Textes : Ps 145 Ésaïe 55, v. 1 à 3Romains 8, v. 35 à 39 Matthieu 14, v. 13 à 21Pasteur Éric GeorgeTélécharger le document au complet

Notes bibliques

Généralités sur l’épître aux romains L’épître aux romains, écrite entre 54 et 5, est la seule lettre que Paul écrit à une communauté qu’il n’a pas fondée et qu’il n’a même jamais rencontrée. Paul estime que sa mission en Orient est terminée – la remise de la collecte à l’Église de Jérusalem marque cet accomplissement- et projette d’aller à présent vers l’occident, porter l’Évangile notamment en Espagne. Le passage à Rome, capitale du monde, est presque une obligation pour l’apôtre des païens. L’épître aux romains n’a donc pas pour but de répondre à des problèmes locaux. L’enjeu est, pour Paul, d’exposer ce qui fonde l’Église et son projet missionnaire : la bonne nouvelle de Jésus Christ. « Jésus Christ est établi par Dieu pour délivrer l’homme de ses aliénations, pour le rendre à sa vocation céleste en instaurant un statut nouveau d’humanité ; la justification de l’homme n’est pas en lui-même, mais il la reçoit de Dieu par la foi en Christ, mort est ressuscité. La foi est l’accueil qu’un homme, anéanti par la révélation de son péché fait à la démarche miséricordieuse de Dieu. », Leenhardt. C’est dans cette reconnaissance de la grâce de Dieu et non pas dans le faire ou le non-faire que se fonde l’identité chrétienne. Appartenir à l’Église, ce n’est pas accomplir ou refuser d’accomplir tel ou tel rite, telle ou telle nourriture, mais tout recevoir de Jésus Christ. Plan de l’épître L’épître aux romains peut se découper en quatre parties : l’histoire du salut y est décrite d’un point de vue théologique, puis d’un point de vue anthropologique, ensuite d’un point de vue historique, enfin d’un point de vue éthique. Partie A : Point de vue théologique I, 18-III, 20 : le péché comme condition humaine III, 21-26 : Jésus Christ : mort pour la justification de l’homme III, 27-31 : Justification par la foi seule sans les œuvres IV, 1-25 : Ce qu’est la foi V, 1-11 : perspectives données par la foi Partie B : Point de vue anthropologique V, 12-21 Le second Adam VI, 1-23 Participation à la mort de JC par le baptême VII, 1-25 Rôle de la loi VIII, 1-17 : Accomplissement de la promesse VIII, 18-39 : Perspectives Romains VIII, 35 à 39Ces 5 versets constituent la conclusion de la réflexion théologique et anthropologique de l’épître. Elle reprend donc l’affirmation centrale de la foi de Paul : rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ. C’est une affirmation de foi paradoxale qui se présente comme un cri de triomphe, qui ne nie rien des souffrances et des défaites. Les souffrances dont parle Paul ne sont pas causées par Dieu, elles ne sont ni un châtiment ni une mise à l’épreuve mais non seulement la foi ne protège pas contre ces souffrances mais elle les suscite bien souvent.Paul ne promet pas ici une consolation à venir (même si elle est bien présente en d’autres endroits) mais il affirme que la victoire du chrétien se vit au cœur même de ses défaites.Ainsi, le paradoxe de la foi chrétienne répond-il au paradoxe de la croix : c’est dans la faiblesse et la mort, dans l’humain maudit et abandonné que Dieu se manifeste à nous.« Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ » est l’expression parfaite de la foi que Paul définit comme « l’attente de ce que nous ne voyons pas » : alors que tout nous dit que Dieu nous a abandonné, nous affirmons qu’il se tient à nos côtés. Voici ce que signifie « croire en un messie crucifié ».

Prédication

« Mesdames et messieurs, notre médaille miraculeuse ne vous rendra ni plus fort, ni plus beau, ni plus intelligent ! Elle ne suscitera ni envie ni admiration de la part de vos voisins ! Elle ne vous épargnera ni la maladie, ni la pauvreté, ni l’oppression ! Au contraire, elle risque fort de vous attirer des ennuis ! N’hésitez plus ! Demandez notre médaille miraculeuse ! »Quelle étrange publicité, n’est-ce pas ? Qui vendrait un produit avec de pareils arguments ? Et pourtant, c’est exactement ce que fait Paul dans cette affirmation que nous reconnaissons, à juste titre, comme centrale pour notre foi. L’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, nous dit Paul, ne nous protège contre rien. Il ne nous sert de rempart ni contre les souffrances physiques (la maladie, la pauvreté), ni contre les souffrances morales (l’oppression ou le deuil), ni même contre les souffrances spirituelles (le doute ou la tentation). Et Paul va plus loin : il fait sien ce constat du psaume : « À cause de toi, nous sommes mis à mort tout au long du jour… » Il ne s’agit pas ici de dire que Dieu nous fait souffrir pour nous punir ou nous éprouver mais simplement de reconnaître que non seulement la foi ne nous simplifie pas la vie mais qu’au contraire, elle nous complique bien souvent l’existence.C’est vrai bien sûr, aux périodes de persécutions, persécutions qui nous paraissent bien souvent très lointaines (il serait ridicule et insultant de taxer les moqueries et petites vexations que nous rencontrons parfois de persécutions). Pourtant, nous devons nous rappeler qu’aujourd’hui encore, à travers le monde, des chrétiens sont pourchassés, menacés à cause de leur foi. La persécution n’appartient pas au passé, elle ne concerne pas que les martyrs des premiers siècles ou les protestants du désert.Mais même nous, qui vivons sans doute un christianisme tranquille, nous pouvons dire, nous devrions dire « À cause de toi, nous sommes mis à mort tout le long du jour ». Notre foi doit nous déchirer le cœur, empêcher toute sérénité, tout repos d’âme : comment croire en un Dieu d’amour quand nous voyons la souffrance de nos frères et de nos sœurs ? Comment croire en un Dieu qui agit dans le monde lorsque nous voyons partout la violence et l’injustice ? Notre foi, loin de nous donner des réponses satisfaisantes et apaisantes, fait du mal un scandale insupportable.Il ne s’agit pas de se dire que ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Qu’à tout ce mal répondront les félicités du Royaume à venir et que nos souffrances trouveront leur consolation dans l’au-delà. Bien sûr que Paul croit à l’avènement proche du Royaume de Dieu ! Bien sûr qu’il affirme la résurrection des morts mais ce n’est pas ce dont il est question ici.En dépit de toute logique humaine, Paul affirme que c’est dans ces souffrances que nous sommes plus que vainqueurs…. Notre victoire n’est donc pas pour demain : elle est présente, complètement actuelle. Et elle ne dépend pas de nos forces, de notre endurance ou de notre persévérance : elle nous est donnée par un autre : par celui qui nous a aimés…Celui qui nous a aimés, c’est-à-dire Jésus Christ et même Jésus Christ crucifié ! En effet, il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. C’est donc bien sur la croix que se manifeste l’amour de Jésus Christ. Alors, regardons à la croix, regardons à cette défaite ultime et voyons comment nous pouvons y voir une victoire. Dans l’homme crucifié se concentrent les trois événements qui séparent l’homme de Dieu : la malédiction, l’injustice et la mort.- Condamné pour blasphème par le sanhédrin, cloué au bois, Jésus est l’image même de celui qui est maudit, impur, rejeté loin de Dieu. Il le crie lui-même : Pourquoi m’as-tu abandonné ?- Innocent broyé par le jeu politique des puissances de son époque, juste traité comme un criminel, Jésus nous pose la question lancinante de l’injustice : Comment croire en un Dieu juste, fidèle et aimant quand l’innocent est écartelé ? Quand celui en qui il n’y a aucune faute est condamné comme un criminel ? Si l’innocent peut-être crucifié, c’est bien qu’il n’y a pas de Dieu.- Enfin, la mort est bien ce qui nous sépare du Dieu de vie. Le judaïsme antique affirmait clairement que le séjour des morts est le lieu où Dieu n’est pas.Ainsi, Jésus de Nazareth, l’innocent frappé par la mort de la malédiction représente bien l’homme abandonné, arraché complètement à l’amour de Dieu. Et pourtant, miracle de la foi, folie de la foi : dans cet innocent condamné, nous reconnaissons le Dieu de justice, dans ce maudit, nous reconnaissons le Dieu de pardon, dans ce corps supplicié, nous reconnaissons le Dieu vivant.C’est là qu’est la victoire : parce qu’en Jésus, crucifié nous reconnaissons la présence de notre Dieu, parce que nous croyons que malgré la malédiction, malgré l’injustice, malgré la mort, Dieu est là, nous savons que plus rien ne peut nous arracher à l’amour de Dieu.Vain discours de théologien ?Peut-être… Mais rien ne te séparera de l’amour de DieuMais quand le malheur te frappera au plus profond de ta chair, tu sauras que ce n’est pas ton Dieu qui te punit ou qui te met à l’épreuve. A ta souffrance tu n’ajouteras aucune culpabilité, aucune condamnation : tu sauras que tu restes aimé de Dieu. Quand tous tes faux dieux, reflets de ta volonté de puissance t’auront abandonné, trahi, tu sauras que Dieu reste à tes côtés et qu’il souffre avec toiQuand tu perdras toutes tes forces, toutes possibilités d’agir, tout ce que tu croyais être toi, quand tu seras dépossédé de toi-même, quand tu croiras être coupable au-delà de toute possibilité de pardon, tu sauras que toute ta valeur, toute ta dignité d’être humain réside dans cet amour dont tu es aimé. Quand tu ne trouveras plus la force d’espérer ou de croire, tu sauras qu’en Jésus Christ, il t’est donné la possibilité de reconnaître Dieu dans le visage du crucifié.Alors, mon frère, ma sœur, au plus noir de l’échec, au plus profond du désespoir, tu sauras quelle est cette victoire dont parlait Paul, tu sauras, au-delà de toute raison humaine, qu’en Jésus Christ, tu es plus que vainqueur.Amen