3e dimanche de l’Avent
Je me sers de Philippiens 4, 4-7 pour les paroles d’envoi et la bénédiction finale.
Notes bibliques
Sophonie
Écrit sans doute juste avant ou au moment de la réforme du roi de Judas Josias (6° s avant J. C.), le livre de Sophonie offre deux particularités. Il ne sépare plus, comme d’autres prophètes, le peuple d’Israël des nations, dans ce sens qu’il fait tomber un même jugement sur lui et sur elles, car, ayant en commun les mêmes caractères que l’homme déchu et particulièrement l’idolâtrie, ils doivent subir une commune sentence.
Notre prophète annonce qu’Israël partage le même jugement que les nations, et que la grâce de Dieu tirera de ce peuple condamné un peuple nouveau. Sa formation et sa bénédiction éternelle donnent au livre qui nous occupe un cachet d’incomparable fraîcheur.
« Le roi d’Israël, l’Éternel, est au milieu de toi : tu ne verras plus le mal » (v. 15).
Celui qui était autrefois comme un Juge au milieu de Jérusalem (v. 5) est maintenant au milieu d’elle comme son Roi. Bien plus encore, il est au milieu d’elle comme son Dieu (v. 17). Ce n’est plus le Dieu du Sinaï, consentant à habiter à Jérusalem, «au milieu d’un peuple aux lèvres impures» (Ésaïe 6:5), le Dieu dont la présence devait être pour Israël un jugement perpétuel ; non, ce Roi, ce Dieu, est le Sauveur de son peuple :
« L’Éternel, ton Dieu, au milieu de toi, est puissant ; il sauvera » (v. 17).
Le bonheur du peuple dépend entièrement de Lui ; il est puissant, il est le Sauveur ; il se réjouit au sujet de ceux qu’il a sauvés, après les avoir si manifestement protégés pendant les jours de leur détresse. C’est la délivrance finale : dans le passé il était Juge (v. 5), maintenant, il est Triomphateur et Sauveur à toujours.
« Je rassemblerai ceux qui se lamentent à cause des assemblées solennelles ; ils étaient de toi ; sur eux pesait l’opprobre » (v. 18).
Le v. 18 décrit un caractère supplémentaire du petit groupe qui tient fidèlement son engagement et que nous avons vu « affligé et abaissé » au v. 12. Ce sont ceux « qui se lamentent à cause des assemblées solennelles ».
Mais le Seigneur déclare qu’il les rassemblera, alors que la « nation sans honte » avait refusé de se rassembler pour s’humilier devant Dieu. Il les rassemblera et se mettra à leur tête comme Berger du troupeau (Michée 2:12, 13).
« Voici, en ce temps-là, j’agirai à l’égard de tous ceux qui t’affligent, et je sauverai celle qui boitait, et je recueillerai celle qui était chassée, et je ferai d’elles une louange et un nom dans tous les pays où elles étaient couvertes de honte » (v. 19).
Nous ne sommes pas loin du prophète Michée qui annonce les mêmes choses : « Je ferai de celle qui boitait, un reste, et de celle qui avait été repoussée au loin, une nation forte ; et l’Éternel régnera sur eux, en la montagne de Sion, dès lors et à toujours » (Michée 4:7). Et cette nation illuminera la terre et le ciel. Comme il « tournera la captivité » d’Israël, il « tournera » aussi la nôtre !
Lc 3, 7-18
J’agrandis le passage suggéré (Lc 3, 10 – 18) pour faire le lien avec le dimanche précédent et pour prendre la péricope dans un contexte plus large.
L’« entrée en scène » de Jean le baptiste (ou le baptiseur), bien que brève puisqu’il est celui qui redonne voix à Ésaïe (Es 30 et 40), est pour ainsi dire nécessaire afin que justement Jésus prenne place…
Sans être une question transposable à notre situation, Luc fait coïncider la prédication de Jean avec les attentes du peuple. Mais Jean ne confisque pas et ne trahit pas le rôle qui est le sien, celui d’annoncer.
Les études récentes venues à la suite de la découverte de manuscrits à Qumran soulignent cette attente du Messie. Certains, comme les Esséniens, retrouvaient le chemin du désert et du retrait (au moins partiel) du monde, Jean quant à lui, annonce la venue d’un « plus puissant ». On peut voir un indice de cette attente, par exemple en Actes 5 où Gamaliel prend la défense de Pierre et des apôtres au cours d’une séance du sanhédrin en rapportant qu’« avant ces jours-ci », Theudas s’était présenté au peuple dans une situation identique à celle de Jean…
La prédication de Jean le baptiste se veut éthique, juste, et cette fois-ci prend un caractère universel. Quand on parle d’enrichissement personnel, de pratiques mafieuses, de cadeaux, de paris truqués, de cadeau fait aux entreprises ou aux entrepreneurs, de Tva sociale,… rappelons que c’est comme Jean Baptiste, pour ainsi dire la prédication de l’Église, que rappeler que le royaume qui vient ne peut s’accommoder ou se détourner de ces paroles qui parcourent toute la Bible au nom de la Justice : « que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en n’a pas ».
Pistes de prédication
Je vous en propose 4 :
Jean, c’est l’Église qui annonce : elle sème et ne moissonne pas. Paul construit l’Église…
Ici, on privilégiera une prédication qui s’appuie sur le passage de Philippiens (que je n’ai pas choisi de faire entendre, le réservant pour la liturgie finale) et de l’évangile. Jean parle à 3 groupes mais selon l’urgence des prophètes. A la question posée trois fois « que faut-il faire ? », Jean répond en général, puis aux riches puis aux soldats. Parallèle possible avec trois situations et trois « groupes » d’aujourd’hui et risquer une parole (toujours le partage, toujours les riches et ??? qui représenterait les forces d’occupation, minoritaires mais puissantes). Cette prédication s’appuie sur ce que j’appellerai l’ « ascèse confiante » de Paul. Dans la confiance, la paix de Dieu (nous approchons à grands pas de Noël) nous rendra sereins, humbles et audacieux. Mais l’un comme l’autre nous appellent à ne pas nous substituer à Celui qui vient mais à l’annoncer.
Que dois-je faire ?
C’est la question toujours débattue de savoir si nous « devons faire » ou ce que nous devons faire. Plutôt donc une prédication autour du salut par les œuvres ou par grâce. Mais la réponse de Jean nous rappelle que cette dimension n’est pas absente de l’évangile. Que ce soit par piété ou sanctification individuelle ou comme appartenant au corps du christ, nous ne pouvons nous y soustraire : Jean reprend un enseignement déjà bien connu de l’Ancien Testament, le partage avec les plus pauvres.
Les publicains et même les soldats ont droit au salut
Chez Luc sans doute plus qu’ailleurs, l’accueil des publicains (collaborateurs des Romains et donc pécheurs) leur est assuré. On ne saura jamais avec certitude si Jean a prononcé telles quelles ces paroles (premier degré) ou si Luc, écrivant 40 après ces événements décrit la réalité des communautés chrétiennes en train de se former. Mais dans un cas comme dans l’autre, ce récit parle d’une situation où se côtoient 3 groupes typés : ceux issus du peuple par filiation et par pratique, les exclus (les publicains) en raison d’une appartenance (et qui sont le plus souvent stigmatisés), et ceux qui seraient de passage (les Romains). Et du coup, on peut mettre au centre de la prédication que ce n’est pas une « nouveauté » : Sophonie déjà, plusieurs centaines d’années auparavant, parlait non plus du peuple de Dieu comme le petit nombre mis à part mais comme un petit nombre qui se tient au centre du monde, qui lui donne du goût et l’oriente et l’illumine.
Être dans l’attente (3e dimanche de l’Avent)
Ici, on pourrait souligner le caractère paradoxal de l’Avent et de Noël, de celui de la foi. Notre foi est souvent conçue selon une vision chronologique et linéaire. Nous vivons le temps de l’Avent comme celui qui annonce Noël et du coup, ce qui aura de la valeur c’est Noël : notre attente dans ce contexte, c’est « tuons le temps comme on peut ». Si au contraire, nous vivons avec la certitude de la venue de Dieu, alors notre attente est emplie de cette venue et elle n’est pas vaine. La prédication de Jean dit l’un et l’autre. D’une part, il dit qu’il nous faut agir dans le présent, mais tout cela est porté par cette annonce que déjà nous manifestons du futur qui emplit notre vit.
Prédication
Luc 3, v. 7 à 18
Vivre avec Jean le Baptiste et suivre Jésus
> La venue du Royaume de Dieu est compromise, tapez sur 1…
> La venue du Royaume de Dieu est probable, tapez sur 2…
> La venue du royaume de Dieu est espérée bien qu’improbable, tapez sur 3….
> La venue du Royaume de Dieu est passée ou passera inaperçue, tapez sur 4…
> La venue du Royaume de Dieu est certaine, tapez sur 5…
Vous avez tapé sur 1 « La venue du Royaume de Dieu est compromise » ?
Vous faites partie du groupe des observateurs qui constatent. Dieu étant bon, juste, Amour, quand je regarde autour de moi, que je vois la maladie s’abattre sur quelqu’un qui m’est cher ou quand je regarde le monde courir à sa perte, que les riches sont de plus en plus riches quoi qu’on fasse et que la famine sévit toujours autant même si on ne le dit pas (assez), je ne peux pas imaginer la venue du Royaume de Dieu dont on m’a dit qu’elle coïnciderait avec la Justice et la paix. Quand bien même on me dirait que des hommes et des femmes seraient témoins de cette attente, j’aurais toujours en tête des agissements ou des paroles de l’Église qui ont manifestement empêché la venue du Royaume.
Vous avez tapé sur 2, « La venue du Royaume de Dieu est probable » ?
Vous faites partie du groupe des raisonnables qui pèsent et repesent le pour et le contre et qui se déterminent selon ce qui semble le plus logique. Puisque le royaume de Dieu n’est pas là, c’est qu’il viendra. Reste à vous de déterminer le moment. Au sein de ce groupe existent deux sous-groupes, le premier qui dit que nous n’avons aucun moyen de le savoir, il sera là quand Dieu le décidera, sans qu’on puisse en déterminer le moment, selon son bon-vouloir. Le second sous-groupe cherchera à trouver la date (lorsque 144 000 élus auront été trouvés, en telle année (1000, 2000, 3000, …puisque…,) et s’y préparera.
Vous avez tapé sur 3, « La venue du Royaume de Dieu est espérée bien qu’improbable » ?
Vous faites partie du groupe des insatisfaits qui espèrent. Là-encore, existent au sein de ce groupe deux sous-groupes. Le premier a appuyé sur 3 à cause du mot « improbable ». Ils pensent depuis quelque temps ou depuis longtemps que Dieu s’est retiré du monde puisqu’on ne voit plus, on ne sent plus sa présence. De moins en moins de monde le prie, lui adresse une louange et le nomme. Le second (sous-groupe) a répondu 3 parce qu’ils l’espèrent quand même. Bien qu’improbable, ils l’espèrent, l’attendent et maintiennent ainsi ouverte la question et ne ferment pas la porte à ce Royaume où les relations devraient être autres.
Vous avez tapé sur 4, « La venue du Royaume de Dieu est passée ou passera inaperçue » ?
Vous faites partie d’un groupe étrange qui, à l’inverse des trois premiers ne pensent pas que le Royaume de Dieu arrivera comme s’il y avait eu un avant -sombre- et un après -lumineux-. Pour vous, ce qu’on appelle « Royaume de Dieu » est de l’ordre d’un état d’esprit, il ressemble à des histoires que vous racontait votre mère (père) ou votre grand-mère (père) qui inventait un monde dans lequel vous vous sentiez apaisés et réconfortés mais qui ne changeait rien au fait que le monde se comportait mal. Quand vous relisez l’histoire abominable (par exemple de la Shoah), vous savez que les Justes étaient présents, discrets et humbles.
Vous avez tapé sur 5, « La venue du Royaume de Dieu est certaine » ?
Vous faites partie de ce groupe de personnes qui a déjà anticipé la venue du Royaume de Dieu. Pour vous, parce que ce Royaume va venir, il emplit déjà votre quotidien. C’est parce que l’avenir a de l’importance et parce que dans cet avenir, Dieu sera (aussi) présent que votre présent est éclairé, et non pas l’inverse. Vous vivez le présent comme inspiré sinon aspiré par le futur plutôt qu’une résultante du passé.
Que vous ayez tapé 1, 2, 3, 4, ou 5, ne vous trompez pas sur le Royaume qui vient et la manière dont vous aimeriez qu’il vienne. Généralement, quand nous parlons du Jésus que nous aimons, nous en parlons comme Jean Baptiste en parle : plus puissant, baptisant dans l’Esprit saint et dans le feu alors que nous nous contentons d’eau… Mais si nous pensons comme cela, et même si à l’époque de Jean Baptiste, nous n’aurions tapé sur aucune touche d’aucune commande, nous aurions fait fausse route. Jésus est venu et n’a pas frontalement contredit Jean. Comme lui, il a dit « partage avec celui qui n’a pas ». Comme lui il a dit de faire aux autres ce qu’on aimerait recevoir. Comme lui, il a appelé à se tenir droit et juste, sans chercher à traficoter de ci de là. Comme lui, il a rappelé qu’on ne pouvait servir deux maîtres. Comme lui, il a rappelé que la confiance en Dieu nous donnait ce qui est le plus précieux, le don suprême que nous recevons c’est un amour sans limites.
Mais alors qu’y a-t-il de changé entre l’un et l’autre ? Eh bien Jésus n’a pas répondu à tous les désirs exprimés par Jean (et qui ressemblent aux nôtres). Il n’a pas baptisé ni d’Esprit saint ni par le feu (il n’a apparemment pas baptisé). Il a certes comme Jean été courroucé de certaines pratiques infamantes pour Dieu, mais il s’en est pris au système du temple et des sacrifices sans s’en prendre aux marchands eux-mêmes. Il a mangé aux tables des publicains. Il a regardé en face les deux voies qui s’offraient à lui, celle où il imposerait une nouvelle Loi, rendant caduques les prescriptions de Moïse. Il a préféré l’autre, ne répondant pas aux attentes très humaines qui se tournent vers Dieu pour exiger de lui qu’Il intervienne selon notre logique.
Jean va disparaître pour laisser la place à Jésus. Le Messie qui arrive en la personne de Jésus ne se met pas à trier le bon grain de l’ivraie. Il n’utilise pas la pelle à vanner ou la fourche pour jeter au feu les mauvaises herbes. C’est le péché qu’il se propose de détruire et non pas les pécheurs.
Tout homme devient sympathique, puisque c’est son péché qui est haïssable et non pas lui-même. Et notre regard est tourné vers la compassion et non plus sur le jugement. Notre regard est tourné vers le monde et non contre le monde.
Aujourd’hui encore, beaucoup de chrétiens se tiennent en retrait par rapport à cette audace de l’évangile. Il en est encore qui croient que le péché colle tellement à la nature de l’homme qu’on ne peut détruire l’un sans l’autre. C’était sans doute la position de Jean Baptiste esquissée dans ce baptême de repentance. Mais Jésus a pris les chemins d’Ésaïe, des chemins moins lumineux, ou du moins dont la lumière ne viendra que plus tard. Les suiveurs de Jean le baptiste seront toujours aux prises avec leurs questions : est-il vraiment Celui qui était attendu ? Jésus leur répond : « Allez dire à Jean que les aveugles voient, que les boiteux marchent ». Oui, Jean va disparaitre, il est l’homme du passé. Jésus est le futur et donc le présent.