Textes : Ps 33 Deutéronome 4, v. 32 à 40Romains 8, v. 14 à 17 Matthieu 28, v. 16 à 20Pasteur Georges PhilipTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Introduction

Élection – Bénédiction – Vocation Les quatre textes proposés pour ce dimanche conjuguent, chacun à sa manière, la trilogie incompréhensible, injustifiable, voire inacceptable de la grâce de Dieu. Cela jure avec nos conceptions humaines de la logique, du mérite et de l’égalité qui traduisent notre conception de l’ordre et de la justice. Bien sûr, les Écritures ne cessent de parler de cette grâce et d’utiliser ce mot pour expliquer l’inexplicable. Il y a grand risque d’en parler à la légère, de la banaliser. Cette légèreté scandalise souvent ceux qui restent étrangers à toute démarche de foi. Profitons donc de cette occasion pour revisiter l’affirmation centrale de la Réforme : Le salut offert par grâce seule !

Notes sur les textes

Psaume 33
  • La construction de ce psaume laisse à penser qu’il s’agit d’un texte liturgique.
  • Or, la liturgie a pour fonction d’exprimer dans une forme cultuelle le contenu et le mouvement de la foi.
  • Ainsi, entre deux strophes qui invitent à la louange (v. 1 à 3) et qui expriment la confiance (v. 20 à 22), le psaume relit l’œuvre de Dieu, des origines à la situation actuelle que connaissent les fidèles : sa grâce bienveillante s’exprime aussi bien dans l’immensité de l’univers que dans la vie du plus petit fidèle. Elle agit aussi bien face aux prétentions des nations que dans l’histoire du peuple qu’il a élu.

Romains 8, 14-17

  • L’apôtre Paul, bien sûr, parle dans une situation bien différente. Lui, le Juif fier de ses origines, après sa rencontre avec le Ressuscité, regarde autrement la question de l’élection. Celle-ci n’est plus la conséquence de la judaïté, c’est à dire l’héritage selon la loi du sang, mais de la seule grâce de Dieu, révélé en Jésus-Christ, et manifestée en tous ceux qui sont unis à lui.
  • Par grâce, ils sont fils (ou enfants) de Dieu. Unis au Christ par la foi, ils sont héritiers des promesses du Père : l’action de l’Esprit Saint a remplacé la loi du sang.
  • L’élection n’est pas le privilège d’un seul peuple, le peuple Juif, elle s’étend à l’humanité entière, selon la promesse faite à Abraham. Tous sont appelés !
  • Nul n’est exclu ! Chacun est libre de répondre.

Matthieu 28, 16-20

  • Les disciples sont convoqués et rassemblés autour de leur Seigneur ressuscité.
  • Sans aucune justification, sans aucun mérite, sans aucune qualification, il les a choisis et appelés. Il les a aimés jusqu’au bout.
  • Et aujourd’hui, ils les associent à son ministère et il les envoie jusqu’aux extrémités de la terre, car tous sont appelés et nul n’est exclu.
  • L’élection se traduit désormais par la présence de l’Esprit Saint en nous ou du ressuscité avec nous. Elle se manifeste dans l’accomplissement de la mission confiée à chacun et à tous.

Deutéronome 4, 32-40

  • Ce texte est typique du Deutéronome où l’élection tient une place centrale.
  • On gagnera à lire les versets qui précèdent, plus particulièrement à partir du verset 25. Ils rendent compte de la situation d’Israël lors de l’exil à Babylone et de ce qui a provoqué cette situation : l’infidélité à l’Alliance et l’idolâtrie.
  • Notre passage (v. 32-40) est donc un appel à relire, à partir des événements présents, l’histoire passée afin d’y découvrir de nouvelles raisons d’espérer fondées sur une relation renouvelée avec Dieu.
  • V. 32-34 : Cette série d’interrogations balise l’histoire des origines. Elles sont moins un appel à se rappeler le passé qu’à considérer la relation qu’Israël vit aujourd’hui avec son Dieu.
  • Son élection remonte bien au-delà de la mémoire ; elle exprime la volonté de Dieu de se révéler aux hommes en choisissant de se lier à l’histoire d’un petit peuple sans mérites : Toi, Israël.
  • V. 35-38 : La grâce exclut toute idée de mérite. Dans cette perspective, tout vient de Dieu. Tous les verbes renvoient à Lui : Il t’a fait entendre, voir, entrer…. Le v. 37 est le plus décisif : « parce que j’ai aimé vos pères, je t’ai choisi…. »
  • L’élection n’est pas un caprice de Dieu ; elle a pour point de départ l’amour, comme garantie la mémoire et comme expression la réalisation de la parole donnée, c’est à dire la promesse faite aux pères.
  • V. 39-40 : Cette conclusion souligne que l’élection entraîne des conséquences.
  • Le fait de connaître le Seigneur rend le peuple responsable. C’est par son obéissance et par sa fidélité à la volonté de Dieu, autrement dit par sa manière de traduire concrètement sa relation à Dieu, qu’Israël rendra compte de la royauté unique de Dieu (c’est sa mission) et c’est en vivant de la sorte qu’il vivra heureux et longtemps.
  • La mémoire(de Dieu) est source d’espérance (pour le peuple).
  • La mémoire (du peuple) est source d’espérance (pour l’humanité).

Prédication

Pourquoi y a-t-il, comme l’a écrit le poète, celui qui croit au ciel est celui qui n’y croit pas ? Pourquoi toi et moi, sommes-nous animés et portés par une foi à laquelle nous ne comprenons pas grand chose, et pourquoi mon frère, ma sœur, mon enfant ou mon ami sont-ils indifférents ou hostiles à toute idée de Dieu, ou plus largement à tout sentiment religieux ? Pourquoi la Bible, dans sa première partie parle-t-elle d’un peuple élu, Israël, et dans le deuxième testament des élus qui sont promis à la vie éternelle ? Et si cela est, quelle destinée pour toutes les autres nations et pour tous ceux qui ne sont pas élus ? La question de l’élection, c’est à dire du choix de certains par Dieu est troublante pour nous, aujourd’hui, tellement nous sommes attachés à la notion de justice et de mérite. Le mot d’élection, déjà, nous induit en erreur. Une élection chez nous, au 21ème siècle et en république, c’est, parmi des candidats, choisir au premier tour et exclure au second. Le suffrage du peuple est souverain, malgré ses critères de choix bien variables et donc peu fiables. Alors quel sont les critères de choix de Dieu ? Le témoignage des Écritures est sans concession pour Israël, peuple belliqueux, infidèle et prêt à toutes les compromissions, et l’histoire de l’Église n’est pas plus édifiante quant au comportement de ceux qui se réclamaient de Jésus Christ. Alors ? Dieu merci ! On a trouvé une belle réponse toute faite, bien commode ; et cela dans les Écritures elles-mêmes : l’élection est le fruit mystérieux de la grâce de Dieu. Tous sont sous la coupe du péché originel, et Dieu, dans son infinie sagesse, en sauve un certain nombre. Ne cite-t-on pas alors cette parole de Jésus lui-même : « La multitude est appelée mais peu sont élus. » (Matthieu 22,14) L’élection serait alors le choix arbitraire de quelques-uns par la divinité et l’exclusion des autres. Cette thèse est difficile à soutenir quand on affirme que Dieu est un Dieu d’amour et cela aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. D’autre part, chez ceux qui cherchent, chez ceux qui ont soif de justice et d’espérance – et ils sont nombreux, – ce type de réponse suscite plutôt le découragement ou la révolte que le désir de se tourner vers Dieu. Mais le plus terrifiant, c’est que certains, aussi bien dans le peuple d’Israël que dans l’Église se sont auto-proclamés élus, ou peuple élu, et forts de cela ont justifié les injustices qu’ils ont fait subir aux autres. Et cela est encore trop vrai aujourd’hui encore où chaque prétention à l’élection a ses prophètes et ses juges. On peut même ajouter ses bourreaux. Alors peut-on considérer le choix par Dieu d’un peuple ou de quelques-uns comme une bonne nouvelle pour tous les hommes ? Oui, je le crois et pour plusieurs raisons :

  • La première : on ne peut pas se servir des Écritures ou utiliser le nom de Dieu pour justifier nos propres choix. On écoute les Écritures et on cherche à travers ses mots quelle est la volonté de Dieu pour nous aujourd’hui. On découvre ainsi que l’élection ne donne aucun pouvoir à qui que ce soit. Dieu choisit, élit, discerne en vue d’un service, d’un témoignage devant les hommes. Et s’il appelle, c’est pour envoyer accomplir une mission, celle dont il charge ses élus.
  • La deuxième : il n’y a effectivement aucune justification à l’élection d’un peuple, d’une personne ou d’une communauté. Le texte du Deutéronome que nous avons lu dit simplement que Dieu, « parce qu’il a aimé les pères, a choisi leur descendance. » Cela fait allusion à Israël et à la loi du sang bien sûr, mais surtout à la fidèle mémoire de Dieu qui se souvient de ses promesses, des promesses faites aux pères Abraham, Isaac et Jacob.
  • Troisièmement : Pour s’exprimer pleinement, l’élection implique, en retour la mémoire et la confiance des élus. La mémoire parce que Dieu choisit et appelle pour poursuivre son œuvre bienveillante envers sa création. Or poursuivre implique qu’on ait connaissance de ce qui a précédé afin de trouver sa juste place dans son déroulement.

Cela implique aussi la confiance quant à l’achèvement du projet de Dieu. Nous avons en effet besoin à la fois de savoir qu’il nous fait confiance et que nous pouvons compter sur son aide pour discerner ce qui convient et agir selon sa volonté.

  • Enfin, à la différence de nos élections au suffrage universel, l’élection, aux yeux de Dieu, n’implique pas l’exclusion des autres. Bien au contraire, elle a pour but la réalisation du projet de bonheur que Dieu a toujours eu pour sa création et pour tous ceux qui l’habitent.

Alors, quand nous entendons de parler d’élu ou de peuple élu, n’y voyons ni choix arbitraire, ni caprice. Dieu connaît ceux qu’il choisit et appelle, même si ses choix ne nous semblent pas évidents. Et le fait qu’il continue à appeler ceux qu’il a choisis est une bonne nouvelle. Cela veut dire que Dieu persévère dans son projet de sauver sa création ; cela veut dire, à nous qui entendons son appel, qu’il nous fait confiance pour être ses partenaires et que nous pouvons compter sur sa fidélité ; cela exprime aussi l’amour fou de Dieu pour chaque être humain qu’il aime comme son enfant. Tel est le message que Jésus Christ est venu nous apporter et vivre parmi les femmes et les hommes du peuple élu, son peuple. Telle est la bonne nouvelle que les apôtres et les témoins de la résurrection ont apportée au monde entier. Telle est la mission que le Père continue à confier à son Église, à notre église et à chacun de nous. Alors, nous sommes heureux, simplement heureux et véritablement heureux parce que Dieu nous a élus, parce qu’il nous a appelés et qu’il nous envoie pour porter autour de nous sa Parole, une parole qui promet la paix, le bonheur et l’espérance à notre monde et à tous ceux qui l’habitent. Et pour cela, Dieu nous assure et nous couvre de sa bénédiction. Amen