Textes : Nombres 2, v. 1 à 34 Ps 23 Actes 2, v. 14 & 36 à 41 1 Pierre 2, v. 20 à 25 Jean 10, v. 1 à 10Pasteur Marcel MbengaTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Toute parabole se donne dans sa simplicité et ses difficultés. Simplicité parce qu’elle part des réalités quotidiennes, des situations que connaissent très bien les interlocuteurs ou l’auditoire. Ici il s’agit de bergers et des brebis. Ces images évoquées se comprennent aisément, mais le message demeure énigmatique malgré l’explication de Jésus. Les difficultés du texte : Elles sont renforcées par l’explication de Jésus. « Je suis la porte » : Affirmation qui ouvre une nouvelle séquence de l’emploi par Jésus du « Je suis ». Puis cette autre affirmation : « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ». Je vous propose d’analyser rapidement ces deux paroles du Christ.

  1. « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ». v. 8
  1. 1. De qui parlent-ils ? Renie-t-il toute l’histoire du Salut et tous ceux qui l’ont précédé auprès du peuple ? Certainement pas. Mais, on a connu des courants théologiques du christianisme ancien, telle que la doctrine de Marcion (années 85 – 160) qui ont a tenté de ne retenir qu’une partie du Nouveau Testament et rejeté tout l’Ancien Testament en en estimant qu’il est dépassé avec l’arrivée de Jésus et de l’Évangile. Marcion insistait sur le fait que Jésus avait abrogé la loi. Pour lui, le Dieu de l’Ancien Testament n’est surtout pas le Père de Jésus. Il affirmait qu’il y a une telle opposition entre la loi et l’Évangile que toute conciliation est impossible. Ou bien, on est pour Jésus et tout ce qui s’inscrit avant lui ne compte plus ; ou bien on n’a pas rien compris de son message. Les thèses de Marcion ont été largement critiquées et rejetées, ce qui a d’ailleurs conduit les pères de l’Église à fixer le canon biblique. Il ne convient surtout pas d’avoir de cette affirmation de Jésus une compréhension marcionite.
  1. 2. Si on se réfère aux prophètes, nous trouvons trace de leur critique au sujet de faux ou mauvais bergers. Deux exemples : Ézéchiel et Jérémie.

– Ézéchiel 34, 1 à 16 : Le prophète s’en prend aux bergers d’Israël qui loin de s’occuper des brebis ne pensent qu’à eux eux-mêmes. – Jérémie 23 : le prophète fait de même quand il annonce l’oracle du Seigneur contre les bergers qui laissent dépérir à l’abandon le troupeau. Jésus s’inscrirait donc ici dans la dénonciation des faux messies et tous ces courants messianiques d’avant lui et encore de son époque. On peut, à ce titre, souligner le cas des Zélotes, membres d’une secte juive, qui attendaient ardemment un Messie juste et puissant, un roi semblable à David, qui délivrerait le peuple du joug de l’occupant romain et de tous les ennemis d’Israël. Ils avaient souvent reconnu plusieurs chefs en qui ils ont cru voir ce Messie tant attendu. (Actes 5, 36ss).

  1. « Je suis la porte des bergers »

Dans le texte qui nous est proposé, Jésus dit : « Je suis la porte des moutons » après avoir déjà dit « Je suis le pain de vie » Jn 6, 35,41,49 ; « Je suis la lumière du monde » Jn 8, 12 ; « Si vous ne croyez pas que, moi, je suis, vous mourrez dans le péché » ; Jn 8, 24 ; « Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme, alors vous saurez que je suis, et que je ne fais rien de moi-même… » Jn 8, 28 ; « Avant qu’Abraham vienne à l’existence, Je suis » Jn 8, 58. On peut se souvenir qu’au buisson ardent quand Moise est envoyé par Dieu auprès des Israélites, il demande à Dieu de l’éclairer davantage en lui indiquant son nom à donner au peuple qui pourrait le lui demander. Dieu dit « Je suis qui suis ou qui serai » selon les traductions. Exode 3, 14. « Je suis » est donc la forme courte de la révélation du nom de Dieu. La traduction grecque « Ego Eimi» (Ego Eimi), qui se trouve à plusieurs reprises dans les Évangiles, dans la bouche de Jésus, et notamment dans cet Évangile selon Jean a, le plus souvent, une conséquence théologique. Jésus renvoie clairement au nom divin en disant « je suis ». Il ne fait donc aucun doute que Jésus fait ce lien entre son identité et celle de Dieu, Père et créateur. Et l’accusation de blasphème contre Jésus plaide aussi pour le fait que ce lien était perçu par son auditoire. Pistes pour la prédication :

  1. Partir de ces deux affirmations de Jésus pour en montrer la pertinence pour nous aujourd’hui. On pourrait par exemple insister sur l’identité de Jésus qui se trouve inséparable de celle de son Père, le Dieu créateur.
  1. Traiter le thème de l’autorité. Une autorité n’est consacrée que parce que reconnue. Aucun berger ne peut se décréter berger si les bergers ne le reconnaissent pas comme tel. Essayer de sortir de ce piège de la reconnaissance qui met en avant le besoin de reconnaissance de celui qui s’engage au service des autres. Mais, traiter la reconnaissance de celui qui sert. Reconnaissance envers Dieu. Nous : brebis, sommes appelés à reconnaître la voix du Berger : Le Christ, comme le verset qui suit notre texte l’indique clairement.

Suggestion pour la liturgie

  1. En guise de confession de foi : Ps 23 « Dieu mon berger »,
  2. Louange : Ps 47 « Frappez dans vos mains » ou AEC 287, Alléluia 33-34 « Hosanna au plus haut des cieux »,
  3. Après la prédication : AEC 540 « Allez-vous en sur les places ».

Prédication

De nombreux jeux que possèdent des jeunes, aujourd’hui, font appel à la résolution des énigmes. Vu leur succès, certainement que les énigmes plaisent et correspondent à des attentes. Mais, ce qui n’est pas vérifié, c’est l’attrait pour un langage énigmatique au quotidien. Nul ne sait quelle serait la réaction du plus grand nombre si, tout à coup, au quotidien, on communiquait en parabole ? Les disciples de Jésus, eux, n’appréciaient que très modérément cette façon de parler de Jésus, non explicite, qui les obligeait à faire d’énormes efforts de compréhension sans certitude de cerner le message qu’il veut transmettre. Avec le temps qui nous sépare des premiers chrétiens, alors même que nous sommes au bénéfice de la réception de ces textes, et en particulier des paraboles, alors que nous nous savons précédés, sommes-nous toujours mieux préparés à entendre le message de Jésus ? Parce qu’elle nous renvoie des images d’une vie quotidienne qui n’est plus la nôtre, la parabole de ce matin n’est-elle pas plutôt datée ? Même l’explication de Jésus n’a déjà pas suffisamment éclairé ses interlocuteurs. Elle complexifie même le message. Ce qui est sûr, c’est que Jésus, par ce langage veut engager ses disciples et nous engager tous, dans une révélation progressive d’un message qui nous fait vivre. Il sait qu’il est possible que nous soyons déstabilisés ou décentrés. Mais, il assume ce langage énigmatique. Dans sa parabole, Jésus évoque : la porte des brebis ; les brebis ; les bergers ; le portier et les brigands. Tout ce qui relève de la vie quotidienne de ses auditeurs de l’époque. La scène est bien visible et compréhensible par tous ; du moins les images utilisées. Mais encore faut-il en comprendre le sens. Jésus s’adresse à des autorités civiles et religieuses. Il s’adresse à des enseignants, autant dire que son auditoire a suffisamment un bon Bagage intellectuel pour comprendre ses propos. Et pourtant, ce ne sera pas si simple. Certes ! Ils ont compris le rôle du portier : introduire le berger dans l’enclos où se trouvent les brebis. Ils ont compris que le berger se doit de passer la porte sinon il n’est qu’un bandit. Ils ont compris que les brebis reconnaissent aisément la voix du berger et le berger leur assure non seulement des pâturages, mais aussi une grande liberté puisqu’ils peuvent aller et venir… Ce qui les surprend, c’est cette affirmation de Jésus : « Je suis la porte » compléter par cette autre parole : « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ». Et il reprend « « Je suis la porte des brebis, si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira, et il trouvera des pâturages. » Jésus est la porte et nous sommes appelés à passer par lui pour accéder dans l’enclos où se trouvent les brebis. Le berger passe par la porte quand le bandit escalade le mur. Nous serions donc des bergers à qui le portier ouvre et dont la légitimité est donnée par le Christ lui-même. « Je suis la porte », dit Jésus. « Vous êtes des bergers » : telle est la conséquence de cette affirmation. Passer par le Christ, passer par la porte, assure la vie, le salut, les pâturages, la liberté. Cette porte a ceci de particulier qu’elle est toujours ouverte pour permettre des allers et venues des bergers et des brebis. Ce qui peut étonner ici, c’est l’idée de faire de nous tous des bergers. Et pourtant telle semble bien être l’intention de Jésus. Il se peut que nous nous en offusquions ! Berger ? Non ! « Suis-je le gardien de mon frère ? » Suis-je le berger de mon prochain ? Si nous nous posons ces questions, certainement que nous avons du mal à nous projeter dans l’image d’un berger qui se fait obéir par un troupeau de moutons rassemblés autour de lui. Tout comme il nous est difficile d’assumer cette autre image de ces moutons bien sages et bien dociles qui suivent sans broncher le berger. Le berger décide de tout et notamment c’est lui trace le chemin à suivre. Vu ainsi, nul ne souhaite prétendre être le berger de quiconque. Et si on prend en compte l’idée que le bien être des brebis, voire même leur vie dépendent du berger qui doit les conduire vers des pâturages et leur garantir un avenir, alors décidément, berger ? Non ! Mais au fond, comment comprendre alors que Jésus nous suggère d’être des bergers ? Pourquoi ne s’applique-t-il pas cette fonction de manière exclusive ? Il dira d’ailleurs à la suite du texte de ce matin : « Je suis le bon berger… ». Nous n’aurions alors aucune difficulté à cela. Et pourtant si ! Jésus est notre berger, certes ! Mais nous, aussi, sommes des bergers qui puisons notre légitimité en passant par la porte de l’enclos qu’est Jésus lui-même. Il s’agit pour nous de dépasser ces dimensions bien négatives pour comprendre aussi tout ce que l’image du berger laisse entendre. Non pas la supériorité de l’un par rapport aux autres. Mais, notons plutôt cette proximité entre le berger et les brebis, le partage d’une vie commune sous les mêmes conditions, le souci de l’un pour les autres. Oui, le berger prend soin des brebis. Ce lien fort ne saurait être rompu sinon, c’est la perdition pour tous. Nous l’avons compris le risque réel est de voir le berger s’ériger en chef exclusif voire même despote. C’est pourquoi, Jésus insiste sur le fait qu’un berger passe par la porte. Tout berger puise sa légitimité en Christ. Ce qui nous fait comprendre que nous ne devenons berger que parce que nous sommes d’abord des brebis. Tour à tour donc, nous sommes brebis et bergers. C’est certainement cela de si fort que cette porte opère en nous. Elle est, vous l’avez maintenant noté, réservée et aux brebis et aux bergers. Du coup, en puisant à la source, Christ, nous pouvons assumer d’être bergers les uns des autres. Nous sommes bergers quand il nous est donné d’annoncer l’Évangile avec force et conviction aidés par le Saint-Esprit. Nous sommes bergers quand nous nous soucions de l’autre dans la fragilité de sa maladie ou de son handicap. Nous sommes bergers quand nous aidons l’autre fatigué, pauvre, affamé ou persécuté. Nous sommes bergers quand nous avons souci de ces brebis qui annoncent l’Évangile, quand nous prions pour les prédicateurs, quand nous les recommandons à Dieu. Nous sommes bergers quand nous prions pour les responsables politiques, économiques, religieux et responsables dans bien d’autres domaines de la vie sociale. L’évocation est loin d’être exhaustive. Vous le voyez, être berger en passant par le Christ nous place plutôt en responsabilité. Nous devenons alors vigilants à l’égard de tous ceux qui nous entourent et tous ceux qui œuvrent à travers le monde dans divers domaine. Nous sommes appelé à nous soucier d’eux, à nous en inquiéter, à les aider à se mouvoir dans la liberté et à promouvoir la paix. Oui, c’est cela être berger. Et le berger que je suis, parce que d’autre se soucient de moi, suis d’abord brebis. Vous voyez comment cette porte qu’est le Christ ne consacre pas les uns bergers à jamais quand les autres seraient des brebis. Mais, ce qui compte c’est que notre vie intègre clairement ces deux dimensions à la fois. Oui, en même temps, parce que nous comptons sur les autres et dépendons en quelque sorte d’eux, nous sommes brebis. Et en même temps, parce que nous sommes appelés à ne pas être indifférents au sort des autres : malades, isolés, meurtris, affamés, victimes de guerre, d’injustice, de catastrophes naturelles, d’accident nucléaires, de sécheresse, etc., nous sommes bergers. On peut comprendre alors que le message de Jésus ait été si poignant, – il l’est encore aujourd’hui-, et surtout comprendre qu’il ait été d’emblée difficilement accessible à ses interlocuteurs. Entendons avec profondeur cet appel : « Si quelqu’un entre par moi, nous dit Jésus, il sera sauvé ». C’est bien ce qui est promis à toute brebis. Et rappelons-nous que c’est le berger qui conduit la brebis par la porte qui assure ce salut. Voilà qui nous a fait dire en récapitulant :

  1. Le berger est responsable devant Dieu. Il a la crainte de Dieu.

Notre prière serait alors de demander à Dieu qu’il fasse de nous, un peuple de bergers. Si nous manquons de bergers, ce qui dominera, ce sera la méfiance. Personne n’osera se confier à l’autre. On ne trouvera personne pour aider, accompagner l’autre en souffrance. Chacun garderait ses problèmes et n’oserait jamais les partager. Alors même que si nous sommes un peuple de bergers, alors, nous pourrions vivre une réelle entraide et « le petit » saura se laisser prendre en charge.

  1. Chacun est appelé à passer par le Christ pour devenir le berger de tous.

Nul besoin d’avoir un bagage intellectuel particulier. Nul besoin de remplir certaines fonctions ni dans la société, ni dans l’Église. Il suffit de consacrer le temps pour les autres. Je dirai même simplement, celui ou celle qui consacre ne serait-ce qu’un peu de à la prière qui intercède pour les autres est un berger pour tous ceux-là qu’il évoque.

  1. Jésus est dit : « Je suis la porte, si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, il entrera et sortira et il trouvera des pâturages »

En Jésus, le Christ, est le salut, la liberté, et le pain. Il n’y a ici ni contrainte ni inquiétude. Jésus est vraiment notre Seigneur, Amen.