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2ème dimanche du carême

Notes bibliques

Psaume 33 Hymne de louange au Seigneur de l’Alliance, qui magnifie sa puissance, mais constitue aussi un avertissement aux politiques : attention de ne pas trop être confiants dans vos armées (les chevaux des v 16-17). Attention à nous de bien comprendre le v 5, surtout dans le français courant : pas d’ordre sans justice ! Préférer justice et rectitude, par exemple…

 

Genèse 12 v 1 à 4 C’est le tout début du cycle d’Abraham, tradition « yahviste » (selon la TOB), sauf la fin du verset 4 : la version sacerdotale aime donner des âges vénérables aux ancêtres. Le personnage mythique occupe une place à part dans l’histoire du salut. Non seulement il inaugure l’histoire de l’Alliance entre Dieu et son peuple (Promesses de la multitude des descendants- et de la Terre Promise, non encore exprimée) mais encore il l’installe dans une dynamique qui est encore d’actualité. Malheureusement, l’actualité d’Israël pourra toujours trouver un écho dans une prédication sur l’Alliance : Israël est-elle une « grande nation » ? Un exemple pour toutes les nations, comme sa vocation le supposerait ? La grande question existentielle reste bien sûr : qu’est-ce qui a poussé Abraham à partir ? Nous sommes toujours bien sûr influencés par le fameux slogan d’Hébreux 11 (v 8) « C’est par la foi qu’Abraham, obéit à l’appel (de Dieu) en partant vers un pays qu’il devait recevoir en héritage ; et il partit sans savoir où il allait ». Mais en dehors de cela, quel argument a été le plus fort 

  1. La persuasion de Dieu ? La bénédiction qui est promise n’est pas une simple mise en route, un « au revoir », mais est au contraire, à la lumière de l’Alliance, un signe merveilleux de la générosité divine qui nous donne toutes choses dans la Création. Signe qui devrait nous remplir de gratitude et d’émerveillement.
  2. ou l’appât de la célébrité, l’envie de se « faire un nom » ? (v 2) – nom qu’il obtiendra en 17 v 5, de Abram= « le père est élevé » ou « le père aime » à Abraham= « Père d’une multitude »
  3. Ou son désir de quitter la terre ancestrale pour aller vers une plus large indépendance ? à Soixante-quinze ans, Abraham aurait, semble-t-il eu du mal à se délivrer de la tutelle patriarcale…ayant vécu 175 ans, ces 75 ans sont plutôt une crise de la quarantaine !
  4. En tout cas, il me paraît plus actuel d’insister sur le côté positif du déplacement qu’occasionne ce départ, surtout si l’on considère que dans l’Exode également le Premier Testament enjolive les temps d’errance, de nomadisme, comme des moments où le peuple ne peut plus se passer de l’aide de Dieu pour se confronter à ce qu’il rencontre, épreuves naturelles ou ennemis multiples. Quitter son pays pour aller vers la Terre promise reste toujours une image impressionnante de la conversion, qui oblige à laisser derrière soi ses sécurités affectives (Ex. : Mt 10v 37ss.) ou matérielles (Ex. : Luc 18 v 18).

En ce qui concerne l’Église, elle est aussi invitée à quitter ses lieux ancestraux pour aller de l’avant vers d’autres lieux qui l’attendent…

 

2 Timothée 1 v 8 à 10 Dés le v 8 le ton est donné : Paul est en prison ! Il en a appelé à l’empereur lorsqu’il a été traîné en justice, ce qui a entraîné ce dernier voyage. Actes 21v 27 à la fin raconte cette odyssée jusqu’à Rome, capitale de l’Empire ! C’est de là, au plein cœur du monde païen, que retentit cette exhortation…Si elle n’a sans doute pas eu d’impact immédiat à Rome, on conçoit néanmoins l’aspect symbolique de la chose pour les premiers chrétiens. Mais il y a aussi, en arrière-fond, le souhait de Paul d’encourager son disciple plus jeune (« Mon enfant bien-aimé » v.2 qui a pleuré en le voyant partir v.4). Je regrette d’ailleurs le découpage de la péricope, que je préfère augmenter de 6 à 12, et notamment la force du v.7. Il est en tout cas remarquable de la part de Paul, qui joue sa tête, de continuer à prêcher sur le salut certain, décidé par Dieu « avant les temps éternels » en relativisant l’épreuve du martyr qui l’attend.

On pourra bien sûr prêcher sur la relativité de nos épreuves comparées à celles de Paul, mais attention à ne pas passer trop vite du discours de l’apôtre sur le martyre à un discours sur « il faut tout supporter ». Autant la foi peut apporter un réconfort dans l’épreuve, autant la foi ne suppose pas de transformer toute souffrance en rédemption ! C’est simplement la perspective de la grâce du salut donnée en Jésus-Christ, «manifestée » par son « apparition » qui donne le courage de supporter le présent, marqué par la souffrance, en vue de l’espérance attachée à un avenir ultime où la souffrance ne sera plus : le pouvoir de la mort est détruit, la vie brille de l’immortalité manifestée dans le Ressuscité.  

 

Suggestion pour la déclaration du pardon :

« N’aie donc pas honte de rendre témoignage à notre Seigneur comptant sur la puissance de Dieu, qui nous a sauvés et appelés par un saint appel, non à cause de nos œuvres, mais en vertu de son propre dessein et de sa grâce. Cette grâce, qui nous avait été donnée avant les temps éternels dans le Christ Jésus, a été manifestée maintenant par l’apparition de notre Sauveur, le Christ Jésus. C’est lui qui a détruit la mort et fait briller la vie et l’immortalité »

 

Matthieu 17 v 1 à 9 – la Transfiguration// Marc 09 v 2 à 10// Luc 9:28 à 36

Il en a tellement été dit sur ce texte ! Simple apparition, ou transposition d’un texte de résurrection au centre de l’évangile de Matthieu ? Les choix sont biaisés, selon ce que l’on croit ou non des apparitions et autres expériences mystiques. Retenons en tout cas que cet épisode ne s’adresse ni aux foules, comme ce sera le cas à la fin du monde, ni aux apôtres dans leur ensemble, mais à quelques-uns, choisis parmi les plus proches de Jésus. On ne peut donc pas la retenir comme une expérience obligée de la vie chrétienne, comme certains voudraient le faire croire, sans laquelle on ne mériterait pas d’être chrétiens, ni comme la marque d’une élite, ceux qui auraient eu une extase mystique. Je préfère l’entendre comme une expérience personnelle unique faite par ces apôtres-là à ce moment-là, ce qui ouvre la porte à nos propres témoignages d’expériences spirituelles, si elles sont édifiantes pour la communauté.

 

Suggestion de prédication :

On peut rêver, non ? ou bien, « faut pas rêver » ? Rêve ou pas rêve, ils ont dû vivre quelque chose qui les a marqués, pour que cela vienne jusqu’à nous ! Quelque chose qui les aura emmenés un instant en dehors du quotidien et leur aura ouvert une fenêtre sur une autre réalité, plus cachée, celle-là. C’est de cette ouverture que je veux vous parler principalement aujourd’hui.

Mais voyons d’abord le rêve. Rêvaient-ils ou non, les apôtres ? Non, si vous parlez de ces rêves que l’on fait en dormant. Le rêve nocturne donne un exutoire à nos désirs et à nos penchants, pour permettre le sommeil et profiter de l’inattention du cerveau pour régler dans le subconscient quelques problèmes de l’inconscient qui nous empêcheraient de vivre sans cela.

Le spectacle de la gloire céleste de Jésus pourrait n’être qu’une projection du désir des disciples, s’ils dormaient ? Mais ils ne dorment pas ! Luc même dans cet évangile les fait se réveiller, pour bien le montrer… Alors que Marc (ch.9 ) précise : « soudain les trois disciples virent Élie et Moïse qui parlaient avec Jésus ». Le rêve collectif, ça n’existe pas ! On ne peut pas faire le même rêve à plusieurs. Trois témoins, c’est un de plus que la Tradition ne l’exige dans un tribunal.

Ce n’est pas non plus, pour la même raison, une de ces rêveries éveillées que l’on fait en marchant, un peu somnambules, perdus dans nos pensées ou lorsqu’on assiste à quelque chose auquel on a du mal à croire. La vision est d’un autre ordre. «Jésus leur donna cet ordre: Ne dites mot à personne de ce qui s’est fait voir de vous» mais qu’est-ce qui s’est fait voir ? Un miracle, avec apparition de deux anges, Élie et Moïse ? Ce vêtement rayonnant de lumière, est-ce une apocalypse, inspirée de Daniel, message d’encouragement à la communauté chrétienne persécutée? Mais l’annonce de la fin du monde imminente, propre aux apocalypses, n’est pas très explicite …

 

Avec la montagne, le nuage, la voix de Dieu, la lumière qui émane de Jésus comme de la figure de Moïse, mais aussi les 6 jours et les 3 hommes admis en présence de l’Éternel, comme dans l’apparition de Dieu à Moïse au Sinaï c’est plus largement une théophanie. Mais une théophanie paisible, sans crainte et sans tremblements. Les exégètes modernes pensent pour la plupart que ce n’est qu’une représentation symbolique, une mise en perspective par les évangélistes d’une image messianique de Jésus, une allégorie vivante du Fils de l’Homme dans sa gloire, entourée de la Loi (Moïse) et des prophètes (Élie), apportant la caution de l’AT à la Nouvelle alliance…

L’important, quel que soit le style employé, n’est-il pas de donner un sens à cette histoire, de savoir ce qu’elle nous apporte pour notre foi ? Si Marc intercale ce passage entre une annonce de la passion et un récit de guérison, c’est parce qu’il voulait nous faire comprendre ce qui a motivé les disciples pour rester avec Jésus jusqu’au bout et même au-delà ; sur quoi s’appuyait leur espérance. Pas seulement sur le quotidien de l’enseignement du Maître, qui n’aurait été alors qu’un rabbin de plus, même plus fort ou plus inspiré que les autres. Enthousiasmés par la personnalité de l’homme, puis par les guérisons, ils avaient été heureux de le voir acquiescer à l’affirmation : « tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant ! » Et Pierre le premier : « tu es Pierre, et sur cette pierre…(16 v 18) » Mais tout de suite après, la douche froide était arrivée avec l’annonce de ses souffrances et de son rejet par les responsables religieux. Les voilà tout décontenancés. Pierre le premier : « Dieu t’en garde, Seigneur ! dit-il. Non, cela ne t’arrivera pas !

-Derrière moi, Satan! (16 v 23) »

…Comment alors reprendre le récit dans une optique plus optimiste ? Sinon par une vision grandiose quoique fugitive, qui les encourage à aller de l’avant ? Après le désaveu par les hommes, le rappel du choix de Dieu, comme au sortir de l’eau de son baptême : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir, écoutez-le ! » N’avez-vous jamais vécu de ces instants, fugitifs et privilégiés où la Vérité se donne à connaître et qui transforme alors notre vision sur le monde ? [Un adolescent racontait l’autre jour à la radio un de ces instants de pur bonheur que l’on ressent à découvrir un paysage à couper le souffle, au détour d’une ballade… Il disait avoir ressenti l’impression que toute la vie s’ouvrait à lui, une vie riche et passionnante. L’instant d’un regard, d’une contemplation, d’un « flash ». Combien parmi nous connaissent ainsi des moments intenses, éclair de compréhension, moment où l’éternité semble s’introduire dans le monde ? Et nous souhaiterions, comme Pierre qui voulait monter 3 tentes, «cueillir l’instant», le mettre en cage, le garder pour soi, intact et pas seulement comme un beau souvenir. Comme les souvenirs pourtant sont précieux ! Qu’ils soient beaux ou qu’ils soient forts. Ils sont toujours encourageants pour aller de l’avant. S’ils sont durs, par le plaisir de ne plus subir la même chose. S’ils sont doux, par la tendresse qu’ils font encore naître en nous, nous encourageant dans l’amour de soi et des autres. S’ils sont sublimes, par l’élévation qui nous emporte alors, vers des pensées élevées qui nous rapprochent un peu, semble-t-il, de Dieu. Comme j’aimerais que vous sortiez de ce culte, avec l’impression d’être entrés pour un moment dans le Royaume de Dieu ! Les orthodoxes et les Églises orientales le conçoivent ainsi, c’est pour cela qu’ils déploient les fastes des ors, des ornements, de la musique, de l’encens, des processions, faisant durer l’instant plusieurs heures, jusqu’à 4 heures pour la Grande Pâque ! Nos célébrations sont plus cérébrales. On peut faire encore des efforts sur la musique, le décor, mais dans l’ensemble, c’est la Parole qui nous introduit dans le Royaume. Comme j’aimerais alors que mes prédications, inspirées par l’Esprit, vous amènent à de tels moments de rêverie !… Personne ne peut écouter un discours de plus de quelques minutes sans laisser vagabonder son esprit, sauf si le discours est poignant. Il me semble que l’un des buts de la prédication est donc de donner matière à réflexion, une réflexion approfondie propice aux associations d’idées et à l’élévation. On peut rêver lors d’une prédication !

Tâchez donc de vous élever alors, plutôt que vers des préoccupations habituelles, plutôt que de vous demander si j’en ai encore pour longtemps à parler ou de penser à votre repas, signes d’un ennui certain ! Si vous ne reteniez qu’une idée, une pensée qui vous aiderait à retourner vers le monde, vers notre réalité bornée et limitée, ce serait merveilleux !

Puissiez-vous sortir d’ici avec la certitude de la victoire sur ce monde, gloire du Christ ressuscité, de la tendresse de l’amour du Père manifesté en son fils. Car c’est bien cela que nous montre cette fenêtre ouverte sur les Cieux, sur l’Éternité.

Laissons-nous éclairer nous aussi par cette lumière divine qui illuminait Moïse comme Jésus, au moins pour la porter en nous-même comme en un vase d’argile. Par les disciples, c’est la pure grâce de Dieu, dans toute sa plénitude, qui nous parvient à travers cette porte un instant entrouverte. Et c’est cela qui doit nous donner tous les courages pour redescendre la montagne, pour affronter les foules qui attendent en bas, pour entendre aussi le Christ nous traiter de « génération incrédule et pervertie », comme dans la suite du chapitre parce que nous ne savons pas que « tout est possible pour celui qui croit ». Et surtout pour nous aujourd’hui pour affronter cette insupportable absence de Jésus, le silence de Dieu, la discrétion du Saint- Esprit dans nos vies. Malgré nos envies, malgré nos appels, malgré notre détresse parfois, nous n’avons pour soutenir notre foi rien d’aussi tangible que la Bible, rien d’aussi sûr que notre espérance, rien de plus évident que cette infime étincelle du feu divin qui nous est donnée parfois pour nous éclairer, tellement fugitive qu’on en doute déjà, et que nous appelons la grâce. AMEN. 

 

Suggestion de confession de foi

Avec les premiers témoins de Jésus, confessons notre foi en lui : avec Jean-Baptiste : « Voici ‘l’agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » avec André : « Nous avons trouvé le Messie » avec Nathanaël : « Maître, tu es le Fils de Dieu, le roi d’Israël » avec les Samaritains : « Nous savons que c’est lui qui est véritablement le Sauveur du monde ″ avec Pierre : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » avec Marthe : « Tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde » avec Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Enfin, avec le père de l’enfant malade : ″Je crois, Seigneur ! Viens au secours de mon manque de foi ! ″

Suggestion de cantiques

dans « Alléluia » :

  • AEC 311, NCTC 161, Alléluia 31-09 « Comment te reconnaître »
  • AEC 301, Alléluia 31-14 « Aube nouvelle » … et autres chants de l’Avent
  • AEC 408, Alléluia 46-10 « ouvre mes yeux, Seigneur »
  • AEC 244, NCTC 261, Alléluia 41-04 « Grand Dieu, nous te louons »
  • AEC 723 « C’est lui qui tient la terre »

 

Thématique :Prédication

Rêve/Vision/Flash d’éternité/Fenêtre ouverte sur les cieux/Manifestation du Père dans le Fils/Exposition à la grâce/