1er dimanche de l’Avent

Notes bibliques

 

            On distingue dans l’ensemble « Ésaïe » trois développements bien distincts :

  • Les chapitres 1-39 qui datent du 8ème siècle avant l’ère courante (=chrétienne),
  • Les chapitres 40-55 qu’on place plus tard, au 6ème siècle,
  • Les chapitres 56-66 qui sont d’une période plus tardive difficile à préciser.

Il est impossible de trouver un auteur commun à ces trois parties. On peut juste supposer une école d’ensemble, une manière de voir et de s’exprimer, avec un point commun : la ville de Jérusalem comme centre de pensée.

  1. L’époque est plutôt troublée du point de vue politique. Depuis 850 environ, on a une succession

de prophètes (Élie, Amos, Osée) qui rappellent au peuple les exigences de Dieu et ses promesses. Puis une succession de rois, qui sont loin d’être tous fidèles à Dieu. Des rois d’Israël (royaume du Nord) croient astucieux de rechercher une alliance avec Babylone. Mais en fait ces souverains païens, plus forts et plus habiles, ne cherchent qu’à étendre leur domination. Le royaume du Nord (capitale Samarie) capitule en 722/721.

 

Seul donc Juda, le royaume du Sud, subsiste. Les rois ne sont pas tous fidèles, à part Ezéchias et Josias. Il y aura des démêlés avec Babylone et l’Égypte. jusqu’à la prise de Jérusalem en 587.

  1. Les mœurs se ressentent de ses événements internationaux. La proximité d’états païens, les

inévitables relations avec eux (commerces, etc.) influent sur les coutumes et la pratique courante. La paganisation gagne du terrain en Juda. Les prophètes se battent contre cette pénétration des cultes étrangers. L’enrichissement, conséquence de la prospérité, corrompt les habitudes. Le prophète Ésaïe proteste (chapitre 3) contre l’excès de richesse et contre le luxe pour essayer de provoquer le redressement des habitudes faussées. C’est dans ce cadre moral et politique qu’il intervient.

  1. Analyse : L’intitulé (v. 1) recouvre probablement toute la suite des interventions d’Ésaïe. le mot

« vision » ne désigne pas une sorte d’hallucination, mais c’est une manière de signifier le message prophétique reçu et proclamé. On trouve ailleurs, chez Amos par exemple, cette association entre vue et parole.

 

v.2 : Ésaïe a une idée de l’avenir. le temps a beaucoup d’importance dans le Premier Testament,

chez les prophètes en particulier. On doit faire attention, cependant, à ne pas confondre prophétie et prédiction. Le prophète ne prédit pas ce qui doit arriver par la suite, mais il donne une instruction pour le présent. Il dit que le présent n’est pas enfermé en lui-même, ni que tout sera toujours pareil. Le prophète parle pour préparer les gens à un avenir et pour les inviter à préparer cet avenir.

 

Cet avenir –qui devra être proche– ce sera (v. 2b) la situation nouvelle de Jérusalem. La

« Maison du Seigneur », c’est à dire le Temple, est située sur la colline, la célèbre colline de Sion selon son nom poétique. Elle n’est pas très haute, 700 m. Mais elle a un sens considérable. Là est construit le Temple de Jérusalem, le centre spirituel et cultuel d’Israël. dire que cet endroit sera plus haut que toutes les montagnes, c’est affirmer que le culte du vrai Dieu fera disparaître tous les cultes de tous les faux dieux, les dieux des états païens qui entourent Israël. D’ailleurs, Jérusalem est désacralisée depuis longtemps. La ville n’est pas sacrée, c’est seulement la demeure provisoire de Dieu, qui peut la quitter s’il le veut.

 

            Cette présence de Dieu à Jérusalem, centre du monde, a deux conséquences :

  • La ville devient effectivement le centre. Tous les peuples se tournent vers elle (v.3), ils

s’invitent mutuellement à s’y rassembler. Ce n’est plus la dispersion du chacun chez soi, c’est la convergence en un seul lieu pour former un seul peuple, le Peuple de Dieu. La convergence n’est pas seulement géographique, elle est aussi spirituelle. Un seul peuple, un seul Dieu.

 

  • La conséquence, c’est (v.3b-4a) la paix qui s’installe. elle s’installe parce que tous entendent la

même parole de Dieu. Le mot que la TOB traduit par « instruction » est le mot hébreu « torah », qui désigne le Premier Testament. La ToRaH, c’est ce qu’on enseigne aux enfants et dans les écoles de rabbins. C’est tout ce qu’on doit savoir pour vivre comme Dieu le veut. C’est la vie pratique. Alors la paix peut s’établir sur le monde.  

 

Pour conclure (v.5), une invitation à la « maison (famille) de Jacob » (= Israël) de « marcher » (en

hébreu = se comporter) à la lumière de Dieu, donc de sa Parole.

 

  1. Les autres textes. Romains 13/11-14, Matthieu 24/37-44. La finale est également tournée vers

l’avenir. on peut en partir pour montrer le caractère dynamique, propulsif de la Parole de Dieu.

  1. Suggestions pour la prédication (Un seul thème par prédication)
  • Étude détaillée des trois textes. Mais cela risque d’embrouiller la pensée.
  • Le thème de l’avenir chez Matthieu, Romains et Luc. Un aperçu du thème du mouvement, d’avenir, de conclusion finale, temporelle, dans la Bible.
  • La réconciliation (paix) avec Dieu et entre les gens selon Ésaïe. (Ce thème sera celui de la prédication suivante).

 

Prédication

Lectures :

Matthieu 24/37-44

Romains 13/11-14

Chants :

            NCTC Ps 126, strophes 1 & 2

NCTC 162, AEC 310, Alléluia 31-12 « Oh ! viens, Seigneur », strophes 1, 2 & 4

NCTC 291, Alléluia M 47-05, toutes les strophes

Texte : Ésaïe 2/1-5

 

            Les textes bibliques se situent toujours dans une histoire. Dans l’Évangile selon Matthieu, Jésus raconte une parabole où un domestique – peut-être un contremaître – est chargé de préparer le retour de son patron. Malheureusement pour lui, il ne le fait pas et le patron le met à la porte. Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, l’apôtre Paul prévient que nous sommes dans une période où il va se passer quelque chose, qu’il compare au lever du jour. Il s’agit d’être prêt pour ce moment-là, qui est un moment décisif. Ce n’est pas la fin du monde. Mais c’est la fin d’une période de l’histoire du monde. Cette fin, cet événement, appelle de notre part une certaine attitude, un certain comportement. On doit y faire attention.

 

            Un passage du prophète Ésaïe nous est proposé en parallèle avec les extraits Matthieu et Romains. Nous allons essayer de comprendre ce qu’il nous dit. C’est un passage qui nous parle aussi d’une certaine période, d’une époque où il va se passer quelque chose. Il est donc important de savoir de quelle époque Ésaïe parle, pour comprendre ce qu’il dit. Ésaïe vit au huitième siècle avant l’ère courante, qu’on appelle l’ère chrétienne. On pense qu’il commence son ministère vers 740. Donc presque deux siècles avant la chute de Jérusalem et la défaite du royaume de Juda en 587. C’est une &poque de guerre et de conquêtes, où les Assyriens notamment agrandissent leurs territoires. C’est aussi une époque de troubles sociaux. Les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres. Ésaïe proteste en voyant les riches se prélasser dans le confort, pendant que le peuple crève de faim. C’est une époque de troubles spirituels. On abandonne de plus en plus le Seigneur d’Israël, on adore des idoles. Les cultes païens se répandent dans le pays, comme maintenant chez nous en notre période de déchristianisation.

            Le prophète Ésaïe apparaît pendant cette période de décomposition. Mais qu’est-ce qu’un prophète ? On croit souvent que le prophète annonce l’avenir. un peu comme les tireuses de cartes qui lisent l’avenir de quelqu’un dans les rois, les piques et les valets. Mais non, le prophète biblique n’annonce pas l’avenir. ou plutôt, quand il parle de l’avenir, ce n’est pas pour qu’on attende les bras croisés, c’est pour qu’on s’y prépare, pour qu’on prenne des dispositions en l’attendant. la prophétie est un message de Dieu, on doit le comprendre pour maintenant.

            Que dit donc le prophète aux gens de son temps ? Il dit qu’un jour la ville de Jérusalem sera située sur une montagne très haute, une montagne qui sera plus hautes que toutes les montagnes. Rien qu’à ce détail, on voit qu’on ne peut pas prendre cette prophétie au sens littéral. Jérusalem est bâtie sur une colline. On dit « monter » à Jérusalem pour dire « aller » à Jérusalem. Mais cette colline ne dépasse pas 700 mètres d’altitude. il faudrait un sacré tremblement de terre, un tsunami fantastique, pour qu’elle se retrouve à la même hauteur que le Mont Blanc – 4800 mètres – ou que l’Himalaya – 8800 mètres. On comprend tout de suite qu’on ne peut pas le prendre au sens littéral. Mais il y a un sens symbolique, une allusion à une réalité importante, mais qui n’est pas matérielle.

            La ville de Jérusalem était la capitale d’Israël. elle est toujours la capitale. Pas seulement la capitale politique. Elle l’est toujours. Mais elle est aussi la capitale qu’on pourrait dire spirituelle, à défaut d’un meilleur terme. C’est là que se trouvait le Temple construit sous les ordres de Salomon. C’est là que les tribus d’Israël se rendaient – les tribus ou au moins sans doute leurs délégués – trois fois par an pour les fêtes qu’on appelle fêtes de pèlerinage. Ces fêtes, c’était la Pâque, qui rappelle la sortie d’Égypte à l’époque de Moïse, c’était la fête des Semaines, quarante jours plus tard – nous en avons fait Pentecôte avec un sens tout à fait différent de la fête juive – et la fête des Tentes, qui rappelle le séjour dans le désert, quand on dresse des tentes chez les Juifs, pour rappeler que Dieu protégeait Israël dans le désert.

            Ces trois fêtes rythment la vie des Juifs encore aujourd’hui. Nous en avons perdu le sens, parce que nous avons changé leur signification. Mais, si vous vous promenez dans une ville israélite à l’époque de la fête des Tentes, vous verrez, sur les toits ou dans les jardins, de ces habitations provisoires, de ces sortes de tentes décorées, où les gens habitent pendant huit jours, les jours de la fête.

            Bien sûr, nous avons bien oublié ce sens que nous appelons spirituel, faute de trouver un terme plus juste. On a perdu ce sens depuis le Moyen Âge, et même un peu avant, quand les Romains ont chassé les Juifs de leur pays. Pour les chrétiens de l’époque des croisades, Jérusalem n’est plus que la capitale d’un royaume à reconquérir en chassant les Arabes et en massacrants les Juifs. Et maintenant, Israël est une pomme de discorde entre les Juifs et les Musulmans, c’est le pays qu’on se dispute à qui va l’occuper ou le réoccuper. Même les chrétiens, les uns sont pour les Juifs, les autres pour les Arabes.

 

            Pour une pensée qui s’appuie sur la Parole de Dieu, pour une pensée nourrie de la Bible, Jérusalem reste le centre spirituel, ce centre de la foi juive. Elle ne l’est pas seulement pour les Juifs, ce qui semble naturel. Elle doit rester ce centre pour notre foi, pour la foi chrétienne.

            Nous ne nous sommes pas éloignés du prophète Ésaïe. Que nous dit Ésaïe ? Il nous annonce qu’un jour tous les peuples se rassembleront autour de Jérusalem. Pour lui – et pour nous, si nous comprenons bien – cela veut dire que les gens du monde entier se tourneront vers Jérusalem. Pas pour attraper le torticolis, Ésaïe n’est pas aussi bête. Mais pour orienter leurs pensées de ce côté-là, pour comprendre que cette ville sera le pôle d’attraction de toutes les pensées. Et, puisque Jérusalem est le pôle de la foi, cela signifie la disparition de tout ce qui n’est pas tourné dans cette direction-là. Le regard spirituel vers Jérusalem signifie la disparition de tous les faux cultes, la disparition de toute idolâtrie, de tout ce qui sépare de Dieu.

            Mais aussi de tout ce qui nous sépare les uns des autres. Les musulmans sont séparés des chrétiens. Nous avons la Bible, ils ont leur Coran. Nous faisons confiance à la Parole de Dieu, ils croient à Allah. Mais il y a moins de différence entre un chrétien et un Juif qu’entre un chrétien et un musulman. Chrétiens et Juifs, nous lisons la même Parole de Dieu. Nous avons en commun la même Parole de Dieu. Nous avons ajouté un Nouveau Testament, mais nous lisons le même Ancien Testament. Les Juifs l’appellent la Torah. La Torah, ce sont les cinq premiers livres de la Bible, mais ce même mot désigne aussi l’ensemble du Premier Testament. Ce mot Torah vient d’un verbe qui veut dire enseigner, c’est ce qu’on enseigne, ce qu’on apprend pour en vivre. Quand nous lisons notre Premier Testament, nous en sommes au même point que les Juifs qui lisent la Torah. Aujourd’hui nous avons lu le passage du prophète Ésaïe, qui est le texte du jour. Les Juifs lisent aussi le prophète Ésaïe, peut-être pas ce matin, parce qu’ils suivent une autre liste de lectures, mais ils le lisent, ils le commentent, ils l’étudient, ils s’efforcent de le mettre en pratique.

            La Parole de Dieu nous rassemble, Juifs et chrétiens. Nous n’avons pas la même façon de la commenter, nous n’avons pas les mêmes méthodes pour l’étudier. Cette Parole est tellement riche qu’elle se prête à une multitude de compréhensions. Mais c’est la même et unique Parole. Cette Parole qui nourrit et qui fait vire. Parce que cette Parole est le centre de notre vie, le prophète Ésaïe voit tous les peuples, tout LE PEUPLE, rassemblés autour de Jérusalem, parce que de Jérusalem vient la Parole de Dieu.

 

            À cette condition la paix peut s’installer. Ésaïe voit tout le monde rassemblé autour de Jérusalem, autour du même centre spirituel. Autrement dit, le monde se rassemble autour de Dieu, dans la même confiance en lui. Alors se passe quelque chose d’extraordinaire. Les gens saisissent leurs épées pour en faire des socs de charrue, ils prennent leurs lances pour les transformer en serpes. Ésaïe conclut : « On n’apprendra plus la guerre ». Littéralement « On ne lèvera plus l’épée ». C’est le geste du guerrier qui brandit son arme. Mais pour que cela arrive, pour que le monde connaisse la paix, peut-être faut-il que nous commencions par faire la paix avec Israël. Et d’abord en nous-mêmes avec Israël.

            Mais nous les chrétiens, serons-nous assez proches de Dieu, assez disponibles, pour l’accepter ?

Amen !