Notes bibliques

Si la lecture de II Rois 5 (que propose Parole pour Tous) est appropriée car là aussi il y va d’un seul étranger qui revient pour remercier,  il y a aussi  Luc 4 : 27 où Naaman est mentionné…

Il y a une autre lecture possible qui est vraiment intéressante : Genèse 14 : 1,8,11,14,18 et encore Hébreux 6 : 20c, 7 : 1-3.

Cette seconde proposition nous éclaire : ce qui est un thème caché dans le récit de Luc, à savoir que Jésus peut apparaître  comme prêtre, est chose rare dans le Nouveau Testament, sauf dans l’Épître aux Hébreux.. Jésus n’est pas de la bonne tribu, en plus les prêtres sont souvent, tout comme les scribes, des adversaires, des opposants du Seigneur. Il n’y a que des catéchismes qui disent que Jésus est roi, prophète et prêtre. Or, si Jésus est dit prêtre, ce n’est pas dans la caste sacerdotale qu’il faut le placer. En cherchant ailleurs, on trouve ce roi-prêtre mystérieux, ce Melchisedec, ce roi de justice qui habite Salem, ce qui veut dire lieu de paix.

 

Remarques sur le texte de Luc 17 : 11-19

On est en route vers Jérusalem (Luc 9 : 51,52 en passant par la Samarie). Ici chose pénible : il est impossible de passer entre la Samarie et la Galilée ; « à travers » ou « au milieu de » n’est pas logique non plus. Sauf quand on entend un rapport du mot grec « mesos » (entre, au milieu de) avec « mesitès », ce qui veut dire « médiateur », alors il y a une compréhension possible. (ce médiateur se retrouve en I Timothée 2 : 5 -une confession de foi ! – et aussi dans L’Épître aux Hébreux 8 : 6 ; 9 : 15). Chez Luc la géographie a souvent un sens théologique.  Il se peut qu’il faut voir Jésus ici comme médiateur passant entre le pays et la terre païenne.

 

D’autres remarques sur le texte

Les lépreux, qui se tiennent à distance comme il faut, sont au nombre de dix. Ils forment ainsi un « Minjan » une communauté religieuse qui peut faire la prière(Voir Ruth 4 : 2). Matthieu 18 : 19,20 parlera par contre de 2 ou 3.

Puis la prière est celle de tous les temps : « Seigneur aie pitié » (Kyrie eleison.). Ces dix disent « maître », ils ne savent pas dire « Seigneur » à Jésus.

Plus loin, nous trouvons aussi le « gloria »(le « gloire à Dieu »). Mais alors il n’y a qu’un seul qui est venu le dire. Et celui-ci est un samaritain.

Tous les dix ont obéi à la parole de Jésus. Et tous, chemin faisant, se sont trouvés guéris.

Or, (je me sers de ce « or » que nous ne retrouvons que dans la TOB et qui revient deux fois pour dire plus ou moins : faites attention !), il est important de remarquer que ce Samaritain, ce seul à revenir, n’est donc pas tout de suite allé se montrer aux prêtres. Quant à lui, c’est vers Jésus qu’il s’est tourné, Jésus qui pour l’instant représente le prêtre.

Curieusement, de la prêtrise on n’en parle que dans l’Épître aux Hébreux. C’est alors le thème principal. Jésus grand prêtre à la façon de Melchisedech. Ailleurs, il y a trop de controverse avec la prêtrise de Jérusalem, qui est chaque fois critiquée par Jésus, pour qu’on utilise ce terme pour indiquer l’œuvre et la fonction du Seigneur. Et pourtant, ici on peut voir une allusion : le Samaritain, qui doit aller se montrer aux prêtres, c’est vers Jésus qu’il revient. Il y a là un acte de reconnaissance en sens double. Jésus est remercié, mais aussi il est reconnu comme étant qualifié pour renvoyer l’homme dans la vie Un rôle de prêtre sous-entendu. Il n’y a que Luc qui a ce récit, récit qui se situe avant qu’on entre dans Jérusalem.  Et il y a plus : dans son ouverture à I’Évangile, il y a chez Luc le personnage de Zacharie, le prêtre. Au moment où il est appelé à bénir le peuple il ne le peut pas. Il est pour un temps muet. (Luc 1 : 21,22). Tout à la fin de l’évangile, ce manque de bénédiction est comblé car Jésus bénit les disciples au moment où il se sépare d’eux (Luc 24 : 50,51).

 

(Il y a eu un culte de famille où les enfants de l’école du dimanche ont joué Genèse 14. Se sont présentés, avec leur bouclier et leur lance, 5 rois d’un côté, quatre rois se sont mis de l’autre côté, Lot a été capturé et Abraham est venu le délivrer. 5+4 font 9. Abraham serait-il le dixième roi ? Pour compléter le chiffre ? Non. Nous découvrons ce roi mystérieux Melchisedec, qui est roi et prêtre à la fois. L’Épître aux Hébreux se souvient de lui. Le Psaume 110 le mentionne. -voir aussi la jolie traduction de Chapal dans les 150 psaumes-. Les enfants ont aussi vu le pain et le vin, on a pris la coupe et l’assiette de la Sainte Cène des mains de ce roi-prêtre.

Après, les enfants ont évidemment joué aussi les lépreux, ils ont crié leur demande du fond du temple. Les enfants ont reçu les instructions sur place, ils ont joué après la lecture du texte concerné.)

Une étude biblique sur l’Épître aux Hébreux et le commentaire de Vanhoye nous avaient mis sur cette piste.

 

Prédication

 

Si vous vous servez de la prédication, faites attention, le texte est dense, donc il faut surtout ne pas parler, ne pas lire vite et il faut respecter les pauses.

Parfois, à l’endroit où le chemin de fer croise la route, nous lisons : « Attention, ce train peut cacher un autre ! »

Or c’est exactement ce qu’il en est de beaucoup de textes bibliques. Attention un sens peut en cacher un autre. Il y a la possibilité d’une compréhension autre, plus cachée.

C’est ce que nous allons voir avec ce texte de Luc. Il y a déjà le fait que Luc n’a pas mis ce récit avec les autres récits de guérison, nous sommes à présent en route vers Jérusalem, un cheminement fortement annoncé par l’évangéliste, qui va jusqu’à dire que Jésus durcit son visage en prenant ce chemin vers la ville qui le rejettera.

C’est donc sur la route vers Jérusalem qu’a lieu cette rencontre avec les dix lépreux. Ces malheureux exclus se tiennent à distance comme cela leur est prescrit, mais ils crient vers Jésus.

Le nombre « dix » a de l’importance ; dans la tradition juive, cela s’appelle un « Minjan », le nombre de personnes mâles minimum pour qu’il puisse y avoir une prière communautaire. Si le nombre n’est pas atteint, chacun priera de son côté. La prière de ces lépreux est certes dite en commun. La misère les a unis.

Leur demande est devenue à tel point une prière de l’Église que nous savons même la dire en grec   : Kyrie eleison. Seigneur, prends pitié.

Jésus répond à leur demande. Tout comme avec le centurion romain, il n’y a que sa parole, la distance est gardée, mais les lépreux lui font confiance et ils partent comme il leur est dit, puis, chemin faisant, ils se trouvent guéris.

(Cette distance gardée par Jésus et le fait que cette communauté de dix impurs l’appellent « maître », ces données font penser que Luc envisage en même temps l’Église naissante parmi les païens, Église qui n’a que la parole du Seigneur).

Il y a dix lépreux, et ce chiffre « dix » joue aussi un rôle dans l’histoire de la bataille des rois en Genèse 14. Ils sont comptés ces rois, cinq et quatre… alors qui sera le dixième ? Sera-ce Abraham qui est venu sauver Lot et qui a assuré la victoire ?

Ah non, le dixième roi vient d’ailleurs. Il habite Salem, le lieu de la paix (car Salem veut dire Paix). Il est roi et prêtre à la fois. Il s’appelle « roi de justice », et il vient pour bénir Abraham au nom du Dieu Très-Haut. D’où le connaît-il ?

C’est un personnage mystérieux, qu’on ne retrouve que dans le psaume 110, où il est une figure messianique.

Et l’épître aux Hébreux le mentionne aussi en le mettant en rapport avec Jésus Christ, justement parce qu’il est roi et prêtre a la fois, et parce que on ne sait pas d’où il est…..

Les dix lépreux s’en vont pour se montrer aux prêtres, et, chemin faisant, ils se découvrent guéris ! Puis il y en un qui revient et qui va trouver Jésus pour l’honorer, pour le remercier, tout en rendant gloire à Dieu.

Cette reconnaissance est le thème central du récit. Jésus le remarque tout en faisant le compte : ils étaient dix, où sont les neuf autres ? Après avoir dit le Kyrie, où sont-ils pour chanter le Gloria ? Il n’y en a qu’un seul qui est revenu, et celui-ci est en plus un étranger, un Samaritain.

La reconnaissance, il n’y a que l’étranger qui la montre.  Mais attention, le sens du mot peut en cacher un autre ! Car il y a reconnaissance pour le bienfait de la parole de Jésus, cette parole est reconnue comme venant de Dieu. En se jetant aux pieds de Jésus, l’homme guéri l’honore en même temps qu’il honore Dieu en disant sa gloire.

Mais il y a aussi une autre reconnaissance, celle-là plus cachée. L’homme qui devait aller voir les prêtres afin de leur montrer sa guérison pour qu’ils le déclarent pur, il vient trouver Jésus, comme si pour lui Jésus représentait la prêtrise…

Nous voici devant un thème plus secret, car caché.

Ce que d’anciens catéchismes nous apprenaient : Jésus est roi, il est prophète et il est prêtre.

Pourtant, quant à ce sacerdoce, les textes du Nouveau Testament sont très réticents. Il n’y a au fond que l’Épître aux Hébreux qui en parle expressément et explicitement. Et nous apprenons alors que Jésus est prêtre, souverain sacrificateur selon l’ordre de Melchisedec, ce roi prêtre mystérieux qui apparaît pour bénir Abraham, ce roi de justice dont l’origine n’est pas connue… Ce roi prêtre qui offre du pain et du vin…

Il y a encore ceci chez Luc, l’évangéliste : Tout au début de son évangile, dans son ouverture, il nous présente Zacharie, Zacharie qui est prêtre mais qui ne peut pas, en sortant du temple, donner la bénédiction, car temporairement il est muet. Le peuple en voyant cela comprend qu’il s’est passé quelque chose.  La bénédiction ne peut pas être prononcée car Luc la garde en réserve pour la fin de son évangile. Alors c’est Jésus qui bénit ses disciples au moment où il les quitte. (Ici lire Luc 24:50,51)

Demandons-nous pour terminer quelle est l’importance de la découverte faite, à savoir que Jésus est reconnu prêtre ?  Est-ce afin que nous recevions de lui et par lui la bénédiction du Dieu Très-Haut ? Est-ce parce qu’il nous donne le pain et le vin ?

Il y a une histoire qui nous éclaire peut-être. Le rabbin Ashkenazy enseigne aussi des chrétiens qui veulent se mettre à son école.  Ce rabbin est passé par les camps de concentration. C’est pourquoi il ne lui a pas été facile  de se rendre en Allemagne où il a rencontré des jeunes. Ces jeunes, l’ayant écouté, disaient : mais nous, nous n’étions pas encore nés, nous étions trop jeunes, nous ne pouvons être tenus responsables de ce qu’ont fait les parents.  Le rabbin leur a répondu que certes ils n’étaient pas coupables, pourtant, leur a-t-il dit, vous faites partie de cette histoire, vous êtes comme des impurs, vous avez besoin de purification….. Luc ne parle-t-il pas de lépreux ?  Et la société dans laquelle nous vivons ne nous rend-elle pas impurs ?  Il ne semble pas déplacé de faire cette distinction entre la faute qui nous rend coupables et la participation à la vie mensongère de ce monde qui nous rend impurs.

Ésaïe découvre cela au moment où il voit la gloire de Dieu : « malheur à moi, car moi impur, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures… »

 

Rendons gloire à Dieu notre Père qui nous a donné en Christ, non seulement un roi, dont le règne se manifeste par sa justice, et un prophète qui nous enseigne la vérité de Dieu, mais aussi un grand-prêtre, un médiateur, un sauveur qui nous renvoie en nous mettant debout.

 

Éléments liturgiques

  • Une confession de foi possible : I Tim.2 : 5,6
  • Il est recommandé d’avoir le « Seigneur aie pitié » dans le Spontané après la confession des péchés (cantique AEC 407, NCTC 270, Alléluia 43-04).
  • Des « gloria » il y en a pleinement pour après les Paroles de grâce.
  • Le Psaume 110 se trouve encore dans Nos cœurs te chantent, dans une traduction poétique.

S’il y a la Sainte Cène, il est intéressant de copier ce texte et de le donner aux assistants pour que, à tour de rôle, on lise une strophe.

  • L’envoi peut se trouver dans I Pierre 2 : 4,5 ou 9,10 (le sacerdoce du croyant)