Textes : Genèse 27, v. 30 à 40 Psaume 145Zacharie 9, v. 9 & 10 Romains 8, v. 9 à 13 Matthieu 11, v. 25 à 30Pasteur Jacques ChauvinTélécharger tout le document
Le second ZacharieLe livre de Zacharie qui se divise communément en 14 chapitres relève de deux époques :
- La première qui a donné son nom au livre, contemporaine du livre d’Agée, remonte aux années 520-508, c’est à dire après le retour d’exil à Babylone et la réinstallation en Terre Sainte. Elle commence comme le livre d’Agée « dans la deuxième année du règne de Darius, au huitième mois »(à deux mois près). Elle comprend les chapitres 1 à 8 du livre.
- La seconde partie fut achevée vers 300 ; elle présente de grandes différences avec la première partie : il n’y est plus question de restauration de la Communauté, ni de reconstruction de Jérusalem et du Temple, ce qui constituait le thème central de la première partie.
Cette seconde partie décrit l’intervention de Dieu en faveur de son Peuple par l’intermédiaire du Messie, ce qui en fait un texte proprement messianique ; l’usage mêlé de formes classiques de la Prophétie et le réemploi des thèmes de celle-ci émaillent le second Zacharie dont est extraite notre péricope d’aujourd’hui et en font par ailleurs une des origines de la littérature apocalyptique.Au début de la période hellénistique, face à la réactivation du plan de Dieu en faveur de son Peuple qui trouve en Alexandre le Grand un motif à son espoir, le second Zacharie joue le rôle d’un veilleur spirituellement attentif.Les visions d’un Messie pauvre (Za 9,9-10), d’un berger rejeté (Za 11,4-7), d’un mystérieux « transpercé » (Za 12,1-13,1) qui sont en soi des personnages non-identifiables ont conduit l’interprétation évangélique à voir en eux autant d’images de Jésus-Christ.Le Roi-Messie Le Messie est un roi par l’onction divine, descendant de David (2 Sa 7,12-16), placé sous la protection divine (« l’Oint de YHWH »), il occupe la place centrale dans la vie de foi d’Israël.L’intervention divine pour le sauver demeure toujours certaine, et ainsi il fait figure de sauveur du peuple dont il est le roi.Il faut noter par ailleurs que le Messie peut aussi avoir un rôle sacerdotal, mais cet aspect n’apparaît pas ici (Za 9,9-10) de manière manifeste…Le Messie est de toute façon le personnage sacré en Israël que tout sujet doit non seulement attendre et espérer, mais servir et respecter.Face à l’indignité des souverains régnants, les prophètes placent l’espérance d’Israël en un roi futur et donnent ainsi au Messianisme sa dimension eschatologique : ils soulignent ce que seront sa gloire à venir, ses victoires définitives et la paix qu’il établira.L’onction que reçoit le Roi-Messie initie sa mission d’accomplissement du dessein de Dieu envers son Peuple et accentue souvent l’aspect politique et providentiel de son rôle.La mission messianique étant toujours subordonnée à l’Esprit de Sainteté, elle correspond généralement à la réalisation de rêves de restauration temporelle : Cyrus qui délivra Israël de l’exil à Babylone, Darius et sans doute Alexandre ont ainsi été accueillis par certains comme messie, mais toutes ses désignations deviennent vite décevantes, ne sont pas réellement conformes à l’image du Messie espéré et ne conduisent à aucune réalisation claire du projet messianique attendu.De là découle l’importance de l’attente imminente d’un Messie que le second Zacharie nous montre comme pauvre, humble et juste, vision qui préfigure la venue de Jésus-Christ.Le Messie : un roi humble, pauvre et juste.Le second Zacharie annonce le Roi-Messie comme un roi bien différent des rois insolents et conquérants qui remplissent l’histoire du Peuple d’Israël : le Messie présenté ici est le serviteur de YHWH et le roi des « anawim » (« pauvres de Dieu ») qui sont non seulement des indigents et des besogneux mais aussi ceux qui restent « doux » jusque dans l’épreuve, humbles (c’est là le sens premier du mot « anawim » en hébreu) et à la recherche de la justice, ceux qui au nom de Dieu rappellent sans cesse les droits des persécutés, des malheureux, des affligés, qui prennent YHWH comme puissant défenseur et dont la prière est exaucée en priorité par Lui.Avec les « pauvres de Dieu », le second Zacharie nous présente la pauvreté de cœur comme une attitude spirituelle primordiale.Le mot « humble » (hébreu « anaw ») est à rapprocher de la prophétie de Sophonie (So 3,9-20), où le « petit reste » fidèle et promis au salut est justement composé de « pauvres de YHWH », dont la foi est ferme et l’espérance inébranlable : le Messie est issu de ces « pauvres de YHWH » et il vient justement pour les sauver, promesse d’un Messie sauveur des humbles, eux, ils demeurent humbles dans leur prière et lui, il est vu comme les prémices de leur salut.Le second Zacharie nous annonce dans l’oracle de 9,9-10 l’intronisation de ce Roi-Messie si peu semblable à ceux que d’autres attendent ; il est monté sur un âne, animal de peine et de labeur dans la vie quotidienne, monture traditionnellement pacifique des rois de Juda (1R 1,33-35) lors de leur intronisation, monture opposée au cheval de guerre (Dt 17,16).Au verset 9, la foule « exulte de joie » pour saluer l’avènement du Messie qui signifie la venue de Dieu, sauveur de son Peuple. La victoire du Roi-Messie est proprement la victoire de Dieu lui-même.Le verset 10 proclame la grandeur retrouvée d’Israël à travers la réconciliation des deux royaumes, les retrouvailles d’Éphraïm et de Juda grâce à l’œuvre pacificatrice du Roi-Messie.Comme le fera Jésus-Christ, ce Roi-Messie du second Zacharie vient fonder un Royaume de paix et de réconciliation.
Avez-vous déjà vu, avez-vous déjà rencontré, frères et sœurs, un souverain, un chef d’état qui se présente, loin de tout nationalisme, de tout militarisme comme juste et humble ?C’est pourtant ce roi dont la venue est annoncée par l’oracle du second Zacharie aux versets 9 et 10 du chapitre 9 lors d’une période mouvementée, aussi troublée et mouvementée que la nôtre, celle qui aux alentours de 330 avant Jésus-Christ se situe après la conquête d’Israël par l’Empereur Alexandre le Grand.Un roi juste, humble et pacifique, un roi si différent des souverains et des chefs d’état de ce monde qu’il réveille l’espérance, qu’il fait renaître force et courage parmi les exploités, les humiliés et les affamés. Un roi dont il est promis qu’il réconciliera Éphraïm et Juda, un roi qui apaisera la soif et la faim, qui consolera et réconfortera les « pauvres » de Dieu, ceux et celles qu’Il aime, un roi qui apportera la paix à toutes les nations comme l’annonce le prophète Ésaïe en 9,5-6 de son livre, un roi qui étendra les frontières d’Eretz Israêl aux limites du royaume de Salomon.Un roi tellement éloigné de la volonté de puissance et des rêves belliqueux, tellement humble et pacifique que lors de sa prise de pouvoir, son investiture, son intronisation il est monté sur un âne, le petit d’une ânesse, un roi descendant de David : le Messie salué par la grande multitude des assoiffés, des affamés, de ceux qui recherchent la justice, comme leur libérateur, leur sauveur, leur rédempteur. Comptez-vous, frères et sœurs, parmi les exploités, les humiliés, les affamés ? Alors ce roi est le vôtre, accueillez-le avec joie et force, soutenez-le avec courage, recevez-le avec foi au plus profond de votre cœur ; le Messie, un roi venu visiter son Peuple pour le sauver, pour vous sauver frères et sœurs, pour nous sauver, pour sauver tous les hommes, non seulement de l’oppression, mais de la mort, un roi victorieux, un roi de la Vie à jamais.Ce Roi-Messie, c’est Jésus-Christ en filiale relation avec le Père des Cieux, loin des sages et des puissants, Jésus-Christ qui nous révèle, nous ouvre au mystère d’Amour de son Père, paix et réconciliation du chant des Béatitudes qui proclame « bienheureux les doux et les pauvres de cœur… »Et l’évangile de Matthieu de reprendre l’oracle de Zacharie 9,9-10 non seulement ici en Mt 11,25-30, mais aussi lors de l’entrée de Jésus à Jérusalem (Mt 21,5) : le Royaume que fonde, qu’édifie Jésus-Christ, ne peut être de ce monde (Mt 27, 11-27), tellement il s’oppose à toute domination humaine, à toute puissance politique. Ce Royaume de Jésus-Christ passe par la croix, la sienne, la nôtre, si nous voulons le suivre, lui rester fidèles, comme l’annonce un autre oracle du second Zacharie à la fin du chapitre 12 et au début du chapitre 13 : « En ce jour-là, une source jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem, pour les laver de leurs péchés et de leurs souillures ».Amen.