Notes bibliques

a) Jean 13,31-35 : ces versets ouvrent tout le passage (13,31 à 14,31) qui est un dialogue sur la glorification du Christ et ses conséquences pour les disciples.
v. 31 : Judas va sortir (le verbe utilisé ici exprime à la fois sortir d’une ville, d’une maison, s’éloigner). Judas sort de l’histoire du groupe des disciples pour entrer en quelque sorte dans le groupe des opposants (en effet, Satan est entré en lui (Jean 13,27). Maintenant nous entrons dans un autre temps. Le mot « maintenant » apparaît 2 fois dans le texte en français, mais le texte grec utilise 2 mots différents : la 1ère fois (v. 31) ce mot signifie « précisément maintenant, justement à cette heure » ; la 2ème fois (v. 33), « à l’instant » en parlant du présent. La différence entre les 2 mots est à peine perceptible mais Jean utilise ici 2 expressions pour dire que c’est dans l’aujourd’hui de la réalité que s’enracine la parole de Jésus.
v. 31-32 : toute cette 1ère partie du passage est centrée sur le verbe « glorifier ». La gloire vient d’un mot hébreu qui signifie « être lourd, avoir du poids » dans le double sens « d’être accablant et avoir de l’importance ». La gloire de Dieu est sa puissance souveraine sans commune mesure avec la puissance de l’homme. La gloire de Dieu se manifeste par ses interventions libératrices en faveur de son peuple ; mais aussi dans les événements de l’histoire qui permettent à Israël de reconnaître que Dieu est son seul Seigneur. Les Israélites peuvent alors lui « rendre gloire ou le glorifier » c’est-à-dire confesser leur foi et témoigner de sa puissance souveraine. Dans l’évangile de Jean, le Fils a été envoyé par le Père pour le « glorifier », c’est-à-dire le révéler au monde. C’est pourquoi, Jésus n’a pas recherché la gloire des hommes, ni la sienne : il n’a pas eu besoin de se justifier, de prouver la légitimité de son ministère. Jésus a été « glorifié » signifie qu’il a été manifesté comme le Fils, celui qui révèle et fait connaître le Père, non seulement par des signes mais aussi par la Croix.
v.33 : ce verset est un peu le pivot du texte. Jean joue sur les mots « chercher », « ne pas venir » ; et sur l’opposition entre « peu de temps » et « maintenant ». Chercher c’est-à-dire rechercher, en vouloir, demander, désirer, questionner, remplacer : les disciples comme les Juifs aussi, vont chercher Jésus mais pas pour les bonnes raisons, ils doivent accepter la situation nouvelle qui va les rendre responsables de leur vie. Cette recherche va de pair avec l’affirmation « ne pas venir ». Ce verset est le pivot du texte parce qu’il fait passer le disciple d’une situation où Dieu est acteur à celle où le disciple doit se mettre en marche active. Les verbes qui vont suivre dans les versets 34-35, seront des impératifs.
v.34-35 : dans ces versets il est question d’aimer et d’un commandement nouveau. Ce « nouveau » ne signifie pas que c’est la 1ère fois que Jésus parle de l’amour, mais l’amour ici est différent parce qu’il sera en lien direct avec la mort du Christ. De l’observance du commandement dépendent la présence du Seigneur ainsi que l’efficacité du témoignage. La « gloire » du début du passage donne du poids à cet amour. A partir de là nous pouvons saisir l’importance du « nouveau commandement » de l’amour mutuel.
« Trop souvent on traduit le mot grec utilisé ici par « comme » qui relie le précepte à l’amour de Jésus pour les siens : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Les disciples devraient imiter le comportement modèle de leur Maître. Cela aboutit à faire de Jésus un personnage du passé dont on aurait hérité des consignes à appliquer maintenant moi-même, de sorte que l’action des disciples vient succéder dans le temps à celle de Jésus, se juxtaposant à elle. Pour éviter le pélagianisme latent dans cette interprétation, on fait appel à l’Esprit qui crée dans le disciple un cœur nouveau. Mais, départageant ainsi l’action de l’Esprit et celle de Jésus, on continue à ranger parmi les épopées des héros disparus l’amour — en réalité supratemporel — du Fils de Dieu.
Or, comme ailleurs chez Jn, ce mot grec traduit par « comme » n’a pas ici le sens de comparaison, mais celui d’origine. On pourrait traduire : « Selon que je vous ai aimés, aimez-vous… » ou « Aimez-vous… car je vous ai aimés afin que, de même, vous vous aimiez les uns les autres ». Nous préférons rendre le texte ainsi : « De l’amour dont je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres », version qui restitue au plus près le sens visé. L’amour du Fils pour ses disciples génère leur mouvement de charité : c’est son amour qui passe en eux lorsqu’ils aiment leurs frères et en sont aimés. Aux chap. 15 et 17, l’amour de Jésus s’épanouissant dans les croyants s’avère celui du Père même. » (Commentaire de Xavier-Léon Dufour)
Après l’annonce mystérieuse de sa mort, nous devons nous rappeler que tout le processus du salut de l’homme a été mis en mouvement par l’amour de Dieu pour le monde. L’amour de Dieu est exprimé en actes par le Fils qu’il a envoyé. Le Père aime le Fils, et le Fils lui répond par son obéissance. C’est pourquoi les paroles et les actes du Christ sont les paroles et les actes du Père. C’est donc de l’amour éternel de Dieu que le Christ aime les siens et les aime jusqu’au bout (13,1). Nous apprenons maintenant que (comme conséquence de la mort du Christ) ceux qui le suivent doivent enraciner leur amour mutuel dans l’amour qu’a montré le Père en envoyant le Fils, et celui qu’a montré le Fils en donnant sa vie. Cet amour entre les chrétiens, dans et en dehors de l’Église, est un témoignage pour le monde.

b) Actes 14,21b-25 : Cette péricope s’inscrit dans le mouvement du chapitre 13 où le St-Esprit avait mis à part Paul et Barnabas pour le service de l’évangélisation. Ils vont circuler entre Chypre, Antioche de Pisidie, Iconium et Lystre. Dans chacune de ces églises visitées par Paul et Barnabas, des «anciens» sont désignés. Sans doute cette désignation s’opère-t-elle sur le mode de celle des Sept (6,1-6) : proposition de candidats, nomination par les responsables, prières et jeûnes, imposition des mains. Pour la première fois, on fait mention d’anciens hors de la communauté de Jérusalem, où cette institution semblait courante conformément à l’organisation des communautés juives.
Plusieurs éléments sont à retenir de ce passage : d’une part, les 2 envoyés vont encourager et fortifiaient les croyants du lieu, ceux qui assureront le relais après le départ des envoyés ; d’autre part, l’annonce de l’évangile ne se fait pas sans qu’une opposition à cette Bonne Nouvelle ne se manifeste (Les « souffrances » accompagnent la prédication. Dans l’évangile de Luc comme dans les Actes, les disciples auront le même destin que leur Maître, à savoir l’opposition à la proclamation de la Parole de libération) ; et enfin, ils racontent non pas leurs aventures mais ce que Dieu a fait et comment il ouvre des portes. La porte qui s’ouvre sur le chapitre 15, l’assemblée de Jérusalem où les apôtres et divers témoins et membres des diverses Églises vont s’accepter mutuellement et décider l’envoi d’une lettre aux croyants non-juifs.

Apoc 21,1-5 : dans ce passage, il ne faut pas prendre les termes géographiques au pied de la lettre. L’auteur ne veut pas apporter une description réaliste de la Fin et en préciser le temps, les conditions et les modalités. Mais il tient à répéter que l’intervention de Dieu dans le monde ne peut qu’en bouleverser toutes les données temporelles ou spatiales. Le passé est balayé, Dieu va créer du nouveau. C’est dans un cadre renouvelé que vivent les hommes : ils portent un nom nouveau, celui du Christ vivant ; leur vie est un culte nouveau que l’agneau a rendu possible ; ils sont citoyens de la nouvelle Jérusalem. C’est la proclamation d’un nouveau mode de vie, d’un nouveau monde. La péricope annonce que ces êtres sont appelés à vivre dans un univers qui participe de ce renouvellement.
La cité vient du ciel et c’est Dieu qui l’envoie ; il ne s’agit pas d’une glorification d’une réalité humaine, la ville est vraiment nouvelle. Le thème de la Jérusalem céleste existait déjà dans le Bas-Judaïsme. Il remonte à des prophéties comme celle d’Es 60 où la cité eschatologique est fondamentalement transfigurée. Mais l’image s’épanouit surtout dans la littérature après la chute de Jérusalem en 70.
Très tôt, les chrétiens ont tenté de donner une explication ou une interprétation concernant cette Jérusalem nouvelle : le message de l’Apocalypse est eschatologique, parce qu’il veut être relatif à l’événement dernier de l’histoire du salut, la venue du Royaume dans la personne du Christ. Les derniers temps sont là, l’éternité de Dieu est présente dans le temps des hommes et leur vie peut éprouver la réalité de la vie éternelle. Ils continuent à mener une existence terrestre, mais Dieu les voit déjà comme ce qu’ils seront à jamais : des sauvés, des hommes qui avec leur Seigneur vivent devant Dieu, au ciel. Que tout cela ne soit encore accessible que par le moyen d’une révélation ne change rien à l’affaire : cela est, c’est pourquoi on peut en attendre ardemment la manifestation future. Le vainqueur est déjà un citoyen de la ville sainte de Dieu, la Jérusalem céleste (cf. Ap. 3,12) dont on attend qu’elle descende sur la terre des hommes et s’y manifeste sur l’ordre de Dieu.
Il n’est donc pas question de dire que la Jérusalem céleste est tout simplement l’Église chrétienne. Mais il faut comprendre qu’elle en dévoile la véritable nature, encore bien masquée aujourd’hui : elle est la cité de Dieu ; il y réside au milieu des hommes dont il fait des créatures nouvelles. Ceci peut s’exprimer au présent de la foi et au futur de l’espérance. Ce n’est en tout cas pas une promesse dont l’accomplissement peut être simplement attendu comme on attend que la nuit tombe ou que l’année finisse. La vérité révélée appelle en effet à découvrir que l’Église jouit d’un statut étrange que les catégories habituelles du langage échouent à traduire : Elle est appelée à être un règne eschatologique, à témoigner ici-bas de la réalité d’une existence nouvelle, éternelle et céleste. Lorsque ce ministère prophétique sera exercé avec une fidélité totale, lorsqu’il sera universellement reconnu et accepté, alors on pourra dire que tout est accompli, ce qui peut s’exprimer dans un registre temporel (la fin des temps) ou spatial (la Jérusalem céleste descend sur terre). (d’après le commentaire de Pierre Prigent « L’Apocalypse de Jean » Labor et Fides 2000)

 

Pistes pour une prédication
1. La gloire de Dieu se manifeste par ses interventions libératrices en faveur de son peuple. Le passé est balayé, Dieu va créer du nouveau.
2. Par conséquent, les croyants doivent s’encourager et se fortifier (être fortifiés !) L’encouragement vient aussi de témoins qui racontent non pas leurs aventures mais ce que Dieu a fait et comment il ouvre des portes. Il faut savoir que l’annonce de l’évangile ne se fait pas sans qu’une opposition à cette Bonne Nouvelle ne se manifeste.
3. Ceux qui suivent le Christ sont appelés à vivre l’amour qu’a montré le Père en envoyant le Fils, et celui qu’a montré le Fils en donnant sa vie. Cet amour entre les chrétiens est une révélation pour le monde.

 

Prédication

Nous venons de vivre Pâques il y a quelques semaines. Qu’en reste-t-il ? Est-ce que la proclamation de la Bonne Nouvelle de Pâques change notre vision des choses ou est-ce un discours rabâché qui s’apparente plus à un discours qu’à une parole qui change le cours de nos vies ? Notre regard est peut-être déjà happé par Jésus qui s’élève dans les cieux, le jour de l’Ascension ! N’avons-nous pas alors fait sortir Jésus de notre histoire et de notre vie ? Pâques est la manifestation du maintenant de la gloire de Dieu : nous sommes entrés dans une vie renouvelée, le passé est balayé, les ornières sont comblées, Dieu nous fait voir des hommes et des femmes qui sont remis debout, Dieu nous fait voir ce qui en nous reprend vie. Dieu ressuscite aussi nos histoires : n’avez-vous jamais ressenti que votre vie ne pesait pas très lourd, que vous cherchiez un sens à lui donner. Pouvons-nous toujours dire que nous n’avons jamais été confrontés à des échecs, à un sentiment de vide, d’inutilité ou au moins à des situations de découragement ?
« Nous devons passer par beaucoup de souffrances pour entrer dans le Royaume de Dieu » rappelle le livre des Actes. Les souffrances, les difficultés ne sont pas à être recherchées parce qu’elles seraient la garantie d’une proximité avec le Royaume, avec Dieu. Non, bien au contraire, comme l’écrit Charles Singer dans son livre « Saisons » : Croire en Toi malgré les difficultés et les incertitudes, Croire en Toi et te célébrer nous donne du bonheur pour avancer dans la vie, Seigneur notre Dieu, et de l’espérance pour traverser les temps arides. » Pâques c’est accueillir quelque chose toujours nouveau ! Pâques c’est surtout accueillir quelqu’un qui redonne de la saveur à ma vie !
Nous sommes actuellement dans une période particulière en France puisque nous, citoyens de ce pays et du monde, nous sommes aussi appelés à faire un choix, le choix d’une personne qui déterminera l’avenir de notre pays. Que retiendrons-nous de tous les débats qui nous ont fait espérer du neuf  ? Sommes-nous dupes en croyant que des humains ont le pouvoir de répondre à toutes nos aspirations ? Un certain passé sera peut-être balayé ! De la même façon, nous pouvons être troublés par les changements qui interviennent dans l’Église. Nous y étions comme dans un cocon mais maintenant, il faut sortir, la chrysalide doit donner naissance à un papillon.
Au cours de l’année 2006, la revue Hokhma a publié un numéro qui veut aider les Églises locales à réfléchir à ce qu’est l’Église face aux changements de notre monde. Trop souvent, dans nos Églises de petite taille, vieillissantes, des membres des Conseils Presbytéraux, voire des pasteurs, tiennent des discours d’adieux qui ne sont pas portés par l’espérance de Pâques. Jean Hassendorfer, reprenant un livre de Stuart Murray , écrit : « Comme héritiers de la chrétienté, nous devons décider quels sont les bagages qui nous alourdissent et que nous devons abandonner, et les précieuses ressources qui peuvent nous accompagner dans la poursuite du voyage. »
Paul et Barnabas nous montrent qu’en étant disponibles à l’appel de Dieu, ils ont été conduits à des rencontres où des hommes sont devenus des disciples. Des portes se sont ouvertes. Avons-nous assez d’audace pour témoigner ? Nous aussi, nous pouvons accompagner des hommes et des femmes pour qu’ils rencontrent le Christ. Certes ! et cela signifie d’abord se mettre à l’écoute d’une parole qui vient d’ailleurs, se laisser bousculer, se mettre en route. Rappelez-vous l’apôtre Paul qui a abandonné son patois de Canaan pour parler le langage de ses interlocuteurs sans jamais trahir ses convictions. Le témoin est celui qui met ses pas dans ceux du Christ même s’il rencontre des oppositions. Témoin veut dire martyr en grec, c’est-à-dire que témoigner c’est payer de sa personne.

L’amour du Fils pour ses disciples génère leur mouvement de charité : c’est son amour qui passe en eux lorsqu’ils aiment leurs frères et en sont aimés. De nombreux témoins dans l’histoire, connus ou plus anonymes, nous aident à traduire cette dynamique, sans reproduire ce qu’ils ont fait. On peut penser au « Résister » d’une Marie Durand, au rêve d’un Martin Luther King, au « j’ai besoin de toi » de l’abbé Pierre. Par leur manière d’être, des portes se sont ouvertes. « Vous ne pouvez pas aller là où je vais. Mais… » Tout est dans ce petit mot « mais » : c’est là que tout commence pour chacun d’entre-nous :
« Avec Jésus de Nazareth, mort et ressuscité nous passons dans la vie
chaque fois que nous passons à l’accueil et Dieu sait qu’il faut pour cela mourir à l’exclusion,
chaque fois que nous passons à la fidélité, et Dieu sait qu’il faut pour cela mourir à l’égoïsme,
chaque fois que nous passons au pardon, et Dieu sait qu’il faut pour cela mourir à la haine et à la vengeance,
chaque fois que nous passons au service, et Dieu sait qu’il faut pour cela mourir à l’orgueil,
chaque fois que nous passons au partage et Dieu sait qu’il faut pour cela mourir au superflu et parfois au nécessaire,
chaque fois que nous passons à la prière, car Dieu sait qu’il faut pour cela naître à l’humilité,
chaque fois que nous mourons au péché, agrippé avec ténacité à notre humanité, car Dieu sait qu’il faut pour cela naître à la grâce,
chaque fois que nous passons à la pratique de l’Évangile.
Depuis ce matin, à l’aurore, avec le Christ vivant, Pâques est devenu l’histoire de notre Passage à la Vie. »

Chants
AEC 484 ; Alléluia 36-07 Seigneur en ta victoire
AEC 621 ; Alléluia 47-22 J’ai tout remis entre tes mains
AEC 431 ; Alléluia 52-06 Pour inventer la liberté