Textes : Ps 118, v. 1 à 20 Matthieu 28, v. 1 à 10 Actes 10, v. 34 à 43 Colossiens 3, v. 1 à 4 Pasteur Hugues LehnebachTélécharger le document au complet

Pâques Aux livres des Actes le discours de Pierre est une confession de foi qui affirme la résurrection de Jésus de la façon suivante « Dieu l’a réveillé le troisième jour ». La résurrection de Jésus est effectivement l’événement fondateur par excellence de l’Église. Elle est le point d’ancrage de l’espérance qui doit habiter le chrétien. Colossiens 3 peut être repris en conclusion pour illustrer ce que signifie la vie en Christ, l’être nouveau développé par Tillich. Matthieu 28, 1-10 est donc l’un des récits de la Résurrection. C’est le texte que nous retiendrons comme oint de départ sans nous livrer à une étude comparative des différents récits. (1 Cor. 15, 1-9 ; Marc 16, 1-8 ; Luc 24, 1-53 ; Jean 20, 1-21, 25) Nous dresserons ensuite une rapide recension de ce qu’un certain nombre de pasteurs ou de théologiens ont dit de ce que signifiait la résurrection pour eux. Le but est ici de donner des repères afin que le prédicateur se situe personnellement de façon claire.

 

Notes exégétiques

En introduction à l’exégèse de ce texte de Mat 28, 1-10, le très classique P. Bonnard fait remarquer que ce texte ne parle pas d la résurrection de Jésus mais simplement du tombeau vide. En effet aucun texte des évangiles synoptiques ne parle de résurrection Seul un ange dans Mt et dans Mc prononce le mot et présentent la résurrection comme un événement appartenant au passé. La seule vue du tombeau vide convainc « l’autre disciples » dans Jean 20, 9 de la résurrection de Jésus. Mt ajoute des événements au récit de Mc. : un tremblement de terre, la descente d’un ange, la terreur des gardes, la rencontre de Jésus avec les femmes, l’ordre d’annoncer la résurrection aux frères et de se rendre en Galilée. A noter que l’ange joue le même rôle que l’ange à la naissance de Jésus, ce qui signifierait que pour Mt. La résurrection ne doit pas être annoncée à tous les hommes mais seulement aux frères. Si Jésus n’est pas montré sortant de sa tombe, c’est parce qu’il est passé directement au ciel afin de prendre une nouvelle activité : celle de rassembler les frères. Nous ne pouvons concevoir la résurrection que sous une forme matérielle. Pour les contemporains de Jésus, il n’en est pas ainsi. Et si le tombeau est montré ouvert, c’est pour que les femmes puissent y entrer et constater qu’il est vide. Verset 1 : le premier jour de la semaine correspond à notre dimanche. 2-4 : L’ange du Seigneur intervient seulement pour accueillir les femmes et leur montrer le tombeau vide. La terreur des gardes exprime la crainte devant une apparition surnaturelle. 5-6 : Sans la parole de l’ange, les femmes seraient demeurées dans une crainte religieuse sans rapport avec la résurrection. Les premiers témoins ne sont pas n’importe quelles femmes. Ce qui confirmerait que la résurrection est d’abord révélée aux intimes. La première conséquence en sera la reconstitution de la communauté. 7-8 : les femmes dans Mt sont beaucoup moins épouvantées que dans Marc. Leur crainte est ensuite changée en une grande joie. D’après le commentaire de Cuvillier (Mythes grecs et mythes bibliques,), c’est bien le tombeau vide qui atteste de la résurrection. La foi pascale se fonde sur une absence. Les femmes obéissent à l’ordre de l’ange. Les femmes ont cru à la résurrection avant d’avoir « vu » le Ressuscité. Elles ont cru sur le constat d’une absence et sur la confiance en une parole. C’est sur le constat d’une absence qu’elles croient. La foi en la résurrection est donc fondée sur l’absence et la parole. Non pas sur la présence et sur la vue. Cuvillier mentionne que Matthieu interprète la mort de Jésus en recourant au langage mythique : le voile du Temple se déchira en deux, la terre trembla, les rochers se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent, plusieurs corps de saints ressuscitèrent…C’est un recours au langage apocalyptique pour lequel la résurrection des saints est expression de la conviction que la mort de Jésus marque la fin du monde ancien. La mort et la résurrection de Jésus sont des récits de création ou de re-création. Compréhension de la résurrection Face au problème de la résurrection, deux attitudes sont possibles : soit on s’efforce de prouver la réalité de l’événement en confondant la foi avec la croyance en des phénomènes surnaturels qui heurtent notre logique rationnelle, soit on s’efforce d’en trouver la signification, d’en retenir le message. Il faut noter que les commentaires bibliques facilitent l’adhésion à la deuxième hypothèse, à la recherche d’une signification, en insistant non pas sur une démonstration de la réalité historique de la résurrection mais sur le tombeau vide comme seule chose destinée à être vue. Certains veulent absolument croire au fait que Jésus soit revenu miraculeusement en chair et en os parmi ses disciples. D’autres voient dans ces récits l’expression imagée d’une expérience spirituelle et subjective des disciples. Le message essentiel est bien : « Christ est ressuscité » et non pas « Christ a été ressuscité pendant 40 jours pour quelques privilégiés et ne l’a plus été par la suite ». La seule vraie question est de nous demander comment le Christ est vivant parmi nous maintenant. Le point de vue de quelques pasteurs et théologiens : Dumas : « L’analyse des textes me signale qu’ils ont été écrits en un temps où on croyait aux fantômes et à la possibilité de la résurrection d’un mort. On peut de nos jours légitimement douter de la véracité historique du tombeau découvert vide, comme des apparitions du ressuscité, à chaque fois différentes selon les évangiles. Celles-ci mettent en évidence la réalité, d’un tout autre ordre que physique, d’un Jésus mort sur une croix : il est entré dans une vie d’une autre dimension. C’est à tort qu’aujourd’hui ressusciter désigne le passage de la mort corporelle à la vie après la mort. La résurrection n’aurait donc rien à voir avec ma vie de chair sur la terre ? Je n’aurais accès à la vie ressuscitée qu’après ma mort ? C’est restreindre la bonne nouvelle à l’après-mort ; c’est aplatir la dimension de la vie éternelle pour la réduire à la surface des choses. Dans le second Testament, un des deux mots grecs pour dire ressusciter est du vocabulaire courant signifiant se réveiller. Chaque matin je ressuscite. Et quand je m’éveille à la Vie infinie, j’entre dans la plénitude du monde transfiguré. Par la résurrection qu’il m’accorde de mon vivant, Dieu m’ouvre les yeux sur cette Vie où Jésus est entré dès son baptême et qui s’est poursuivie par delà sa mort. Certes, ma mort subsiste, précédée du cortège des malheurs et des chutes de mon existence terrestre. Mais Dieu me ressuscite à longueur de vie, parfois en un éclair de temps, parfois par de longues plages de proximité avec Christ. Par la foi, j’accède à la Vie infinie et les êtres comme la création dans son entièreté, comme ma propre vie, s’emplissent d’une clarté de résurrection. Ma mort, lente ou brutale, paisible ou tourmentée, ne sera jamais qu’une étape, la dernière, pour m’ouvrir à l’ampleur définitive de la Vie ressuscitée. S’éveiller à la Vie infinie, dès ici-bas et pour toujours, c’est ressusciter. Alors, le tombeau vide, les apparitions du ressuscité, ses ultimes gestes et entretiens avec les siens, me sont signes pour désigner l’aujourd’hui de la vie de résurrection ». Peuron Bien entendu, on ne peut guère parler de récit historique puisque, là aussi, il n’y a pas de confirmation externe. Ce qui peut être considéré comme historique, c’est le fait que, dans un délai assez bref après sa mort, les disciples de Jésus ont affirmé qu’il était vivant, qu’il s’était donné à voir. Le récit du tombeau vide n’est pas un récit de résurrection, car le texte est bâti autour d’un vide. Le tombeau est vide mais il y a aussi une lacune dans le temps : entre le vendredi soir et le dimanche matin, le récit est suspendu. Signe d’un vide, d’un manque… qui contient un appel. Jésus était mort, et il se manifeste ; il est reconnu comme vivant. Il est absent et pourtant sa présence est sensible, elle est reconnue. Absence qui n’empêche pas cette présence mystérieuse ; présence qui ne supprime pas l’absence avec laquelle il faut apprendre à vivre. Le récit du tombeau vide introduit une question plus qu’une explication : comment retrouver, comment rencontrer, comment écouter ce Jésus, l’absent dont la présence peut venir nous surprendre, celui dont la présence promise, présence parfois entrevue, peut nous entraîner sur des chemins nouveaux ?  G. Castelnau. « A l’époque où ces textes ont été écrits, on vivait dans un monde enchanté, on ne faisait pas de différence entre « vérité » historique et « vérité » spirituelle. On a compris aujourd’hui qu’il ne faut pas confondre les genres. Ce serait faire violence aux textes que de leur faire affirmer des « vérités » scientifiques non crédibles et ce serait faire acte d’incompréhension que de les rejeter comme absurdes. Les vérités spirituelles sont normalement exprimées dans un langage de métaphores qu’il faut décrypter. Ce ne sont pas les images qui sont « vraies », c’est le sens qu’elles désignent : quand le doigt désigne la lune ce n’est pas le doigt qu’il faut regarder ! D’autant que nos connaissances ne nous permettent plus de prendre à la lettre certaines de ces images : à la différence de Luc narrant l’Ascension de Jésus, on sait aujourd’hui que la terre est ronde et qu’un corps qui s’élève verticalement n’arrive pas au paradis mais se satellise en orbite ! Les récits de la mort de Jésus sur la croix présentent celle-ci comme un événement dont le sens profond dépend, certes, de la foi de chacun, mais dont tous les passants de Jérusalem pouvaient être témoins. » « Les récits de la résurrection de Jésus sont d’un genre différent : les passants n’auraient pu en être témoins. Un journaliste présent lors des apparitions du Ressuscité n’aurait rien pu saisir comme image ou comme son. La Résurrection du Christ n’est pas moins « vraie » que sa mort ; elle se situe à un autre niveau d’existence. Nous prendrons néanmoins garde de ne pas commenter ces textes de manière critique et négative alors qu’ils multiplient au contraire les représentations enthousiastes pour témoigner du surgissement créateur de la vie au travers des forces de mort qui nous harcèlent et nous angoissent. » Bultmann Bultmann refuse de considérer la résurrection comme un fait scientifique que l’on peut date, constater. Il s’agit pour lui d’un événement qui provient de l’action de Dieu en notre faveur. Il se pose une question importante : comment rendre compte d’un tel événement proclamé dans un langage apocalyptique et mythologique ? Il n’est pas question de rejeter ce qui est mythique pour conserve le reste. Il faut clarifier la véritable intention du mythe, l’intention des Écritures sans les béquilles du miracle, pour faire émerger la vraie Parole de Dieu. Comment le message de la croix et de la résurrection peut il susciter la foi aujourd’hui ? Bultmann fait part de sa conviction en disant que la résurrection change le sens de notre existence. Il reprend ici Paul (2 Cor. 5, 17-18) « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. » Pannenberg Pannenberg reproche à Bultmann de parler de la réalité nouvelle en termes de pur présent. Il considère que la résurrection de Jésus nous ouvre à un avenir, à un monde nouveau encore en gestation. Il y a donc tension entre un présent déjà là et un monde qui ne se manifestera pleinement qu’à la fin de l’histoire. Pour Pannenberg, le mystère de la personne du Christ se révèle surtout par la résurrection et non par la croix. Moltmann Moltmann place la résurrection dans la perspective de la croix. La résurrection ne doit pas être comprise de façon triomphaliste comme une victoire sur la mort. Il adhère aux propos de Pannenberg selon lesquels la résurrection de Jésus ouvre à une possibilité de transformation de nos existences. Il ajoute qu’elle fonde également l’espérance d’une transformation de l’humanité, de la création toute entière. La résurrection annonce un monde appelé à être transfiguré, recréé dans la beauté et la splendeur. Il associe la résurrection de Jésus à l’envoi de l’Esprit. Karl Barth Karl Barth a repris dans le volume IV/2 de sa dogmatique le thème du Christ, prototype d’une humanité nouvelle. La réconciliation au sens biblique signifie pour Barth un échange : l’échange de l’abaissement de Dieu contre l’élévation de l’homme. La confession de Phil. 2, 5-11 a pour finalité la résurrection de l’homme et le rétablissement du lien de communion entre Dieu et l’homme. Jésus est l’homme véritable qui nous révèle notre humanité nouvelle. Tillich Tillich porte une grande attention à ce que dit Paul reprenant Ésaïe 65, 17 : « Voici je vais créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre. On ne se rappellera plus des choses passées. Elles ne reviendront plus à l’esprit. » (2 Cor. 5, 17). Jésus Christ est donc lui même cette réalité nouvelle. Il est l’Être Nouveau qui change la structure du monde et de l’histoire. Paul aurait donc pour Tillich proclamé la mort et la résurrection du Christ en termes cosmiques, universels, dans un discours se rapportant à la réalité ou à l’être dans son ensemble (ontologique). « Son être est l’Être nouveau ; et l’Être nouveau, c’est à dire le triomphe sur l’ancien éon, est vivant en ceux qui participent à lui et à l’Église dans la mesure où elle se fonde sur lui ».Le symbole de la résurrection place le chrétien entre deux moments où l’éternel fait irruption dans le temporel entre un « déjà » et un « pas encore ». (Ce sont nos lectures de Tillich qui ont inspiré la proposition de prédication). Léonardo Boff Léonardo Boff va reprendre d’une certaine manière cette vision de Christ cosmique. Christ par sa résurrection s’est rendu présent à la totalité du monde. Il a créé un Être Nouveau. Une structure christique. Cette structure se développe partout où l’homme est attiré vers la recherche du bien, de la paix, de la justice, de la solidarité, de la fraternité entre les hommes. Cette structure christique se manifeste tout particulièrement quand l’homme s’identifie à la cause de Jésus de Nazareth : défense des pauvres, des exclus, des opprimés. Ainsi la résurrection se définit en termes d’une anthropologie dynamique. C’est enfin parler de la Résurrection d’une façon concrète qui séduit. Ellul : L’acte de la R. est accomplissement total des promesses successives faites par le D. d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il est impossible de croire à cela. Or c’est le lieu de l’espérance. L’espérance atteste la possibilité de la foi. Elle ne se réfère pas à un futur. Elle ne renvoie pas à l’inaccompli d’aujourd’hui à un hypothétique accomplissement pour demain. Elle est une réalité actuelle. Elle change dès maintenant la vie que nous vivons. Il n’y a pas de réponse avec un système clos où chaque question trouve sa réponse. L’espérance n’a de lieu, de place que dans une vie chaotique. Et l’espérance atteste que la mort avec ce qu’elle a de terrible et d’indiscutable, n’est ni le dernier terme ni le néant, ni le dernier mot. Elle est dépassée. Il y a une résurrection personnelle affirmation que je vis maintenant et engage ce qui est sous la promesse de la résurrection. Pour qu’il y ait résurrection, il faut qu’il y ait vie. Ce n’est pas le corps organique, ni l’âme. C’est la vie construite par une personne. L’espérance de la résurrection nous oblige à vivre le plus possible pour qu’il y ait quelque chose à ressusciter. L’espérance de la R. est le fondement de toute une éthique de l’action, confrontée à la mort. C’est en même temps la certitude que tout ce que nous avons eu le projet de faire, pauvrement commencé, médiocrement vécu, trouvera son accomplissement et son épanouissement. La R. est accomplissement de l’espérance et de notre projet qui correspond exactement à l’accomplissement de la promesse faite par Dieu.

Proposition de piste pour la prédication

Le dimanche matin qui suivait la crucifixion de Jésus, deux femmes proches du Seigneur, sont venues pour embaumer le corps du défunt sans doute selon la coutume, ce qui explique qu’elles viennent voir le tombeau. Elles ont alors une vision. Celle d’un ange qui leur dit « Vous cherchez Jésus. Il n’est pas ici. Venez voir où il gisait. Il est ressuscité comme il l’avait dit. Allez le dire aux disciples : Dites leur qu’Il vous précède en Galilée ». Ce récit nous dit deux ou trois choses importantes. Le vécu des femmes au tombeau La première remarque est qu’elles sont simplement invitées à venir constater que le tombeau est bien vide. Certains se sont dits : Quand nous aurons retrouvé les preuves historiques de ce qu’a fait ou de ce qu’a dit Jésus, nous pourrons croire en vérité. Un peu comme s’ils disaient : si nous pouvions retrouver les photos et les enregistrements des discours de Jésus, alors nous croirons. Ce récit de Matthieu nous dit : ce n’est pas ainsi que l’on croit. La preuve ? La voici : les femmes n’ont eu à voir qu’un tombeau vide ! Il n’y a pas de photos, pas de preuves, pas de discours enregistrés. Impossible donc d’avoir une certitude historique. Pas plus en se fiant à la tradition. Pas davantage en se fiant aux autorités. Elles sont confrontées au vide du tombeau. Seul le tombeau vide atteste que Jésus est ressuscité. Il n’y a pas présence de sa personne mais au contraire absence de son corps. C’est le signe que le règne du vieux monde est mort avec la crucifixion de Jésus. Ce temps de la domination des forces du mal n’est plus maître. Il a disparu. La nature du Ressuscité est d’une autre nature qu’une présence physique. Le tremblement de terre, les rochers qui se fendent, les sépulcres qui s’ouvrent, sont autant d’événements mythiques empruntés à l’apocalyptique juive pour bien nous dire qu’une époque se clôt et qu’une autre surgit, naît. Les portes du royaume annoncé s’ouvrent. Dès lors toutes choses sont nouvelles pour celui qui rencontre le Christ ressuscité. Le salut concerne le monde entier, et ce monde comprend aussi bien la nature que l’homme. Voici la deuxième remarque: Elles ne voient pas Jésus en train de ressusciter, de revenir à la vie devant elles. Il n’y a donc pas de preuves techniques, pas d’explications ! Mais elles croient simplement à cause d’une parole entendue. Elles ont la révélation que la dimension christique de Jésus, que cette présence de Dieu qui habitait le corps de l’homme qu’était Jésus est là, en elles. Elles sont habitées par sa présence spirituelle. Elles ont cette certitude née de leur foi que Jésus le Christ a remporté la victoire sur les conditions de l’existence. Le troisième message est contenu dans le fait qu’elles courent annoncer aux disciples : Nous ne pourrons le voir en réalité qu’à une condition : revenir en Galilée. C’est-à-dire revenir sur nos pas, sur les pas que nous avons faits aux côtés de Jésus. Il faut nous remettre dans les mêmes traces. Elles affirment que nous-mêmes ne le retrouverons avec les disciples, qu’à une condition : en revoyant le film de ce qu’elles ont vécu auprès de lui. On peut traduire : en relisant l’évangile. Les conditions et les formes de la rencontre On ne peut rencontrer la personne du ressuscité qu’à la lecture des évangiles. Jésus était en communion permanente avec Dieu. Il était sans cesse habité par la présence de Dieu. Cette dimension christique transparaissait dans sa personne, celle de l’Être nouveau, de l’homme parfait, capable d’être, d’atteindre sa dimension divine. Cette présence de Dieu transpirait de ses propos, de ses actions, de ses silences. C’est cette image de Jésus que ses disciples ont gardé à l’esprit. C’est cette image, ce reflet de la dimension christique habitant sa personne qu’ils ont transcrit dans les évangiles. L’événement « Christ » se tient dans l’image qu’en ont gardée les disciples. Ils nous l’ont transmise en rapportant certains de ses discours, les événements importants qu’ils ont vécus avec lui. Ils ont parfois enjolivés les faits, exactement comme nous mêmes le faisons quand on raconte un de nos moments vécus importants. Ils ont même été peut être jusqu’à inventer des miracles merveilleux, car c’était leur manière de nous transmettre le sens de la vérité cachée qu’ils ont voulu nous faire partager sous les détails du récit. Si nous allons nous aussi sur les chemins de Galilée, à la redécouverte de cette image du Christ telle qu’elle surgit à l’écoute des textes, alors nous aussi pourrons rencontrer le ressuscité. Et comme les femmes, nous serons saisis de joie. La seule chose à faire est de « retourner en Galilée » en nous replaçant sous la lumière des évangiles. L’annonce de la résurrection était une réponse à l’angoisse de la mort On peut se demander : Mais comment se fait-il que la bonne nouvelle de l’évangile se soit diffusée de si magistrale façon ? Jésus venait de subir le traitement le plus infâme qui soit à l’époque. Il n’avait fait passer son message qu’auprès d’une misérable poignée de pauvres bougres. N’empêche ! A peine quelques années plus tard, ils étaient déjà10.000, Puis en quelques décennies ils étaient 100.000. Deux siècles après, ils avaient conquis le monde gréco-romain de l’époque. Incroyable victoire du Christ ressuscité ! La réponse tient en un mot : La bonne nouvelle de la résurrection. L’annonce de la résurrection résolvait le problème de l’angoisse du destin et de la mort qui étreignait la culture antique. A la fin du Moyen Âge, l’angoisse est d’une autre nature que dans l’antiquité. C’est l’angoisse devant la damnation après sa propre mort qui terrorisait les populations. Luther apportera la réponse du salut par la foi, et la Réforme se répandit en Europe comme une trainée de poudre. Le salut de l’homme n’était pas accordé par la qualité de ses œuvres, mais simplement par l’amour de Dieu à qui lui faisait totalement confiance. L’être humain de notre époque contemporaine, à cinq siècles de Luther, ne se soucie plus guère d’une vie dans l’au-delà. Nous avons le déni de la mort et plaçons notre confiance dans les progrès de la médecine. La réponse du salut par la foi ne dit plus grand-chose à nos contemporains dépourvus de culpabilité. Le pardon des péchés est le dernier de leurs soucis. La réponse donnée par l’évangile aux contemporains de Jésus il y a 2 000 ans n’a pas plus le même écho pour nous aujourd’hui. Mais l’homme du vingt et unième siècle se pose la question du sens de son existence. Il espère simplement être réconcilié avec lui- même, avec les autres, avec la terre entière. Il découvre parfois que ce chemin passe par sa réconciliation avec Dieu. La résurrection prend alors un sens nouveau car elle répond à une question très actuelle : celle du non sens, de l’absurde de notre temps. L’individu n’existe aujourd’hui que de manière artificielle. Il se croit autonome, maître de son destin, seul auteur du sens de son existence. Et pour le prouver il montre ce qu’il consomme, ce qu’il détruit dans la nature pour mieux en tirer profit. Chacun enfermé dans un retrait narcissique, habité par un individualisme égoïste, se désespère de constater que sa vie n’a plus d’autre signification que celle de paraître. Avec le courage incroyable de Sisyphe, l’homme pousse toujours plus haut le rocher qu’il veut placer au sommet de la montagne, pour prouver qu’il est maître de sa propre destinée. Nous avons cru que le bonheur dépendait exclusivement de la croissance économique. Et nous avons vu les inégalités croîtrent, en même temps que nous ne savons plus comment bien vivre ensemble, comment partager, fut-ce la frugalité que vivaient nos propres parents. Et voici la réponse de l’évangile Croire en la résurrection c’est accepter d’être accueilli par Dieu et se relever, se mettre debout ; c’est ressusciter avec le Christ. L’enfant dont la vie a été brisée par je ne sais quelles épreuves, par je ne sais quels cataclysmes, revient pas à pas à la vie quand il rencontre enfin quelqu’un qui l’écoute, le comprend avec une sincère empathie, le soutient, lui permet de reprendre confiance en lui-même. Il se sentait peut être sale, coupable, alors qu’il était une victime. Et le voici réconcilié avec lui-même, prêt à partager à nouveau. Il a repris confiance en lui. Il en est de même de la femme, de l’homme ressuscité en Christ, quand il accepte d’être accueilli par Dieu. Sa vie reprend sens. Non pas pour faire des miracles, non pas pour « réussir sa vie » comme le lui propose un coach pressé de le voir faire fortune. Mais simplement pour être lui-même ou elle-même. Et communier à la joie ou à la peine de celles et ceux qui les entourent ou qu’ils rencontrent. Cela veut dire prendre dans ses bras l’ami éprouvé par le deuil avec une telle chaleur que ce dernier se sent réconforté. C’est également communier avec la nature que Dieu nous a mis en gérance, en la respectant. C’est enfin réaliser sa vocation, celle à laquelle Dieu l’a appelé.