Textes : Matthieu 15, v. 21 à 31 Psaume 62Ésaïe 49, v. 14 & 15 1 Corinthiens 4, v. 1 à 5 Matthieu 6, v. 24 à 34 Pasteur Noémie Woodward (Reprise)Télécharger tout le document

Notes bibliques

L’évangile de Mt, dont la rédaction peut être située entre les années 80 et 90, s’adresse à une communauté judéo-chrétienne, située en Syrie.On peut penser que l’auteur lui-même appartient à ce milieu. Il y a en effet, dans son évangile, de nombreuses allusions à la loi et aux traditions juives sans pour autant qu’elles soient expliquées. Ce qui nous confirme donc que la communauté et l’évangéliste connaissent les lois et traditions juives et donc sont issues de ce milieu.D’ailleurs, probablement, de par l’origine de cette communauté et de son auteur, on trouve dans cet évangile des propos tout à fait judaïsants, du type celui du verset 24 (« je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël »). Cependant on note également que l’évangéliste prend un soin particulier à introduire, tout au long de son récit, des personnalités issues du monde païen aussi bien dans la généalogie de Jésus que dans les personnes qu’il rencontre. Ce qui est le cas dans cette péricope. Ce faisant, Mt prépare sa communauté à accepter que des païens puissent entrer dans le royaume de Dieu.En même temps, il expose qu’accepter cette constatation n’est pas forcément une évidence dès le début. Ici, même Jésus hésite à franchir le pas. Mt tente de faire passer sa communauté d’une conception élitiste, particulariste, à une conception universaliste.

Forme littéraire

Le début et la fin de cet épisode portent à croire que ce qui est raconté est un récit de miracle. Une femme demande la guérison de sa fille et cette dernière guérit. Mais ces éléments en début et en fin sont les seuls témoins d’un récit de miracle. Dans le reste du texte, aucun autre élément typique du récit de miracle n’est énoncé. Il y a donc une réorientation du texte : le but de ce récit n’est pas dans le miracle, mais dans le dialogue entre Jésus et la femme.

Apparat critique

V.22- Le Nestle-Aland, note εκραζεν, qui signifie pousser des cris, crier. Cependant, on trouve dans d’autres manuscrits plusieurs variantes. Dont une qui propose le verbe :εκραυγαζεν.Cette variante mérite notre attention dans la mesure où ce verbe se rapporte plus à la notion de crier dans le sens d’aboyer, pousser des hurlements, que crier, implorer. D’une certaine façon ce verbe renforce l’opposition entre les personnages de Jésus et de la femme, et par conséquent l’opposition entre leurs deux mondes

Analyse linéaire

V.21On apprend que Jésus se retire en terre païenne. En employant ce verbe : se retirer, Mt conditionne le personnage de Jésus, car le verbe à la fois marque le déplacement et souligne un mouvement de la part de Jésus vers un lieu qui n’est pas sans origine. Ce verbe utilisé par Mt à l’aoriste est toujours en lien avec un événement négatif. (Mt 4/12, 12/15, 14/13, 15/21) On peut donc penser que Jésus se retire en terre païenne pour retrouver une certaine tranquillité.V.22Une femme. Mt la présente dés le début en précisant trois aspects : c’est une femme, elle est cananéenne, et elle est dans une attitude de demande auprès de Jésus. Cette femme sort des frontières de Tyr et Sidon. Elle « sort ». Ce verbe peut à la fois signifier qu’elle se déplace, qu’elle franchit la délimitation d’une région à l’autre, qu’elle n’hésite pas à franchir des frontières, mais aussi des conventions. Elle sort, c’est à dire, elle est issue de cette région et donc de cette culture païenne. Par ce verbe on peut imaginer qu’elle ne connaît pas Jésus ni n’a entendu son enseignement.V.23 Ce verset 23 commence par la « réponse » de Jésus : un silence !Dans un premier temps, ce silence permet au lecteur être interloqué par l’attitude de Jésus. Ce dernier semble terriblement ignorant vis à vis de son interlocutrice. Elle crie, exprime une certaine détresse, l’implore de l’aider mais il ne lui prête pas la moindre attention. Toutefois malgré le fait qu’il semble sourd à son appel, il ne la renvoie pas. Ce silence est-il donc une mise à l’épreuve de la foi de la femme ou un refus d’agir ? Cette dernière suggestion semble mieux convenir lorsque l’on considère cette péricope en relation avec Mt 10/5-6 et Mt 28/19 où le premier est un envoi en mission pour le peuple d’Israël et le second un envoie en mission pour tous les peuples. Situé entre ces deux parties, ce récit de la femme cananéenne apparaît alors comme le moment où Jésus réoriente sa pensée quant à l’idée de mission. C’est peut-être à partir de cet épisode là, particulièrement qu’il prend conscience que le pain justement est accessible à tous. Nous passons d’un concept de particularisme à celui d’universalisme.L’intervention des disciples pose une difficulté. Leurs paroles provoquent un problème, car le verbe qu’ils emploient peut être traduit par : « renvoie-la » ou « libère-la ». Si l’on comprend ce verbe selon le sens de « renvoie là », cette parole s’harmonise à celle judaïsante de Jésus au verset 24. Cela fait donc des disciples « des membres de l’église judéo-chrétienne réticente à l’égard de l’accession des païens au salut ». La faiblesse d’une telle conception, c’est qu’elle ne justifie pas tellement l’intervention des disciples. Jésus ne peut-il pas refuser tout seul ce que lui demande la femme ?La traduction « libère-la » donne beaucoup plus de sens au rôle des disciples. Leur attitude provoque un contraste avec celle de Jésus et permet au lecteur de réagir par rapport à la non-action de ce dernier. V. 24On peut comprendre cette phrase au caractère excessivement judaïsant comme étant une réponse adressée à la demande des disciples. V. 25A partir de ce verset les échanges : demandes/réponses vont prendre une autre tournure. On passe d’une double demande, celle de la femme et celle des disciples formulée en vu d’obtenir quelque chose : Une guérison pour la première et la paix pour les seconds, à une demande d’un autre ordre. Une demande qui dépasse un évènement ponctuel. Mt opère un changement dans le personnage de la femme. Tous les bruits qui l’entouraient au moment de sa première apparition se sont évanouis. Elle se présente cette fois-ci en toute humilité. Elle se prosterne devant Jésus.Ainsi malgré son silence qui aurait pu la dissuader, elle réitère sa demande mais cette demande se trouve quelque peu modifiée, déplacée par rapport à la première. Ici, la femme ne parle plus seulement de sa fille. Elle dit simplement : « Seigneur, secours-moi ». V. 26Jésus lui adresse la parole. D’une certaine manière, il accepte de la considérer, de prendre en compte sa demande sans pour autant l’exaucer. Mais s’il ne le fait toujours pas, il lui donne en tout cas le droit de savoir pourquoi il n’agit pas en sa faveur. Il répond donc semblablement qu’aux disciples, non pas pour enseigner la femme, mais simplement pour justifier le fait qu’ils n’agissent pas. Cette réponse métaphorique conserve une certaine violence. Jésus établit une distinction fondamentale entre le peuple d’Israël et les païens. Sa métaphore introduit une comparaison explicite entre les enfants qu’il assimile aux brebis de la maison d’Israël et entre les petits chiens qui prennent donc la figure des païens. Or on sait que dans le monde juif, le chien est considéré comme un animal impur. De plus, il y a deux termes pour désigner le chien en grec et Jésus emploie le plus péjoratif. V. 27Ce verset est constitué par la réponse de la femme. Ici elle montre qu’elle a bien compris la position de Jésus, mais que cette position ne l’exclut pas forcement. Sans contredire ses propos elle fait simplement remarquer que sans priver personne, les miettes qui sont tombées sont à même de la rassasier. Elle prend donc seulement ce dont personne ne veut : les miettes. Le pain n’est pas pris aux enfants et qui plus est, il n’est pas jeté. Elle s’est nourri des miettes dont personne ne veutDe même, elle recadre la notion de « petits chiens » la faisant passer d’animal impur à animal familier, c’est à dire qui évolue à proximité de leurs maîtres. Par sa réponse, la femme démontre qu’elle peut elle aussi avoir confiance en Jésus sans que cela ne prive personne. Introduisant d’elle-même la notion de « maître », elle rend compte à Jésus du fait qu’elle accepte la priorité donnée au peuple d’Israël. La femme ne cherche donc pas à détourner Jésus d’Israël, mais par sa réponse elle démontre à Jésus qu’il y a de quoi rassasier tout le monde sans pour autant que certains soient privés. V. 28Ce verset donne à connaître la première réponse positive de cette péricope formulée par Jésus. Et cela se passe à l’endroit de la femme ! Femme qui est, rappelons-le, païenne et, au début de cette péricope, présentée comme étant peu respectueuse des conventions. Jésus reconnaît en elle sa foi. Et il nous est dit que la petite fille est guérie.Pistes pour la prédication :Différents thèmes peuvent être abordés à travers ce texte. Il est particulièrement bien adapté dans les cultes qui visent à l’accueil de l’étranger, ce que l’étranger peut apporter, enrichir comme regard sur la foi et comment sans rien prendre, et sans priver personne il peut prendre sa place dans l’église certes, mais aussi dans la société. C’est donc un texte intéressant sur l’accueil de l’autre, quel qu’il soit. À l’heure du chômage, des violences urbaines ou du sentiment d’insécurité c’est peut être un texte qui peut bouleverser les a priori. Plus facile à prêcher en période estivale, jouer sur le dépassement des frontières pour se dépasser soi dans la foi et non dans les actes peut être intéressant. C’est ce thème que j’ai choisi de privilégier. Le 17 août raisonne pour certain avec la rentrée à préparer, l’année scolaire à organiser. Peut-être certain se demandent où ils vont s’engager une fois de plus et comment, peut-être que ceux là ont aussi besoin d’entendre que le meilleur dépassement de soi n’est pas dans le faire, dans l’agir voire l’agitation, mais dans la foi. La troisième possibilité que je propose, c’est la dimension de message universel. L’évangile n’est pas à garder pour soi, pour faire vivre tranquillement son église, consommer de la parole etc. L’évangile gagne à être raconté, proclamé car ce faisant, il touche des oreilles inattendues, des oreilles non choisies et qui reçoivent, elles aussi, une parole de vie. Prêcher donc sur le témoignage et une transmission qui nous échappe toujours… Vient parfois à la foi celui que l’on n’attendait pas !

Prédication

S’engager ?! Oui, mais pas sans la foi.

Franchir des frontières, voyager, se promener ici ou là, aller dans des territoires inconnus et plus ou moins lointains… En cette période estivale, tout le monde y pense, certains se laissent tenter. Les compagnies aériennes ou ferroviaires offrent et proposent toutes sortes de possibilités. C’est tellement facile aujourd’hui de voyager ! Tellement facile de franchir une frontière : un passeport, un visa de temps en temps, selon les pays, selon les exigences, et hop ! À nous les jolies contrées si différentes de celles que l’on connaît. Puis, avec Internet, le monde se pense comme un village planet comme on dit en bon français. Quoi de plus naturel que de bouger quand tout se fait si proche et si dépaysant à la fois !Pourtant franchir des frontières, ce n’est pas si anodin, il faut avoir son carnet de vaccination à jour, et l’aval des autorités, il faut aimer le risque de rencontrer un mode de vie différent et parfois une tradition et une culture tellement éloignées des nôtres que tous nos repères tombent. Bouger, franchir des monts et des frontières, ce n’est peut-être pas toujours si simple !Et lorsque ces frontières sont géographiques, les choses peuvent être plus ou moins surmontables, mais lorsque « franchir des frontières » est de l’ordre d’un aller au-delà de ce que nous sommes capables de faire, au-delà des conventions sociales, jusqu’au bout de nos convictions, alors les choses nous semblent parfois bien plus difficiles, non ? Et pourtant, au nom de l’évangile, n’avons-nous pas à nous mouvoir, à nous mettre en mouvement, à franchir frontières et barrières au nom de cette humanité tant aimée de Dieu ?1-Un mouvementBouger, voyager, se mouvoir, franchir des frontières…c’est un peu ce que nous raconte notre texte de ce matin. On le voit, Jésus, harassé par ce qu’il vient de vivre, c’est à dire une énième controverse sur les grands basiques de la foi, et sans doute profondément attristé par l’effroyable nouvelle de la mort de Jean Baptiste, son cousin, celui qui dès le sein de sa mère l’avait reconnu, Jésus donc se retire de l’endroit où il se tenait précédemment, où il enseignait. Il s’avance vers une frontière : celle de Tyr et Sidon. A-t-il l’intention de la franchir ? L’a-t-il déjà franchie ? Qu’importe, cette frontière-là est géographique, symbolique presque. Pour l’instant, il se dirige vers un territoire où en principe il devrait avoir le temps de se poser et de se reposer. Alors qu’il s’en approche, une femme issue de ce territoire se met à crier après lui. Si Jésus est au bord de la frontière, la femme, elle, la dépasse largement, en tout cas socialement parlant. Elle la dépasse pour plusieurs raisons. La première, parce qu’elle est une femme. Une femme qui n’hésite pas à se mettre en chemin, à accourir vers Jésus et ses disciples pour lui demander de guérir sa fille. Socialement, cette femme n’a pas à tenir de conversation avec un homme. Qui plus est, elle qui est païenne ! Elle n’a pas à adresser la parole à un Juif, à un « pur », elle qui est « impur ».Elle en franchit donc des frontières, cette petite bonne femme comme la nomme Luther. Celles des conventions sociales, celle des controverses pénibles sur le pur et l’impur, et peut-être celles qui sont tout simplement géographiques… Elle se met en mouvement, elle se donne les moyens d’une rencontre, au risque de se faire jeter, au risque d’être rejetée et renvoyée. Mais quelle agitation de sa part, quelle mise en mouvement. Est-ce bien nécessaire, tout ce bruit ? 2-Pas toujours facileNous le savons, l’évangile a besoin que l’on s’engage. La parole, pour être transmise, à besoin d’être proclamée au-delà des frontières, au-delà de ce que nous sommes capables de dire ou de faire, et cet au-delà peut parfois nous sembler plein de l’agitation de cette femme. Ici et là, il nous faut courir pour nous faire voir, crier pour nous faire entendre, nous agiter pour attirer l’attention, défendre notre cause, défendre nos biens : demande de subvention ici ou là pour la rénovation du temple, appel aux bonnes volontés « s’il vous plaît formées » pour la catéchèse, « vente du produit » aux parents, réalisation de tracts et autres pour mieux nous faire connaître, répondre aux appels toujours aussi nombreux de l’ACAT, bref il y en a pour tous et pour tous les goûts. Chacun peut s’engager, chacun peut se donner corps et âme, et c’est déjà pas mal pour une seule cause… Et c’est là que la crainte apparaît : comme se mettre en mouvement, comment franchir les frontières sociales ou autres sans s’épuiser et perdre le sens de toutes choses ? Finalement, l’attitude des disciples dans cette histoire n’est-elle pas la meilleure ? Attitude contemplative qui permet de prendre soin de la parole, soin de Jésus, sans pour autant s’épuiser à la tâche ? Car effectivement, en contraste avec les deux personnages principaux, en contraste avec la femme et Jésus, les disciples eux ne bougent que pour sauvegarder leur tranquillité et celle de Jésus. Mais ce faisant, ils se coupent de tout, de la parole d’abord et de la vie ensuite. Ils sont dérangés par cette femme bruyante criant derrière eux, par cette femme qui « aboie » son malheur et gémit sur le sort de sa fille ; et leur seule préoccupation est qu’elle les laisse tranquilles. Ils se coupent de tout, de la Parole et de la vie. Pourtant l’attitude des disciples, si elle ressort quelque peu négative, n’en est pas moins tentante. Préférer la politique de l’autruche à celle de l’exposition de soi. Après tout, n’ont-ils pas raison ? Ne dit-on pas que pour vivre heureux il faut vivre caché ?Nous sommes peut-être aussi appelés à franchir des frontières pour rencontrer celui qui nous fait vivre, nous, qui bien souvent aimons comme les disciples une vie tranquille nullement dérangée par ces paroles d’évangile. Si on les écoutait trop, elles nous bousculeraient dans nos habitudes. Mais quelles sont donc nos frontières ? Jusqu’où sommes-nous capables d’aller ? Et qui sait ce que l’on trouvera au bout de ce chemin-là ?Face à une situation, face à une rencontre, nous avons la possibilité de nous fondre dans la masse afin de ne pas être importuné, même si d’une manière ou d’une autre cela peut avoir des incidences sur notre propre existence, ou de franchir les conventionsSi nous voulons, comme parfois nous le disons dans notre prière, un monde plus juste, un monde qui tienne compte de l’humanité de chacun, alors il nous faut tenir un discours engagé, un discours qui se mette en mouvement et qui tienne bon. Un discours qui permette à tous d’être rencontrés.Crier, se débattre, se faire entendre, proclamer ce qui nous semble juste, dans les choses courantes de la vie : nous aussi, comme la femme, nous avons parfois besoin de nous faire entendre, de défendre notre droit, de défendre notre bien, surtout en cette époque où le « religieux » est vraiment relégué à la sphère du « ne m’embête pas avec tes histoires de grand-mère »… difficileComme pour s’opposer à la femme, Jésus lui répond par un silence. Puis en réponse à ses disciples qui lui demandent de la libérer, de la renvoyer, autrement dit de s’en débarrasser parce qu’elle crie derrière eux et que ça les importune (ce que l’on peut comprendre), Jésus prononce cette phrase assez terrible à entendre : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. Jésus et la femme sont en mouvement, en déplacement. Et de ce déplacement va naître une rencontre où la foi va se trouver grandie. Ici ou là, il nous semble parfois que nous devons nous mettre plus encore au service de la parole, nous engager davantage pour des causes humaines, simplement par amour de l’humanité. Une agitation qui finalement ne mène à rien. Rien qu’un silence, rien qu’un rejet. Et, chose étrange, Jésus semble quelque peut étranger aux étrangers. En contraste avec la femme et Jésus, avec le mouvement et l’agitation, nous voilà face à des disciples dans lesquels il fait parfois bon de se reconnaître ! Se mettre en mouvement en permanence, crier la misère du monde ou l’injustice en chaque instant, c’est important et nous en avons conscience, mais en même temps ce n’est pas évident. Ici Jésus, même fatigué, est sollicité. Et cela ne fait que plus ressortir les mouvements de Jésus et de la femme. 3-Pour le témoignage de sa foiQue faire pour bien faire alors ? S’agiter à tout vent, se laisser vivre ? La suite du texte nous donne peut- être une piste intéressante à explorer. Il montre un double mouvement : celui de la femme et celui de Jésus. La femme a franchi des frontières, elle s’est exposée pour un projet particulier : sauver sa fille. Devant le refus de Jésus, son discours change. Il n’est plus empreint d’agitation, il n’est plus implorant, gémissant, mais en même temps, il reste volontaire et engagé. Son discours change, il devient l’expression toute simple de sa foi. Elle croit. Elle croit que Jésus est le Seigneur, elle croit que Jésus est celui qui donne de l’espérance à sa vie, et cela advient en même temps que la guérison de sa fille. Elle croit et au nom de cette foi elle aussi peut recevoir une parole de grâce, une parole qui redresse et fait vivre. Certes elle n’oublie pas sa fille, mais sa demande n’est plus portée par la nécessité ou le besoin, sa demande est maintenant portée, soutenue par sa foi uniquement. Là, devant Jésus, en dehors de chez elle, en dehors des conventions, elle est à sa place, celle où la pousse sa foi. Une foi non plus agitée, mais intelligente, devant son Seigneur. L’incidence de ce changement, c’est la frontière franchise par Jésus. À cause de sa foi il libère la fillette. Être porté par la foi avant d’être porté par le projet : projet de vie, projet de développement, projet de proclamation, etc., c’est peut-être une façon de s’engager pour la Parole, pour l’église, pour une communauté ou une cause particulière qui n’épuise personne, mais témoigne bien au-delà de ce que nous pouvons penser. Parfois il semble difficile de voir au-delà de l’objectif concret que chacun se fixe, difficile d’aller au-delà des procédés à mettre en route pour aboutir à cet objectif. Pourtant, et le cantique le dit bien, la foi renverse les plus hautes murailles ! Faire confiance et vivre de cette confiance, la proclamer au monde et la confesser à Dieu. Cela peut sembler bien petit par rapport à tout ce qu’il y a à faire pour construire l’église, mais c’est sans doute la plus grande force qui nous est donnée.Amen