Prédication (Reprise)

 

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Notes bibliques

Ce texte fait partie du discours d’adieu que Jésus adresse à ses disciples, à la suite du récit du lavement des pieds et de l’annonce de la trahison de l’un d’entre eux qui se révèle être Judas (voir Jn. 13, 1 à 20 puis 21 à 30). Le discours proprement dit commence en 13, 31 pour se terminer en 16, 33.

  • À y regarder de près, on prend conscience du fait que les premiers disciples sont particulièrement participatifs dans ce discours d’adieu : tour à tour, Thomas et Philippe prennent la parole, pour poser à Jésus une question ou oser une objection (respectivement en 14, 5 et 8). Mais ces interventions sont pour Jésus l’occasion de préciser le lien l’unissant à son Père mais aussi la compréhension qu’il a au sujet de la connaissance de Dieu. Et c’est là que nous pouvons mesurer l’importance de ce thème de la connaissance : pour lutter contre la tendance tendant entre autres à considérer la connaissance de manière désincarnée, l’évangéliste développe une connaissance bien terrestre. Et celle-ci est une relation confiante avec Jésus et par conséquent avec Dieu : Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père… Celui qui m’a vu a vu le Père. (respectivement 14, 7 et 9).
  • C’est également l’occasion pour Jésus de préciser qui il est et pour l’évangéliste d’ajouter à une série déjà commencée en 6, 35 la sixième des mentions qualifiantes ; après : Je suis le pain de vie, (6, 35), la lumière du monde, (8, 12), la porte des brebis, (10, 7), le bon berger, (10, 11), la Résurrection et la Vie, (11, 25), voici la sixième et avant-dernière mention : Je suis le chemine et la vérité et la vie (14, 6). Le septième se trouve en 15, 5 : Je suis la vigne. Mystérieuse et forte affirmation sept fois exprimée par laquelle l’évangéliste révèle la parfaite communion de Jésus avec Dieu voire son identité commune !
  • C’est enfin l’occasion de montrer l’identité de vue entre Jésus et son Père : ce sont ses œuvres que le Père, demeurant en moi, accomplit ses propres œuvres (14, 10). C’est bien pour accomplir les œuvres de Dieu que Jésus a été envoyé par lui.

À leur tour, les disciples, croyant en Jésus, pourront montrer par leur témoignage que l’œuvre du Christ est fondatrice de la vie nouvelle. L’Église  témoin de l’Évangile trouve sa raison d’être dans cette affirmation qui est aussi une promesse : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais ; il en fera même de plus grandes, parce que je vais au Père (14, 12). Mystérieuse parole à ne surtout pas tirer dans le sens du merveilleux ou de l’extraordinaire alors que tout l’évangile de Jean montre que c’est l’œuvre du Christ qui est fondatrice du témoignage des disciples ; je crois plutôt que ces actions des disciples poursuivent la grande œuvre du Christ et lui rendent ainsi témoignage ! C’est déjà beaucoup…

 

Quelques pistes pour la prédication

  • La première me semble se situer dans ce thème de la connaissance du Christ et de Dieu, à articuler avec cette affirmation   Je suis le chemin et la vérité et la vie. Connaître le Christ grâce au Saint-Esprit nous rend capables de connaître Dieu : dans la prière sacerdotale (Jean 17), Jésus prie ainsi : Or la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. (17, 3). Toujours le thème de la connaissance de Dieu et de son Christ. C’est Jésus qui nous conduit dans cette véritable connaissance de Dieu : vivre dans une relation confiante et aimante avec le Christ, c’est nécessairement aussi connaître Dieu puisqu’il est le chemin, la vérité et la vie. 
  • La deuxième piste peut résider dans le chemin qu’ouvre Jésus ainsi que dans la vérité qu’il est lui-même et la vie dont il est témoin. Ces trois éléments contenus dans cette affirmation : Je suis le chemin et la vérité et la vie, sont-ils de portée différente ou doivent-ils être compris comme différents éclairages pour désigner le rôle central du christ dans la révélation de Dieu ? Je crois qu’il convient de laisser ouvertes les deux possibilités et de laisser chaque auditeur libre de se faire sa propre opinion, le plus important à mes yeux étant de lui permettre d’accéder à cette affirmation centrale de l’Évangile : le Christ Jésus est le témoin fidèle et le médiateur par lequel nous avons accès au Père et à l’œuvre de salut qu’il a lui-même accomplie en étant mandaté pour cela par son Père.

Pour ce qui me concerne, je propose plutôt de voir le thème de la connaissance comme lié au chemin, à la vérité et à la vie que nous pouvons découvrir en Christ. Et c’est cela ma piste pour la prédication de ce dimanche.

 

Prédication

Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Dès à présent vous le connaissez et vous l’avez vu (Jean 14, 6).

Qui n’a pas espéré à un moment au moins de sa vie, connaître Dieu ? Or voici que Jésus nous propose et nous appelle à connaître Dieu. Mais que signifie ce verbe connaître quand il se réfère à Dieu ? Tout le passage et même tout l’évangile de Jean nous invitent à comprendre que connaître est un synonyme de croire en  Dieu. Dès le premier verset de ce  chapitre, c’est le cas : Que votre cœur ne se trouble pas ; vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.

Contrairement à ce que prétendait le gnosticisme, la connaissance dont parle l’évangile de Jean naît de l’acte de foi de l’homme à l’égard de la révélation historique de Dieu en Jésus-Christ. Foi et connaissance se soutiennent et s’articulent l’une à l’autre. Et la connaissance ne se limite pas à l’intellect mais concerne toute la personne humaine qui est corps, âme et esprit. Elle n’est donc pas indépendante de la foi et elle suppose une connaissance des événements historiques qui fondent la foi chrétienne.

Mais voilà que nous devons faire un pas de plus, non plus dans le lien entre connaissance et foi mais plutôt entre la connaissance et la personne de Jésus de Nazareth. C’est grâce à l’homme Jésus que nous pouvons connaître Dieu, mieux que nous pouvons le connaître comme Jésus le révèle, c’est-à-dire comme Père : Personne ne va au Père si ce n’est par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Dès à présent vous le connaissez et vous l’avez vu.

Est-ce si évident, pas seulement pour nous mais aussi pour les premiers disciples ? Cela ne l’est pas car Philippe demande à Jésus : Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. Comme si Jésus pouvait céder à l’aspiration humaine à voir Dieu ! Contredisant ainsi toute la tradition de l’Ancien Testament. Et Jésus invite Philippe à comprendre autre chose : Je suis avec vous depuis si longtemps et cependant, Philippe, tu ne m’as pas reconnu ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ?

C’est donc Jésus lui-même qui rend visible Dieu comme Père et c’est par lui que les êtres humains peuvent connaître Dieu ; et c’est pourquoi Jésus est bien le chemin et la vérité et la vie, ce chemin qui conduit au Père, cette vérité qu’est Dieu lui-même, cette vie qui vient de Dieu et qui est communiquée aux humains. Jésus est bien le médiateur entre Dieu et les hommes en ce sens qu’il nous le fait connaître.

Mais alors, comment nous-mêmes pouvons accéder à cette connaissance de Dieu puisque Jésus n’est plus là pour nous le montrer par sa propre présence ? Car c’est bien la question que nous sommes invités à nous poser en raison même de ce texte évangélique : oui, comment connaître Dieu alors que celui qui l’a révélé aux hommes n’est plus visible parmi nous ? Le texte ne nous donne accès qu’à une réponse bien étrange : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais : il en fera même de plus grandes parce que je vais au Père. Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai de sorte que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. Ces versets 12 à 14 semblent bien énigmatiques à première vue, et cependant ils me paraissent constituer une piste bien utile : c’est dans la mesure où nous prions le Christ et que nous osons lui demander de se servir de nous pour rendre visible par notre vie les traces de son œuvre parmi nous que nous pouvons le connaître lui-même et connaître Dieu comme Père. Cela rejoint cet élément fort important concernant la connaissance dans son lien avec la foi : il nous appartient de faire connaître l’événement qui fonde l’Évangile à être vraiment Bonne Nouvelle du Christ Sauveur.

Nous ne pouvons aujourd’hui connaître le Christ et par lui Dieu lui-même qu’en écoutant, en accueillant l’Évangile et en croyant en Celui qui l’a rendu manifeste parmi les êtres humains de son temps et qui par la puissance du Saint-Esprit le rend encore manifeste à notre profit et à celui d’une multitude.

Voilà donc la Bonne Nouvelle pour nous aujourd’hui : Dieu est bien présent pour notre temps : par la prédication de l’Évangile et par la célébration des sacrements, compris comme signes visibles de la grâce, l’Église,  communauté d’hommes et de femmes appelés par Dieu, est envoyée dans le monde à la suite de l’Envoyé de Dieu grâce à la puissance du Saint-Esprit pour être son témoin dans ce même monde. Nous rejoignons ici le propos de ce chapitre 17 du même évangile de Jean qui, entre autres éléments, nous donne de comprendre que la mission du Christ se poursuit d’une autre manière par l’envoi en mission et la consécration de ses disciples ; il est important de ré-entendre ce passage : Consacre-les par la vérité : ta Parole est vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde. Et pour eux, je me consacre moi-même afin qu’ils soient eux aussi consacrés par la vérité (Jean 17, 17 à 19).

Ils nous permettent de prendre à nouveau conscience du fait que c’est en étant consacrés par la vérité grâce au  Saint-Esprit envoyé aux disciples de tous les temps que nous pouvons aujourd’hui non seulement recevoir et croire l’Évangile mais aussi en être les témoins parmi les êtres humains de notre temps.

Grâce à ces textes  entendus à nouveau aujourd’hui, nous pouvons prendre à nouveau conscience des éléments constitutifs de notre mission dans le monde. Oui aujourd’hui encore quoique d’une autre manière, Dieu se rend présent dans ce monde ; il nous appartient d’en être les témoins courageux et convaincants. Et ceci parce que Jésus nous confie, à nous maintenant, cette mission, en compagnie de beaucoup d’autres témoins ; sachons vivre cet envoi en mission dans la confiance et la reconnaissance.

Amen.