Notes bibliques

Introduction Biblique

Habacuc 1.2-3, 2.1-4

Le livre d’Habacuc est connu dans nos églises grâce à une phrase qui apparaît dans nos lectures liturgiques pour ce dimanche le temps d’Église 22: « Celui qui est juste par la foi vivra » (TOB) ou « Le juste vivra par la foi » (Segond), repris par Paul dans sa lettre aux Romains. Cette phrase, une petite partie du livre du prophète, se trouve au cœur de son message.

La préoccupation d’Habacuc pour la justice le place dans la lignée des autres prophètes tels qu’Ésaïe et Jérémie (son contemporain). En suivant cette tradition, Habacuc fait appel au peuple de changer de comportement, sinon ce sera la punition de Dieu.

Contrairement aux autres prophètes il se concentre sur le problème de la persistance du mal et de l’injustice. Si la justice est bonne voulue de Dieu et de l’ordre divin, pourquoi l’injustice persiste? Comment croire qu’éventuellement la justice triomphera face aux réalités du monde?

 

Luc 17.5-10

La réponse de Jésus à la demande des disciples d’augmenter leur foi est de raconter deux histoires tirées de la vie de tous les jours. Ces histoires sont des paraboles qui indiquent des vérités spirituelles. Le récit du sycomore nous apprend que foi en Dieu nous permet à réaliser les choses qui nous semblent impossibles. Le deuxième, celle d’un fermier, nous apprend que ceux et celles qui suivent Dieu n’ont pas d’autre récompense que d’avoir accompli leur devoir.

 

2 Timothée 1.6-14

Cette lettre reflète un temps de l’Église primitive où au moins trois générations différentes sont des membres. L’appel de cet écrit est de rester fidèle à ce que nous avons appris des générations précédentes. Afin de ne pas avoir honte de sa foi le disciple tient bon à ce qu’il a reçu.

 

Il est évident que plusieurs pistes se présentent à notre réflexion.

  1. La peur peut nous gagner à tout moment: dans notre vie ordinaire (face à une hospitalisation), dans notre vie en communauté (face aux attentats et l’insécurité), dans notre vie d’Église (savoir comment transmettre la foi).

La peur est souvent combinée avec notre sentiment de ne pas pouvoir faire quelque chose, ou « tout ce que je fais semble dérisoire ». Jésus raconte une histoire du grain de moutarde. La foi n’est pas une question de quantité, peu ou beaucoup, mais de l’avoir ou ne pas l’avoir.

 

  1. Augmentation ! Qui ne veut pas une augmentation (salaire, amour, bonheur et pourquoi pas la foi) ?

Jésus sait que ce n’est pas en augmentant que nous allons arriver. C’est en plaçant un pied devant l’autre en fidélité et obéissance.

 

Prédication

 

Pourquoi l’injustice prospère ?

 

Habacuc réfléchit à cette question. Il est obsédé de savoir comment Dieu, qui est créateur, peut permettre que l’injustice prospère sur la terre. Il ne propose pas de réponses, mais il nous invite à réfléchir avec lui en tant que croyant. Comment puis-je continuer à lutter pour la justice, le vivre ensemble et le droit ? D’où vient la source de mon courage et de ma force ? Ce n’est pas parce que le monde récompense mes efforts (même si nous sommes heureux de savoir que le prix Nobel pour la paix existe et qu’avec les médias sociaux nous pouvons suivre médecins sans frontières et autres dans leur travail). Habacuc propose que ceux et celles qui s’engagent pour la justice adoptent une vision plus large, ils voient plus loin que les autres « the big picture » (voir en grand). La vision qu’ils ont reçu, comme pour Habacuc, est celle de Dieu pour sa création. Le vertueux, ou le croyant, place sa confiance en la réalité de cette vision plutôt que dans les événements qui se déroulent autour de lui.

 

La perspective d’Habacuc est reprise dans les pages du Nouveau Testament. Du sixième siècle avant Jésus-Christ la même vison alimente la foi des disciples du Christ en Palestine. Leur expérience est similaire, ils attendent un événement qui va changer leur réalité, ils se trouvent dans l’entre-temps: entre le message de Jésus et son accomplissement. Ces premiers chrétiens ont connu la persécution et la souffrance – face à cette violence ils n’avaient que leur foi – une foi qui les tenait debout malgré les circonstances physiques de leur existence.

Pour Habacuc la fidélité était une attente patiente que Dieu agisse en «son temps », cette fidélité, sous la plume de Paul, est transformée en croyance active qui donne le pouvoir de changer des personnes et des situations.

 

Les disciples de Jésus veulent faire du bien, ils veulent être efficaces et faire une différence dans leurs vies et dans les vies de ceux et celles autour d’eux. Les disciples de l’église de la troisième génération (celle de Timothée) veulent pouvoir continuer dans la foi, grandir dans leur vie spirituelle et ainsi agir dans le monde de leur communauté et dans leur société. Mais tous se sentent trop faibles, trop petits.

Qu’est-ce que nous pouvons faire?

Comment pouvons-nous faire face à la persécution?

Comment intervenir dans les vies, apporter soulagement, réconfort, guérison?

Nous ne sommes pas assez nombreux. Notre foi n’est pas assez solide. Nos convictions ne semblent pas être partagées par beaucoup d’autres.

Le monde est bien plus préoccupé à sa réussite, à maintenir la sécurité ou à s’enfermer dans ses frontières. Notre voix est trop faible, inaudible.

 

Ce sont aussi des questions que nous pouvons nous poser aujourd’hui. Cet été nous avons été témoins des attentats atroces en France et en Europe, en Syrie et en Afghanistan. La réaction de beaucoup est de se retrancher derrière des barricades. De fermer les portes et les volets pour se sentir en sécurité derrière des portes verrouillées.

C’est une réaction ordinaire, humaine et compréhensible… parce que nous n’avons pas assez de force pour résister autrement. Qu’est-ce que nous pouvons faire?!

 

La violence et la force destructrice semble être plus fortes que nos vains efforts pour la paix, le dialogue et la fraternité. Tel est le constat de ce prophète sur les murs de Jérusalem qui scrute l’horizon il y a 2500 ans, aussi de ces disciples autour de Jésus et les croyants autour de Timothée.

 

Le 2 août 2016 j’ai assisté aux obsèques du prêtre Jacques Hamel à la cathédrale de Rouen. La messe se déroulait sous haut surveillance, les autorités civiles et religieuses craignaient une attaque. La cathédrale était pleine, des prêtes, des évêques et des représentants des autres églises et religions. Entre les chants religieux, plusieurs ecclésiastiques, amis du prêtre et proches de sa famille, ont pris la parole pour lui dire adieu et poursuivre son message de paix. Parmi eux, Jessica, la nièce du père Hamel. « La plupart des gens te connaissent pour ta profession, ta profession de foi. Mais pour moi tu es mon oncle, mon tonton Jacques », a-t-elle commencé, la gorge nouée, « Après Charlie Hebdo, j’avais posté cette phrase sur Facebook : Oh mon Dieu, puissions-nous garder tolérance et discernement », a-t-elle continué. « Je ne pensais pas devoir m’appliquer cette phrase avec autant de force et de conviction ».

 

« Le juste vivra par la foi » n’est pas une foi qui tolère les événements, une foi qui supporte la souffrance pendant un temps en attendant que Dieu intervient un jour. Mais elle est la foi en Jésus, et en sa puissance de transformer des vies. Bien entendu nous sommes tentés de penser qu’avec un peu plus nous pourrions en faire plus. Ce sont les calculs de notre économie, de notre façon de voir la vie comme un bilan financier, avec ses recettes et ses dépenses. Plus que nous recevons, plus nous pouvons dépenser.

Les disciples, tout comme Habacuc demande une augmentation, pour les uns de la foi, pour l’autre de la compréhension « Je veillais, pour voir ce que l’Éternel me dirait ». Il attend non pas en ne faisant rien, en tournant ses pouces, mais en attente. Vigilant pour une réponse, un signe de la part de Dieu pour l’aider à comprendre et à avancer. Il consigne ce qu’il reçoit, « Écris » nous dit le texte, « graves mon explication sur les tables afin qu’on la lise couramment ». Cette vision n’est pas pour le prophète seul, mais pour tous ceux qui veulent comprendre. Tous ceux qui ont attendu. Tous ceux qui veillent à une réponse divine.

Telle est la vocation prophétique. Et telle est notre vocation chrétienne: « puis-je être agent de tolérance et discernement dans le monde où j’habite ».

 

Jésus répond à ses disciples, comme Habacuc l’a fait, que vous pouvez avoir confiance en Dieu. Ce qui vous semble impossible, Dieu le réalisera. 1500 ans plus tard un moine augustin réalise du nouveau la force de cette phrase. Elle a le pouvoir de changer sa vie et le destin humain. Martin Luther est arrêté en visite à Rome dans sa prière matinale par la phrase d’Habacuc. Pour lui, il se retourne et désormais sa vie prend une autre direction. Il reste fidèle à cette vision et la Réforme est née.

Plus tard dans sa vie, pensant à cet incident Luther écrit: Quand par l’Esprit de Dieu, j’ai compris que ces mots – « le juste vivra par la foi » – alors je me suis senti né de nouveau comme un nouvel homme. Je suis entré par les portes ouvertes dans le paradis même de Dieu.