est monté bien des fois à Jérusalem, les 3 premiers évangiles, à la différence de Jean, n’en mentionnent qu’une seule. Pourquoi les rameaux ne se seraient-ils pas produits en automne ? Toujours est-il que ce récit est tout empreint de l’ambiance et de la signification de la fête des cabanes qui commémore le temps passé dans le désert avec Moïse. A Soukkot on lit à la synagogue l’Ecclésiaste, « vanité des vanités, tout est vanité » mais cela n’a rien de triste. On se souvient joyeusement que l’être humain ne saurait construire autre chose qu’une cabane, un abri provisoire et que tous nos palais, nos temples, nos édifices destinés à affronter les siècles et nos institutions les plus sacrées ne sont que des cabanes renforcées destinées elles aussi tôt ou tard à disparaître, emportée par les vents du désert. Et voilà qu’à cette occasion, ou en reprenant pour lui toutes les caractéristiques de cette fête des cabanes vient un homme monté sur âne, un âne qui n’est même pas à lui, un âne qu’on lui a prêté pour l’occasion, un roi sans couronne, salué par des branches qui demain serviront à allumer le feu, marchant non sur des tapis mais sur les vêtements de gens de passage, un homme semblable en cela à David dansant nu devant l’arche, monté sur un âne comme Salomon sur l’ânesse de son père (1 Rois 1), humble et victorieux comme le messie annoncé par Zacharie. Un fils de l’homme vient et annonce qu’est venu le temps de vivre autrement. Tel pourrait être le sens de cette fête des rameaux : Il est temps pour les puissants de vivre autrement en sachant toute la fragilité de leurs palais et de leurs assurances. Il est temps pour les petits de vivre autrement libérés de la peur qui tient les pharisiens muets. Il est temps pour les croyants de se rappeler que tous nos systèmes et nos crédos ne sont que des huttes, des constructions provisoires faites avec les matériaux trouvées au bord du chemin. Il est temps pour ceux qui doutent de rassembler des morceaux de vérité éparses pour voir si par hasard, ils ne donneraient pas une vraie direction. Il est temps. Il est temps et il est important pour nous de ne pas manquer le rendez-vous que nous donne ce texte, de ne pas louper cette visite de Jésus, le roi humble, pauvre, bientôt crucifié. Lui seul nous sauve et non les pierres que nous aurons cru solides. Pour avoir cru en ses pierres, en son temple, Jérusalem les a entendu crier et a vu crouler ses murs et sa splendeur. Voilà donc ce qui est solide : le pas d’un âne qui porte un homme, la joie des gens qui marchent ensemble, partageant richesses et pauvreté, chants et feux nomades. Nous ne sommes rien d’autres que des nomades. Apprenons donc à être de bons nomades avec un roi nomade lui aussi, un roi qui n’a pas de lieu où reposer sa tête, monté sur un âne pour faire taire tous ceux qui paradent en char. PrédicationPour cette prédication, je proposerai un dispositif un peu particulier propre à maintenir l’attention de nos auditeurs. Je suggère au prédicateur de se munir d’un jeu de 32 cartes qu’il aura préparé au préalable de la manière suivante : sur le dessus du jeu seront réunies toutes les cartes de trèfles et de carreaux à l’exception du roi de carreau, puis sert placées dans l’ordre : valet de cœur, roi de cœur, roi de pique, dame de cœur, Joker, roi de carreau.C’est l’histoire reprise chaque année. Les acteurs sont familiers et nous savons déjà ce qui se joue entre eux. Nous entrons par la grande porte de Jérusalem dans le jeu de la passion, un jeu et une histoire tissée de grands fils de joie et de lanières de peur, de liens de souffrance, peut-être même de désespoir et tout au bout de cette semaine, répercuté d’âge en âge et pourtant inouï, l’appel de la résurrection. Une semaine c’est court, trop court pour dire la passion de Dieu pour l’être humain, la passion de Dieu pour tout ce qui se joue entre les hommes; la passion de Dieu à déjouer les pièges du malheur et de la peur des hommes. Aujourd’hui à la suite d’un petit âne nous foulons les vêtements et les branches disposés par les disciples. Nous mettons nos pas dans les millions de pas qui ont usé des milliers de chemins de croix. Nous nous préparons à assister une fois de plus au jeu de la passion, agitant les branches aujourd’hui, recevant le pain et le vin jeudi, pleurant le fils vendredi, silencieux samedi, réveillés dimanche. Nous nous coulons dans le rythme de ce jeu qui nous fait passer par tant de sentiments. Et une fois de plus nous jouons sans tricher car nous savons au plus profond de nous que ce qui se joue cette semaine est au cœur de l’histoire mais aussi au delà de l’histoire, puisqu’il s’agit bien d’un homme de chair et de sang, de pleurs et d’amitié et qu’il s’agit de Dieu.Pourquoi Dieu ? Pourquoi devait-il entrer ans Jérusalem assis ainsi sur un âne ?Pourquoi allait-il rompre le pain et pourquoi allons-nous partager le pain et le vin ?Pourquoi fallait-il et fallait-il qu’il fut trahi, livré, interrogé, frappé, tabassé, torturé, crucifié, achevé, enseveli ? et nous face à lui. Pourquoi nous est-il dit qu’il est ressuscité et qu’est-ce que cela fait ?Aujourd’hui, une fois de plus nous étalons sur la table le jeu de la semaine sainte et chacun se choisi un pion qu’il pose sur la case départ. Pas de dé, c’est le jeu de l’âne, pas celui des petits chevaux : nous avançons tous au même pas. Mais qui va gagner et qu’est-ce qu’on gagne ? Jésus entre dans le jeu. Voici Jérusalem. Cartes sur table. Rien dans les poches, rien ne va plus : les jeux sont prêts. Choisissez mesdames et messieurs, choisissez une carte ou plutôt dites-moi un chiffre entre un et 32 ou mieux encore exceptionnellement aujourd’hui, nous reprendrons les cartes les unes après les autres. [le prédicateur retourne 13 cartes = tous les trèfles et les carreaux à l’exception du roi de carreaux]Voici les cartes : ce ne sont que trèfles et carreaux, feuilles et carrés. feuilles des arbres agités par les disciples, carrés de tissus posés sur la route. Fête des formes et des couleurs. Branches sur fond de ciel, tissus sur fond de terre. Cadre tracé à la hâte pour celui qui vient. [le prédicateur retourne une carte : valet de cœur]Un valet précède le roi qui va venir, un valet, un serviteur, appelons-le disciple. Un disciple a coupé une branche et s’est dépouillé de son vêtement. Il a mis tout son cœur dans cette fête. Il n’imagine pas la suite de l’histoire. Il se réjouit et nous avec lui. Il proclame : « il vient, le roi de gloire ».[le prédicateur retourne une carte : roi de cœur]Il vient le roi de cœur. Un roi sans garde, sans char, sans même un cheval. Il est vrai qu’en Israël c’est l’âne, la monture des rois. Il vient et tous l’acclament, mais lui ne dit rien. Il est comme leur jeu. Lui qui toujours marche à pieds, le voilà porté, hissé, assis sur les vêtements des autres, le voilà montré et silencieux. Vers quel château de cartes emmène-t-on le roi de cœur ? Croit-il vraiment qu’ils vont le porter au pouvoir ? Et eux croient-ils vraiment qu’ils vont pouvoir remplacer les puissants et mettre le prophète de Galilée à la place ? [le prédicateur retourne une carte : roi de pique]Ils croient en lui car derrière lui, derrière le roi de cœur se profile le roi de pique. Allez savoir pourquoi, dans nos jeux, le roi de Pique tient une harpe à la main et son nom nous est donné : David. Derrière Jésus, c’est David qu’ils acclament. Un David qui entre aussi dans Jérusalem, un David qui danse à en perdre le souffle. Un David à peine vêtu. Un roi joyeux au sein de son peuple. Un roi, le roi, sans garde et sans cheval. Le roi qui vient. Hosanna ! Ça veut dire « Sauve donc », « Sauve nous Seigneur notre Dieu. »! [le prédicateur retourne une carte : reine de cœur]Et voici alors une nouvelle carte qui vient à notre rencontre. Judith, la dame de cœur. Judith un nom qui signifie : la juive, la judéenne. Fille de Jérusalem, réjouis-toi, il vient ton roi humble et monté sur le dos d’un ânon, le petit d’une ânesse. La foule se presse. La fête passe. Trèfles, cœurs et carreaux, le grand jeu, le beau jeu, le jeu de la vie. [le prédicateur retourne une carte : Joker]Joker. Que vient-il faire ici ? Un fou dans ce jeu de fous. Jésus serait-il prince des fous. Le joker -on le sait- remplace toutes les cartes, remplace n’importe quelle carte. Qui se cache sous le joker ? Qui fait le fou aujourd’hui et montrera un autre visage demain ? Sait-il déjà celui qui met ses pas dans ceux de son maître que bientôt ses pieds vont l’emmener dans les arrière cours du temple négocier pour trente deniers la vie du roi qui vient. [le prédicateur retourne une carte : roi de carreau]Car plus loin ou de plus haut, on observe la scène. Le roi de carreau se nomme toujours César. Sur cette carte et pour aujourd’hui, on ne voit pas ses mains. Il les tient dans ses poches, dans son dos, que tient-il dans ses mains ? Cartes sur table. Rien ne va plus les jeux sont prêts. Les voilà. Ils sont là. Une fois enlevées les trèfles et les carreaux. Une fois la fête dépouillée des branches et des vêtements, les voilà. César qui cache encore son jeu, le fou avec dans la tête on ne sait quel projet, la dame de Jérusalem, foule de ceux qui acclament aujourd’hui et demain hurlent avec les fous, les valets, disciples ardents mais demain tremblants et cachés, et descendu de son âne, et bientôt portant la croix comme il vient d’être porté, le roi de cœur.Pourquoi Jésus devait-il entrer ainsi dans Jérusalem, juché sur un âne ?Pourquoi vient-il rompre notre pain et le partager avec nous, pourquoi ce vin couleur de sang ?Parce que Dieu vient habiter nos fêtes, nos espérances, nos peurs, notre mort et nos morts, alors nos peurs, nos fêtes, nos espérances et chacun de nos jeux s’en retrouvent différents même s’ils semblent semblables et répétés .Pourquoi est-il entré ? Il ne dit rien. Il est entré. Il est entré chez nous. Il est passé par cette porte-là dans cette ville là, dans cette histoire qui n’était pas la-nôtre et que nous avons dû apprendre. Il a fait sienne une joie et une souffrance qu’il ne connaissait pas mais qui sont les-nôtres. Parce qu’il a fait de son histoire un peu de notre histoire, c’est ainsi que nous le rencontrons, dans ce récit, dans ces fêtes tristes ou joyeuses que nous nous préparons à vivre.Hosanna au fils de David. Il vient, cette semaine encore mais à nouveau.C’est la sainte semaine. C’est pour nous et pour la multitude en rémission des péchés.Amen