Notes bibliques

Genèse 18, 20-32

 

Contexte
Trois hommes arrivent et après avoir été rassasiés par Abraham, lui annoncent qu’il aura un fils. Ces trois hommes sont envoyés ensuite vers Sodome afin de vérifier la véracité de ce que Dieu a entendu sur les gens de cette ville. Ce qu’il a entendu est « excessivement accablant » v. 20.
Nous avons alors l’intercession d’Abraham qui sera suivi de la destruction de Sodome. Loth, le neveu d’Abraham sera épargné et pourra fuir avec sa femme (bien que sa femme en se retournant sera changée en statue de sel).

 

Quelques notes de traduction
V 20 le péché si grave : litt. excessivement lourd, pesant, accablant, fort, vif.
V 22 : litt. « Abraham, une fois encore se tient debout à la face de Dieu (ou persistant, persévérant, demeurant ferme à la face ce Dieu) »
Vs 24 et 26: Le verbe traduit par pardonner peut aussi être traduit par lever, élever, porter, supporter, ôter…
Quelques questions
L’intercession d’Abraham n’a servi à rien, alors en quoi était t-elle importante ? Pourquoi Dieu l’a t-il suscitée en faisant part à Abraham de son intention de détruire cette ville ?
Pourquoi Abraham s’arrête t-il à dix ? Il ne va pas jusqu’au bout de son argumentation de ne pas faire périr le juste avec le méchant.
Si on compare avec les paroles du Ps 14, 2 et 3, pourquoi Dieu se laisse t-il embarquer dans cette argumentation ?

 

Quelques réflexions
Abraham est considéré comme l’ami de Dieu (Jacques 2, 23)
Abraham tout en se faisant très insistant, insiste avec une grande humilité, on a l’impression au fur et à mesure qu’il avance qu’il « marche sur des œufs ». cf v 27
Il utilise la « corde sensible » de Dieu, celle de la justice, par trois fois, il argumente avec le fait que Dieu ne peut détruire le juste avec le méchant, les traiter de la même façon. (vs 23 et 25).
Le dialogue entre Dieu et Abraham est construit avec des phrases qui se répètent plus ou moins, avec pour contenu global :
– pour (chiffre) détruiras-tu ?
– pour (chiffre) je ne détruirais pas
et ainsi de suite de 50 à 10.
Abraham obtient toujours gain de cause mais il s’arrête là, ne va pas jusqu’au UN, auquel on pourrait s’attendre.

Luc 11, 1-13

Plan
Ce passage comprend trois parties :
– à la demande des disciples d’un enseignement sur la prière, Jésus enseigne le « Notre Père »
– Fait suite une parabole sur la persévérance dans la prière
– Vient alors une exhortation à demander.
Quelques notes de traduction
V 3 : litt. : le pain du lendemain, de l’avenir, pour ce jour-ci, donne-le-nous chaque jour, quotidiennement. On pourrait traduire alors de cette manière « donne-nous le pain du lendemain quotidiennement »
V 4 : litt. : introduire, conduire dans l’épreuve (tentation, séduction)
V 8 : litt. : à cause de son absence de pudeur, de retenue, à cause de son insistance déplacée
V 9 : litt. : cherchez et vous rencontrerez (trouverez, reconnaîtrez, constaterez, découvrirez), même verbe au verset 10.
V 13 : litt. : le Saint Esprit, le souffle, la vie.

 

Quelques réflexions

Première partie (vs 1-4)
Jésus vient lui-même de passer un moment en prière, quand ses disciples l’interpellent et lui demandent de les enseigner sur cette pratique, comme l’a fait Jean envers ses propres disciples, ils sont dans le système du modèle. La prière que Jésus propose oriente leur regard vers le Père, puis fait état de leur dépendance (pain et pardon). On peut sans doute ici faire le rapprochement avec la manne qui était donnée au jour le jour. Elle exprime enfin la fragilité humaine (tentation).

Deuxième partie (vs 5-8)
La parabole exprime l’insistance dans la prière pour faire céder celui qui peut donner, invite à ne pas lâcher prise tant que l’on n’a pas obtenu.

Troisième partie (vs 9-13)
Jésus en tire les conséquences pratiques pour ses disciples et une logique en montrant l’écart entre l’humain et Dieu, il donnera, c’est sûr! L’expression : « qui de vous » invite à s’identifier à celui qui va donner dans la parabole (si vous pouvez, alors Dieu …).
Quelques questions et tentatives d’y répondre
Ce que dit Jésus ne correspond pas à notre réalité empirique, tant de gens demandent et ne reçoivent pas, doit-on penser que ces gens manquent de foi ? Qu’ils ne croient pas assez ?
De quel exaucement Jésus parle t-il vraiment ? Le v 13 est sans doute un indice : Le St Esprit, c’est la présence de Dieu pour l’être humain, c’est sans doute cette présence qui ne sera jamais refusée. Cela renvoie à la prière du « Notre Père » qui exprime un recentrage sur le Père et une expression de notre dépendance. En lien, notre prière sera exaucée, nous ne manquerons pas de la présence de Dieu dans notre quotidien et dans nos besoins.
Ainsi, plus que de répondre systématiquement en collant à la demande, Dieu nous offre sa présence qui nous orientera sur ce qu’il convient de demander.

 

Témoignage
Une détenue : « Frappez, ça me fait penser au tapage qu’il y a parfois dans les couloirs de la détention quand une ou plusieurs personnes tambourinent sur leur porte de cellule : On ne veut pas être oubliées. A ce moment on est au-delà de la parole qui n’a pas été écoutée. C’est sûr, un jour, on nous ouvrira »
Lien entre ces deux textes ?
L’insistance dans la prière pour que Dieu accorde la vie.

 

Prédication

Introduction à la première lecture
Une première lecture est proposée dans le livre de la Genèse, nous nous trouvons juste après l’épisode dans lequel Abraham accueille très chaleureusement et copieusement trois hommes qui représentent dans ce contexte la présence de Dieu. Après avoir été rassasiés par Abraham, Ils lui annoncent qu’il aura un fils. Ces trois hommes partent ensuite vers Sodome afin de vérifier la véracité de ce que Dieu a entendu sur les gens de cette ville. Le cri de cette ville qui est parvenu jusqu’à lui est accablant et il veut vérifier ce qu’il a entendu :

Première lecture : Genèse 18, 20-32

Chant
C’est l’été, le moment de se relâcher, de se laisser aller les doigts de pieds en éventail, tout nous invite à se détendre et relâcher la pression, alors, que vient-on nous déranger en plein été, ce matin avec un second texte dans les évangiles qui nous « booste » pour qu’au contraire, nous nous tenions sur la brèche ?

 

Écoutez ce texte

Deuxième lecture : Luc 11, 1-13
Jésus vient lui-même de passer un moment en prière, quand ses disciples l’interpellent et lui demandent de les enseigner sur cette pratique, comme l’a fait Jean envers ses propres disciples, ils veulent un modèle.
Cette prière, beaucoup de chrétiens l’ont appris par cœur depuis et sont capables de la réciter sans fautes, elle est bien pratique quand les mots nous manquent pour prier.
Elle est aussi une manière de pouvoir prier ensemble en prononçant les mêmes mots, elle joue ainsi son rôle de prière communautaire.
Nous la prononçons souvent lors de nos cultes dominicaux, mais la comprendre est une autre histoire. Les tentatives de versions en français courant ou de paraphrases de ce texte ne manquent pas, nous avons en effet besoin de mettre du sens sur les mots que nous prononçons et ce n’est pas toujours si facile avec cette prière du « Notre Père ».
Les Évangiles de Matthieu et de Luc nous relatent deux versions différentes du « Notre Père ». Celle de Luc est plus brève que celle de Mathieu.

Quel est le contenu de cette prière ?
Elle oriente d’abord notre regard vers le Père, dont une des facettes nous est donnée plus loin : un père sait donner de bonnes choses à ses enfants. C’est donc avec confiance que l’enfant peut confesser sa dépendance, tant pour son besoin quotidien de nourriture que pour son besoin quotidien de relation. Le pardon rétabli les relations altérées par le péché qui fondamentalement signifie « manquer la cible », c’est à dire, passer à côté de l’essentiel.
La relation fait partie de l’essentiel de l’être humain, le pardon reconstruit ce qui a été brisé et recentre ainsi sur cet essentiel.

La prière exprime enfin la fragilité humaine.
Plus qu’une affirmation du fait que Dieu pourrait nous tenter par sadisme, elle est avant tout une confession de cette fragilité : « Ne nous introduit pas dans la tentation, ce n’est pas la peine, nous ne pourrons pas résister », voilà ce que nous confessons.
Jésus prend donc en compte la requête de ses disciples en leur donnant des mots, mais il va aussi plus loin, la prière n’est pas une simple répétition de mots appris par cœur, elle est avant tout une relation de confiance persévérante, ce qu’illustre la parabole qui suit.
Pourtant, ce qui suit heurte quelque peu notre expérience dans ce domaine, combien de fois avons-nous demandé … ce que nous attendons toujours !
La tentation est grande avec un tel texte de tomber dans la culpabilité : je n’ai pas assez de foi, je n’y crois pas assez, je n’ai pas les bons mots, les bonnes expressions…
« Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve et à celui qui frappe, on ouvrira. »

De quel exaucement Jésus parle t-il vraiment ?
Lisons notre texte jusqu’à la fin, car c’est peut-être de la fin que vient l’indice qui nous manque pour comprendre : « à bien plus forte raison, le père céleste donnera t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ».
Le St Esprit, c’est la présence de Dieu pour l’être humain, Jésus affirme que cette présence ne sera jamais refusée.
Cela nous renvoie aux mots proposés à notre prière par Jésus qui expriment un recentrage sur le Père et une expression de notre dépendance. Notre prière sera exaucée, nous ne manquerons pas de la présence de Dieu dans notre quotidien et dans nos besoins.

Ainsi, plutôt que de répondre systématiquement en collant à nos demandes, Dieu nous offre sa présence qui nous orientera sur ce qu’il convient de demander.
Avant tout, nous sommes donc invités à vivre dans la prière une relation avec celui qui est pour nous source de vie. Et en cela, Jésus nous exhorte à ne pas nous relâcher, à toujours persévérer car cette relation est nourriture quotidienne. On ne peut en faire des réserves, pas plus que la manne qui était donnée aux hébreux dans le désert, ils devaient en ramasser chaque jour car le lendemain, cette manne était périmée et infecte.
Une relation, c’est du quotidien, une relation non renouvelée se dessèche, d’où cette insistance à persévérer sans lâcher prise.

C’est peut-être là que nous rejoignons le texte de la Genèse avec Abraham.
Son intercession n’a servi à rien, elle était « inutile » sur le plan « efficacité », puisque ce qui suit le texte que nous avons lu est la destruction de Sodome. On peut se demander pourquoi Dieu a suscité cette intercession en faisant part à Abraham de son intention de détruire cette ville pervertie, déjà morte en quelque sorte ?
Ce dialogue est avant tout une relation entre Abraham et Dieu qui le considère comme un ami.
Abraham insiste tout en manifestant sa fragilité, il parle avec une grande humilité « moi qui ne suis que poussière et cendre » on a même l’impression qu’il avance dans son argumentation en « marchant sur des œufs » comme on dit.
Pourtant, il insiste et ne lâche pas prise en utilisant, je dirai la « corde sensible » de Dieu, celle de la justice. Par trois fois, il argumente avec le fait que Dieu ne peut détruire le juste avec le méchant, les traiter de la même façon.
Ce n’est pas tant l’argumentation qui compte devant Dieu, que le lien établit dans la prière. On pourrait même penser que l’argumentation d’Abraham ne tient pas, puisque devant Dieu, « tous sont pervertis » nous dit le psaume lu dans la liturgie tout à l’heure.
Mais dans la relation, Dieu prend Abraham au sérieux et ce dernier obtient toujours gain de cause « pour- tant-, je ne détruirai pas ».
Ce qui est important ici, c’est qu’Abraham est en relation avec Dieu et il intercède pour la vie, cette vie pour laquelle Jésus affirme qu’elle ne nous sera pas refusée.
Alors pourquoi Dieu n’a t-il pas exaucé Abraham ? Peut-on prier pour ce qui est déjà mort ? Ce serait le sujet d’une autre prédication plus développée sur ce passage.

Ces deux textes nous invitent en tout cas à prier sans relâche pour que la vie triomphe et cette vie se trouve déjà dans l’acte même, de se mettre en prière, c’est à dire entrer en relation.