Textes : Ps 51 Jérémie 31, v. 31 à 34Hébreux 5, v. 7 à 9 Jean 12, v. 20 à 33Pasteur Christophe DesplanqueTélécharger le document au complet
5ème dimanche du Carême
Il n’est pas courant de prêcher sur un psaume dans nos Églises. C’est bien dommage, ils ne sont pas simplement témoins de la spiritualité du peuple d’Israël, mais d’abord et surtout porteurs de vérités profondes sur l’homme devant Dieu. Les psaumes nous mènent à Jésus-Christ qui les a « priés » lui-même. Jésus, par sa vie, par son œuvre, sa mort et sa résurrection apporte la réponse aux attentes qu’ils expriment : attentes de justice, de guérison, de rétablissement du droit, de délivrance, et ici… de pardon et de reconstruction. Le psaume 51 est l’un des sept « psaumes de la pénitence », selon la classification traditionnelle (avec les Ps. 6,32,38,102,130,143). Sans doute le plus important, le plus explicite sur le sujet. Il convient particulièrement pour ce dernier dimanche du Carême, avant les Rameaux et l’entrée dans la semaine où nous célébrons la passion de Jésus-Christ, mort pour nos péchés.
Le vocabulaire du péché est riche dans l’AT et particulièrement dans le Psaume 51 où le péché se décline en quatre racines (verbe ou substantif) : – « tort » (TOB) : peshac : crime, faute au sens de révolte, de rébellion. Transgression dans le sens de désobéissance (la version en Français Courant est à préférer, v.3), qui bafoue une autorité supérieure (en l’occurrence celle du Seigneur de l’alliance). vv. 3,5,15 – « faute » (TOB) cavon : iniquité, idée d’entorse à ce qui est droit ou juste. vv.4,7. – « péché » (TOB) hata’ : idée de manquer, le mal moral comme un échec, un « ratage » devant un supérieur, comme si l’on manquait un rendez-vous décisif. vv. 4,5,6,7. La forme verbale intensive signifie purifier du péché (v.9), voire compenser (une perte, un vol) ou expier. – « mal » (TOB), rac, le mal en général par opposition au bien. vv.6 Un procédé poétique typiquement hébraïque sert cette richesse et l’explique, c’est le parallélisme des deux membres. la même idée est formulée deux fois de façon différente, créant une sorte d’effet « stéréophonique », un relief dans l’expression de la pensée. Bref, ce n’est pas, comme en français, le son qui fait la rime, mais l’idée. Ce parallélisme «synonymique » se retrouve presque à chaque verset. Un autre procédé, le parallélisme « synthétique », s’applique aux vv.10, et 15 à 17. Le 2e vers dégage la conséquence du 1er. La symbolique dominante dans le psaume, qui recouvre toutes ces notions de péché, est celle de la souillure que David supplie Dieu d’effacer (v.3,11), de laver (v.4,9), de purifier (v.4,9,12). Souillure si indélébile, si radicale et profonde qu’on la dirait dans le vocabulaire d’aujourd’hui comme « inscrite dans les gênes ». C’est ainsi qu’on peut comprendre le v.7 (voir ci-dessous). – Il est à noter que l’idée d’effacement de la faute peut avoir aussi une connotation juridique : « effacer » se dit d’un écrit, ou d’un nom, ou d’un souvenir que l’on détruit (Dt 9,14, Ex 32,32, Nb 5,23… Dans le Nouveau Testament, à la croix, Jésus annule, efface le document qui nous accuse, selon Col 2,14). Le mouvement du psaume. Introduction : vv. 1 – 2 v.2 La suscription est très importante, car elle indique le cadre, le contexte dans lequel ce psaume a été rédigé. On en retrouve le récit bien connu en 2 S 11 et 12 (l’adultère de David avec Bath-Schéba, et l’assassinat du mari de cette dernière, Urie). Le moment précis attribué à ces paroles de David est à relever aussi : « lorsque le prophète Nathan vint à lui ». On se souvient qu’une parabole racontée par Nathan fait condamner par David lui-même sa propre injustice. Ce n’est qu’au miroir que Dieu lui tend par sa parole que David peut prendre conscience de l’ampleur de sa faute. vv. 3-4 : L’appel au secours Ce psaume de repentance, centré sur la prise de conscience du péché, de l’indignité, commence par une confession de foi en la bonté, en la grâce, bref en l’amour infini de Dieu. Autrement dit, ce « miroir » (cf. ci-dessus) que Dieu nous tend de notre péché n’est lisible pour nous qu’à la lumière de son pardon, de sa miséricorde. Après avoir été placé devant l’autre « face » de Dieu, celle de sa colère et de son jugement, de sa sainteté (David a pris connaissance du verdict divin par la bouche de Nathan), je peux comme David me replacer devant l’amour de Dieu tout en m’en reconnaissant indigne, et supplier Dieu de me pardonner. vv.5-7 : Un bilan lucide sur soi Le temps de la confession sincère suit le temps de l’appel. Deux traits dominent : – David ne se cherche aucune excuse, aucune échappatoire, il n’essaie ni de se justifier ni de minimiser sa faute. Son péché est « toujours devant lui » (v.5b), non pas qu’il le mette à distance comme une entité qui lui serait étrangère, dont il ne serait pas responsable, mais au contraire comme une réalité qu’il ne peut écarter ou évacuer, qui l’obsède et envahit tout l’espace de sa conscience. C’est bien pourquoi il ne faut pas chercher au v.7 l’idée d’une transmission biologique du péché, ni une excuse que David invoquerait pour dégager sa responsabilité. David veut plutôt dire : je suis radicalement mauvais, c’est ma « marque de fabrique » ! – David affirme qu’il a péché contre Dieu «seul ». Ce n’est pas contradictoire avec la réalité du tort commis envers d’autres (Urie assassiné, Bath-Shéba déshonorée, les chefs de l’armée instrumentalisés, complices obligés, les soldats sacrifiés avec Urie dans l’engagement, etc.) ou envers soi-même : David s’est déshonoré, en tant que berger d’Israël. En effet, son prochain et lui-même portent l’image de Dieu, pécher contre le prochain c’est toujours pécher contre Dieu. Cela signifie réciproquement que dans sa détresse, David ne peut obtenir du secours que de Dieu. vv.8-11 : L’attente d’une purification Le v.8, au vocabulaire rare et compliqué, est le pivot du psaume. La traduction TOB est suggestive : « Voici, tu aimes la vérité dans les ténèbres, dans ma nuit, tu me fais connaître la sagesse ». Ici se rencontrent le mensonge de l’homme et son péché d’une part, et la vérité, la sainteté de Dieu de l’autre. A partir de ce v.8, les verbes sont conjugués à l’inaccompli, forme qui peut exprimer le futur comme l’impératif. David demande à Dieu de le purifier tout en en formulant l’espérance, voire la certitude. Quand Dieu change quelqu’un, ce n’est pas superficiellement. D’où les hyperboles des vv.9-10 : Dieu lave plus blanc que neige, et peut faire danser même les os broyés ! Elles soulignent indirectement l’incapacité de David à se « laver » et à se relever lui-même. L’hysope est une plante aromatique utilisée pour appliquer un liquide destiné à la purification (du sang, cf. Ex 12,22 ; Lv 14,6ss ; ou de l’eau Nb 19,16-19). Le sang, dans le culte sacrificiel de l’ancienne Alliance, efface la souillure. À l’exception du celui de l’humain, versé dans la violence. « sang » (dam) est alors au pluriel (au v.16, « les sangs », littéralement, allusion sans doute au meurtre d’Urie). vv.12-14 : le pardon, une nouvelle création En demandant à Dieu de « créer » (verbe bara’ comme en Gn 1,1) en lui un cœur pur, David attend du pardon de Dieu qu’il fasse de lui un être nouveau (le cœur est le siège de la pensée et de la volonté dans la vision hébraïque de l’homme). Créer, Dieu seul le peut. C’est faire jaillir une nouveauté radicale, (« renouvelle » traduit parfaitement le verbe hébreu du v.12, il est dommage que TOB et NBS l’aient écarté pour une paraphrase) et non pas simplement restaurer ou réparer ce qui est ancien. (On peut penser ici à la promesse de 2 Co 5,17). Trois fois est mentionné le « souffle », Esprit de Dieu, qui seul opère cette création/ régénération. Sans l’Esprit, il n’y a pas de vie. Un commentateur (Derek Kidner, Les psaumes, vol 1, Sator 1983, p.216) relève au v.13 la crainte qu’a David d’être rejeté et suggère qu’il pense peut-être à l’éviction de son prédécesseur Saül. En effet, l’Esprit Saint s’est retiré de Saül le jour où il s’est écarté de la voie de Dieu. La foi de David en l’amour et en la fidélité de Dieu n’atténue pas en lui la crainte du jugement et donc l’attente ardente, suppliante du pardon. Nous sommes à l’opposé de ce que D. Bonhoeffer appelait la « grâce à bon marché », une foi en l’amour de Dieu qui nous dispenserait du respect de sa loi, du regret de l’avoir transgressée et donc de la mort à soi-même. vv.15-17 : les fruits du pardon. On dirait que David anticipe déjà, au v.15, l’annonce de la grâce ! Son expérience amère peut ouvrir aux autres la voie du retour vers Dieu. Cet engagement du v.15, qui peut aussi, par le truchement de la forme verbale inaccomplie, être une demande à Dieu, a été tenu. Au moins grâce au psaume 51 lui-même ! Dans sa méditation, des millions de pécheurs avant nous ont trouvé le chemin de la repentance, du pardon et de la vie nouvelle. Noter l’emploi du terme « justice » au v.16 dans un sens que développera l’apôtre Paul (Rm 1,16). Ici la justice de Dieu n’est pas punitive ou rétributive, elle justifie David. (Tsedaqah, terme sans équivalent direct dans nos langues issues de l’indo-européen, désigne la conformité, la loyauté envers une norme. Dieu est « juste » parce qu’il est fidèle à sa promesse Un 2e fruit de l’Esprit de Dieu régénérant le pécheur par la repentance et le pardon, c’est la louange, qui n’est pas seulement instruction ou témoignage envers les autres (v.15-16), mais adoration de Dieu (v.17). Ce passage peut être rapproché de Ps 6,6 ; 30,10 ; 88,11s ; 115,17. Ces quatre textes affirment que la mort est la fin de la louange (voir aussi Es 38,18), et les psalmistes supplient Dieu de les en délivrer, pour qu’ils puissent continuer à le louer ! (Ps 9,14 ; 142,8). On frôle même au Ps 6,6 ce qu’un commentateur appelait un « pieux chantage » ! Être séparé de Dieu par le fossé de son péché, ne plus pouvoir le louer, c’est donc être mort. L’attente de l’Esprit vivant formulée aux vv.12-15 de notre psaume (on peut aussi penser aux « os broyés » du v.10) s’éclaire : Le pardon, c’est une résurrection. Vivre, c’est louer Dieu pour son œuvre de re-création. « Je ne mourrai pas, je vivrai et je redirai les oeuvres du Seigneur » (Ps 118,17). vv 18-21 : Le vrai culte La conclusion du psaume l’élargit au-delà de la situation précise de David. Dans le sens, tout d’abord, d’une réflexion sur le vrai culte que Dieu attend. Les sacrifices (il s’agit ici des sacrifices de repentance, « pour le péché ») et tout leur rituel ne sont pas rejetés en eux-mêmes mais n’ont de sens que s’ils reflètent un regret sincère et un désir profond de changement et de renouvellement intérieur, ce que le texte désigne par un « cœur brisé ». L’ajout certainement postérieur des vv .20-21 est en soi la première trace de méditation de ce psaume, dans une autre situation que celle qui a motivé sa composition ! Il élargit, lui aussi, l’attente par David de sa re-création à celle de tout le peuple de Juda, qui espère que Jérusalem retrouve ses murailles et donc une vie possible, après les destructions (consécutives à sa prise par les Babyloniens et par l’exil). Les murailles ne sont pas synonymes d’enfermement à l’époque, pour une population, mais au contraire de liberté. Une vie sociale, économique, religieuse ne peut s’organiser ni subsister sans les murailles qui la garantissent des ennemis, des prédateurs et autres dangers extérieurs. Le pardon comme restauration des brèches, voilà une image à exploiter dans la prédication. Piste homilétique suggérée : – Le pardon de Dieu, un chemin qui va de la mort à la vie : la repentance, ni auto-flagellation masochiste, ni ressassement morbide, mais une soif de vie et de re-création.
Qui ne connaît l’histoire terrible de l’adultère de David avec Bath-Schéba ? Voilà un roi puissant et avisé, ami fidèle de Dieu et choisi par lui pour diriger le peuple de l’alliance. C’est David, qui a dansé devant l’arche pour dire sa joie de vivre devant Dieu et pour Lui. Cet homme, nous en connaissons les exploits de jeunesse, et le courage face à Goliath, face à Saül et à tous les ennemis qui se sont dressés sur le chemin que Dieu lui traçait. Et c’est ce même homme qui par un simple regard sur une belle femme nue, va se laisser entraîner dans le pire engrenage : la convoitise, puis le passage à l’acte, l’adultère, puis la ruse pour essayer de faire endosser au mari la paternité de la grossesse inattendue, et enfin la dernière lâcheté, le meurtre de ce mari innocent. En méditant ce psaume, nous n’avons pas à crier au scandale. Ni à gloser sur ce danger du pouvoir qui peut faire tourner la tête au plus sage, faire chuter le plus fort en lui donnant à croire que tout lui est permis. Il n’y a qu’une seule attitude spirituellement juste. Quelle que soit notre situation sociale, le pouvoir dont nous disposons. Quel que soit notre passé, notre bonne ou mauvaise réputation, voire notre bonne ou mauvaise conscience ; que nous soyons « pécheurs honnêtes ou pécheurs scandaleux », selon la vieille formule liturgique, nous ne pouvons prier véritablement ce psaume qu’en nous identifiant à celui qui y parle, qu’en nous disant : « David, c’est moi ». Contre qui David a-t-il péché ? Nous serions tentés de répondre : Contre une femme qu’il est allé faire chercher par ses serviteurs, une femme qui ne pouvait guère résister aux caprices sexuels d’un monarque. Contre un de ses fidèles soldats, Urie le hittite, pourtant tellement respectueux des lois de sainteté qu’il ne voulait pas céder à la proposition royale d’aller coucher avec sa femme alors que campait sous les tentes l’armée dont il faisait partie et l’arche d’alliance au milieu d’elle. Contre les officiers à qui il transmet l’ordre fatal d’isoler Urie au milieu du combat, les rendant complices de sa volonté de se débarrasser de lui. Ou encore, contre les soldats qui meurent avec Urie dans cet engagement fatal. Ou encore, contre tout le peuple d’Israël, qu’il avait la charge de guider dans la justice et le droit. Oui, certes, tout cela est vrai. C’est contre eux tous que David a péché. Et pourtant David crie à Dieu : c’est contre toi seul que j’ai péché. Contre toi, le Dieu Saint. Et ton jugement est juste, c’est à dire sans hypocrisie. L’hypocrite, c’est celui, étymologiquement, qui se situe en deçà de la « crise », du jugement. Par exemple, celui qui reproche aux autres ce qu’il fait lui-même. Il reste en deçà de la vérité, et sous l’emprise du mensonge. Si des humains me jugent, je peux toujours leur dire : mais qui êtes-vous pour me juger ? Dans ma situation, qu’auriez-vous fait ? A la place de David, investi du pouvoir royal, apercevant une belle femme nue de ma terrasse, suis-je sûr que je n’aurais pas succombé à la tentation de la faire venir chez moi, puis d’entrer dans cet engrenage qui aurait mené au meurtre de son mari ? Juger les autres, c’est toujours prendre le risque de s’exposer soi-même au jugement. Jésus le fera bien comprendre aux accusateurs de la femme adultère. Mais devant Dieu, il en est tout autrement. Devant sa sainteté, mes alibis tombent. Je ne peux cacher mes responsabilités derrière celles du juge. Je ne peux le rendre complice du mal, il a le mal en horreur. Il n’en est jamais le complice. Confesser notre péché devant Dieu, notre péché envers lui, c’est prendre conscience d’une réalité que rien ne peut évacuer, relativiser, reléguer au rang d’un détail secondaire. C’est nous reconnaître entièrement responsables et inexcusables, et adresser à Dieu l’appel au secours de celui qui n’a plus aucun recours, qui se sait, qui se sent perdu. Qui a échoué. Qui est « échec et mat » sans échappatoire possible. J’ai joué, et j’ai perdu. Et il ne sert à rien de rejeter la faute sur l’autre (que cet autre s’appelle la femme, même si l’attitude de Bath-Schéba peut être suspectée, ou les circonstances, voire le Tentateur…). Il ne sert à rien de dire « c’est du passé ». La faute est là, elle demeure obstinément devant ma conscience. Sociologues, psychologues, criminologues et autres experts pourraient se relayer au chevet du « cas David », mais ils ne pourraient en tout état de cause invoquer de circonstances atténuantes au péché de David. Le verset 7, « je suis né dans la faute, et ma mère m’a conçu dans le péché » ne peut pas être appelé à la rescousse, interprété dans le sens d’un conditionnement, d’une transmission inconsciente, héréditaire, biologique du mal qui a poussé David à commettre l’horreur que l’on sait. Il ne veut dire ici qu’une chose, c’est qu’il se sent radicalement mauvais, radicalement incapable et indigne de l’amour de Dieu. Le mal domine en lui, comme en nous tous. C’est sa marque de fabrique ! Rien de pur en lui, il n’y a que la pureté du cœur de Dieu en qui il puisse se confier. C’est cela, confesser son péché, et non une simple formalité liturgique coincée entre l’adoration et l’annonce du pardon. C’est se retrouver tel que l’on est au miroir de la sainteté de Dieu. Et si nous n’avons jamais versé de larmes de repentir. Ou si, à défaut de pleurer, nous n’avons jamais ressenti la honte et l’amertume qu’a pu éprouver David devant Nathan, ou Pierre après avoir renié Jésus, alors nous ne pouvons saisir ce qui est au cœur de cette prière de David, l’immensité de l’amour de Dieu. Parce que là en effet se trouve la bonne nouvelle, l’Évangile de ce psaume ! C’est dans la prise de conscience de son indignité devant Dieu que David peut implorer la miséricorde, la bonté, bref la Grâce. Parce qu’il n’a que cela pour lui. Il n’a ni excuse, ni alibi, ni relativisation, ni brillant passé de foi et de courage à faire valoir, ce que l’on appelle ailleurs les « états de service » ; David n’a d’autre défenseur à ses côtés que cette espérance, cette confiance dans la grâce, dans la miséricorde du Seigneur. Confesser son péché, à l’instar de ce psaume, est-ce donc se rabaisser servilement ? S’agit-il ne nous humilier plus que de raison, de nous vautrer dans la boue de notre indignité pour chercher à flatter Dieu et à nous concilier ses bonnes grâces, comme des esclaves qui flattent leur maître pour atténuer sa colère ? C’est ce que nous pourrions croire si nous nous contentions d’une approche superficielle de cette prière de David, et notamment de cette affirmation finale : « le sacrifice que Dieu veut, c’est un esprit brisé ». Mais n’en croyons rien. L’attente de David n’est pas que Dieu soit simplement indulgent envers lui. David veut être recréé. Il veut que souffle l’Esprit saint et qu’il transforme son cœur, c’est à dire purifie sa volonté. Demander pardon à Dieu, ce n’est pas chercher avec lui un simple arrangement, ce n’est pas quémander la grâce en échange de quelques actes contrits supposés adoucir une divinité colérique et vengeresse. Ce n’est pas espérer un « rafistolage », que Dieu nous rende « meilleurs » que nous ne sommes. C’est accepter de mourir pour que Dieu fasse de nous des créatures, mieux, des créations nouvelles. Le Seigneur a enfermé tous les humains, moi le premier, dans la désobéissance, pour faire à tous miséricorde. Il ne nous doit rien, et pourtant, c’est lui qui paiera notre dette en Jésus-Christ ; cette espérance que l’appel au secours de David formule en creux, nous pouvons lui donner un nom : celui de Jésus, le Christ. C’est par ce nom que je suis pur devant Dieu, c’est lavé dans son sang que je serai « plus blanc que neige », comme le clame un vieux cantique qui s’inspire du psaume. Et en lui, dès lors je goûterai les fruits de la grâce ; je serai libéré de tout marchandage, de tout faux-semblant, de toute hypocrisie. Je pourrai être enfin vrai devant le Seigneur, devant les autres, devant moi-même. Ma confession des péchés ne sera plus vaine litanie, encore moins ressassement morbide de mes manquements et de mes fautes, mais la joyeuse certitude d’être une créature nouvelle et appelée à la vie, non pas « rafistolée », non pas réparée. Mais mise à mort pour ressusciter dans la joie, et pour le service. AMEN.