Textes : Ps 40 1 Samuel 3, v. 3 à 191 Corinthiens 6, v. 13 à 20 Jean 1, v. 35 à 42Pasteur Jean BessetTélécharger le document au complet

Notes bibliques

1 Samuel 3/1-20 1 Samuel 3/1-20. C’est un texte bien connu qui nous est proposé par la liste de lectures de ce jour. Mais il nous faut dépasser le récit attendrissant du petit Samuel à genoux écoutant Dieu lui parler, et écouter le texte lui-même. Présentation générale : La Bible nous présente dans le personnage de Samuel quelqu’un de bien singulier qui ne va occuper aucune des fonctions reconnues dans la Bible et qui cependant va toutes les exercer ! Même si au v. 20 il est reconnu comme prophète, ce n’est pas exactement cette fonction qui le caractérisera. S’il met fin au régime des juges, et instaure la monarchie, il ne sera pas exactement un juge. En effet, dans le système des « juges », la fonction de ce dernier consistait à rassembler les tribus, toutes ou en partie, pour régler les situations de crise. La crise terminée, le « juge » retournait à ses affaires, lui restera toujours en fonction. Il exercera une responsabilité qui ressemble plutôt à celle d’un monarque, mais il ne sera jamais roi et il en désignera deux. Par les origines de son père, il n’était pas de famille sacerdotale, il exercera cependant la fonction de prêtre. Personnage inclassable, il nous intéresse au plus haut point parce qu’il est toujours resté modeste et n’a jamais cherché à s’imposer parmi les grands d’Israël. La tradition biblique qui lui consacre deux livres y fait plus de place aux rois qu’il a instaurés qu’à lui-même. C’est ainsi que la Bible se plaît à reconnaître les serviteurs de Dieu : humble et modeste. Cet illustre personnage est cependant considéré comme le fondateur du système monarchique dont David est la figure emblématique. Mais il n’aura jamais la gloire de David. Il retourne chez lui, sa fonction terminée, mais retourne-t-il vraiment chez lui ? Même dans la tombe on le dérange pour obtenir de lui un avis autorisé ( 1 Samuel 28). C’est le seul des personnages bibliques ayant eu un rôle de premier plan en Israël, dont on troublera le repos. Le texte de ce jour : 1 Samuel 3 /1-20 * Situation historico-politique : Après la conquête de la Terre sainte par Josué et pendant le régime des « juges », l’Arche de l’Alliance qui restait le pôle centralisateur des tribus avait été déposée dans le sanctuaire de Silo, ville de la montagne d’Ephraïm ( 20 km au Sud de Naplouse). C’est dans ce Haut Lieu qu’Eli le prêtre, assisté de ses fils, avait pour fonction de garder l’arche et de donner des oracles. Ses fils étaient par ailleurs indignes de la fonction sacerdotale qu’ils exerçaient. Après leur mort et la disparition de l’arche dans le camp des Philistins leur trace de « prêtres maudits » sera conservée par la famille d’Aviatar, grand prêtre ami de David, déposé par Salomon et banni loin du temple ainsi que ses descendants. * Eli : Son nom signifie peut être « Yahwé est exalté » Il ne faut pas le confonde avec le prophète Elie (Yahwé est Dieu) qui vivait deux générations après à l’époque du roi Achab et de la reine Jézabel. Il cumule les charges de « Juge » et de prêtre. Il est peut-être issu de famille sacerdotale si l’on en croit la prophétie d’un prophète anonyme en 1 Sam 2/27. Il vivait à une époque où les traditions étaient mal établies puisqu’il cumule deux fonctions incompatibles : la fonction politique et la fonction cultuelle. La religion elle-même était mal assurée. Il est dit que la parole de Dieu était rare et il faut que Dieu s’y prenne à 3 fois pour être identifié. Il accueille le jeune Samuel qui lui a été confié par sa mère Anne qui l’a conçu après avoir sollicité une intervention de Dieu pour provoquer sa naissance. Tout semble montrer que Samuel ( Son nom signifie « son nom est Dieu » ) arrive au bon moment pour prendre la relève des fils indignes d’Eli qui meurent au cours de la bataille qui voit la prise de l’arche de l’Alliance par les Philistins. Le vieil Eli, alors âgé de 98 ans, en mourra. C’est donc un champ de ruines spirituelles qui s’ouvre devant Samuel avant même qu’il ait commencé sa mission. Le but de ce texte : Même si le texte de ce jour nous propose de parler de la vocation de Samuel, on ne peut pas le sortir de son contexte qui insiste fortement sur la disparition de l’Arche de l’Alliance et qui nous décrit une situation spirituelle déplorable. Le texte semble donc poser la question de savoir comment restaurer une situation spirituelle acceptable qui s’accommoderait de l’absence de prêtre et de sanctuaire. Contexte rédactionnel : Il est clair que les deux questions posées plus haut sont celles que devaient se poser les rédacteurs qui ont rassemblé les traditions littéraires concernant cette époque. Il semble bien que ce contexte soit celui de la période de l’exil qui se produisit 3 siècles plus tard après que la puissance babylonienne ait détruit le temple et emmené en exil une bonne partie de la population d’Israël. Il est donc probable que dans ces lignes nous ayons plus l’ambiance de l’exil que celle de l’époque reculée des « Juges », mais l’habileté des rédacteurs est parvenue à reconstituer une période où le chaos de l’installation d’Israël devait ressembler au chaos provoqué par la catastrophe finale. Analyse du texte : Nous sommes dans un climat d’absence de Dieu. Même si on est dans un sanctuaire célèbre où se trouve l’arche de l ‘Alliance, même si le desservant du lieu est un prêtre attitré, on apprend que la parole de Dieu était rare (v.1). On découvre qu’Eli lui-même ne sait pas comment Dieu parle et que ce n’est qu’à la troisième intervention de Dieu qu’il en déduit que c’est sans doute Dieu qui cherche à se manifester. Au verset 7 nous apprenons que Samuel ne connaissait pas Dieu. Les grands témoins de Dieu, Abraham et Moïse se sont trouvés dans une situation semblable, ils ne connaissaient pas Dieu quand celui-ci s’est manifesté à eux pour la première fois. Quand enfin Dieu peut se faire comprendre, Samuel dit : « me voici ». Seuls avant lui, Abraham, Jacob et Moïse avaient utilisé cette expression. On peut déduire de tout cela que le rédacteur de ce texte met Samuel au même rang que les plus grands des patriarches. Au verset 20 Samuel est reconnu comme prophète de l’Éternel. Cette expression est un peu surprenante car parmi toutes les fonctions exercées par Samuel, celle de prophète est sans doute celle dans laquelle il s’est le moins impliqué. Qu’est-ce à dire, sinon qu’au moment de la rédaction finale, la fonction de prophète était la seule qui subsistait encore en Israël. Il n’y avait plus de roi, plus de Temple, plus de prêtre. Seuls les prophètes pouvaient transmettre la parole. La « parole de Dieu » nous surprend. En effet, à la différence des autres patriarches ou des grands prophètes, Samuel ne reçoit aucune mission précise. Dieu ne fait que reprendre, avec moins de détails la prophétie du prophète anonyme de 1 Samuel 2. Dieu ne fait que lui décrire la situation dans laquelle il se trouve. Par contre l’esquisse de sa vocation se trouvera en conclusion de la prophétie en 1 Samuel 2 :35-36. Il faut sans doute voir là un doublet rédactionnel qui témoigne de 2 traditions différentes conservées par les rédacteurs finaux. Mais on peut se demander pourquoi dans le message qui le concerne, Dieu ne lui décrit pas les détails de la mission qu’il lui réserve. C’est sur cette interrogation que j’ai construit le sermon que je vous propose. On pourra encore s’interroger sur la manière dont s’est produite la venue de Dieu auprès de Samuel. Au verset 3 il est dit que la lampe de Dieu n’était pas encore éteinte et que Samuel était couché. C’est donc de nuit que Dieu intervient. Est-ce un songe ou une autre manifestation ? On se souviendra que dans les cultes babyloniens, les révélations des dieux se faisaient par des songes que les prêtres, à la manière d’Eli, interprétaient au matin. Si on retient cette hypothèse on pourra peut être voir une influence babylonienne sur la rédaction ultime de cette histoire. Ce qui ne serait pas surprenant si la mise en forme du texte a lieu au moment de l’exil Quelques propositions de textes liturgiques

OUVERTURE

Quand le silence s’établit en moi,Quand mes pensées cessent de continuellement m’agiter,Quand le calme se fait dans tout mon être,C’est alors que doucement tu te glisses en moiEt que tu prends ta place dans le secret de mon âme.C’est ainsi que tu visites chacun de nous Et que ta présence se fait miracle au cœur des humainsAlors qu’aucun son ne s’entend vraiment,Ton silence se fait paroleEt notre corps de chair accueille ta parole qui se fait esprit et vie.Chaque instant ainsi vécu dans le recueillement se fait ravissement ;Les prophètes des Écritures, comme les patriarches, et tous ceux qui fondent leur foi en euxS’associent à Jésus pour te rendre hommage,A toi, notre Dieu qui en leur compagnie fait ta demeure en nous.

LOI

Qui pourra dire ce que Dieu attend des humains ?Nous pensons qu’il est tellement loin qu’il ne se soucie nullement de nous. Pourtant, il est tout près puisqu’il fait sa demeure en nous.Pour que nous puissions être en harmonie avec lui, il nous demande d’aimer nos semblables comme nous même.Il nous a placés au cœur de sa création, pour que nous l’organisions, la protégions et la fassions fructifier.Il a fait de nous ses fils et ses filles pour que nous soyons porteurs de son imagedans tous les lieux où nous pouvons nous trouver,car sa présence est sans limite et déborde tous les horizons.Confession des péchés :C’est avec confiance que nous allons vers toi, Seigneur, car nous savons que c’est toi qui donne du sens à notre vie. Tu y participes sans que nous nous en rendions compte, car ton esprit habite en nous et ne nous laisse jamais seuls.Il nous arrive cependant de t’accuser de nous avoir oubliés et d’avoir laissé le champ libre aux hasards de la vie. C’est pourquoi, malgré la liberté que tu nous donnes dans tous les choix de notre existence, nous aimerions percevoir plus clairement les signes de ta présence.En fait, bien que tu nous laisses orienter notre vie à notre guise, nous restons quand même devant toi comme des enfants qui n’ont pas fini leur croissance spirituelle et comme tous les êtres en cours d’évolution nous aimerions que tu nous laisses vivre une liberté que tu contrôlerais sans nous le dire.Peuple d’hommes et de femmes en perpétuelle mutation, nous voulons te rendre grâce pour ta présence vigilante qui donne sens à tous les éléments de notre existence, même à nos erreurs et à nos fautes.Si parfois, nous avons des regrets et si nous avons conscience de nos erreurs, nous savons que tu ne cesses de nous proposer des choix qui, si nous les suivons donneront de nouvelles pulsions de vie à nos existences.C’est maintenant, dans une totale sérénité que nous allons continuer à franchir toutes les étapes de cette existence car tu te révèles à nous comme un Dieu qui toujours nous libère de tout ce qui fait barrage à nos vies.

Action de Grâce

Il est des hommes qui cherchent Dieu et désespèrent de le trouver. Pourtant, on ne peut chercher que ce que l’on connaît déjà, si bien que celui qui cherche Dieu ne peut le faire que s’il l’a déjà approché, et que sa présence, à peine entrevue peut-être, lui manque déjà. Mais Dieu ne reste jamais loin, il vient vers nous les hommes sous les traits de Jésus et il se propose d’aimer chacun de nous, comme aucun humain n’a jamais aimé. Il nous promet de partager cet amour, si bien que quiconque a un jour éprouvé ce sentiment pour un autre que lui-même, a donc approché Dieu de très près, sans même le savoir. Ainsi, Dieu se trouve-t-il au cœur même de nos sentiments. Il fait sa demeure en nous et s’y maintient pour toujours. Si donc tu cherches Dieu, cherche-le au fond de toi-même, c’est là qu’il t’attend. Prière avant la lecture des Écritures. Dieu crée des moments particulièrement propices où son esprit agit en nous de telle sorte que la lecture des Écritures devient pour nous une manifestation de sa parole. Seigneur nous te demandons de rendre possible maintenant cet événement, alors que nous nous apprêtons à lire les Écritures. Que ton esprit nous rende sensible au fait que c’est toi qui vient vers nous et que les Écritures que nous lisons sont porteuses d’un message que tu nous destines ! Amen

Confession de foi

Seigneur, nous croyons que la vérité est contenue dans les Écritures d’où tu as fait jaillir l’espérance qui donne vie à notre foi.Nous croyons que Jésus de Nazareth a été cloué sur une croix pour avoir proclamé cette vérité. Il ne fut pas retenu dans la mort, mais avec lui la vie a surgi de la tombe.Jésus parlait en ton nom et te reconnaissait comme son Père. A la suite de Moïse et des prophètes, il a proclamé ton nom en toute liberté. Pour lui l’espérance habitait l’avenir et le pardon prenait le pas sur le jugement.Nous reconnaissons en lui le Seigneur de notre vie, car il a fécondé la terre par sa présence et y a répandu ton amour, c’est ainsi qu’il a fait de tous les hommes ses frères. Par l’Esprit saint qu’il répand sur le monde il poursuit avec toi ton œuvre créatrice.De l’Évangile qui a gardé la trace de son enseignement, nous retenons l’image qu’il a donnée de toi. Il te présentait comme celui qui libère aussi bien la nature encore engluée dans le chaos que tous les hommes opprimés. Il voyait en toi le pourvoyeur de toute vie.Nous continuons à croire que tu agis encore dans ce monde par l’action des hommes qui agissent sous l’action de ton Esprit. Ils prolongent ainsi ta création en s’attachant à combattre toutes les oppressions et à faire œuvre de vie là où la mort prétend triompher.

Intercession

Dans toutes les églises du monde, en cet instant même, des hommes et des femmes prient les uns pour les autres et les voix de ces millions de femmes et d’hommes réunis dans le même mouvement montent vers toi comme un immense frémissement d’amour.Ils prient tous pour la paix afin qu’elle ne soit pas seulement l’arrêt des violences, mais qu’elle soit aussi accompagnée de la justice, car il ne peut y avoir de paix sans justiceIls souhaitent, tous, vivre en harmonie sur une terre où la nature sera respectée et où il fera bon vivre dans une juste égalité au milieu de ses semblables.Ils espèrent qu’en priant pour ceux qui ont faim et soif, les famines seront vraiment vaincues et qu’en priant pour la fin des épidémies, celles-ci cesseront.Ils énumèrent devant toi les problèmes de la planète afin que dans la foule immense des peuples quelques-uns au moins aient la possibilité de sensibiliser les décideurs, pour que quelque chose change.Ils savent que ta seule présence donne du sens à ce monde et ils unissent leurs voix pour te dire NP

Prédication

L’esprit humain est particulièrement fécond, jamais il ne cesse de fonctionner, il est toujours en mouvement, si bien que la tête de chacun de nous se trouve remplie d’idées et de pensées qui jamais ne cessent de se bousculer. Elles fonctionnent comme autant de voix intérieures dont on ne saurait trouver les origines ou les aboutissements. C’est ainsi que travaille notre cerveau qui ne se donne jamais de repos. Parmi toutes ces voix intérieures, les unes traduisent des désirs, les autres des souvenirs, d’autres encore formulent des projets, d’autres enfin nous font entendre des voix à jamais disparues. Toutes s’entremêlent sans qu’aucun contrôle ne puisse se faire et il arrive que l’on s’interroge pour savoir si Dieu lui-même ne joint pas sa propre voix au concert des autres. Il se produit parfois qu’au milieu de la nuit, alors qu’on ne sait pas vraiment si on dort encore ou si l’on est déjà réveillé, alors que le flot des pensées s’est calmé ou même s’est tu tout à fait, qu’une question particulière nous assaille. Et si c’était la voix de Dieu ? On se demande alors si Dieu ne veut pas nous engager dans un projet qui déjà nous tient à cœur ou s’il cherche à nous entraîner sur un chemin dont on voudrait s’écarter. Comment savoir ? Qui sera pour nous le bon guide ? Comment faire le tri dans toutes ces voix qui traversent notre inconscient et comment ne pas accorder du crédit à celle qui en pleine nuit nous a réveillés ? La lecture du récit de l’appel que Dieu fait à Samuel encore enfant a imprégné la vie des enfants de l’École du dimanche pendant de longues générations. Ce récit nous a été raconté avec une simplicité exemplaire, comme pour nous dire que ceux qui ont le cœur pur pouvaient entrer avec aisance dans les mystères de Dieu. Il est arrivé que certains parmi nous après avoir écouté ce récit se soient imaginés que Dieu pouvait les appeler de la même façon et que c’était même la manière habituelle de Dieu de parler aux hommes. L’expérience ne confirme généralement pas cette réalité, certains même, déçus, en sont arrivés à se détourner de Dieu. Il est vrai que bien peu parmi nous ont réussi à lire clairement dans leurs propres pensées des messages cohérents de la part de Dieu. Mais il est vrai aussi que si on se donne la peine d’approfondir ce texte nous arriverons à trouver quelques pistes de réflexion qui nous permettront de comprendre comment Dieu parle aux hommes, car il est vrai qu’il leur parle, sans quoi la Bible ne pourrait pas être perçue comme l’expression de « la parole de Dieu ». Historiquement, nous savons que nous n’avons pas dans ce texte un message de première main. Ce n’est pas un récit tel qu’aurait pu le transmettre un observateur présent sur les lieux. Il s’agit d’un récit rédigé beaucoup plus tard par un écrivain biblique. A un moment crucial de l’histoire d’Israël : le désastre de l’exil à Babylone, il a cherché à rendre compte d’un des événements fondateurs d’Israël. Il raconte dans ces pages comment Israël est devenu une nation sous la conduite de Samuel. Au moment où les armées de Babylone ont investi la ville de Jérusalem, quand toutes les valeurs d’Israël se sont effondrées, quand le roi exilé a perdu son pouvoir et que le temple démoli n’a plus rassemblé les fidèles, l’auteur de ce texte s‘est interrogé sur le sens des origines de son peuple. Il a remonté le cours de l’histoire jusqu’à cette époque extrêmement floue où Israël n’existait pas encore en tant que nation, où aucun monarque n’avait encore tenté d’unifier les tribus et où la seule autorité semblait être celle des prêtres qui avaient en garde l’arche de l’Alliance, l’objet le plus sacré héritée de Moïse lui-même. C’est autour de « l’arche de l’alliance » que se constituera l’unité précaire de ces tribus encore éparses. Mais qu’adviendrait-il si l’arche disparaissait ? Or l’arche va disparaître. Le rédacteur de ce passage cherche dans cet événement la réponse à la question : Y a-t-il encore une cohérence possible pour Israël quand le peuple se trouve brutalement sans roi, sans prêtre, et sans l’arche de l’alliance ? C’est bien ainsi, en effet que se présente la situation au moment de l’exil. Peut-il y avoir encore un élément unificateur ? Si nous essayons d’interroger ce récit, nous découvrons que la seule réponse possible, c’est que Dieu reste fidèle à sa parole. C’est la fidélité de Dieu à sa parole qui donne cohérence à toute cette histoire. Mais comment reconnaître la Parole de Dieu ? C’est justement cette question qui est posée ici. C’est à Silo que se produisit l’événement, bien avant que Salomon ait construit un temple à Jérusalem. Silo était ce que l’on appelle un Haut Lieu, c’est à dire un sanctuaire. Et c’est là que l’arche de l’Alliance avait été déposée et confiée au ministère du prêtre Eli et de sa descendance. La pratique du culte, à ce moment-là, était sans doute assez sommaire et consistait vraisemblablement à faire des sacrifices et à recevoir des oracles pour le service desquels les fils d’Eli se faisaient grassement payer. En fait, nous l’avons compris, le prêtre était tombé en disgrâce, du fait de la mauvaise conduite de ses fils. Peu après le récit de la vision de Samuel dans le sanctuaire, on va nous raconter la mort d’Eli et la capture de l’arche par les Philistins. Était-ce la fin, alors que rien n’avait encore vraiment commencé ? C’est dans un tel contexte, sans doute assez obscur pour qui n’est pas initié, que nous allons nous interroger pour savoir comment Dieu parle. Tout va tourner autour d’un enfant, Samuel, qui n’est pas très aidé par ceux qui ont la charge de le former. Eli, à ne pas confondre avec son homonyme Élie le prophète, qui est sensé lui apprend les rudiments de la religion ne sait même plus reconnaître la voix de Dieu qui doit s’y prendre à trois fois pour se faire entendre. L’enfant, quant à lui, semble ignorer complètement que Dieu peut lui parler. Personne n’a encore compris le rôle que Dieu voudrait voir jouer à l’enfant. C’est dire qu’il n’est pas facile de décrypter les projets de Dieu, même quand cela paraît évident. En effet, quand enfin Samuel prend conscience que Dieu lui parle, Dieu ne lui fait qu’une description de la situation et lui expose les conséquences qui en découlent, mais il ne lui dit rien de ce qui le concerne. Ce sera à lui d’en déduire ce que Dieu attend de lui. A partir de ce premier constat, on peut déjà dire, semble-t-il, que nous portons déjà en nous les éléments par lesquels Dieu nous fera connaître sa volonté. C’est ici le cas de Samuel, le contexte de sa vie est suffisamment explicite pour que l’on comprenne le choix de Dieu. Mais il devra découvrir tout seul que ce sera à lui d’assumer le destin d’Israël. La voix de Dieu n’a pas d’autres fonctions que de le révéler à lui-même. Même si Dieu le prépare depuis sa naissance à accomplir les fonctions qui font cruellement défaut à Israël, il faudra qu’il découvre tout seul qu’il a en lui la capacité de les exercer, même s’il n’est pas prêtre, même s’il n’est pas de la famille d’un chef. Celui qui rédige ce texte bien après l’événement tirera de tout cela deux conclusions importantes. La première, c’est que la parole de Dieu pour être comprise doit se révéler à partir d’une situation déjà existante. La deuxième, c’est que Dieu ne tient aucun cas des traditions dont le maintien risquerait de compromettre l’avenir. En effet, ici, à partir de l’expérience de Samuel, le rédacteur inconnu du récit projette sur la nouvelle situation de l’exil les certitudes qu’il vient d’acquérir, c’est que Dieu ne construit l’avenir ni sur une dynastie royale, dont certains textes ont affirmé que Dieu s’était lié à elle pour toujours, ni sur un clergé qui serait indispensable à la pratique du culte, ni même sur un Temple où le peuple pourrait retrouver les rites qui marquent la foi. Ce qui était valable avant que ne commence l’histoire, ne le sera-t-il pas encore quand l’histoire s’arrêtera ? C’est ce que comprennent les rédacteurs au moment de l’exil. Nous devons comprendre à notre tour que Dieu est fidèle à sa parole qu’il prononce toujours pour le bien des hommes, même s’il doit apparemment se renier lui-même. La parole de Dieu se comprend à partir d’une situation précise et elle invite celui qui la reçoit à se situer lui-même comme instrument de Dieu au service d’une réalité présente en dépit de la nostalgie que fait naître en lui le passé. Pour que la parole de Dieu puisse être entendue, il faut que celui qui la reçoit soit averti de l’actualité du moment, il doit également être au clair sur lui-même, pour savoir dans quelle mesure il est compétent pour se mettre au service des hommes de la part de Dieu dans un moment précis lié à l’actualité. Cela requiert de sa part une totale confiance en Dieu, et une conscience lucide de sa propre situation. Dans cette compréhension des choses, n’y a-t-il pas là comme une parole vraiment révolutionnaire de la part de Dieu ?