Notes bibliques

 

Les thèmes contenus dans le texte proposé de Luc se retrouvent abondamment dans les synoptiques, ce qui, d’après les exégètes, témoigne d’une référence à des sources communes,
Tel Bovon pour qui cette composition du passage de Luc 14, v. 25 à 33 est centrée sur la condition de disciple élaborée à partir d’éléments de la source des logia, de son bien propre et, pour une moindre part, de Marc.

 

  Mt 10 Lc 14 Mc 8, Mt 16, Lc9 Lc17 Jn12
Rejet famille + +      
Port croix + + +    
Perte vie +   + + +

 

Je reprends ici quelques notes prises à partir du commentaire de Bovon.
L’attention est portée, dit-il, sur les interlocuteurs de Jésus et non sur Jésus lui-même. Il s’agit des foules qui lui sont favorables. Elles ignorent ce qu’implique devenir disciple du Christ. Dans Luc 5, 1-11 et 5, 27 nous avions la description d’une vocation par un appel suivi de l’obéissance immédiate des disciples. Dans Luc 14 nous avons une préparation à l’adhésion et à une décision réfléchie. Il n’y a donc pas une seule manière de devenir disciple. V. 26 : Devenir disciple n’est pas simplement suivre Jésus car cela implique aussi rupture avec le passé. Dans Mt. où se trouve un parallèle, il faut simplement préférer le Christ à sa famille. Dans Luc c’est beaucoup plus fort. La traduction littérale dit «  si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère … ». On peut penser avec Bovon que le décalogue impose lui aussi un amour prioritaire et exclusif pour Dieu. Que le cercle familial peut se refermer sur soi même et devenir idolâtre. La haine en fait n’est pas tournée vers les membres de la famille mais vers ce qu’elle représente( enfermement, rôles hiérarchiques…). Toutefois ce texte nous choque. Jésus a pu s’inspirer de Dt 33, 9-10 dont on peut déduire que les lévites devaient eux aussi quitter leur famille.

Une remarque personnelle. Il est indéniable que les textes parlant de la famille dans l’A.T. comme dans le N. T. surprennent. Je pense tout d’abord à l’hostilité de la famille de Jésus à son égard. « En effet ses frères ne croyaient pas en lui » (Jean 7, 5 ). Ou encore Mc3, 20-21. Il est évident que les évangélistes ont pris soin de marquer la distance qui existait entre la propre famille de Jésus et Jésus lui-même. D’autres textes mis dans la bouche même de Jésus vont dans ce sens, témoin celui-ci :  « Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront condamner à mort » (Mt. 10, 21). Aux versets 34-35 du chapitre 10 de l’évangile de Matthieu nous trouvons encore un texte que l’on pourrait comprendre comme une exhortation de Jésus à entretenir la division dans les familles. « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la paix mais bien le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère. On aura pour ennemis les gens de sa maison. » Jésus serait – il un diviseur ? Il ne s’agit aucunement d’une exhortation à renier les liens familiaux. Absolument pas ! Je suppose que dans l’église primitive en butte aux persécutions, les chrétiens vivaient dans l’attente du retour annoncé du Christ, convaincus de la très proche instauration du Royaume de Dieu. Le sujet abordé dans cette dernière citation est celui de l’avenir prévisible des disciples qui seront ( ou étaient ) l’objet de persécutions. Ce sont les membres de leur propre famille qui les dénonceront aux autorités. Tel sera le sort qui sera réservé à ceux qui, malgré la persécution dont ils seront l’objet, lui resteront fidèles. La véritable famille est celle de ses disciples. Interpréter ces textes comme s’il s’agissait d’un idéal chrétien qui exhorterait à persécuter ses proches par haine de la famille est une absurdité. Jésus n’est pas venu pour fonder un code civil du mariage, mais pour annoncer le Royaume de Dieu. Ceux qui comprennent son message et vivent dans l’attente et l’esprit du Royaume à venir ne sont pas soumis à la loi telle qu’on la trouve dans le Lévitique autorisant par exemple un mari à répudier sa femme. Ils obéissent à la loi de l’amour qui espère et supporte tout. On retrouve ici une valeur essentielle contenue dans l’A. T., celle du respect de l’alliance, du contrat de fidélité conclu entre l’époux et sa femme à l’image de celui conclu entre Dieu et son peuple. La référence de base est celle du livre d’Osée. Jésus garde les mêmes références ( Mc 10, 2-10 ). Nous avons tendance à commenter les textes bibliques concernant le mariage à la lumière de notre conception romantique de l’amour. 

Le contexte social, culturel de l’époque à laquelle ces textes ont été rédigés diffère du nôtre. L’occident a connu pendant longtemps la famille traditionnelle, patriarcale, organisée pour assurer la descendance et la sauvegarde du patrimoine. Puis après 1750 notre société a connu la famille « moderne » influencée par le siècle des Lumières, peu à peu fondée sur le libre choix réciproque et sur l’amour. Enfin depuis 1960 dans une société dans laquelle triomphe l’individualisme, la famille contemporaine ne tient que par le libre consentement affectif des individus, ce qui la rend fragile, et sur le désir d’enfant. La famille est le lieu privilégié de l’épanouissement des personnes qui la composent grâce au regard positif que chacun porte sur l’autre. Chaque individu a besoin du miroir qu’est le regard de son proche familier pour valider et épanouir sa propre personnalité. Cela n’a pas grand chose à voir avec les fondements de la famille au temps de Jésus. Pour conclure ces observations sur la famille j’ajouterai que dans ce texte de Luc Jésus ne réclame pas un attachement exclusif à sa personne. Il pose simplement que celui qui s’engage à marcher derrière lui ne doit pas être arrêté par des affections familiales. Plus que des sentiments, il s’agirait de choix à faire. Le suivre, c’est se rendre libre des entraves que peut être un amour vécu en vase clos. On peut évoquer ici les méfaits de l’amour quand il devient « une mise en prison affective », « une prison du cœur » comme dit Boris Cyrulnik.

Que signifie « être disciple » ? Le texte, d’après Bovon, ne parle pas de « devenir disciple ». Cela signifierait que cela dépend de nous. « Être disciple », c’est être accepté par le Maître. L’apprentissage doit être total. D’où les images du N. T. que sont les mots : se dévêtir, mourir, quitter, ne pas se retourner, haïr. Chez Luc la suivance implique « porter un fardeau » que l’on retrouve dans les Actes à propos des souffrances de Paul. Les versets 26,27 et 33 disent ce qu’il faut « pour pouvoir être son disciple ». Il faut pouvoir rompre avec son origine. Une existence inattendue surgit alors.

Le mot purgos qui désigne la tour peut désigner aussi bien une haute tour de défense qu’un petit édifice bâti par un paysan pour se protéger, ou même une grange. Pour la construire, il s’agit d’organiser les travaux, d’agencer la construction. Tout doit s’ajuster avec les moyens financiers dont l’homme dispose. Le verbe ischuô, avoir la force, évoque la force économique, « avoir les moyens ». Il faut achever le travail. Le mener à bien sinon l’homme sera objet de moqueries. À côté du temps disponible, des moyens dont on dispose, il faut ajouter le recul, l’évaluation, le calcul. Il faut prévoir. La sagesse, c’est s’asseoir pour réfléchir. La sagesse consiste à savoir si on désire vraiment réaliser le projet, mais aussi évaluer la dépense, les efforts à consentir ; si on en a les moyens. Dieu veut achever la construction de son règne. C’est pourquoi dit Bovon, « il n’engage que des ouvriers et des soldats prêts à tout quitter pour le servir ».
Le cas du roi qui part en guerre est raconté de façon précise. Envoyer une ambassade à l’approche de l’ennemi est l’issue normale en cas d’infériorité. On annonce ainsi pudiquement sa soumission. Les « milliers » en Israël sont les corps de troupes qui correspondent aux clans. Les armées célestes sont, elles aussi, organisées par milliers. Cet exemple insiste sur la sagesse nécessaire à celui qui veut suivre le Christ. Le pouvoir sans le savoir ne sert à rien. Ce qui attend les disciples est redoutable. Le paysan devait compter sur ses sous. Le roi sur ses troupes. Le chrétien doit se débarrasser de ses fausses sécurités.

Luc conclut par la parabole du sel. Il ne suffit pas de devenir disciple, il faut le demeurer. Rester du bon sel. A l’époque le sel servait à conserver les aliments et à les assaisonner. En Palestine on obtenait le sel de la Mer Morte par évaporation. Les cristaux de sel étaient mêlés à des cristaux de carnallite. S’il y avait trop de carnallite le sel ne salait pas. Mais la meilleure explication est sans doute la suivante : Jésus utilise un exemple excessif. La sagesse populaire sait que jamais le sel ne perd sa saveur. Imaginons, dit Jésus, imaginons l’impossible, un sel qui ne sale plus. Et bien il ne sert plus à rien. Ce mal est irréversible. Irréparable. Le sel versé à terre était signe de malédiction.
Luc poursuit ici un double objectif : peindre le portrait d’un Jésus prophète et sage qui communique aux foules un enseignement. Il veut également encourager ses lecteurs à ne pas se contenter d’une lecture distrayante mais qui engage : « que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ».
Le lecteur n’est pas le Christ. Il a donc intérêt à se situer, à faire le compte de ses biens, le bilan de ses moyens. Deuxième sens : comme le Christ a reçu l’Esprit et la Parole, Il en dispose pour aider les chrétiens à ne pas perdre courage. Les chrétiens sont engagés dans un devenir interrelationnel avec lui.

 

Remarques préalables pour des pistes concernant la prédication

J’ai trouvé les textes parallèles peu en rapport avec le texte de Luc. Les proverbes exhortent à prêter attention aux paroles de sagesse. Cela ne mange pas de pain ! L’épître à Philémon est mentionnée sans doute à cause du rappel de la souffrance qu’endure Paul en prison. Effectivement mort et résurrection mentionnée et résumée comme la vie nouvelle en Christ est une référence constante chez Paul qui cite la vie en Christ 165 fois. Le texte tiré du livre de la sagesse reprend le thème de l’éloge de la sagesse, réalité mystérieuse qui gagne à être pratiquée. J’en ai conclu que le prédicateur devra chercher d’autres textes plus en rapport avec le thème qu’il aura retenu. Pour ma part je choisi de mettre l’accent sur la vie nouvelle en Christ. Et donc sur des textes pauliniens mais autres que celui de l’épître à Philémon. ( Peut être 2 Cor. 5, 16-20 ?) J’ai retenu dans Luc 14 le v. 27 et le v. 33. comme axe de la méditation. Ce thème de la mort et de façon sous-entendue de la résurrection, de la nouvelle naissance est un thème central chez les évangéliques. De ce fait nous hésitons à le reprendre à notre compte vu les connotations négatives qu’implique le thème du « born again » («naître de nouveau». Courant évangélique américain auquel le Président des USA, George W. Bush, appartient), l’idée que la seule véritable église serait composée de celles et ceux qui ont authentiquement vécu cette renaissance. Eux seuls détiendraient la véritable compréhension du message biblique à la condition bien entendu de la prendre à la lettre. Ils seraient les purs souvent aux côtés de Bush, dénonçant les forces du mal puisqu’ils seraient tout naturellement aux côtés des forces du bien.. Mais nous, héritiers des églises historiques serions nous mal venus de reprendre à notre propre compte l’idée qu’il nous faut prendre au sérieux la mort et la résurrection ? De la naissance nouvelle en Christ ? Je ne le pense pas et c’est pourquoi je propose de retenir ce thème central. On le retrouve dès le récit de la genèse ( rédigée comme pour dire : malgré la déportation, le chaos, la recréation d’Israël est là avec le sens donné par la Parole créatrice ). Il traverse les apocalypses, que ce soit celle de Daniel ou celle du livre même de l’Apocalypse. Et dans l’évangile on le retrouve au bout de la montée vers Jérusalem. Le chemin qui passe par la mort et la résurrection est la voie annoncée et suivie par Jésus. D’après Marc, le premier des évangiles, Jésus dit :  « si quelqu’un veut devenir mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de ma croix et qu’il me suive ». ( Mc 8, 33 ).

 

Psychologie du chrétien « de nom »
Le court récit qui est proposé à notre méditation se présente sous la forme de la description du comportement à éviter si l’on a le moindre bon sens. Sans même parler de nouvelle naissance, de mort et de résurrection, Jésus parle comme un sage qui invite à la lucidité. En trois ou quatre flashes il nous donne en schéma inversé, la description psychologique du benêt qui se dirait chrétien par mimétisme, par suivisme, peut être par intérêt.
Jésus est entouré d’une foule qui lui et acquise. Il interpelle cette foule mettant en doute le sérieux de leur engagement. Un peu comme s’il disait : « ce n’est pas parce que vous m’entourez, ou pace que vous vous dites chrétiens que vous êtes véritablement mes disciples ». Pour cela voyez-vous, il faut commencer par couper les liens avec ce qui nous est le plus proche, l’acquis familial qui peut devenir un cocon qui emprisonne. Si vous n’êtes pas prêt à abandonner tout ce qui vous lie au passé, à votre passé affectif, émotionnel, historique, vous ne pouvez me suivre, dit Jésus.
Parmi les prisonniers de guerre, ceux qui s’évadaient étaient, proportionnellement au nombre de prisonniers, fort peu nombreux. S’ils s’évadaient, ce n’était pas tant parce qu’ils avaient eu de la chance, des facilités, des occasions offertes. C’était, m’a dit l’un d’entre eux, parce qu’ils ne s’attachaient à rien qui les retienne dans leur camp de prisonniers. En effet dès qu’ils étaient fait prisonniers, tous avaient pour réflexe de s’organiser pour avoir un petit trésor aussi dérisoire soit-il comme de quoi se laver les dents, posséder une couverture, avoir de quoi se tenir chaud sous la pluie. Dès qu’ils avaient réussi à avoir le moindre confort, ils acceptaient leur sort. Quitter ce semblant de confort leur devenait impossible. C’était psychologiquement leur survie. Les rares qui n’acceptaient pas leur situation ne s’attachaient à rien, à aucune apparence de confort. Ils restaient libres. Et à la moindre occasion, ils repéraient la faille et se sauvaient. Repris, ils recommençaient avec toujours la même idée, rester libres dans leur tête, jamais installés même si cette installation était dérisoire. C’est la même attitude que Jésus recommande de garder à l’esprit pour ceux qui veulent le suivre.

Mais l’engagement doit être total. Si l’on s’engage en dilettante, en se disant :  «  on y va et on verra bien comment s’en sortir en cas de pépin », ceux là ne vont pas jusqu’au bout. Ils ont commencé à bâtir une tour, un abri, une maison, une grange, sans avoir pris la mesure de l’engagement pris. Un peu à l’image de celui qui au vu d’une publicité alléchante, proposant la vente d’un objet contre un remboursement mensuel étalé dans le temps, signe le contrat et se réjouit sans avoir mesuré ce qu’impliquait la dette. Non seulement il est à découvert bancaire et perd le droit de disposer d’un compte bancaire, non seulement il est montré du doigt, mais il est littéralement mentalement assiégé.
Le roi qui part en guerre sans avoir comparé ses forces à celles de son adversaire fait penser au fanfaron qui se surestime et se propose pour mener à bien une action. Finalement, mis au pied du mur, il n’a souvent plus qu’une chose à faire : se couvrir de honte en reconnaissant son incapacité avant d’aller sur le champ de bataille. S’il en est encore temps, il envoie un ami discuter avec l’ennemi pour négocier sa défaite au meilleur prix. C’est ce qui se passe continuellement entre magnats de grandes entreprises. Il ne se passe pas de semaine sans que nous n’entendions parler d’OPA. Les unes sont amicales, les autres agressives. Et les ministres sont parfois sollicités par ces va t-en guerre de la finance pour négocier les conditions imposées pour l’achat ou la vente des actions.
La sagesse, c’est de rester debout, respectable, sans devenir finalement un être méprisé parce qu’il n’est plus digne du moindre respect. Affadi. Comme du sel qui aurait l’apparence du sel mais sans aucune saveur.
Il y a dans nos paroisses quantité de personnes inscrites sur les listes électorales comme la loi nous y contraint, qui vivent ainsi en « protestants sociologiques » comme on dit couramment. Jeunes ils ont été à l’école biblique, puis ont participé aux mouvements de jeunesse. Ils se sont même souvent mariés au temple. Mais qu’un événement imprévu survienne, un déménagement pour raison professionnelle par exemple. Et les voici perdus dans une ville nouvelle, sans liens, sans attaches. Et ils décrochent. Ils sont, bien entendu, encore un peu protestants dans leur tête, par leur culture, leur éducation. Mais ils n’ont plus la foi comme ils disent car en fait ils ne l’ont jamais eue. Ils sont devenus du sel sans saveur.

 

Naître de nouveau
Jésus dit clairement que nul ne peut se dire son disciple s’il ne porte sa croix, s’il n’abandonne tout ce qui lui appartient. Si nous nous en tenions à ce seul texte nous serions invités à ne plus vivre, à désespérer de tout au point de n’aspirer qu’à la mort, au néant. En fait ce récit est inséré entre d’autres récits : celui de la guérison d’un hydropique le jour du sabbat suivi de la parabole des invités remplacés par les pauvres, et ensuite, plus loin, se trouve la parabole de la brebis perdue. Le texte est donc inséré entre des récits qui clament l’espérance, annoncent la résurrection. Pourrait-on imaginer que devenir chrétien signifie qu’il faille rompre tout lien avec sa famille, sa femme ou son mari, ses enfants, bref ses proches, qu’il soit nécessaire d’abandonner tous ses biens, de les livrer par exemple à la brocante d’Emmaüs avant sans doute, pourquoi pas, de rejoindre les S. D. F. ? Évidemment non !
C’est la découverte que fit Paul. Pour vivre en Christ une vie totalement nouvelle, il faut absolument rompre tout lien avec ce qui nous attachait au passé. C’est la condition à remplir pour accéder à une vie totalement nouvelle. L’apôtre Paul utilise la métaphore de mourir et ressusciter en Christ pour exprimer la transformation personnelle au cœur de la vie chrétienne. Il s’agit pour lui d’une expérience personnelle. Il est le premier à reprendre cette expression à son compte dans l’épître aux Galates :  « J’ai été crucifié avec Christ et ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ». Et il exhorte les Galates à faire leur cette expérience. Dans l’épître aux Romains il fait le lien entre la mort et la résurrection et le baptême.
Participer à la résurrection n’est pas du tout être l’acteur d’une action magique, d’un événement qui ferait fi de toutes les contraintes matérielles. C’est tout simplement mettre des lunettes qui permettent de voir le monde sous un tout autre jour. « Aussi si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là ». ( 2Cor. 5, 17) L’apôtre fait aussitôt une découverte de cette réalité nouvelle : « il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme ni femme ». Toutes les pseudo-valeurs qui semblaient aller de soi s’effondrent. Plus rien ne justifie les supériorités nationalistes, ou le racisme, l’idée selon laquelle les uns seraient de naissance supérieurs aux autres. Chaque être, aussi misérable soit-il, a une valeur inimaginable aux yeux de Dieu vu le prix payé par Jésus. Cette nouvelle vision des choses conduit à prendre des engagements qui s’inscrivent dans la logique du Royaume qui vient.
Quelques jours après avoir vécu le traumatisme de Golgotha, les disciples avaient également tout à coup pris conscience du nouveau regard qu’ils pouvaient porter sur le monde. Auparavant quand ils avaient ce qu’ils appelaient l’espoir, il s’agissait d’un baume dans l’attente d’un monde meilleur. C’était une sorte d’alibi pour fuir l’angoisse du présent. Dans ces cas-là on attend qu’un miracle se produise. Plus rien ne dépend de nous. Certains de ceux qui vivent cette épreuve, habités par le désespoir, se réfugient dans l’attente d’un paradis offert dans l’au-delà en compensation de maux subis ici-bas.
L’espérance est tout autre. C’est une autre vision du monde qui permet de voir et de donner un fondement humain à ce qui n’est à première vue qu’un monde technique, obéissant aux seules lois d’une froide logique technicienne ou de marché, donnant raison aux plus forts. L’espérance est une puissance qui exerce une action qui s’inscrit dans l’histoire. Cette puissance est à l’œuvre comme un îlot de sens à nos engagements.

Pour conclure je m’inspirerai d’une traduction libre d’un texte de M. Borg : Naître de nouveau, ce dont nous avons besoin, c’est prendre la route du retour de l’exil, prendre le chemin qui nous permet de recouvrer notre véritable identité, le moyen de commencer à vivre en puisant à la source intérieure plutôt que de vivre sous l’empreinte du monde extérieur. Naître de nouveau signifie mourir à un faux moi pour naître à l’identité centrée sur l’Esprit, en Christ, en Dieu. C’est la voie d’une redéfinition intérieure de ce qui donne sens à la personne authentique née en nous même.