Notes bibliques

 

Introduction

Dans le prologue de son Évangile, Luc explique à son ami Théophile qu’après avoir vérifié scrupuleusement toutes les connaissances qu’il avait reçues sur Jésus, il va écrire à son intention un récit bien ordonné qui lui permettra, à son tour, de constater la solidité des enseignements qu’il a reçus. Luc fait donc œuvre de rédaction et non de copie. Ainsi, il est le seul à nous rapporter le récit de l’envoi des 70 (ou 72) disciples. En revanche, le récit de l’envoi des Douze est commun aux 3 synoptiques et dans sa version, Matthieu reprend de nombreux éléments utilisés par Luc à propos de l’envoi des 70.
Si tous ces textes, avec d’autres d’ailleurs, soulignent l’envoi par Jésus, de ses disciples vers les autres, il faudra étudier avec autant de soins que Luc en a mis à l’écrire pour son ami (ou ses amis qui «aiment Dieu») ce récit spécifique à Luc.

 

Présentation du Récit
Au chapitre 6, 12-16, Luc donne les noms des Douze.
Au chapitre 9, 1-6, Luc parle de leur envoi, par Jésus, vers les villes et villages de Palestine. Cette mission est tournée vers les Juifs.
Au chapitre 10, 1-20, Luc rapporte l’envoi de 70 (ou 72) personnes anonymes avec une mission identique et dans des conditions très semblables. Ce passage se présente donc comme un prolongement dans la continuité de l’envoi des Douze avec pourtant un élargissement notoire.
D’autre part, Luc développe le discours de Jésus à propos du bon ou du mauvais accueil que recevront «ses envoyés». Il y a même une certaine tonalité prophétique. Puis il conclut par le retour des 70, le compte-rendu de leurs actions, étonnamment positif, et Jésus conclut cela par une parole unique de Jésus.
Notons au passage que ces missions, des 12 ou des 70 se situe avant la résurrection. Luc reprend ce thème à la fin de son Évangile et dans le livre des Actes en l’élargissant à toutes les nations.
Enfin, il ne faudra pas minimiser l’importance des «signes» accomplis par les disciples, -guérisons – exorcismes- et la joie qu’ils ont connue à obéir à leur «maître».

 

Notes détaillées sur le texte

– v.1 : les 70 sont désignés par Jésus, et non volontaires. Cela fait réfléchir au sens et au fondement d’une vocation.
Il n’est pas question de qualité particulière pour les désignés.
Ils sont envoyés («le verbe grec a donné «apôtre») deux par deux : il n’y a pas de ministère individuel dans l’Église. Tout est communautaire, même s’il y a des «vocations» et des «ministères» personnels.
– v.2 : avant l’envoi, il y a la prière. Sans elle, l’envoyé est seul et coupé de celui qui l’envoie. Cela lui rappelle aussi au nom de qui il est envoyé.
– v.3 : «les agneaux parmi les loups». Comment distinguer les uns des autres ? Il n’y a pas des «têtes d’agneaux» ni des «gênes de loup» c’est à leur comportement et à leurs paroles qu’ils sont reconnaissables.
– v.4 : «n’emportez-rien». Ne vous réfugiez pas dans tous les moyens techniques, matériels ou séducteurs pour «réussir» et pas de mondanités flatteuses qui pourraient vous éblouir et vous faire dévier.
– v.5 : la paix c’est le «shalom», la bénédiction, la grâce, la présence de Dieu. La vie en abondance dirait Jésus.
– v. 7-11 : on passe de la maison à la ville, de la rencontre personnelle à l’accueil collectif. La parole semble suffire dans la première situation. Les signes deviennent nécessaires dans la seconde. Ils sont toujours au bénéfice des personnes (guérisons) mais doivent être accompagnés par la parole qui leur donne sens. «Le Règne de Dieu est arrivé jusqu’à vous».
Tant pis pour ceux qui refusent ; les envoyés n’en sont pas responsables, si toutefois ils ont agi conformément aux consignes.
– v.12-15 : passage à tonalité prophétique : «Malheureux êtes-vous» et non «Malheur à vous». Avertissement n’est pas menace mais invitation à prendre ses responsabilités en connaissance de cause.
– v.16 : ce verset est central. Il souligne le lien étroit entre le disciple et jésus, entre Jésus et son Père et donc entre le disciple et Dieu. Voilà un regard neuf sur la «religion» où l’homme et Dieu ne sont ni opposés, ni distants, mais au contraire dans une profonde communion, inséparables. L’Incarnation en est la pleine révélation.
– v.17 : soulignons la joie des «envoyés». Ils racontent avec étonnement ; Sommes-nous encore étonnés et joyeux devant ce que réalise l’Évangile autour de nous ?
– v.18 : le contestataire de Dieu et le défenseur ou de Dieu ou des dieux des religions est vaincu par la Communion du Père, avec le Fils et du Fils avec ses disciples et donc de tous avec Dieu.
– v19-20 : la mise en garde ! Le succès n’est pas preuve de vérité ou d’authenticité. Seule la foi confirme. La foi suffit à être de ceux dont le nom est déjà dans le cœur et la mémoire de Dieu.

 

Pistes de prédication

1= Disciple et missionnaire (ou apôtre)
2= La mission : proche et jusqu’au bout du monde.
3= La mission : Comment ? Avec quoi ?
(appel- prière- envoi- obéissance- succès/échecs)
(Résultats : le bilan confirme la foi et l’appel)
4= L’envoi et le Retour.
Place et rôle du Seigneur et de la communauté dans le service auquel chacun est appelé..
5= Aujourd’hui, apprendre à parler de Dieu aux hommes.
Quelle parole ? Quel but ? Quel comportement ?

Bibliographie

Ambroise de Milan, Traité sur l’Évangile de St Luc Souras Chrétiennes, N° 52
Père LAGRANGE, Évangile selon Saint Luc, Lecofre Gabalda, 1948
Charles L’EPLATTENIER, Lecture de Luc, D.D.B, 1982
François BOVON, L’Évangile selon Saint Luc, Labor et Fides., 1996

 

 

Prédication

Fin des années 50 et début des années 60, s’est tenu un débat musclé sur le thème : pour qui ? Pour quoi l’Église ? Et nous avons eu droit à toutes sortes de définitions décisives : une église pour tous -une église pour le monde- une église pour les pauvres- une église pour le Christ- une église pour chacun, etc….
Un pasteur sage s’est alors réjoui de lire l’article d’un collègue qui défendait une idée originale : une église pour rien. Je ne sais ce qu’en auraient pensé Luc, les évangélistes, et les apôtres qui n’ont jamais envisagé ce problème.
En revanche, et Luc nous le rappelle : des disciples de Jésus Christ pour qui et pour quoi. En effet, en tous cas pour les églises de la Réforme, ni les Douze, ni les 70, ni les apôtres, ni ceux qui leur ont succédé ne sont l’Église. Ils n’en sont qu’une petite partie. Ils y sont des serviteurs choisis, appelés et envoyés par le Seigneur pour porter aux autres, sans distinction, la Bonne Nouvelle de la paix de Dieu pour eux et leurs proches, et de la venue du Règne de Dieu pour tous les êtres humains. Magnifique tâche et formidable responsabilité.
Maintenant, notons bien que si les 70 sont des disciples anonymes, cela veut dire qu’aucun disciple n’est dispensé de prendre part à cette tâche. Tout le monde ne peut être pasteur, président, catéchète, diacre, ou évangéliste ou je ne sais quoi d’autre. Par contre, chaque disciple, vous ou moi, est appelé à être témoin de son Seigneur, de sa foi et de son espérance. Et aucun disciple ne peut se dérober à cette vocation. Nul ne peut se retrancher derrière sa modestie, son humilité, ses responsabilités professionnelles ou même encore la sacro-sainte Laïcité française. Cette tâche est l’affaire de chacun et de tous.

Au début du 2ème siècle, Pline le Jeune, gouverneur d’une province d’Asie mineure écrivait à son empereur Trajan, que les chrétiens étaient des citoyens modèles, bien que croyant à une superstition étrange, la résurrection d’un charpentier juif, crucifié et ressuscité.
Et pourtant, cette religion se répandait à travers les foules comme une épidémie…. par contact. Ainsi, sans rien y comprendre, il attestait le rôle de témoin de chaque disciple de Jésus Christ.
Le texte de Luc nous interpelle donc sur notre vocation commune de témoin, chacun à sa manière, mais pas n’importe comment.
Le disciple est appelé et choisi par Jésus ; cela ne lui donne aucun sujet d’orgueil mais plutôt la conscience que c’en est fini de sa tranquillité.
Ensuite il est envoyé vers les autres. C’est un apôtre comme tant d’autres qui l’ont précédé ou comme ceux des premières années à qui on a octroyé ce titre comme un privilège.
Ceci dit, le disciple-apôtre n’agit pas selon son propre chef. Il obéit à son maître et il lui fait confiance. Il pourrait être tenté par le succès, l’efficacité, les honneurs ; peut-être encore plus par son intelligence pratique, son sens de l’organisation, son discernement des moyens à mettre en œuvre pour le plus grand succès de l’entreprise.
«Ne prenez rien» dit Jésus, ni manifestation spectaculaire, ni spectacles qui pourraient séduire, ni moyens techniques qui en mettent plein la vue ; gardez-vous des shows télévisés, des réseaux Internet, des grands meetings populaires. A la rigueur ce ne sont que des outils à la mode, au pire du bluff technologique comme l’a écrit Jacques Ellul.

La tâche du témoin est simple et en même temps demande beaucoup d’assurance.
La tâche est simple car elle consiste à proclamer au monde entier et à chaque personne la Paix que Dieu veut pour tous et que Jésus Christ est venu vivre et annoncer : La paix entre les personnes- la paix entre les nations- la paix entre les religions- la paix avec la création tout entière- la paix entre l’église et l’Etat- etc…
Et, faut-il le souligner, la paix entre tous les disciples du Christ, c’est-à-dire entre toutes les Églises.

C’était écrit, il y a presque 2000 ans. Où en sommes-nous aujourd’hui après 2000 ans d’annonce de l’Évangile ?

La deuxième partie du message est que le «Règne de Dieu est arrivé», auprès de chacun de ceux qui entendent mais aussi auprès de toute la terre. Il est arrivé sans condition préalable. Il est offert à tous sans condition requise ? C’est la grâce, pleine et entière dont Dieu a choisi de payer le prix.
Malheureux celles et ceux qui refusent un tel don, un tel appel à la vie, dès maintenant et pour toujours.
Heureux, au contraire, ceux qui accueillent cette bonne nouvelle et remettent toute leur vie sous le regard de DIEU ; Comme le dit plus précisément le mot hébreu, ils sont déjà»debout», ressuscités et en marche.
Maintenant, il faut bien reconnaître que dire cela en toute vérité n’est pas facile. Ce peut n’être que pieuses paroles verbales, inutiles et insignifiantes.
Voilà pourquoi l’appel à poser des signes est important.
Et pas n’importe quels signes : des guérisons. Il ne s’agit pas, bien sûr, de faire disparaître des virus, des métastases ou des handicaps lourds, mais de les vaincre, d’être plus forts qu’eux, de ne pas se résigner devant l’épreuve. Le Seigneur est bien là auprès de ceux qui l’ont accueilli, comme je l’ai entendu dire et comme je l’ai vu ; j’ai accompagné des personnes qui sont mortes «guéries»= guéries de leur peur, de leur angoisse, de leur solitude, de leur rancœur envers Dieu et le monde entier.
Bienheureux ceux qui savent par leur parole et leur présence apporter la paix et l’espérance autour d’eux.

Les disciples sont partis avec confiance, obéissant à l’ordre du maître. Ils sont revenus étonnés et joyeux de ce dont ils avaient été les témoins. C’est leur engagement qui a conforté leur foi. La mission leur a permis de vérifier en eux et chez les autres la puissance et la vérité de l’Évangile. Leurs successeurs sont allés jusqu’aux extrémités de la terre et nous, aujourd’hui, nous sommes appelés à franchir la distance qui nous sépare de notre frère, de notre voisin ou de notre prochain. En venant jusqu’à nous, le Fils de Dieu a effacé toute distance entre nous et le Père. Il nous appelle à le suivre et à être témoins de ce qu’il a accompli pour tous.

«Comme tu viens me rencontrer, et comme tu m’écoutes
«Que je sache aussi m’approcher des autres sur leur route»

 

Amen

Ces deux dernières lignes sont extraites du cantique AEC 608, NCTC 284, Alléluia 45/01