Notes bibliques

Introduction
Si Paul écrit aux Galates, il a de bonnes raisons ! Tensions et disputes mettent la communauté en danger autour d’une question fondamentale : la foi au Christ mort et ressuscité sauve-t-elle seule ?
La justification par la foi n’est pas contestée en tant que telle mais ses implications pour le croyant et la communauté le sont (la liberté reçue en Christ 2,5), ce qui revient en fait à toucher la bonne nouvelle elle-même, la vérité de l’Évangile (2,14). C’est donc le rapport à Christ qui est en cause.
Le problème se cristallise autour de la circoncision (3,2-5; 4,21 ; 5,1-3.7 ; 6,12-13) que Paul amplifie à la question de toute la loi (sa place, son rôle… 3,6-29 ; 4,21-31). Dans cette même perspective s’ajoute le problème de l’observance de certaines règles (4,8-10). Paul ne traite pas la question sous l’angle ritualiste ou doctrinal mais par rapport à l’œuvre de Jésus-Christ et ses implications pour le croyant.

Ainsi des Galates se sont détournés de la bonne nouvelle de Jésus-Christ (1,6) :
Des gens les troublent (1,7), ils sont des faux-frères, des intrus (2,4), ils cherchent à les détacher de Paul et à les séduire (4,17), à les persuader d’être circoncis (5,7-12), ils veulent se faire bien voir à seule fin de n’être pas persécutés pour la croix de Christ (6,12).
Paul les interpelle (les provoque) : ont-ils été envoûtés ? (3,1), sont-ils devenus stupides ? (3,1.3)
La vérité de l’Évangile n’autorise aucun compromis, aucune concession (1,6-9). Paul utilise tous les tons et tous les registres (argumentation, interpellation, exhortation, plaidoirie avec accusation, défense…) compte-tenu de ce qui est en jeu.
Cet enjeu est exposé en 2, 15-21, il est annoncé en 1,1-5 et conclut l’épître en 6,14-16. Il trace une sorte d’axe autour duquel tout le reste est construit.
Par un récit de vie, (1,11-2,10), Paul montre comment l’œuvre de Dieu agit dans la vie d’un homme, la sienne : ce qu’il a annoncé, ce qu’il dit, il le signifie aussi par sa vie.

Il rappelle d’où il parle, ce qui l’autorise :
1,1 : il est « apôtre », du fait de Jésus-Christ, de Dieu et non des hommes.
Il ne cherche donc pas à plaire aux hommes (1,10) à l’opposé de la figure de Pierre en 2,11-14 (contre-modèle d’apôtre).
Il rappelle d’où vient ce qu’il a annoncé aux Églises de Galatie :
1,11 : une révélation de Jésus-Christ, et non des hommes.
Ce qu’il dit de lui-même concerne de la même manière le croyant et la communauté.

Tout est re-pensé, redéfini et réinterprété par rapport à l’œuvre de Jésus-Christ. Christ est le seul repère d’appartenance, de marqueur d’identité (cf. le don de l’Esprit dont le baptême est le signe).
Christ est le seul guide de la conduite du croyant (œuvre de l’Esprit en Lui) et donc le rôle et la fonction de la loi ne sont plus les mêmes. Ainsi la circoncision n’a plus de sens, de même que l’incirconcision (5,6).
Pourquoi et en quoi est-ce l’œuvre de Jésus-Christ qui est en jeu ? Parce que la marche arrière -vivre selon la chair- annule l’œuvre de Christ (2,21 ; 5,2 ; 5,11).
Les conséquences sont : être séparé du Christ (5,4); être déchu de la grâce (5 ,4); être stupide, envoûté (3,1); redevenir esclave du monde 4,3 ; 4,8-11 ; 4,17; être anathème (1,8-9).

Le texte pas à pas
Aux Galates, Paul décrit la vie dans l’Esprit comme la véritable liberté en Jésus-Christ. C’est cette liberté qui est chantée dans le chapitre 5. C’est un appel passionné à choisir la liberté.
5,1 : On voit bien, par la répétition des termes (libérés pour la liberté), l’emballement de Paul
5,3 : La circoncision est représentative de tout ce que l’homme se donne comme assurance pour son salut. On ne peut pas mettre toute sa confiance en Christ, et en garder un peu pour les œuvres de la loi.
5,4 : Chercher sa propre justice, c’est déjà avoir rompu avec le Christ.
5,5 : L’attente paisible de la foi, c’est l’Esprit de Dieu qui la rend possible et réelle dans le croyant.
5,6 : Dans le présent, la foi agit dans (ou par) l’amour. Mais l’amour n’a pas de valeur indépendamment de la foi.
5,7 : Paul exprime sa déception dans une question rhétorique (dont il n’attend pas de réponse). L’image de la course vient illustrer le brusque revirement des Galates.
5,8 : Luther remarquait sur ce verset que les tenants du légalisme, qui ont détourné les Galates, devaient avoir l’air beaucoup plus respectable et pieux que Paul.
5,11 : Prêcher la Croix est incompatible avec la circoncision.
5,12 : Paul est fort en colère, et va jusqu’à provoquer ses adversaires (évoquant la castration des prêtres païens), mettant dans le même camp légalistes juifs et paganisme.
5,13 : Paul enfin se calme et aborde la fin de l’épître de manière plus paisible, avec, selon son habitude, une exhortation à vivre la liberté dans son expression pratique : l’amour fraternel.
La liberté évangélique n’est pas seulement spirituelle, ou intérieure, elle est totale, dans la vie quotidienne.
5,15 : Là où on ne vit plus de la Grâce, les querelles ruinent bien vite la vie communautaire. On ne sait pas à quoi Paul fait référence quant aux disputes des croyants de Galatie.
5,16 : « Marcher selon l’Esprit » c’est dans la vie courante, élémentaire, et non pas des circonstances exceptionnelles.
Il ne faut pas voir ici un dualisme « esprit » et « chair », où l’homme serait composé de deux parties opposées et séparables. L’homme tout entier est charnel, esprit et corps unis. La question est de savoir à quoi il va obéir : à sa volonté propre (ici nommée la chair) ou à l’Esprit de Dieu (nommé Esprit).

Prédication

C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés.
Quelle affirmation ! Début d’un manuel anarchiste ou révolutionnaire ?
Quand on était adolescent, souvenez-vous, on rêvait de liberté. Vivre de musique, vivre pour ses idéaux, lutter pour la justice et résister au mal. Être libre, ne rien se laisser imposer, ne faire que ce qui me plaît, quel doux rêve !
Et puis l’âge, aidant, la sagesse arrivant et les responsabilités, nos journées recèlent de moins en moins de liberté. Nous faisons ce que nous avons à faire, par devoir, par engagement, par nécessité. Sommes-nous libres ? Certainement pas de cette liberté dont nous rêvions adolescents. Et puis, avons-nous les moyens de vivre libres dans une société où toute chose se monnaye ?
Qu’est-ce que la liberté ? Ça pourrait être une question posée au Bac de philo cette année. Est-ce que la liberté consiste à faire seulement ce que l’on veut, sans se poser d’autres questions ? Mais alors, ne suis-je pas soumis à la dictature de mes propres sentiments ?
L’apôtre Paul affirme aux Galates que le Christ les a libérés.

 

Et le texte nous l’affirme :

Le Christ nous a libérés.
Les Grecs avaient une notion concrète de la liberté : dans une société fondée sur la différence entre maître et esclave, l’homme libre était celui qui pouvait disposer de lui-même, à l’inverse de l’esclave. Chez les philosophes stoïciens, l’homme libre est celui qui a réussi à se détacher intérieurement de tous les liens, contingences extérieures et passions humaines.
Mais Paul affirme autre chose, sur un autre terrain : est libre celui qui renonce à se libérer par lui-même et accepte d’être saisi par un autre, en l’occurrence le Christ.
Cette libération peut être accueillie quelque soit sa propre situation (maître, esclave, homme, femme, riche ou pauvre), et elle n’éloigne pas plus des contingences extérieures qu’elle ne coupe des passions humaines. Simplement, elle remet chaque chose à sa place.

Le Christ nous a libérés. Mais de quoi ?
Dans le texte de Paul, Christ nous libère de la loi, du péché et de la mort. Bien sur, ce sont des termes que nous utilisons aujourd’hui dans un autre sens.
Ainsi, il serait faux de dire que Christ nous dispense d’obéir à la loi. Si j’enfreins la loi en volant, en escroquant ou en tuant, j’encours la sanction pénale correspondante, et l’Évangile ne m’encourage pas à faire de la sorte ! La loi dont parle Paul est bien autre chose.
Si pour nous « le péché » se rapporte à une liste de choses à ne pas faire pour rester pur, listes comportant des petites fautes et des grosses fautes, dont il suffirait de se repentir pour être sans péché, ce n’est pas encore cela.
Si pour nous la mort se résume à la mort du corps biologique, ce n’est encore pas cela dont parle Paul, ou en tous cas pas seulement.
Derrière ces trois mots, loi, péché, mort, est résumée « la malédiction » de l’être humain, qui est d’être séparé de Dieu.
En quoi est-ce une malédiction ? Sous l’angle de la loi, au sens du Judaïsme, l’être humain cherche à assurer son salut par le respect de la loi, ce qui pour Paul ne lui assure rien du tout.
Sous l’angle du péché, d’après Paul, l’être humain ne peut pas de lui-même être « impeccable » (c’est à dire sans péché), de même qu’il est tributaire de la mort.
Dans les trois cas, l’homme est séparé de Dieu par sa propre recherche de salut. Et Paul lui-même l’a parfaitement résumé en disant « le bien que je veux faire je ne le fais pas, le mal que je ne veux pas faire, je le fais. »

De quoi Christ vous libère-t-il ?
Mais sans doute aujourd’hui faut-il aller vers d’autres mots, d’autres réalités inconnues de Paul. De quoi le Christ nous libère-t-il aujourd’hui ? Si le Christ est vraiment le Seigneur de nos vies, c’est qu’il nous sauve. De quoi ?

[selon la communauté dans laquelle vous prêchez, il peut être bienvenu, et très enrichissant, de prendre le temps du partage autour de cette question fondamentale, très simplement. On découvre alors des perles en chaque participant au culte !]

Aujourd’hui, je peux dire, personnellement, que le Christ me sauve du désespoir, le désespoir devant l’état du monde et mon impuissance à faire quoi que ce soit pour l’améliorer, ou le rendre un peu meilleur. Mais il y a quelques années, c’est du non-sens qu’il m’a sauvé, en m’appelant à son service, face à une existence qui n’avait aucun sens pour moi.
Pour d’autres, le Christ les a sauvés de l’angoisse, de la peur de la mort.
La bonne Nouvelle de l’Évangile ouvre en chacun de nous une porte, un chemin dans une vie bloquée, paralysée, empêchée de vivre.
Oui, le Christ nous a libérés en vue de la liberté !
Car non seulement il s’agit d’une libération ponctuelle, à un moment donné de notre vie, qui fait éclater la prison intérieure dans laquelle nous étions prisonniers, mais encore cette libération va se poursuivre, dans une vie tournée vers la liberté.
Libres vis-à-vis de la peur
Libres vis-à-vis des dominations (chefs, pouvoir, argent)
Libres vis-à-vis de notre propre dictature (mon orgueil, mon ambition, mon amour-propre)

Libérés en vue de quoi ?
Très simplement, nous ne sommes pas libérés pour le plaisir, nous sommes libérés pour servir. A l’image du Christ, lui qui était fondamentalement libre devant toute autorité et pouvoir, et qui a choisi d’être serviteur de tous jusqu’à la mort, la véritable liberté est de se mettre volontairement au service, et c’est le paradoxe de la libération évangélique. Elle trouve son sommet dans le « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est à cela que conduit la libération.
Libérés par l’Esprit de toute domination, nous pouvons nous mettre au service les uns des uns.