Pasteur Christophe Verrey
Notes bibliques

1 Timothée 2, v. 1 à 8

v1 – « je recommande » : On notera le style familier du maître pour son élève Timothée. Paul l’aimait beaucoup. cf. 1v18
« avant tout » : Ce que les autorités romaines redoutaient le plus, c’était le désordre ! L’arrestation puis l’exécution de Jésus le montrent bien, les persécutions avaient commencé de la part des juifs, mais pas encore de Rome, que Paul redoutait par-dessus tout, à cause de la puissance de mort dont Rome était capable.
Demandes, prières et supplications sont dans un ordre croissant selon les degrés de la menace contre « les hommes » : il peut être utile de le noter dans nos intercessions, dans lesquelles nous gardons le même ton quelle que soit la gravité du problème évoqué. Ne pas oublier non plus les actions de grâce, qui sont nos remerciements à Dieu. Il faut citer ici Éphésiens 5:20 : « Remerciez Dieu le Père en tout temps et pour tout, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ ».
« pour tous les hommes » : Romains 12:18,1 Thes. 4:11 et Hébreux 12:14 reprennent cette idée universaliste : « Efforcez-vous d’être en paix avec tout le monde… » Il s’agit de soutenir la mission par la prière (v.4), mais aussi de prier pour la paix à l’intérieur des communautés, fortement secouées par des doctrines discordantes (cf. 1v 7 et v.8) Plus largement, au v 4, il s’agit de tous ceux qui seront touchés par le salut.
v2 – La deuxième partie du verset ne peut être comprise comme conditionnelle : c’est de la prière pour les hommes politiques que pourra découler la vie calme…
« Afin que » elle garantisse la possibilité de vivre sa religion, et de conserver sa dignité : S’il faut prier pour, c’est que les autorités ne sont pas capables par elles-mêmes de les garantir ! Voir les 3 usages de la loi chez les réformateurs. Ici, c’est comme défenseurs de la loi, conçue comme règle de comportement social voulu par les dieux (nomos, cf.1 v 8) que les autorités prennent tout leur sens. Paul s’aligne sur cette conception pour dire que la vie calme sous l’égide des autorités est voulue par Dieu « notre Sauveur » (v.3). Pas étonnant, dans la mesure où, à travers Timothée, il vise surtout les membres d’origine hellénique de la communauté. La « connaissance de la vérité » dont il est question au v.4 , qui concerne bien sûr l’évangile tel qu’il est développé après, est aussi possible pour les non-juifs, malgré ce qu’en disent certains prédicateurs d’origine juive de la communauté d’Éphèse.
v.3 : « ce qui »… c’est quoi ? C’est la vie de prière qui sous-tend la vie paisible.
C’est un vocabulaire sacrificiel, qui fait de la prière une offrande qui monte vers Dieu dans l’attente d’un exaucement
v.5 et 6a : Catéchisme plutôt destiné aux chrétiens d’origine juive. La notion de rançon est à développer : de quel enlèvement est-elle la contrepartie ? De qui sommes-nous les otages ?… brûlant d’actualité !
« le témoignage rendu » :Difficile de dire s’il s’agit du sacrifice de Jésus ou de l’évangile transmis par Paul…cf. 7a.
héraut : ou ambassadeur, messager,… envoyé vers l’étranger !
« je ne mens pas » :Porte à la fois sur la véracité du témoignage et de son titre de « docteur des nations » (ou « apôtre des gentils » ) qui montre que Paul a conçu son ministère comme un élargissement des promesses faites à Israël – le salut par grâce- à toutes les nations.
v.8 : logiquement, si l’on prie pour la paix entre tous les hommes, il faut commencer par la paix chez soi ! A Éphèse comme ailleurs. Comment sinon leurs mains seraient-elles « saintes » ? Si elles appartiennent à un cœur plein de colère ?

Prédication
1 Tim. 2 v 1 à 8 : prier pour la paix

Trois ans déjà, et pourtant c’était hier ! L’actualité, avec les inévitables commémorations, s’impose parfois au prédicateur plus fortement qu’il ne le voudrait. Il est vrai que le 11 septembre 2001 risque de s’imposer dans l’histoire du monde comme un tournant décisif, plus important que la date symbolique du 1er janvier 2000.
Non que l’attentat du « World Trade Center » soit plus apocalyptique qu’un autre. Il est finalement limité, circonscrit, au rang d’une catastrophe humaine comme un tremblement de terre ou une inondation. Il n’a pas la dimension cosmique de l’Apocalypse.
Mais il est le point de départ d’une nouvelle forme de conflit qui risque de dépasser largement cet événement. Remercions le Seigneur de nous avoir préservés jusque-là d’une nouvelle forme de croisade ! Pour nous, il est toujours temps de méditer sur l’exhortation de cette épître de Paul : « Il faut prier pour les rois et tous ceux qui détiennent l’autorité, afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu ».

La prophétie d’Amos (Amos 8 v 4 à 7 version FC), pourtant, est riche d’avertissements : Il faut relire ces phrases en se remettant encore une fois, comme la télé l’a si souvent fait si souvent depuis, devant le spectacle de ce jour funeste : « Ce jour-là, dit le Seigneur Dieu, je ferai coucher le soleil en plein midi; en plein jour le pays sera plongé dans l’ombre. Je changerai vos fêtes en deuil et tous vos chants en lamentations »…la fête, ce jour-là, c’était celle des affaires qui marchaient si bien ! « C’est pourquoi le pays tremblera, tous les habitants prendront le deuil ».
Ce jour-là, le pays n’était autre que notre « village planétaire ». Tous les pays occidentaux ont pris le deuil…3 minutes. Que s’était-il passé ? Comment cela a-t-il été rendu possible ? … 
« Écoutez donc ceci, vous qui piétinez les malheureux, vous qui éliminez les humbles du pays : Vous diminuez la mesure, vous falsifiez les poids, vous faussez la balance. Vous vendez à vos clients jusqu’aux déchets de votre blé ». Faut-il que je vous dépeigne à nouveau le système économique sur lequel est édifié notre prospérité ? Faut-il que j’enfourche ici à mon tour le discours – largement anti-américain – des « anti-mondialisation » ? Faut-il que j’égrène un à un des exemples précis de l’injustice et du cynisme que la loi du marché fait peser sur le monde ? Et je pense ici à la balance des paiements : les États-Unis s’accordent des droits en la matière qui sont refusés à bien d’autres pays (on ne prête qu’aux riches !) Et je pense au système financier international, fondé entièrement sur l’anticipation de ses propres réactions, sur du vent !…

Que peut-on dire encore sur le blé ? Faut-il faire allusion aux O.G.N., un blé qui ne peut se reproduire et que l’on cherche à imposer comme seule semence légale ?…Repentons-nous plutôt pour nos propres pratiques, pour notre péché collectif, pour notre aveuglement et notre incapacité à écouter la parole de Dieu que le prophète nous apporte. En évitant de prendre pour des anges ceux que les médias appellent « les fous de Dieu » (terme que je récuse parce qu’il était déjà employé pour mes ancêtres les camisards).
Ces fanatiques islamistes qui agissent pour des motifs essentiellement idéologiques et politiques, même colorés de religion, sont certes des terroristes et rien ne justifie la terreur. Mais les prophètes de l’Ancien Testament ont souvent vu dans les ennemis politiques d’Israël un instrument de la colère de Dieu, lorsqu’ils se déchaînaient. Ils nous invitent encore aujourd’hui à discerner dans les injustices sociales la racine de ces déchaînements de colère. Et à modifier un système économique qui écrase les malheureux par populations entières. Que ce soit en Amérique même ou dans tous les pays néo-colonisés par l’occident. Mais avant de vouloir changer le monde, il faut peut-être balayer devant notre porte. Commençons par notre pays ? Non, par notre ville ? Non, commençons par nous-mêmes !

L’Évangile de Luc (Luc 16 v 1 à 9 ) nous y invite, avec cette parabole :… Parabole de Jésus assez déconcertante, sur une pratique économique fort peu honnête. Mais qui nous invite à une interprétation plus spirituelle, à entrer dans la logique de l’économie du salut et non de l’argent : «  pour qu’une fois celui-ci (l’argent) disparu, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles »… C’est bien des richesses spirituelles que Jésus invitait ses auditeurs à abuser, en les utilisant même de façon détournée pour gagner le monde à une certaine sympathie pour Évangile C’est le sens de la 1ére conclusion : «Eh bien! Moi, je vous dis: faites-vous des amis avec l’Argent trompeur » Entre parenthèse, cela devrait nous permettre de ne pas trop regarder les moyens en matière d’évangélisation. Mais Luc nous entraîne aussi, de petite phrase en petite phrase, accolées à cette parabole, au problème de l’argent et de son usage.
Cela commence ainsi : (v.10) « Celui qui est digne de confiance pour une toute petite affaire est digne de confiance aussi pour une grande; et celui qui est trompeur pour une toute petite affaire est trompeur aussi pour une grande. » Une phrase de sagesse rabbinique pour passer tout doucement de la grande affaire de la spiritualité à la petite affaire de l’argent. « Car ce que les hommes considèrent comme grand est détestable aux yeux de Dieu ». La phrase suivante (v.11) nous mène au cœur du débat : Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’Argent trompeur, qui vous confiera le bien véritable? Aucun doute : c’est bien de l’usage de l’argent qu’il est question. Qualifié de trompeur, ou plutôt d’injuste, de faux parce qu’il est fondé justement sur la confiance entre humains, ce qui est le fondement le moins sûr. Il s’agit bien ici de fidélité, d’honnêteté en ce qui concerne l’argent. Principalement lorsqu’il s’agit de l’argent des autres (v.12) : « Et si vous n’avez pas été fidèles en ce qui concerne le bien des autres, qui vous donnera le bien qui vous est destiné? » Le bien véritable, … qui vous est destiné, celui que l’évangile nous exhorte à préférer à l’amour de l’argent, c’est la grâce de Dieu.

Ce n’est pas seulement une question d’intérêt bien compris, mais aussi un choix affectif : «Aucun domestique ne peut servir deux maîtres: ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent.» (v.13) Luc considère qu’un homme qui aime et sert l’argent avant toute chose, qui est prêt à s’enrichir par tous les moyens est bien loin de la foi. Sans disqualifier toutefois totalement un certain bon usage de la richesse : lorsqu’elle est mise au service de l’homme et non seulement à son propre service. On peut admirer, de nos jours, un entrepreneur qui résiste à la concurrence internationale tout en sachant privilégier l’investissement humain sur l’investissement financier. Qui arrive à ne pas débaucher, quitte à réduire ses marges… Il y a des choix à faire également dans nos comportements financiers ! Ce sont les actionnaires, aujourd’hui, qui mènent le jeu. Bien plus que les actifs… Que ceux qui ont des oreilles et des actions entendent !
L’épître à Timothée, (1 Tim. 2 v 1 à 8 – version FC) enfin, nous ramène à notre préoccupation du début, à notre responsabilité de citoyens et de chrétiens.
« Il faut prier pour les rois et tous ceux qui détiennent l’autorité, afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible, respectable, dans un parfait attachement à Dieu. » Entendez bien que nous devons prier pour la paix dans notre société. Pour que les responsables des nations, tous ceux qui sont au pouvoir partout dans le monde reçoivent du Saint-Esprit les lumières indispensables à l’exercice de leur autorité, en la plaçant toujours sous l’autorité divine. Sans distinction selon leur nationalité ou leur religion « afin que nous puissions mener une vie tranquille, paisible » L’erreur pour nous a peut-être été de penser que seule notre propre tranquillité est à assurer, à n’importe quel prix ! Grâce à une bonne surveillance aux frontières, grâce à la puissance de nos armes, grâce à la maîtrise de nos approvisionnements, et bien d’autres choses encore… C’est oublier le dernier mot de l’apôtre : une vie respectable. Avec ce lâche attentat du 11 septembre 2001, la civilisation occidentale n’est plus respectée, et nous risquons de voir se multiplier, se banaliser des horreurs à plus ou moins grande échelle si nous ne prenons pas garde à respecter nous aussi le reste de l’humanité dont nous sommes tout aussi responsables. Si nous respectons les autres, ils seront plus à même de nous respecter. Car si les commanditaires sont des gens sans scrupules dont le but est de disputer le pouvoir aux grandes puissances en les déstabilisant, il ne faut pas oublier que les kamikazes recrutés sont pour la plupart des jeunes gens désespérés, promis à un avenir bien sombre, à cause même de la situation sociale de leur peuple. Qu’ils soient égyptiens ou palestiniens. Il y a là des masses humiliées prêtes à tout pour suivre un quelconque leader charismatique.

Il y a nécessité pour nous de prier maintenant pour que les dirigeants de la planète arrivent à imaginer un avenir mieux partagé pour chacun. En tirant tant qu’ils le peuvent la prospérité vers le haut, mais surtout en privilégiant la justice et la meilleure répartition des richesses entre tous. En laissant à chacun la possibilité de vivre sa foi « dans un parfait attachement à Dieu » en toute liberté et dans le respect de chacun. Paul ne dit-il pas : « En tout premier lieu, je recommande que l’on adresse à Dieu des demandes, des prières, des supplications et des remerciements pour tous les êtres humains. » Il parle bien de tous ! Pas seulement pour nous, pas seulement pour quelques-uns, mais bien pour tous. Car tous sont bénéficiaires de la bénédiction et de la grâce de Dieu. Au roi des siècles, au Dieu immortel, invisible et unique, honneur et gloire pour les siècles des siècles. (1 Tim.1:17)
Amen.

Prière

Seigneur, laisse-nous maintenant t’adresser des demandes, des prières, des supplications et des remerciements pour tous les êtres humains. 
Nous te demandons la paix pour tous,
la justice pour tous,
la dignité pour tous.
Nous te prions pour qu’ils découvrent, chacun à sa manière,
ta merveilleuse royauté.
Nous te supplions d’arrêter la folie des hommes,
de tous ceux qui veulent la guerre.
Nous te remercions de nous avoir donné la vie
et tout ce qu’il faut pour l’entretenir,
de nous offrir chaque jour ton amour et ta grâce,
avec les promesses du pardon et de la vie éternelle.
Amen.

Cantique 
AEC 303, NCTC 223, Alléluia 31-20, Seigneur, que tous s’unissent pour chanter ton amour…, les 3 str.


Pasteur Didier Fiévet
Prédication

Amos 8: 4 à 7
1 Tim 2: 1 à 8
Lc 16: 1 à 13

Argent et pouvoir… Pouvoir et argent, les deux mamelles de notre pauvre monde. Les deux ressorts de toutes nos activités, les deux ressorts de toute la mécanique du monde… Pour les uns deux faces du même dieu idolâtre, pour les autres deux mêmes faces du même diable… Par les uns comme par les autres, chacun des trois textes que nous venons de lire risquent bien d’être utilisés pour justifier leur compréhension de l’argent.
Avec Amos, les partisans de la justice, les combattants de la justice…
Les dénonciateurs de l’exploitation. Tous les pourfendeurs de l’économie de profit.
C’est vrai que le monde est défiguré par les rapines et les corruptions de tout poil.
Quand ce n’est pas l’usine d’à coté qui ferme pour aller donner du travail à des affamés du bout du monde, c’est la forêt amazonienne qui est lacérée, quand ce n’est pas les petites filles victimes des fantasmes exotiques de quelques détraqués, c’est le territoire concédé à tout un peuple qui ne recèle pas une goutte d’eau…
C’est vrai que le monde est abîmé, que le monde est dévasté, par la course au profit…
Et c’est vrai que tous les prophètes ont toujours protesté de toute leur voix, au nom même de Dieu, contre l’exploitation des petits…
Contre le ravissement, la séduction des richesses: toujours plus, toujours encore. Même quand il y en a assez, il en faut encore.
C’est devenu une fin en soi. Le but de toute entreprise, n’entend-on pas dans toute bonne école de commerce, n’est-ce pas de faire du profit? Gagner de l’argent est un but en soi… Un moteur…
Avec Amos, il y aura tous les contestataire, tous les militants qui entendent bien sauver le monde du bourbier mondialiste prétendument inexorable…
Mais attention!, il leur faudra être conséquents: il n’y a pas d’argent honnête. C’est bien ce que j’entends chez Luc: «Le malhonnête argent……» Eh, oui, nous nous nourrissons chaque jour de malhonnêteté. Il n’y a pas de bonnes affaires, car il n’y a pas d’affaire sans que l’un soit perdant… laisse de la sueur impayée, laisse de la matière grise impayée. Il n’y a pas de profit qui ne suppose un surplus de travail non rémunéré… Alors où mettre la limite?

Car, à l’inverse, s’il n’y a pas de profit honnête, il se pourrait aussi qu’il n’y ait pas de société sans profit…
Il faudrait alors être sûr de ne pas instaurer encore plus d’injustice, au nom de plus de justice… Et il y a des goulags qui ont retenti, en la matière, de sinistre façon. Peut-on impunément épurer le monde, sans le tuer? Qui instaurera cette justice? Qui sera revêtu de l’armure immaculée du chevalier justicier?
Qui donnera les limites? Les mains propres, ça n’existe pas!
Amos, Amos, ta colère arrive jusqu’à nos oreilles… Ta colère arrive jusqu’à notre cœur, ta colère est la nôtre… Mais comment faire?
Ériger la justice économique et sociale en déesse, et lui sacrifier nos jours et ceux de nos enfants? Et lui sacrifier le monde?
Avec la lettre à Timothée, il y a les partisans du détachement. Ceux qui se réfugient hors du monde, dans une belle indifférence, toute tournée vers le ciel. Ceux qui refusent, à juste titre sans doute, de réduire le message de l’Évangile, à une doctrine sociale ou politique. Qu’est-ce qui fait l’homme?
Qu’est-ce qui fait son identité? Sa position d’agent économique, son statut citoyen? Comme si le salut était au bout du cortège des revendications!
Comme si dans tout militantisme, il n’y avait pas encore une inextinguible soif de puissance! Comme si tous les donneurs de leçon n’étaient pas trop contents d’être propriétaires de la vérité, et de l’asséner sur la tête de leurs adversaires…
Avec la lettre à Timothée, il y a tous les résistants, tous ceux qui croient que Jésus n’est pas mort seulement parce qu’il s’en prenait au pouvoir. Il est mort, parce qu’il s’en prenait aussi au pouvoir. Mais pas au nom du pouvoir. Il s’en prenait d’abord au pouvoir religieux. D’abord au pouvoir qui entend dicter la loi, qui surtout, entend faire de la loi la clé du monde. Ceux qui ne peuvent exprimer le monde qu’en termes de «permis ou défendu», qu’en termes de «coupables ou innocents». C’est d’abord contre ce pouvoir-là, ce pouvoir de la loi que Jésus s’élève. Parce que c’est un pouvoir aliénant. Un pouvoir qui fait de l’homme un esclave, qui de
l’existence un bagne… Et cela, les pouvoirs politiques aussi bien que religieux ne pouvaient pas l’admettre.
Avec la lettre à Timothée, il y a tous ceux qui ont compris que l’ennemi de Jésus, c’était le péché: ce faux-dieu que l’on se fabrique chaque jour pour justifier nos propres pensées. Ce faux dieu qui nous tient prisonniers… qui nous tient coupés du vrai Dieu, notre Père qui est dans les cieux, comme dirait Jésus. Mais attention, pour abandonner le profit de la terre au profit du ciel… il leur faudra être conséquents: c’est au travail des autres qu’ils alimentent leur prière. Et le ciel ne saurait gouverner la terre, sans que nous, les humains nous ne l’habitions, sans que nous les humains nous ne l’administrions… Pas de justice au ciel, qui ne passe par notre responsabilité! Les mains propres, ça n’existe pas !
Avec Luc, il y a les partisans d’un autre usage de l’argent… Un usage qui n’entend pas nous affranchir des contraintes économiques et sociales.
L’argent est malhonnête, et il le reste…

Ce qui rend juste, ce n’est pas de faire la justice, de pratiquer – pour ne pas dire imposer !- une économie juste. Ce qui rend juste, c’est de vivre sous Dieu et non sous la logique de l’argent.
Ce qui rend juste, c’est d’avoir le Dieu de Jésus-Christ comme Seigneur…
Ce Dieu qui justement ne se dit pas en terme de pouvoir, mais en termes de service, ne se dit pas en termes de richesse mais de pauvreté, ne se dit pas en terme de roi qui rend la justice sous son chêne, mais en termes de coupable. Celui qui prend la place des accusés de la loi, celui qui nous délivre de la dynamique du péché, c’est à dire de la loi. Comme dit Paul dans sa conclusion à sa première lettre aux Co (1 Co15:56). Oui, notre Dieu nous a affranchit de la loi. La loi ne nous montre qu’une seule chose: nous avons toujours les mains sales… Que nous enfourchions le cheval du justicier, ou que nous chevauchions le cheval de l’ange, que nous nous enfoncions dans le monde ou que nous nous en détachions… Mais nos mains sales, Dieu va s’en servir! Non pas nous les blanchir, mais s’en servir!
Ce n’est pas parce que nous pratiquerons la justice que nous serons justes.
C’est parce que nous sommes justifiés que nous pourrons tenter, même imparfaitement, même malhonnêtement, même modestement de pratiquer la justice.
Parfois même, nous nous opposerons les uns aux autres, quant au chemin à prendre, quant à la manière de faire… Qu’importe, puisque nous ne déclinons plus le monde en termes de bien et de mal, de permis et de défendu, nous ne déclinons donc plus le monde en termes de coupables.

L’autre peut prendre une autre voie, sans qu’il soit traître. Parfois, même, je peux m’engager sur une voie dont je ne sais même pas si elle est bonne… mais dont je sais que Jésus m’y précède… me demande de l’y suivre…
Refuser la logique de l’argent, c’est refuser la logique de la route unique vers un pouvoir juste. C’est au contraire accepter d’assumer pleinement son humanité, avec ses passages obligés, ses faiblesses, comme le besoin de confort, de sécurité, le besoin de stabilité, le besoin d’une rémunération stimulante, bref, tout ce qui fait que la plupart d’entre nous allons travailler, chaque matin. Et en même temps, c’est accepter d’être mis en tension, de savoir appelé à mettre son identité, sa sécurité, son avenir, ses motivations, ailleurs que dans le pouvoir de l’argent… Pas plus dans la lutte obsédante et totalitaire contre le profit que dans un retrait soi-disant angélique des choses du monde.

Au contraire, libérés de devoir me faire un nom, plus besoin de jouer les justiciers, plus besoin de jouer les moines ! Justifiés de me savoir accueilli dans mon injustice, je peux enfin œuvrer à la justice…
Amen !