Textes : Lévitique 20, v. 1 à 27 Psaume 138 Ésaïe 6, v. 1 à 8 1 Corinthiens 15, v. 1 à 11 Luc 5, v. 1 à 11Pasteur François DietzTélécharger l’ensemble du document

Notes bibliquesÉsaïe :Dans la Bible, il y a des grands et des petits prophètes et aussi des faux prophètes. L’une des « qualités » des prophètes est leur humilité : Jérémie se sent incapable de parler, mais puisque Dieu a pris l’initiative de le choisir, c’est Dieu aussi qui l’inspirera et lui donnera la force nécessaire. Isaïe, lui, est saisi par un sentiment d’indignité ; mais là encore, puisque c’est Dieu qui l’a choisi, c’est Dieu aussi qui le purifiera. C’est dans la proximité de Dieu, dans « sa sainteté » (Ésaïe ne semble pas pouvoir lever les yeux) qu’Ésaïe prend conscience de son état de péché (je suis un homme aux lèvres impures (v. 5) ) et reçoit comme une déclaration de pardon par le séraphin qui lui permet enfin de parler. De façon paradoxale, c’est quand Ésaïe se rend compte de la distance entre lui et Dieu que s’ouvre la possibilité pour lui de recevoir le pardon. Et ce pardon, décrit comme une braise ardente, laisse une marque indélébile sur sa vie. Psaume 138 Il se dégage de ce psaume une impression très particulière, très douce, de joie profonde et de sérénité. Dès le premier verset, tout est dit. Par exemple, l’expression « rendre grâce» est répétée : « De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce »… « Je rends grâce à ton nom ». Le croyant est celui qui vit dans la grâce de Dieu et qui le reconnaît tout simplement.C’est cette fidélité de Dieu que le psalmiste chante inlassablement, individuellement ou collectivement comme on pense que le faisait le peuple en venant au Temple de Jérusalem : « Vers ton temple sacré je me prosterne » … le décor ici est le même que dans le récit de la vocation d’Ésaïe donnée comme première lecture… et le psaume continue : « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité ». A la fin du psaume, nous retrouvons une autre expression de cette prise de conscience de l’amour de Dieu : « éternel est ton amour. Il se termine par une prière : « n’arrête pas l’œuvre de tes mains », ce qui veut dire « continue malgré nos infidélités répétées » ; il faut lire ensemble les deux phrases « Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. » C’est parce que l’amour de Dieu est éternel que nous savons qu’il n’arrêtera pas «l’œuvre de ses mains ».1 Co 15, 1-11 « Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu… » dit Paul. C’est donc sans doute que la formule qui suit (v3-4) est une confession de foi primitive qui ne parle que de la résurrection. On ne répétera jamais assez combien le lendemain de Pâques est le surgissement- de quelque chose d’inattendu. Plus qu’une religion qui cherche Dieu, c’est encore une fois ici Dieu qui rejoint l’homme qui ne s’y attend pas. Paul ne faisait pas partie de l’équipe initiale. Bien plus, c’était un adversaire de cette secte juive déviante qu’il combattait. Et c’est sur le chemin de Damas que le christ se fait reconnaître de lui.Certains commentateurs mettent en parallèle un passage du prophète Osée (Os 6, 1 – 6) ou Marc (Mc 8, 31) pour faire le lien avec les Écritures. Mais on peut aussi entendre par cette formule autrement qu’une attestation scripturaire rigoureuse : la formule « selon les Écritures » signifie que tout ce qui est arrivé est conforme au dessein bienveillant de Dieu ; on pourrait remplacer ici le mot « Écritures » par le mot « projet de Dieu » ou « promesse de Dieu ». Je laisse de côté la délicate question de « la mort pour nos péchés » car cette lecture aboutit le plus souvent à une compréhension sacrificielle… Et je remets en lumière le côté paradoxal voire scandaleux de la grâce car c’est à un persécuteur de l’Église naissante que ce message advient : il suffit de croire au pardon pour être pardonné… Voilà la merveille de l’amour de Dieu pour l’humanité, un amour sans conditions, un amour sans cesse offert. C’est cela qu’en théologie, on appelle la « grâce ». Une grâce qu’il nous suffit d’accepter. C’est pourtant cette Bonne Nouvelle que Paul leur a annoncée et par laquelle « ils tiennent le coup ». A noter également que « l’Évangile » a déjà ici le sens de « résumé de la Bonne Nouvelle », mais il n’est pas encore tel que nous le connaissons aujourd’hui, car Paul écrit une vingtaine d’années au moins avant que le premier évangile n’ait été rédigé, et il dispose déjà de recueils mis en forme pour l’annonce de l’Évangile. Paul s’inscrit dans la tradition : en annonçant la Mort-Résurrection du Christ, il se réfère comme apôtre à la tradition qui rapporte l’événement pascal du Christ et la tient au cœur de la foi chrétienne.Luc 5, 1-11Sans doute qu’en rapprochant le texte d’Esa¨¨ie de celui de Luc, l’intention est de mettre en parallèle deux récits de vocation. Les deux sont subitement mis en présence de Dieu (Ésaïe) ou de la présence de Dieu (Pierre…. Je parle de « présence de Dieu » plutôt que de Dieu pour ceux qui comme moi ont bien du mal à adopter une stricte égalité entre Dieu et Jésus) Tous les deux encore ont la même réaction devant cette irruption de Dieu dans leur vie ; tous les deux ont une même conscience de la sainteté de Dieu et de l’abîme qui nous sépare de lui. Et leurs expressions à tous les deux se ressemblent beaucoup : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur », dit Pierre ; quand Ésaïe disait « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures ; et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! »On peut aussi se demander si ce texte se place dans une bonne chronologie, à savoir la première rencontre de Jésus et de Pierre. Car, si on peut bien comprendre que la réputation de Jésus ait pu parvenir jusqu’à Pierre et les pêcheurs autour de lui, on ne comprend pas pourquoi Jésus monte dans la barque sans y avoir été invité. Dans les rencontres de Jésus, ce n’est pas souvent lui qui prend l’initiative mais celui ou celle avec qui il dialogue. Au fond, on a l’impression déjà d’une certaine connivence avec Pierre. Et ce récit est en fait une métaphore qui fait passer Pierre du statut de pêcheur de poissons à celui de pêcheur d’hommes.« Ce sont des hommes que tu prendras » (v 10). En grec, le sens du mot employé ici est « prendre vivant » ; quand il s’agit de poissons, c’est le mot qu’on emploie pour la pêche au filet : capturer des poissons, les arracher à la mer, c’est les tuer parce que la mer est leur milieu naturel… Mais quand il s’agit des hommes que l’on arrache à la mer, il signifie sauver : prendre vivants des hommes, les arracher à la mer, c’est les empêcher de se noyer, c’est les sauver. Un mot est à mettre en lumière, celui de « confiance » : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. » (v 5). Pour que la pêche soit miraculeuse, il suffit de croire en Lui.Quelques pistes de prédication :On peut esquisser 3 idées selon qu’on se centre sur la foule, Jésus, ou les pêcheurs, figures de disciples : *La foule Elle se presse autour de Jésus. On pourra réfléchir autour du mot presser. Se presser, c’est se dépêcher, se hâter. Comme lorsqu’il y a urgence! On se presse lorsqu’on est en retard mais aussi lorsqu’on ne veut pas rater quelque chose d’important, lorsqu’on veut être au premier rang. Se presser autour, c’est aussi venir en grand nombre, se tasser, être serrés les uns contre les autres et donc exercer une pression sur… On presse les olives pour en extraire l’huile précieuse qui nourrit, soigne, soulage,…. La foule se presse autour de Jésus pour être guérie, enrichie, soulagée,…, pour recevoir en son cœur la substantifique moelle. La foule se presse pour écouter la Parole de Dieu. La foule aurait pu aller à la synagogue ou rencontrer un scribe, spécialiste de l’écriture… Mais c’est vers Jésus qu’elle choisit librement de marcher. Pour elle, il est comme un trésor, comme une source de lumière, comme un arbre couvert de fruits… Écoutez! Le premier mot de la prière juive du Shema Israël. C’est dire si ce mot est important! La foule fait silence… Elle prend du temps pour s’asseoir, se poser, écouter… La foule prend du temps pour laisser Dieu éclore en sa vie. Dans nos vies : Pour qui ou pour quoi se presse-t-on? Que considère-t-on comme important? Sait-on faire silence pour écouter? Invitation aux pauses spirituelles….** Jésus: Il se tient au bord du lac. Dans l’antiquité, pour de nombreux peuples, lacs et mers symbolisaient le domaine du mal, de la souffrance, de la mort… Jésus se tient au bord du lac près de la foule, puis il monte dans une barque et s’éloigne un peu de la rive. Un peu comme s’il voulait donner l’exemple. Même si la raison de l’éloignement relatif de Jésus semble technique (pour être mieux entend, Jésus semble nous dire encore aujourd’hui: « Tu peux vivre ta vie sans trop te mouiller, en restant dans ton cocon étanche, imperméable au malheur, aux souffrances des autres. Tu peux aussi oser un pas, t’éloigner un peu du bord de ta vie préservée, regarder vers ce monde vers lequel tu n’oses pas toujours marcher. » Jésus invite la foule à un petit déplacement, à un petit dépassement. Puis, il se tourne vers un autre groupe d’hommes. À ceux-là, il demande plus. A ceux-là, il demande d’avancer là où l’eau est profonde, sombre, inconnue. Dans un lieu de dangers et de solitude. Jésus voit : il voit la foule et son attente, et sait répondre à cette attente. Il voit aussi ceux qui sont déjà près de la rive et qui peuvent aller plus loin. Jésus sait voir les besoins des uns et les trésors à partager des autres. Il ne demande donc pas à tous la même chose mais à chacun selon ses capacités. C’est à Pierre et pas aux autres que Jésus lance son appel. Jésus parle : Il donne un enseignement ; il offre à la foule la Parole de Dieu, la Parole d’Amour. Tout en parlant, il invite à un déplacement et à un dépassement plus grand. Parole et action sont liées. Jésus n’abandonne pas les hommes; il les accompagne dans le dépassement (il va au large avec Simon et ses compagnons). La parole de Jésus est encourageante, apaisante : « N’aie pas peur! » Dans nos vies: Osons-nous faire un pas vers la nuit, les difficultés, l’obscurité de l’autre ? Osons-nous une parole de pardon, de réconciliation ? Un pas vers celui qui est différent? Osons-nous aller un peu plus loin, un peu plus profond dans notre façon d’être avec l’autre? Savons-nous voir et accepter ceux qui nous entourent comme ils sont, là où ils sont rendus? Marchons-nous au rythme de l’autre? Entendons-nous la voix: « N’aie pas peur! »? Se sent-on accompagnés? *** Les disciples : Ils sont près de la rive; ils reviennent du large; ils ont peiné toute la nuit. Maintenant, ils sont là fatigués, épuisés et sans doute déçus, découragés par le temps passé en mer pour rien. Pourtant, ils trouvent encore le courage d’écouter, d’entendre, de répondre à un appel et de repartir. Malgré tout, ils font confiance… Malgré tout, il donne encore de leur temps, de leur vie… Et dans cet abandon, cette persévérance dans la confiance, ce « donner encore », ils reçoivent pleinement, abondamment, merveilleusement! Le Don de Dieu est Immense, Débordant, Généreux, rien ne peut le contenir. Il dépasse tout ce que l’on peut imaginer, il dépasse tout ce que l’on a pu désirer. Face à Lui, on ne peut que se mettre à genoux, naturellement, sans y être poussé. Les pêcheurs sont illuminés à l’intérieur d’eux-mêmes. Quelque chose de plus Grand, de plus Haut, de plus Saint a pénétré leur âme. C’est un peu comme si leur don, leur abandon avait permis un don plus Généreux encore, celui du Ciel qui s’ouvre jusqu’à venir toucher la terre de sa Grâce. Que faire maintenant sinon quitter ses habitudes et marcher vers les hommes afin que tous fassent cette merveilleuse rencontre et laissent tout pour suivre Jésus… Un changement de nom indique une nouvelle naissance, un départ vers une nouvelle vie. Simon devient Simon Pierre lorsqu’il voit et lorsqu’il voit, il tombe à genoux. Simon est dans l’émerveillement! (Dans le premier Testament, la crainte disait la stupeur devant La Transcendance). Dans nos vies : donner encore… Parfois, nous donnons. Mais savons- nous donner encore? Donner au moment où l’on rentre se reposer. Donner alors que les filets viennent d’être rentrés et lavés. Donner alors que nous avons déjà donné et que cela n’a servi à rien.PREDICATIONParfois j’aimerais bien remonter le temps pour assister à quelques événements dont parlent les Évangiles : au moment de Pâques pour comprendre comment la foule a pu être manipulée par quelques conspirateurs et demander la libération de Barabbas plutôt que celle de Jésus, ou comme aujourd’hui avec notre texte de pêche miraculeuse pour vérifier si nous ne faisons pas fausse route. Car nous le savons bien, aucun des quatre évangélistes n’est reporter, journaliste, chacun des quatre veut transmettre un ou des messages. Mais parfois il y en a tellement de différents que nous n’arrivons pas à trouver celui qui est essentiel. Les textes qui nous sont parvenus ne sont donc pas des images prises en direct mais des mises en scène. Et vous savez bien qu’entre l’événement et le récit d’un événement lui-même, il y a de suite un décalage. Nous ne saurons donc rien de ce qui s’est passé ce jour là au bord du lac de Génésareth ou plutôt nous n’en savons que ce qui a de l’importance aux yeux de Luc : un discours de Jésus à une foule nombreuse au bord de la rive, des pêcheurs rentrés bredouilles et fatigués, une rencontre et quelques mots échangés entre Jésus et Pierre…Si j’étais un spécialiste de la communication, je soulignerais l’ingéniosité de Jésus qui sait comment s’y prendre pour se faire entendre d’un groupe. Pas trop près, pas trop loin, utiliser comme ici les amplificateurs (et l’eau, surtout si elle est calme, est un bon conducteur…). Mais déception, ce n’est sans doute pas par là qu’il faut regarder car ce n’est pas comment Jésus parle qui est intéressant mais ce qu’il dit. Ailleurs, nous le savons. Chez Luc comme chez Matthieu, nous avons pour ainsi dire son programme (le sermon sur la montagne pour Mt, le sermon dans la plaine pour Lc). Mais chose étonnante de nouveau, ici nous ne saurons rien.Vers où se tourner alors ? Vers Pierre dont c’est sans doute la première rencontre avec Jésus. Peut-^^être a-t-il entendu parler de Jésus ou peut-être pas ? Pierre qui peut-être se serait bien passé de cette rencontre, en tout cas ce jour-là, rentré avec ses compagnons de travail d’une session infructueuse, les filets vides, à peine de quoi survivre. Bref, quand cela arrive, on a envie de pleurer, de se coucher, d’oublier ce qui n’a pas été, de s’entendre dire soit « ça ira mieux la prochaine fois » ou plus certainement si c’est moi-même qui le dit « encore un truc comme ça et je ne m’en sortirais pas ». Au moins, il n’y a pas trop de dégâts dans les filets, juste un peu de temps à quand même repriser de ci de là et on ira se reposer. Qu’est-ce qui fait que Pierre n’ait rien dit à Jésus quand celui-ci monta dans sa barque et lui demanda de le mettre à distance de la rive ? Il n’y a pas d’explication, c’est comme quand l’Évangile en d’autres circonstances dit de Jésus qu’il parlait avec autorité. C’est ainsi : il dit et on fait… Plus tard les disciples sortiront les quelques provisions qu’ils ont, 5 pains et 2 poissons ou 7 pains, peu importe, ils les sortiront parce que Jésus leur a dit qu’ils allaient ainsi nourrir la foule venue l’entendre. Jésus dit et les disciples font. Jésus dit et nous faisons.1ere leçon donc, facile, un peu trop facile je trouve et j’ai envie de dire à Luc « où est le miracle » ? Dans le fait que contre toute attente, c’est un charpentier (ou supposé tel) qui donne une sorte de leçon au pêcheur ? Sans doute pas… Alors je mets en lien les deux moments où Jésus parle, à la foule et à Pierre.De ce que Jésus a dit à la foule, nous ne savons rien. Était-ce une ébauche du sermon sur la montagne, qui chez Luc, arrivera un peu plus tard ? Une sorte de discours-programme comme en font les candidats à telle ou telle élection et qui redisent à peu de choses près la même chose ? Nous n’en savons rien ; la seule chose que nous savons c’est que ce que Jésus a proposé dans ses discours, il l’a dit et l’a fait comme pardonner à qui vous ont fait du tort. Si nous ne savons rien de ce discours ni de l’effet sur elle, nous pressentons par contre que ce qu’il a dit à la foule a dû agir sur Pierre car lorsque Jésus lui dit de jeter ses filets dans l’eau profonde, Pierre n’hésite pas.Dans la Bible, la mer est le lieu de tous les dangers et quand notre texte parle d’eaux profondes, c’est aussi pour désigner la situation dans laquelle se trouve Pierre, bredouille, qui ne voit certes pas l’avenir en rose. Et je ne sais pas pour vous, mais pour moi, lorsque j’entends à la radio ou quand je lis un journal dans lequel me sont relatés les faits divers de suicides de personnes qui se sentent acculés (à cause de la perte de travail, de dettes colossales, d’une séparation conjugale, …), je me dis que la voix de Jésus n’est pas venue jusqu’au cœur de ces personnes, qu’ils n’ont pas entendu cette parole sollicitante de Jésus. Alors que pour Pierre, il en a été différemment et par chance pour lui même très différemment. Sans s’y s’être préparé au contraire de la foule qui venait pour entendre Jésus parler, le voici contraint d’écouter un message dont il n’était pas, pensait-il être destinataire. Par quoi a-t-il été séduit, touché ? Par un message ? Par un style ? Sans doute les deux car Celui qui parle se fait transparent au message qu’il délivre. Il se peut même qu’il n’ait pas tout très bien compris, tout retenu de ce que Jésus disait, peut-être s’est-il tout d’un coup senti valorisé du simple fait que Jésus lui ait demandé de l’emmener à quelques coups de rames du rivage ? Quoi, le rabbi a besoin de moi, moi le pêcheur incapable de ramener ce que l’on attend de moi ? Certes, Jésus n’a pas remercié mais c’est parce que l’histoire ne fait que commencer. Ce n’est plus la foule à qui s’adresse Jésus maintenant mais à Pierre.Jésus ne lui demande rien : « alors ça t’a plu ? » ou « qu’as-tu retenu ? » Il ne se fait sans doute aucune illusion sur ce que les personnes entendent et retiennent. S’il y a un message que nous pouvons entendre dans le registre de la communication, et comme cela nous ne nous illusionnerons pas sur ce qui se joue dans la prédication dominicale, c’est que le plus souvent les paroles qui sont dites pour un grand nombre, sauf moment quasi magique n’atteignent pas l’ensemble de l’auditoire. Nous nous souvenons au mieux de 2 ou 3 paroles qui ont été dites parce qu’elles rejoignent une question présente ou tapie dans un coin de notre cerveau ou de notre cœur. Nous nous souvenons bien mieux d’une parole qui un jour nous a été pour ainsi dire offerte par une personne, au détour d’une conversation. C’est vrai dans le cadre d’une relation amoureuse, c’est vrai dans le cadre d’une discussion sur le sens de l’existence. Un jour, quelqu’un a eu pour moi une parole qui m’a fait grandir ou qui m’a éveillé à un pan de l’existence que je ne soupçonnais pas.Je relis cette histoire singulière de Pierre comme une histoire qui peut être celle de chacun et de chacune. Le christ est le christ que s’il est d’abord MON christ. Si je ne ressens pas qu’il vient vers moi, qu’il me relève, alors ma foi est vaine. Nous avons tous noté le glissement entre le « pêcheur » (de poissons) qu’est Pierre et l’état d’homme pécheur. Pierre, au cas où Jésus ne le saurait pas, met son péché en avant, comme pour l’avertir qu’il y a une limite à ne pas franchir. « Je suis pêcheur » dit-il. L’obstacle qu’il croyait infranchissable vole en éclats. Mais nous le savons : l’argument ne porte pas pour Jésus. Jésus rejoint tout homme et toute femme qu’on déclare impur(e) ou qui s’auto proclame impossible candidat au pardon et à la grâce. Celui ou celle qui se cache derrière son péché ne peut pas rester caché(e) quand Dieu lui parle. Même Caïn a droit à une parole de salut. Au contact de Jésus le statut de pécheur, l’être humain qui commet des péchés, s’efface. Et celui qui se cache derrière son péché se trouve investi par Jésus dans un programme qui est tout rempli de vie et d’espérance : « N’aie pas peur, désormais tu seras pêcheur d’hommes ». Cela veut dire qu’il l’invite à se mettre au service des hommes pour construire avec eux des projets qui les font vivre. Quant à son péché, il a disparu à tout jamais car, la parole de Dieu a pour fonction de détruire toute forme de péché quand elle se fait entendre. Tel est le destin de quiconque découvre que quand Jésus parle, c’est comme si Dieu lui-même s’exprimait, et celui qui comprend cela entre dans la vie de Dieu. Les murs se lézardent, la terre tremble, mais pour laisser place à quelque chose d’inattendue : quand je me sentais démuni, dans le désarroi, je ne serai jamais capable de faire le Vendée globe en solitaire, oui j’en suis incapable. Voici qu’un message simple vient à moi : je ne t’ai pas demandé cela mais pourrais-tu me prendre dans ta barque juste pour 3, 4 ou 5 mètres : si c’est oui, alors tu es précieux à mes yeux. N’allons pas plus vite que la musique !

Textes : Lévitique 20, v. 1 à 27 Psaume 138 Ésaïe 6, v. 1 à 8 1 Corinthiens 15, v. 1 à 11 Luc 5, v. 1 à 11Pasteur François DietzTélécharger l’ensemble du document

Notes bibliquesÉsaïe :Dans la Bible, il y a des grands et des petits prophètes et aussi des faux prophètes. L’une des « qualités » des prophètes est leur humilité : Jérémie se sent incapable de parler, mais puisque Dieu a pris l’initiative de le choisir, c’est Dieu aussi qui l’inspirera et lui donnera la force nécessaire. Isaïe, lui, est saisi par un sentiment d’indignité ; mais là encore, puisque c’est Dieu qui l’a choisi, c’est Dieu aussi qui le purifiera. C’est dans la proximité de Dieu, dans « sa sainteté » (Ésaïe ne semble pas pouvoir lever les yeux) qu’Ésaïe prend conscience de son état de péché (je suis un homme aux lèvres impures (v. 5) ) et reçoit comme une déclaration de pardon par le séraphin qui lui permet enfin de parler. De façon paradoxale, c’est quand Ésaïe se rend compte de la distance entre lui et Dieu que s’ouvre la possibilité pour lui de recevoir le pardon. Et ce pardon, décrit comme une braise ardente, laisse une marque indélébile sur sa vie. Psaume 138 Il se dégage de ce psaume une impression très particulière, très douce, de joie profonde et de sérénité. Dès le premier verset, tout est dit. Par exemple, l’expression « rendre grâce» est répétée : « De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce »… « Je rends grâce à ton nom ». Le croyant est celui qui vit dans la grâce de Dieu et qui le reconnaît tout simplement.C’est cette fidélité de Dieu que le psalmiste chante inlassablement, individuellement ou collectivement comme on pense que le faisait le peuple en venant au Temple de Jérusalem : « Vers ton temple sacré je me prosterne » … le décor ici est le même que dans le récit de la vocation d’Ésaïe donnée comme première lecture… et le psaume continue : « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité ». A la fin du psaume, nous retrouvons une autre expression de cette prise de conscience de l’amour de Dieu : « éternel est ton amour. Il se termine par une prière : « n’arrête pas l’œuvre de tes mains », ce qui veut dire « continue malgré nos infidélités répétées » ; il faut lire ensemble les deux phrases « Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. » C’est parce que l’amour de Dieu est éternel que nous savons qu’il n’arrêtera pas «l’œuvre de ses mains ».1 Co 15, 1-11 « Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu… » dit Paul. C’est donc sans doute que la formule qui suit (v3-4) est une confession de foi primitive qui ne parle que de la résurrection. On ne répétera jamais assez combien le lendemain de Pâques est le surgissement- de quelque chose d’inattendu. Plus qu’une religion qui cherche Dieu, c’est encore une fois ici Dieu qui rejoint l’homme qui ne s’y attend pas. Paul ne faisait pas partie de l’équipe initiale. Bien plus, c’était un adversaire de cette secte juive déviante qu’il combattait. Et c’est sur le chemin de Damas que le christ se fait reconnaître de lui.Certains commentateurs mettent en parallèle un passage du prophète Osée (Os 6, 1 – 6) ou Marc (Mc 8, 31) pour faire le lien avec les Écritures. Mais on peut aussi entendre par cette formule autrement qu’une attestation scripturaire rigoureuse : la formule « selon les Écritures » signifie que tout ce qui est arrivé est conforme au dessein bienveillant de Dieu ; on pourrait remplacer ici le mot « Écritures » par le mot « projet de Dieu » ou « promesse de Dieu ». Je laisse de côté la délicate question de « la mort pour nos péchés » car cette lecture aboutit le plus souvent à une compréhension sacrificielle… Et je remets en lumière le côté paradoxal voire scandaleux de la grâce car c’est à un persécuteur de l’Église naissante que ce message advient : il suffit de croire au pardon pour être pardonné… Voilà la merveille de l’amour de Dieu pour l’humanité, un amour sans conditions, un amour sans cesse offert. C’est cela qu’en théologie, on appelle la « grâce ». Une grâce qu’il nous suffit d’accepter. C’est pourtant cette Bonne Nouvelle que Paul leur a annoncée et par laquelle « ils tiennent le coup ». A noter également que « l’Évangile » a déjà ici le sens de « résumé de la Bonne Nouvelle », mais il n’est pas encore tel que nous le connaissons aujourd’hui, car Paul écrit une vingtaine d’années au moins avant que le premier évangile n’ait été rédigé, et il dispose déjà de recueils mis en forme pour l’annonce de l’Évangile. Paul s’inscrit dans la tradition : en annonçant la Mort-Résurrection du Christ, il se réfère comme apôtre à la tradition qui rapporte l’événement pascal du Christ et la tient au cœur de la foi chrétienne.Luc 5, 1-11Sans doute qu’en rapprochant le texte d’Esa¨¨ie de celui de Luc, l’intention est de mettre en parallèle deux récits de vocation. Les deux sont subitement mis en présence de Dieu (Ésaïe) ou de la présence de Dieu (Pierre…. Je parle de « présence de Dieu » plutôt que de Dieu pour ceux qui comme moi ont bien du mal à adopter une stricte égalité entre Dieu et Jésus) Tous les deux encore ont la même réaction devant cette irruption de Dieu dans leur vie ; tous les deux ont une même conscience de la sainteté de Dieu et de l’abîme qui nous sépare de lui. Et leurs expressions à tous les deux se ressemblent beaucoup : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur », dit Pierre ; quand Ésaïe disait « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures ; et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! »On peut aussi se demander si ce texte se place dans une bonne chronologie, à savoir la première rencontre de Jésus et de Pierre. Car, si on peut bien comprendre que la réputation de Jésus ait pu parvenir jusqu’à Pierre et les pêcheurs autour de lui, on ne comprend pas pourquoi Jésus monte dans la barque sans y avoir été invité. Dans les rencontres de Jésus, ce n’est pas souvent lui qui prend l’initiative mais celui ou celle avec qui il dialogue. Au fond, on a l’impression déjà d’une certaine connivence avec Pierre. Et ce récit est en fait une métaphore qui fait passer Pierre du statut de pêcheur de poissons à celui de pêcheur d’hommes.« Ce sont des hommes que tu prendras » (v 10). En grec, le sens du mot employé ici est « prendre vivant » ; quand il s’agit de poissons, c’est le mot qu’on emploie pour la pêche au filet : capturer des poissons, les arracher à la mer, c’est les tuer parce que la mer est leur milieu naturel… Mais quand il s’agit des hommes que l’on arrache à la mer, il signifie sauver : prendre vivants des hommes, les arracher à la mer, c’est les empêcher de se noyer, c’est les sauver. Un mot est à mettre en lumière, celui de « confiance » : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. » (v 5). Pour que la pêche soit miraculeuse, il suffit de croire en Lui.Quelques pistes de prédication :On peut esquisser 3 idées selon qu’on se centre sur la foule, Jésus, ou les pêcheurs, figures de disciples : *La foule Elle se presse autour de Jésus. On pourra réfléchir autour du mot presser. Se presser, c’est se dépêcher, se hâter. Comme lorsqu’il y a urgence! On se presse lorsqu’on est en retard mais aussi lorsqu’on ne veut pas rater quelque chose d’important, lorsqu’on veut être au premier rang. Se presser autour, c’est aussi venir en grand nombre, se tasser, être serrés les uns contre les autres et donc exercer une pression sur… On presse les olives pour en extraire l’huile précieuse qui nourrit, soigne, soulage,…. La foule se presse autour de Jésus pour être guérie, enrichie, soulagée,…, pour recevoir en son cœur la substantifique moelle. La foule se presse pour écouter la Parole de Dieu. La foule aurait pu aller à la synagogue ou rencontrer un scribe, spécialiste de l’écriture… Mais c’est vers Jésus qu’elle choisit librement de marcher. Pour elle, il est comme un trésor, comme une source de lumière, comme un arbre couvert de fruits… Écoutez! Le premier mot de la prière juive du Shema Israël. C’est dire si ce mot est important! La foule fait silence… Elle prend du temps pour s’asseoir, se poser, écouter… La foule prend du temps pour laisser Dieu éclore en sa vie. Dans nos vies : Pour qui ou pour quoi se presse-t-on? Que considère-t-on comme important? Sait-on faire silence pour écouter? Invitation aux pauses spirituelles….** Jésus: Il se tient au bord du lac. Dans l’antiquité, pour de nombreux peuples, lacs et mers symbolisaient le domaine du mal, de la souffrance, de la mort… Jésus se tient au bord du lac près de la foule, puis il monte dans une barque et s’éloigne un peu de la rive. Un peu comme s’il voulait donner l’exemple. Même si la raison de l’éloignement relatif de Jésus semble technique (pour être mieux entend, Jésus semble nous dire encore aujourd’hui: « Tu peux vivre ta vie sans trop te mouiller, en restant dans ton cocon étanche, imperméable au malheur, aux souffrances des autres. Tu peux aussi oser un pas, t’éloigner un peu du bord de ta vie préservée, regarder vers ce monde vers lequel tu n’oses pas toujours marcher. » Jésus invite la foule à un petit déplacement, à un petit dépassement. Puis, il se tourne vers un autre groupe d’hommes. À ceux-là, il demande plus. A ceux-là, il demande d’avancer là où l’eau est profonde, sombre, inconnue. Dans un lieu de dangers et de solitude. Jésus voit : il voit la foule et son attente, et sait répondre à cette attente. Il voit aussi ceux qui sont déjà près de la rive et qui peuvent aller plus loin. Jésus sait voir les besoins des uns et les trésors à partager des autres. Il ne demande donc pas à tous la même chose mais à chacun selon ses capacités. C’est à Pierre et pas aux autres que Jésus lance son appel. Jésus parle : Il donne un enseignement ; il offre à la foule la Parole de Dieu, la Parole d’Amour. Tout en parlant, il invite à un déplacement et à un dépassement plus grand. Parole et action sont liées. Jésus n’abandonne pas les hommes; il les accompagne dans le dépassement (il va au large avec Simon et ses compagnons). La parole de Jésus est encourageante, apaisante : « N’aie pas peur! » Dans nos vies: Osons-nous faire un pas vers la nuit, les difficultés, l’obscurité de l’autre ? Osons-nous une parole de pardon, de réconciliation ? Un pas vers celui qui est différent? Osons-nous aller un peu plus loin, un peu plus profond dans notre façon d’être avec l’autre? Savons-nous voir et accepter ceux qui nous entourent comme ils sont, là où ils sont rendus? Marchons-nous au rythme de l’autre? Entendons-nous la voix: « N’aie pas peur! »? Se sent-on accompagnés? *** Les disciples : Ils sont près de la rive; ils reviennent du large; ils ont peiné toute la nuit. Maintenant, ils sont là fatigués, épuisés et sans doute déçus, découragés par le temps passé en mer pour rien. Pourtant, ils trouvent encore le courage d’écouter, d’entendre, de répondre à un appel et de repartir. Malgré tout, ils font confiance… Malgré tout, il donne encore de leur temps, de leur vie… Et dans cet abandon, cette persévérance dans la confiance, ce « donner encore », ils reçoivent pleinement, abondamment, merveilleusement! Le Don de Dieu est Immense, Débordant, Généreux, rien ne peut le contenir. Il dépasse tout ce que l’on peut imaginer, il dépasse tout ce que l’on a pu désirer. Face à Lui, on ne peut que se mettre à genoux, naturellement, sans y être poussé. Les pêcheurs sont illuminés à l’intérieur d’eux-mêmes. Quelque chose de plus Grand, de plus Haut, de plus Saint a pénétré leur âme. C’est un peu comme si leur don, leur abandon avait permis un don plus Généreux encore, celui du Ciel qui s’ouvre jusqu’à venir toucher la terre de sa Grâce. Que faire maintenant sinon quitter ses habitudes et marcher vers les hommes afin que tous fassent cette merveilleuse rencontre et laissent tout pour suivre Jésus… Un changement de nom indique une nouvelle naissance, un départ vers une nouvelle vie. Simon devient Simon Pierre lorsqu’il voit et lorsqu’il voit, il tombe à genoux. Simon est dans l’émerveillement! (Dans le premier Testament, la crainte disait la stupeur devant La Transcendance). Dans nos vies : donner encore… Parfois, nous donnons. Mais savons- nous donner encore? Donner au moment où l’on rentre se reposer. Donner alors que les filets viennent d’être rentrés et lavés. Donner alors que nous avons déjà donné et que cela n’a servi à rien.PrédicationParfois j’aimerais bien remonter le temps pour assister à quelques événements dont parlent les Évangiles : au moment de Pâques pour comprendre comment la foule a pu être manipulée par quelques conspirateurs et demander la libération de Barabbas plutôt que celle de Jésus, ou comme aujourd’hui avec notre texte de pêche miraculeuse pour vérifier si nous ne faisons pas fausse route. Car nous le savons bien, aucun des quatre évangélistes n’est reporter, journaliste, chacun des quatre veut transmettre un ou des messages. Mais parfois il y en a tellement de différents que nous n’arrivons pas à trouver celui qui est essentiel. Les textes qui nous sont parvenus ne sont donc pas des images prises en direct mais des mises en scène. Et vous savez bien qu’entre l’événement et le récit d’un événement lui-même, il y a de suite un décalage. Nous ne saurons donc rien de ce qui s’est passé ce jour là au bord du lac de Génésareth ou plutôt nous n’en savons que ce qui a de l’importance aux yeux de Luc : un discours de Jésus à une foule nombreuse au bord de la rive, des pêcheurs rentrés bredouilles et fatigués, une rencontre et quelques mots échangés entre Jésus et Pierre…Si j’étais un spécialiste de la communication, je soulignerais l’ingéniosité de Jésus qui sait comment s’y prendre pour se faire entendre d’un groupe. Pas trop près, pas trop loin, utiliser comme ici les amplificateurs (et l’eau, surtout si elle est calme, est un bon conducteur…). Mais déception, ce n’est sans doute pas par là qu’il faut regarder car ce n’est pas comment Jésus parle qui est intéressant mais ce qu’il dit. Ailleurs, nous le savons. Chez Luc comme chez Matthieu, nous avons pour ainsi dire son programme (le sermon sur la montagne pour Mt, le sermon dans la plaine pour Lc). Mais chose étonnante de nouveau, ici nous ne saurons rien.Vers où se tourner alors ? Vers Pierre dont c’est sans doute la première rencontre avec Jésus. Peut-^^être a-t-il entendu parler de Jésus ou peut-être pas ? Pierre qui peut-être se serait bien passé de cette rencontre, en tout cas ce jour-là, rentré avec ses compagnons de travail d’une session infructueuse, les filets vides, à peine de quoi survivre. Bref, quand cela arrive, on a envie de pleurer, de se coucher, d’oublier ce qui n’a pas été, de s’entendre dire soit « ça ira mieux la prochaine fois » ou plus certainement si c’est moi-même qui le dit « encore un truc comme ça et je ne m’en sortirais pas ». Au moins, il n’y a pas trop de dégâts dans les filets, juste un peu de temps à quand même repriser de ci de là et on ira se reposer. Qu’est-ce qui fait que Pierre n’ait rien dit à Jésus quand celui-ci monta dans sa barque et lui demanda de le mettre à distance de la rive ? Il n’y a pas d’explication, c’est comme quand l’Évangile en d’autres circonstances dit de Jésus qu’il parlait avec autorité. C’est ainsi : il dit et on fait… Plus tard les disciples sortiront les quelques provisions qu’ils ont, 5 pains et 2 poissons ou 7 pains, peu importe, ils les sortiront parce que Jésus leur a dit qu’ils allaient ainsi nourrir la foule venue l’entendre. Jésus dit et les disciples font. Jésus dit et nous faisons.1ere leçon donc, facile, un peu trop facile je trouve et j’ai envie de dire à Luc « où est le miracle » ? Dans le fait que contre toute attente, c’est un charpentier (ou supposé tel) qui donne une sorte de leçon au pêcheur ? Sans doute pas… Alors je mets en lien les deux moments où Jésus parle, à la foule et à Pierre.De ce que Jésus a dit à la foule, nous ne savons rien. Était-ce une ébauche du sermon sur la montagne, qui chez Luc, arrivera un peu plus tard ? Une sorte de discours-programme comme en font les candidats à telle ou telle élection et qui redisent à peu de choses près la même chose ? Nous n’en savons rien ; la seule chose que nous savons c’est que ce que Jésus a proposé dans ses discours, il l’a dit et l’a fait comme pardonner à qui vous ont fait du tort. Si nous ne savons rien de ce discours ni de l’effet sur elle, nous pressentons par contre que ce qu’il a dit à la foule a dû agir sur Pierre car lorsque Jésus lui dit de jeter ses filets dans l’eau profonde, Pierre n’hésite pas.Dans la Bible, la mer est le lieu de tous les dangers et quand notre texte parle d’eaux profondes, c’est aussi pour désigner la situation dans laquelle se trouve Pierre, bredouille, qui ne voit certes pas l’avenir en rose. Et je ne sais pas pour vous, mais pour moi, lorsque j’entends à la radio ou quand je lis un journal dans lequel me sont relatés les faits divers de suicides de personnes qui se sentent acculés (à cause de la perte de travail, de dettes colossales, d’une séparation conjugale, …), je me dis que la voix de Jésus n’est pas venue jusqu’au cœur de ces personnes, qu’ils n’ont pas entendu cette parole sollicitante de Jésus. Alors que pour Pierre, il en a été différemment et par chance pour lui même très différemment. Sans s’y s’être préparé au contraire de la foule qui venait pour entendre Jésus parler, le voici contraint d’écouter un message dont il n’était pas, pensait-il être destinataire. Par quoi a-t-il été séduit, touché ? Par un message ? Par un style ? Sans doute les deux car Celui qui parle se fait transparent au message qu’il délivre. Il se peut même qu’il n’ait pas tout très bien compris, tout retenu de ce que Jésus disait, peut-être s’est-il tout d’un coup senti valorisé du simple fait que Jésus lui ait demandé de l’emmener à quelques coups de rames du rivage ? Quoi, le rabbi a besoin de moi, moi le pêcheur incapable de ramener ce que l’on attend de moi ? Certes, Jésus n’a pas remercié mais c’est parce que l’histoire ne fait que commencer. Ce n’est plus la foule à qui s’adresse Jésus maintenant mais à Pierre.Jésus ne lui demande rien : « alors ça t’a plu ? » ou « qu’as-tu retenu ? » Il ne se fait sans doute aucune illusion sur ce que les personnes entendent et retiennent. S’il y a un message que nous pouvons entendre dans le registre de la communication, et comme cela nous ne nous illusionnerons pas sur ce qui se joue dans la prédication dominicale, c’est que le plus souvent les paroles qui sont dites pour un grand nombre, sauf moment quasi magique n’atteignent pas l’ensemble de l’auditoire. Nous nous souvenons au mieux de 2 ou 3 paroles qui ont été dites parce qu’elles rejoignent une question présente ou tapie dans un coin de notre cerveau ou de notre cœur. Nous nous souvenons bien mieux d’une parole qui un jour nous a été pour ainsi dire offerte par une personne, au détour d’une conversation. C’est vrai dans le cadre d’une relation amoureuse, c’est vrai dans le cadre d’une discussion sur le sens de l’existence. Un jour, quelqu’un a eu pour moi une parole qui m’a fait grandir ou qui m’a éveillé à un pan de l’existence que je ne soupçonnais pas.Je relis cette histoire singulière de Pierre comme une histoire qui peut être celle de chacun et de chacune. Le christ est le christ que s’il est d’abord MON christ. Si je ne ressens pas qu’il vient vers moi, qu’il me relève, alors ma foi est vaine. Nous avons tous noté le glissement entre le « pêcheur » (de poissons) qu’est Pierre et l’état d’homme pécheur. Pierre, au cas où Jésus ne le saurait pas, met son péché en avant, comme pour l’avertir qu’il y a une limite à ne pas franchir. « Je suis pêcheur » dit-il. L’obstacle qu’il croyait infranchissable vole en éclats. Mais nous le savons : l’argument ne porte pas pour Jésus. Jésus rejoint tout homme et toute femme qu’on déclare impur(e) ou qui s’auto proclame impossible candidat au pardon et à la grâce. Celui ou celle qui se cache derrière son péché ne peut pas rester caché(e) quand Dieu lui parle. Même Caïn a droit à une parole de salut. Au contact de Jésus le statut de pécheur, l’être humain qui commet des péchés, s’efface. Et celui qui se cache derrière son péché se trouve investi par Jésus dans un programme qui est tout rempli de vie et d’espérance : « N’aie pas peur, désormais tu seras pêcheur d’hommes ». Cela veut dire qu’il l’invite à se mettre au service des hommes pour construire avec eux des projets qui les font vivre. Quant à son péché, il a disparu à tout jamais car, la parole de Dieu a pour fonction de détruire toute forme de péché quand elle se fait entendre. Tel est le destin de quiconque découvre que quand Jésus parle, c’est comme si Dieu lui-même s’exprimait, et celui qui comprend cela entre dans la vie de Dieu. Les murs se lézardent, la terre tremble, mais pour laisser place à quelque chose d’inattendue : quand je me sentais démuni, dans le désarroi, je ne serai jamais capable de faire le Vendée globe en solitaire, oui j’en suis incapable. Voici qu’un message simple vient à moi : je ne t’ai pas demandé cela mais pourrais-tu me prendre dans ta barque juste pour 3, 4 ou 5 mètres : si c’est oui, alors tu es précieux à mes yeux. N’allons pas plus vite que la musique !

Textes : Lévitique 20, v. 1 à 27 Psaume 138 Ésaïe 6, v. 1 à 8 1 Corinthiens 15, v. 1 à 11 Luc 5, v. 1 à 11Pasteur François DietzTélécharger l’ensemble du document

Notes bibliquesÉsaïe :Dans la Bible, il y a des grands et des petits prophètes et aussi des faux prophètes. L’une des « qualités » des prophètes est leur humilité : Jérémie se sent incapable de parler, mais puisque Dieu a pris l’initiative de le choisir, c’est Dieu aussi qui l’inspirera et lui donnera la force nécessaire. Isaïe, lui, est saisi par un sentiment d’indignité ; mais là encore, puisque c’est Dieu qui l’a choisi, c’est Dieu aussi qui le purifiera. C’est dans la proximité de Dieu, dans « sa sainteté » (Ésaïe ne semble pas pouvoir lever les yeux) qu’Ésaïe prend conscience de son état de péché (je suis un homme aux lèvres impures (v. 5) ) et reçoit comme une déclaration de pardon par le séraphin qui lui permet enfin de parler. De façon paradoxale, c’est quand Ésaïe se rend compte de la distance entre lui et Dieu que s’ouvre la possibilité pour lui de recevoir le pardon. Et ce pardon, décrit comme une braise ardente, laisse une marque indélébile sur sa vie. Psaume 138 Il se dégage de ce psaume une impression très particulière, très douce, de joie profonde et de sérénité. Dès le premier verset, tout est dit. Par exemple, l’expression « rendre grâce» est répétée : « De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce »… « Je rends grâce à ton nom ». Le croyant est celui qui vit dans la grâce de Dieu et qui le reconnaît tout simplement.C’est cette fidélité de Dieu que le psalmiste chante inlassablement, individuellement ou collectivement comme on pense que le faisait le peuple en venant au Temple de Jérusalem : « Vers ton temple sacré je me prosterne » … le décor ici est le même que dans le récit de la vocation d’Ésaïe donnée comme première lecture… et le psaume continue : « Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité ». A la fin du psaume, nous retrouvons une autre expression de cette prise de conscience de l’amour de Dieu : « éternel est ton amour. Il se termine par une prière : « n’arrête pas l’œuvre de tes mains », ce qui veut dire « continue malgré nos infidélités répétées » ; il faut lire ensemble les deux phrases « Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. » C’est parce que l’amour de Dieu est éternel que nous savons qu’il n’arrêtera pas «l’œuvre de ses mains ».1 Co 15, 1-11 « Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu… » dit Paul. C’est donc sans doute que la formule qui suit (v3-4) est une confession de foi primitive qui ne parle que de la résurrection. On ne répétera jamais assez combien le lendemain de Pâques est le surgissement- de quelque chose d’inattendu. Plus qu’une religion qui cherche Dieu, c’est encore une fois ici Dieu qui rejoint l’homme qui ne s’y attend pas. Paul ne faisait pas partie de l’équipe initiale. Bien plus, c’était un adversaire de cette secte juive déviante qu’il combattait. Et c’est sur le chemin de Damas que le christ se fait reconnaître de lui.Certains commentateurs mettent en parallèle un passage du prophète Osée (Os 6, 1 – 6) ou Marc (Mc 8, 31) pour faire le lien avec les Écritures. Mais on peut aussi entendre par cette formule autrement qu’une attestation scripturaire rigoureuse : la formule « selon les Écritures » signifie que tout ce qui est arrivé est conforme au dessein bienveillant de Dieu ; on pourrait remplacer ici le mot « Écritures » par le mot « projet de Dieu » ou « promesse de Dieu ». Je laisse de côté la délicate question de « la mort pour nos péchés » car cette lecture aboutit le plus souvent à une compréhension sacrificielle… Et je remets en lumière le côté paradoxal voire scandaleux de la grâce car c’est à un persécuteur de l’Église naissante que ce message advient : il suffit de croire au pardon pour être pardonné… Voilà la merveille de l’amour de Dieu pour l’humanité, un amour sans conditions, un amour sans cesse offert. C’est cela qu’en théologie, on appelle la « grâce ». Une grâce qu’il nous suffit d’accepter. C’est pourtant cette Bonne Nouvelle que Paul leur a annoncée et par laquelle « ils tiennent le coup ». A noter également que « l’Évangile » a déjà ici le sens de « résumé de la Bonne Nouvelle », mais il n’est pas encore tel que nous le connaissons aujourd’hui, car Paul écrit une vingtaine d’années au moins avant que le premier évangile n’ait été rédigé, et il dispose déjà de recueils mis en forme pour l’annonce de l’Évangile. Paul s’inscrit dans la tradition : en annonçant la Mort-Résurrection du Christ, il se réfère comme apôtre à la tradition qui rapporte l’événement pascal du Christ et la tient au cœur de la foi chrétienne.Luc 5, 1-11Sans doute qu’en rapprochant le texte d’Ésaïe de celui de Luc, l’intention est de mettre en parallèle deux récits de vocation. Les deux sont subitement mis en présence de Dieu (Ésaïe) ou de la présence de Dieu (Pierre…. Je parle de « présence de Dieu » plutôt que de Dieu pour ceux qui comme moi ont bien du mal à adopter une stricte égalité entre Dieu et Jésus) Tous les deux encore ont la même réaction devant cette irruption de Dieu dans leur vie ; tous les deux ont une même conscience de la sainteté de Dieu et de l’abîme qui nous sépare de lui. Et leurs expressions à tous les deux se ressemblent beaucoup : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur », dit Pierre ; quand Ésaïe disait « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures ; et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! »On peut aussi se demander si ce texte se place dans une bonne chronologie, à savoir la première rencontre de Jésus et de Pierre. Car, si on peut bien comprendre que la réputation de Jésus ait pu parvenir jusqu’à Pierre et les pêcheurs autour de lui, on ne comprend pas pourquoi Jésus monte dans la barque sans y avoir été invité. Dans les rencontres de Jésus, ce n’est pas souvent lui qui prend l’initiative mais celui ou celle avec qui il dialogue. Au fond, on a l’impression déjà d’une certaine connivence avec Pierre. Et ce récit est en fait une métaphore qui fait passer Pierre du statut de pêcheur de poissons à celui de pêcheur d’hommes.« Ce sont des hommes que tu prendras » (v 10). En grec, le sens du mot employé ici est « prendre vivant » ; quand il s’agit de poissons, c’est le mot qu’on emploie pour la pêche au filet : capturer des poissons, les arracher à la mer, c’est les tuer parce que la mer est leur milieu naturel… Mais quand il s’agit des hommes que l’on arrache à la mer, il signifie sauver : prendre vivants des hommes, les arracher à la mer, c’est les empêcher de se noyer, c’est les sauver. Un mot est à mettre en lumière, celui de « confiance » : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. » (v 5). Pour que la pêche soit miraculeuse, il suffit de croire en Lui.Quelques pistes de prédication :On peut esquisser 3 idées selon qu’on se centre sur la foule, Jésus, ou les pêcheurs, figures de disciples : *La foule Elle se presse autour de Jésus. On pourra réfléchir autour du mot presser. Se presser, c’est se dépêcher, se hâter. Comme lorsqu’il y a urgence! On se presse lorsqu’on est en retard mais aussi lorsqu’on ne veut pas rater quelque chose d’important, lorsqu’on veut être au premier rang. Se presser autour, c’est aussi venir en grand nombre, se tasser, être serrés les uns contre les autres et donc exercer une pression sur… On presse les olives pour en extraire l’huile précieuse qui nourrit, soigne, soulage,…. La foule se presse autour de Jésus pour être guérie, enrichie, soulagée,…, pour recevoir en son cœur la substantifique moelle. La foule se presse pour écouter la Parole de Dieu. La foule aurait pu aller à la synagogue ou rencontrer un scribe, spécialiste de l’écriture… Mais c’est vers Jésus qu’elle choisit librement de marcher. Pour elle, il est comme un trésor, comme une source de lumière, comme un arbre couvert de fruits… Écoutez! Le premier mot de la priè