Textes : Romains 1, v. 16 à 32 Psaume 23Actes 2, v. 32 à 41 1 Pierre 2, v. 18 à 25 Jean 10, v. 1 à 10Pasteur Didier Fiévet Télécharger tout le document

Notes bibliques
 

Jean 10:1-10

  • Je me range à la traduction de la Nouvelle Bible Segond. Je n’ai pas vu de problème de traduction particulier dans cette version.
  • Amen, amen ! n’introduit jamais quelque chose de parfaitement nouveau : l’expression fait lien avec ce qui précède. Jésus s’adresse aux interlocuteurs qu’il avait à la fin du chapitre 9. Un public nombreux et varié (en 9:39, on ne sait pas à qui parle Jésus), puis les pharisiens, c’est à dire  »ceux qui disent voir » (on pourrait traduire :  »ceux qui disent savoir »). Ce serait même là leur péché : prétendre savoir, prétendre posséder la vérité.
  • Là, sont introduits deux passages qui commencent par  »Amen, amen ! » Un mot qui fait référence à ce qui est digne de foi. Ce qui est suffisamment crédible pour constituer un fondement de l’existence.
  • Cette succession entre 9:41 et 10:1 met en évidence qu’est crédible, non ce que je sais, ce que je vois (ce que je peux prouver, ce à quoi je peux accéder par moi-même, ou par la religion -c’est la prétention des pharisiens) mais ce qui vient d’ailleurs que de nous. Habituellement, face au croire, nous croyons être renvoyés à nous-mêmes, à notre intériorité, à nos critères, à notre capacité de choix. Là, par la structure même du texte, est réputé crédible, ( »digne d’Amen !’)’ ce qui prend sa crédibilité hors de moi-même.  »La vérité, c’est moi qui vous la dis ». Voilà ce que dis Jésus. C’est lui qui ouvre nos yeux, là où nos principes religieux nous laissent aveugles. En ce sens, s’atteler à la lecture des versets suivants, c’est entendre que la vérité de Jésus ne nous est jamais définitivement connue. Jésus doit demeurer toujours à venir. (Récurrence de compréhension juive du Messie).
  • C’est ainsi que logiquement, la première action du berger, c’est de venir vers (εισερχοέιν, en grec venir vers, venir dans). Il n’y a de Christ qu’à venir. Quand on croit savoir qui est Jésus-Christ, quand c’est pour nous un événement du passé, un événement dont nous n’attendons plus rien de neuf… nous l’avons perdu !
  • Quels sont les bergers prétendants ? Le texte laisse entendre un contexte polémique. Des pasteurs usurpateurs menacent l’Église naissante en cette fin de 1er Siècle. ( » Il débat donc qu’il ne faut point mettre au rang des pasteurs et des bergers, ni des brebis, tous ceux qui usurpent extérieurement place dans l’Église  » Commentaires de l’évangile selon St Jean par Jean Calvin. Edition Kerygma et Edit. Farel. p. 289). Ceux qui escaladent seraient donc les pharisiens, parti non institué par Dieu et qui a pris une part prépondérante dans la vie politique, morale et religieuse d’Israël. En opposition au Messie, constamment annoncé dans l’AT. Mais cette interprétation, pour classique qu’elle soit, vient en contradiction avec le fait que le Messie-Jésus sera différent de celui que prédisait les Écritures. En particulier, elles en font un messie moissonneur, « récapitulant » l’histoire. Jésus se présente comme un serviteur ouvrant l’histoire. Il ne sera d’ailleurs pas reconnu par les siens (Jn 1). Il me semble qu’il faille chercher ailleurs.
  • Que signifie donc entrer dans la bergerie par l’extérieur, sinon entrer en humanité  »pour de faux » ? Il n’y a de Christ que pleinement humain. Entrer par l’extérieur, c’est prétendre épouser l’humanité, mais sans en connaître la vraie condition, charnelle, mortelle. Un des éléments de la polémique qui sous-tend l’évangile de Jean est une querelle avec le gnosticisme. C’est à dire avec l’idée que le Messie ne pouvait venir sur terre que pour extraire les humains des contraintes de la chair, et non pour s’y enfoncer avec eux. Ce que Jean signifie par ce critère du « bon berger », c’est que le berger partage le même lieu, le même besoin d’abri dans l’enclos que les brebis, et qu’il y entre comme elles, par la porte. Et non par  »l’extérieur ! », comme le font les voleurs qui dérobent et les brigands qui égorgent…
  • Qui est le gardien de l’enclos qui ouvre la porte au berger ? D’un point de vue ethnologique, certains font valoir qu’il y avait un enclos commun à plusieurs troupeaux, gardé par un préposé. Le berger allant camper à l’écart., et revenait au matin. Ses brebis le reconnaissaient au timbre de sa voix. Mœurs de nomades et non de bergers cévenols ! Ce qui ne nous apprend pas grand chose. Manifestement, il s’agit d’une allégorie et peut-être même d’une métaphore. Jean de Chrysostome a pensé à Moïse, la porte figurant l’Écriture. D’autres ont pensé au Baptiste.
  • Quant à l’enclos, la majorité des commentateurs en font le Royaume de Dieu qui se prépare. En effet, le verset 16 (un peu plus loin) semble assimiler l’enclos (aulè, en grec) à Israël. Toutefois, le même verset dit explicitement qu’il y a d’autres enclos.
  • Il appelle ses propres moutons par leur nom. Il leur donne une identité singulière qui dépend de leur appartenance au berger. Si l’on admet que métaphoriquement les moutons sont les disciples, leur identité ne repose pas en eux. Mais dans la parole et dans la voix du berger. L’identité des chrétiens ne tient pas à ce qu’ils pensent font ou croient, mais à celui qui leur parle. A celui qui s’adresse à eux comme un berger dont ils reconnaissent la voix. L’identité chrétienne ne tient pas dans l’adhésion à un ensemble de valeurs, mais à une reconnaissance réciproque.
  • Les brebis ne sont destinées à demeurer dans l’enclos. Le berger les fait sortir. Le verbe utilisé est violent (εκβαλλω, en grec. Jeter dehors, expulser. Mettre au monde). Le berger expulse les brebis, les exposent au monde. Suivre Jésus ne s’apparente pas à un retrait du monde, à un retour à un jardin originel, à une mise à l’écart du monde. Mais au contraire à une mise au monde.
  • La voix d’un étranger : là encore, le messie est montré comme celui qui a une langue commune avec ses brebis. Qui partage la même humanité.
  • Verset 6 : on arrive à la fin de cette métaphore. Ici désignée par le mot παροιμια qui signifie habituellement : proverbe, aphorisme. On y a vu un synonyme de parabole, ce qui n’est pas assuré. En tout cas on préférera parler de parabole, plutôt que d’allégorie car dans cette dernière une chose n’en figure qu’une seule autre. La comparaison est rigide. Alors que la parabole éveille au contraire à plusieurs interprétations. Certains ont vu dans cette parabole un équivalent johannique de la parabole du semeur chez Marc : découverte d’un Messie qui ouvre l’histoire, qui ne la conclut pas. Avec, chez Jean, une nuance de mystère, de vérité cachée. Une parabole ne dit pas le dernier mot, elle ouvre l’espace pour une parole nouvelle. Ce qui assume le risque qu’elle puisse ne pas être comprise. On reste sur une question : qui est le bon berger ? Et c’est cette question qui demeure salutaire pour aujourd’hui ; de la même façon que les contemporains de Jésus ne vont pas reconnaître en lui le bon berger (pour la plupart, y compris les disciples et autres apôtres, qui ne seront décrits comme croyants que dans l’après-coup) de la même façon, il se pourrait bien que la manière que nous avons de croire savoir qui est Jésus, de le faire rentrer dans des catégories catéchétiques déjà connues, d’en faire un objet de savoir, nous fasse passer à côté de lui. La question :  »qui est le bon berger ? » peut nous paraître superflue, encombrante, inadaptée voire blasphématoire ( »qui est le bon berger ? C’est Jésus, bien sûr! »). Mais elle est salutaire ! Elle nous questionne sur ce qui nous guide : des valeurs morales ou religieuses, des idées humanistes, des idéaux ? Ou bien la voix de quelqu’un qui remet en cause les valeurs les mieux établies ? La voix d’un Dieu qui choisit ce qui est faible, petit et méprisable pour se révéler ? La voix d’un Messie qui ne cherche pas à nous exonérer de la condition humaine, de ses lourdeurs, opacités et fragilités, mais qui y plonge ?
  • On passe au verset 7, un nouveau récit commence (d’où mes difficultés avec le découpage proposé par le lectionnaire!) . Là encore introduit par amen, amen ! Donc en lien avec ce qui précède : là encore, la figure du messie est revisitée ! On s’attendrait, en effet à ce que Jésus dise : le bon berger, c’est moi.
  • Or voilà qu’il dit (verset 8) :  »moi, je suis la porte. » Toute autre figure que celle attendue ! Il reprend l’allusion au bandit et brigands du verset 1. On se souviens que chez Jean, le  »moi je suis » (εγω ειμι) est en lien avec le  »Je suis qui je serai » d’Exode 3 ; c’est une marque de la Seigneurie de Jésus, Locuteur premier de la parole première (cf. Jn 1), incarné. Ce qui fait porte : ce qui permet le passage entre le royaume de Dieu et le monde, c’est la voix de Celui qui parle. La porte est à la fois ce qui ouvre le passage et ce qui le ferme. Il y a un effet discriminant : ou j’entends la voix du Messie incarné. Ou je ne l’entends pas. Ou je comprends, je saisis, je me saisis de ce que signifie l’incarnation de la Parole, et je suis saisi par le Royaume qui se déploie dans le monde (et non hors du monde) ou je reste sur le côté du chemin.
  • Verset 9 : Répétition :  »moi, je suis la porte ». Jean précise et développe.  »Si quelqu’un entre par moi… » Alors, tu rentres ou tu sors ? La question est entière. Tout à l’heure, il s’agissait de sortir : le bon berger, celui qui n’est ni voleur ni brigand, celui qui n’est pas un usurpateur, fait sortir les brebis de l’enclos. Et là il les fait entrer… Sans précision de lieu. On est dans la parabole. On avance comme dans un film d’Indiana Jones : on découvre le chemin en le parcourant ! C’est que la frontière entre le dedans et dehors, entre le Royaume (l’enclos) et le monde n’est une frontière que pour qui n’a pas entendu la voix du Messie ouvrir une voie entre les deux. Là encore, la querelle avec le gnosticisme est très présente. Car être sauvé (9b), ce n’est donc pas être retiré du monde, ni dans le monde, mais habiter le monde d’une autre façon, à la lumière (voir Ch9) d’une rencontre, de la rencontre du Bon berger qui met au monde en faisant « communiquer » l’enclos (à savoir le Royaume de Dieu) et l’extérieur.
  • Les voleurs, les imposteurs religieux qui nient l’incarnation du logos ne viennent que pour leur profit (sans doute à la fois profit financier -les  »gurus » se font souvent cher payer !, et en termes de pouvoir). Mais le bon berger, lui vient pour que nous ayons la vie en abondance. Le mot qui est utilisé ici est Zoè (ζωη), mot qui chez Jean (et plus généralement dans le NT) est réservé à ce que nous appelons la vie éternelle. La vie vivante, pourrions-nous dire. Car il ne s’agit pas tant d’une catégorie temporelle désignant la vie après la mort, que d’une qualité de la vie présente : la vie vécue à la suite du bon berger qui nous fait pénétrer les mystères du Dieu qui choisit le monde. On peut être biologiquement vivant, mais mort : quand on est parqué soit dans le monde (la logique mondaine, des apparences, du profit et du pouvoir) soit dans l’illusion d’un Royaume de Dieu qui n’épouserait pas le monde. On peut être vivant d’une vie plus forte que la mort : la vie de confiance et de relation avec le bon berger qui fait accéder au vrai visage du Père. C’est la mission du bon berger que nous ayons cette vie en abondance. Que nous soyons vivants de confiance, de sa confiance.  »Je ne suis pas venu pour abattre, voler ou perdre »: suivre le bon berger ne s’assimile pas à un chemin de mort. La mort n’est pas le passage pour la vie éternelle.

Actes 2 : 32-41

  • On est dans le discours inaugural de la première communauté de Jérusalem (le livre des Actes ne parle pas d’Église avant le chapitre 5). Au verset 22, Pierre s’adresse aux Juifs venus à Jérusalem :  »Ecoutez, Hommes d’Israël » ! A la manière du « Shema Israël… » , cet hymne de confession de foi des Israélites ( »Écoute Israël, Dieu notre Seigneur est un… ») Il s’agit donc d’un discours voulant marquer la continuité et la rupture, la fidélité et la nouveauté.
  • On « saute » au verset 32 (drôle de découpage!) pour affirmer que Jésus a été relevé par Dieu. Aujourd’hui, on dit ressuscité. On a fait d’un mot de tous les jours un mot technique de la religion. Mais le NT utilise un mot de tous les jours : relever. Ces relevailles ne sont pas visibles, accessibles à la foule. La résurrection ne se donne à connaître qu’au travers du témoignage. À proprement parler, c’est le témoignage des disciples qui donne corps à la résurrection de Jésus. On oublie trop souvent cela. Du double point de vue historique et scripturaire : la résurrection n’est pas une évidence qui emporte l’unanimité. Il aurait pourtant été  »facile » de l’imposer médiatiquement. Quoi de plus convaincant, irréfutable, qu’un « revenant » bien en chair et en os ? Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Bibliquement, le ressuscité se donne d’abord à voir comme un cadavre manquant, un trou béant dans le flanc de la montagne. Puis comme un sujet d’effroi, d’incrédulité (voir finale courte de Marc), puis comme la rencontre d’un inconnu, impossible à voir comme le Jésus de l’avant-mort (le jardinier de Marie Madeleine, ou les pèlerins d’Emmaüs, ou l’inconnu sur le rivage de Jn 21) ou bien encore comme le Jésus non pas « cicatrisé » des traces de la mort, mais au contraire marqué par la mort (les apparitions aux disciples chez Jean), ou encore la vision du chemin de Damas pour Paul. Sur le plan historique, on sait que les premiers chrétiens vont mettre du temps avant d’intégrer la notion de résurrection. N’oublions pas que ce texte n’est pas la gazette de Jérusalem du jour ! Il y a des années entre les faits et la rédaction de ce livre des actes. Jusqu’ici cette résurrection a pris corps dans le témoignage des croyants. Elle n’en est pas -pour moi- moins vraie ! Au contraire ! Elle ne se donne pas dans l’ordre spectaculaire de la magie, mais dans l’attestation que Jésus peut-être rencontré, qu’il est présent dans notre vie. La résurrection du Christ se manifeste dans la transformation, c’est à dire dans la résurrection des disciples ! D’où l’importance du témoignage.
  • La résurrection est attestée, je dirais  »incorporée » dans les disciples sous l’action de l’Esprit saint. Et de façon paradoxale, elle se donne à connaître comme la Seigneurie du crucifié (verset 36). Pour Luc (auteur du livre des Actes) la résurrection ne gomme pas la croix, elle la prolonge : c’est le crucifié qui est vivant au travers du témoignage des disciples !
  • Ils eurent le cœur transpercé ou brisé. Au sens de Ps 109:16. Ils ont fait périr l’homme au cœur brisé, ils ont accusé et condamné à tort. Comment réparer la faute ? Non pas en payant, non pas en demeurant tourné, fixé sur le mal causé, enfermé dans le remords. Mais en se retournant, mot à mot. En changeant d’horizon, en passant de l’horizon de la dette, de la culpabilité, à celui de gratuité, de la vie à offrir et non à payer !

1 Pi 2:18-25

  • C’est à la lumière de ce qui précède qu’il faut comprendre ces versets. Surtout pas une invitation morbide à la soumission, mais au contraire une subversion, une façon d’habiter même le malheur à la lumière de la grâce.
  • Il y a une lecture doloriste qui a été faite, qui trouve gloire dans la souffrance. C’est une lecture à proprement parler perverse ! C’est notre devoir d’y résister, quand bien même nous aurions l’impression d’être fidèle au texte.
  • C’est vers un nouvel horizon qu’il faut se tourner : l’absurdité du mal n’a pas le dernier mot.

Prédication proposée
 

(On peut toujours la lire… Mais ce serait tellement mieux que de seulement en relever une ou deux phrases qui vous inspirent et les reprendre avec vos mots à vous, polis par vos expériences, votre sensibilité, votre foi !) Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ! Nous nous en portons témoins ! C’est nous, les témoins qui donnons corps au ressuscité ! Sans nous la résurrection est morte. Tout au mieux -pour les plus crédules- ce serait un fait historique… encore qu’attesté seulement par ceux qui y croyaient. Sans nous le ressuscité est absent, Pâques juste une histoire au passé. Mais nous, nous sommes le visage, les mains, les bras, les yeux, la bouche du ressuscité. C’est notre foi qui lui donne vie, qui lui donne son actualité. C’est nous qui le rendons  »efficace » aujourd’hui. C’est nous qui lui donnons la capacité d’accompagner les humains jusque dans le pire des malheurs, au cœur des injustices les plus effroyables, et de leur redonner force de vivre. Ne vous y trompez pas pour autant: ce n’est pas nous qui allons accompagner et faire revivre ! Nous touchons ici à la spécificité de la posture du chrétien : agissant, non de ses propres forces, mais fort d’une confiance qui lui est donnée. À la suite du berger qui l’appelle. Le bon berger ne nous parque pas dans une bergerie étanche. Il nous appelle par un nom singulier. Il nous donne une identité unique, chacun par son nom, au milieu du troupeau des anonymes. Il nous pousse dehors, mot à mot, le verbe grec signifie : il nous expulse. Le mot est souvent utilisé pour désigner la mise au monde, l’accouchement d’un enfant. Il nous fait naître au monde. Il nous fait vivre d’une vocation : agir, être présent au monde de se savoir aimé. Le bon berger nous fait pénétrer dans le monde à sa suite, animé de son élan pour le monde. Animé de l’élan de Dieu pour le monde. Venir l’habiter pour l’aimer, le créer, lui offrir la gratuité, et jamais pour le coloniser ni lui demander des comptes. Tout le ministère de Jésus a consisté en cela : accueillir, guérir, consoler sans juger, aimer sans demander en retour. Le suivre, c’est voir le monde à la lumière de cette tendresse gratuite, de cet élan de vie et de gratuité. Au fond, il s’agit d’une succession d’allers-retours, à la manière d’un cœur, entre diastole et systole : accueillir, recevoir une parole qui nous donne une valeur gratuite, c’est à dire hors de prix. Recevoir un nom vivant. Un nom que rien ne saurait nous ravir. Pas même la mort. Dieu nous donne un nom secret donné sans mérite, sans contre-partie, sans avoir à être à sa hauteur. Ce nom-là ne meurt pas car il tient dans sa tendresse. C’est ce que le Nouveau Testament appelle la vie éternelle. Rien à voir avec une immortalité par nature, mais avec une promesse d’amour. C’est d’abord ce dont nous avons à nous nourrir, comme le cœur a d’abord à se remplir de sang oxygéné avant de l’envoyer vers toutes les parties du corps. C’est d’abord d’accueillir le Dieu qui se fait humain, qui vient partager nos peines et nos joies dans toute leur étendue, dans toute leur épaisseur. Jusqu’à en mourir… C’est d’abord de cela qu’il nous faut nous nourrir. Et c’est alors que nous sommes expulsés dans le monde, mis au monde, nouveaux. Renouvelés. Appelés à vivre de cette promesse, de cette tendresse. De cette vie en abondance.Et c’est ainsi que nous donnons corps au ressuscité. Libérés de devoir prouver quelque chose, de devoir bien agir pour avoir une valeur, de se servir des autres pour devenir quelqu’un de bien. Libérés de devoir mériter la vie, puisqu’on l’a reçue, gratuitement. La vie chrétienne est une succession de moments où l’on est comme morts, oublieux et oubliant que la vie nous a été donnée. Et de moments où l’on est comme redonnés, restitués à la vie. Rendus au monde, vivants. Relevés. Ressuscités. Donnant corps au ressuscité. Nous est alors donnée, le plus souvent à notre insu, sans que nous en soyons conscients, cette capacité à accueillir, à soigner, aimer, apaiser, relever d’une parole, d’une grâce qui n’est pas la nôtre. Nous devenons capables d’écouter, sans avoir besoin d’esquiver ou de contredire ce qui nous effraie dans la plainte ou dans la colère de l’autre, sans le censurer, sans avoir peur des silences, sans croire devoir les combler, sans se sentir obligés de donner des conseils. Sans capturer l’autre, sans se mettre à sa place… En lui laissant sa place. Car le bon berger témoigne d’un Dieu dont le Règne ne consiste pas à régir, mais à servir. Amen !Envoi possible : C’est vous qui donnez corps au Ressuscité !Vous serez-là en son nom. Vous écouterez en son nom, vous espérerez en son nom.Vous désignerez, hors de vous-mêmes, cette parole qui vous a relevés…Elle en relèvera d’autres que vous !C’est là notre vocation.

Textes : Romains 1, v. 16 à 32 Psaume 23Actes 2, v. 32 à 41 1 Pierre 2, v. 18 à 25 Jean 10, v. 1 à 10Pasteur Didier Fiévet Télécharger tout le document

Notes bibliques
 

Jean 10:1-10

  • Je me range à la traduction de la Nouvelle Bible Segond. Je n’ai pas vu de problème de traduction particulier dans cette version.
  • Amen, amen ! n’introduit jamais quelque chose de parfaitement nouveau : l’expression fait lien avec ce qui précède. Jésus s’adresse aux interlocuteurs qu’il avait à la fin du chapitre 9. Un public nombreux et varié (en 9:39, on ne sait pas à qui parle Jésus), puis les pharisiens, c’est à dire  »ceux qui disent voir » (on pourrait traduire :  »ceux qui disent savoir »). Ce serait même là leur péché : prétendre savoir, prétendre posséder la vérité.
  • Là, sont introduits deux passages qui commencent par  »Amen, amen ! » Un mot qui fait référence à ce qui est digne de foi. Ce qui est suffisamment crédible pour constituer un fondement de l’existence.
  • Cette succession entre 9:41 et 10:1 met en évidence qu’est crédible, non ce que je sais, ce que je vois (ce que je peux prouver, ce à quoi je peux accéder par moi-même, ou par la religion -c’est la prétention des pharisiens) mais ce qui vient d’ailleurs que de nous. Habituellement, face au croire, nous croyons être renvoyés à nous-mêmes, à notre intériorité, à nos critères, à notre capacité de choix. Là, par la structure même du texte, est réputé crédible, ( »digne d’Amen !’)’ ce qui prend sa crédibilité hors de moi-même.  »La vérité, c’est moi qui vous la dis ». Voilà ce que dis Jésus. C’est lui qui ouvre nos yeux, là où nos principes religieux nous laissent aveugles. En ce sens, s’atteler à la lecture des versets suivants, c’est entendre que la vérité de Jésus ne nous est jamais définitivement connue. Jésus doit demeurer toujours à venir. (Récurrence de compréhension juive du Messie).
  • C’est ainsi que logiquement, la première action du berger, c’est de venir vers (εισερχοέιν, en grec venir vers, venir dans). Il n’y a de Christ qu’à venir. Quand on croit savoir qui est Jésus-Christ, quand c’est pour nous un événement du passé, un événement dont nous n’attendons plus rien de neuf… nous l’avons perdu !
  • Quels sont les bergers prétendants ? Le texte laisse entendre un contexte polémique. Des pasteurs usurpateurs menacent l’Église naissante en cette fin de 1er Siècle. ( » Il débat donc qu’il ne faut point mettre au rang des pasteurs et des bergers, ni des brebis, tous ceux qui usurpent extérieurement place dans l’Église  » Commentaires de l’évangile selon St Jean par Jean Calvin. Edition Kerygma et Edit. Farel. p. 289). Ceux qui escaladent seraient donc les pharisiens, parti non institué par Dieu et qui a pris une part prépondérante dans la vie politique, morale et religieuse d’Israël. En opposition au Messie, constamment annoncé dans l’AT. Mais cette interprétation, pour classique qu’elle soit, vient en contradiction avec le fait que le Messie-Jésus sera différent de celui que prédisait les Écritures. En particulier, elles en font un messie moissonneur, « récapitulant » l’histoire. Jésus se présente comme un serviteur ouvrant l’histoire. Il ne sera d’ailleurs pas reconnu par les siens (Jn 1). Il me semble qu’il faille chercher ailleurs.
  • Que signifie donc entrer dans la bergerie par l’extérieur, sinon entrer en humanité  »pour de faux » ? Il n’y a de Christ que pleinement humain. Entrer par l’extérieur, c’est prétendre épouser l’humanité, mais sans en connaître la vraie condition, charnelle, mortelle. Un des éléments de la polémique qui sous-tend l’évangile de Jean est une querelle avec le gnosticisme. C’est à dire avec l’idée que le Messie ne pouvait venir sur terre que pour extraire les humains des contraintes de la chair, et non pour s’y enfoncer avec eux. Ce que Jean signifie par ce critère du « bon berger », c’est que le berger partage le même lieu, le même besoin d’abri dans l’enclos que les brebis, et qu’il y entre comme elles, par la porte. Et non par  »l’extérieur ! », comme le font les voleurs qui dérobent et les brigands qui égorgent…
  • Qui est le gardien de l’enclos qui ouvre la porte au berger ? D’un point de vue ethnologique, certains font valoir qu’il y avait un enclos commun à plusieurs troupeaux, gardé par un préposé. Le berger allant camper à l’écart., et revenait au matin. Ses brebis le reconnaissaient au timbre de sa voix. Mœurs de nomades et non de bergers cévenols ! Ce qui ne nous apprend pas grand chose. Manifestement, il s’agit d’une allégorie et peut-être même d’une métaphore. Jean de Chrysostome a pensé à Moïse, la porte figurant l’Écriture. D’autres ont pensé au Baptiste.
  • Quant à l’enclos, la majorité des commentateurs en font le Royaume de Dieu qui se prépare. En effet, le verset 16 (un peu plus loin) semble assimiler l’enclos (aulè, en grec) à Israël. Toutefois, le même verset dit explicitement qu’il y a d’autres enclos.
  • Il appelle ses propres moutons par leur nom. Il leur donne une identité singulière qui dépend de leur appartenance au berger. Si l’on admet que métaphoriquement les moutons sont les disciples, leur identité ne repose pas en eux. Mais dans la parole et dans la voix du berger. L’identité des chrétiens ne tient pas à ce qu’ils pensent font ou croient, mais à celui qui leur parle. A celui qui s’adresse à eux comme un berger dont ils reconnaissent la voix. L’identité chrétienne ne tient pas dans l’adhésion à un ensemble de valeurs, mais à une reconnaissance réciproque.
  • Les brebis ne sont destinées à demeurer dans l’enclos. Le berger les fait sortir. Le verbe utilisé est violent (εκβαλλω, en grec. Jeter dehors, expulser. Mettre au monde). Le berger expulse les brebis, les exposent au monde. Suivre Jésus ne s’apparente pas à un retrait du monde, à un retour à un jardin originel, à une mise à l’écart du monde. Mais au contraire à une mise au monde.
  • La voix d’un étranger : là encore, le messie est montré comme celui qui a une langue commune avec ses brebis. Qui partage la même humanité.
  • Verset 6 : on arrive à la fin de cette métaphore. Ici désignée par le mot παροιμια qui signifie habituellement : proverbe, aphorisme. On y a vu un synonyme de parabole, ce qui n’est pas assuré. En tout cas on préférera parler de parabole, plutôt que d’allégorie car dans cette dernière une chose n’en figure qu’une seule autre. La comparaison est rigide. Alors que la parabole éveille au contraire à plusieurs interprétations. Certains ont vu dans cette parabole un équivalent johannique de la parabole du semeur chez Marc : découverte d’un Messie qui ouvre l’histoire, qui ne la conclut pas. Avec, chez Jean, une nuance de mystère, de vérité cachée. Une parabole ne dit pas le dernier mot, elle ouvre l’espace pour une parole nouvelle. Ce qui assume le risque qu’elle puisse ne pas être comprise. On reste sur une question : qui est le bon berger ? Et c’est cette question qui demeure salutaire pour aujourd’hui ; de la même façon que les contemporains de Jésus ne vont pas reconnaître en lui le bon berger (pour la plupart, y compris les disciples et autres apôtres, qui ne seront décrits comme croyants que dans l’après-coup) de la même façon, il se pourrait bien que la manière que nous avons de croire savoir qui est Jésus, de le faire rentrer dans des catégories catéchétiques déjà connues, d’en faire un objet de savoir, nous fasse passer à côté de lui. La question :  »qui est le bon berger ? » peut nous paraître superflue, encombrante, inadaptée voire blasphématoire ( »qui est le bon berger ? C’est Jésus, bien sûr! »). Mais elle est salutaire ! Elle nous questionne sur ce qui nous guide : des valeurs morales ou religieuses, des idées humanistes, des idéaux ? Ou bien la voix de quelqu’un qui remet en cause les valeurs les mieux établies ? La voix d’un Dieu qui choisit ce qui est faible, petit et méprisable pour se révéler ? La voix d’un Messie qui ne cherche pas à nous exonérer de la condition humaine, de ses lourdeurs, opacités et fragilités, mais qui y plonge ?
  • On passe au verset 7, un nouveau récit commence (d’où mes difficultés avec le découpage proposé par le lectionnaire!) . Là encore introduit par amen, amen ! Donc en lien avec ce qui précède : là encore, la figure du messie est revisitée ! On s’attendrait, en effet à ce que Jésus dise : le bon berger, c’est moi.
  • Or voilà qu’il dit (verset 8) :  »moi, je suis la porte. » Toute autre figure que celle attendue ! Il reprend l’allusion au bandit et brigands du verset 1. On se souviens que chez Jean, le  »moi je suis » (εγω ειμι) est en lien avec le  »Je suis qui je serai » d’Exode 3 ; c’est une marque de la Seigneurie de Jésus, Locuteur premier de la parole première (cf. Jn 1), incarné. Ce qui fait porte : ce qui permet le passage entre le royaume de Dieu et le monde, c’est la voix de Celui qui parle. La porte est à la fois ce qui ouvre le passage et ce qui le ferme. Il y a un effet discriminant : ou j’entends la voix du Messie incarné. Ou je ne l’entends pas. Ou je comprends, je saisis, je me saisis de ce que signifie l’incarnation de la Parole, et je suis saisi par le Royaume qui se déploie dans le monde (et non hors du monde) ou je reste sur le côté du chemin.
  • Verset 9 : Répétition :  »moi, je suis la porte ». Jean précise et développe.  »Si quelqu’un entre par moi… » Alors, tu rentres ou tu sors ? La question est entière. Tout à l’heure, il s’agissait de sortir : le bon berger, celui qui n’est ni voleur ni brigand, celui qui n’est pas un usurpateur, fait sortir les brebis de l’enclos. Et là il les fait entrer… Sans précision de lieu. On est dans la parabole. On avance comme dans un film d’Indiana Jones : on découvre le chemin en le parcourant ! C’est que la frontière entre le dedans et dehors, entre le Royaume (l’enclos) et le monde n’est une frontière que pour qui n’a pas entendu la voix du Messie ouvrir une voie entre les deux. Là encore, la querelle avec le gnosticisme est très présente. Car être sauvé (9b), ce n’est donc pas être retiré du monde, ni dans le monde, mais habiter le monde d’une autre façon, à la lumière (voir Ch9) d’une rencontre, de la rencontre du Bon berger qui met au monde en faisant « communiquer » l’enclos (à savoir le Royaume de Dieu) et l’extérieur.
  • Les voleurs, les imposteurs religieux qui nient l’incarnation du logos ne viennent que pour leur profit (sans doute à la fois profit financier -les  »gurus » se font souvent cher payer !, et en termes de pouvoir). Mais le bon berger, lui vient pour que nous ayons la vie en abondance. Le mot qui est utilisé ici est Zoè (ζωη), mot qui chez Jean (et plus généralement dans le NT) est réservé à ce que nous appelons la vie éternelle. La vie vivante, pourrions-nous dire. Car il ne s’agit pas tant d’une catégorie temporelle désignant la vie après la mort, que d’une qualité de la vie présente : la vie vécue à la suite du bon berger qui nous fait pénétrer les mystères du Dieu qui choisit le monde. On peut être biologiquement vivant, mais mort : quand on est parqué soit dans le monde (la logique mondaine, des apparences, du profit et du pouvoir) soit dans l’illusion d’un Royaume de Dieu qui n’épouserait pas le monde. On peut être vivant d’une vie plus forte que la mort : la vie de confiance et de relation avec le bon berger qui fait accéder au vrai visage du Père. C’est la mission du bon berger que nous ayons cette vie en abondance. Que nous soyons vivants de confiance, de sa confiance.  »Je ne suis pas venu pour abattre, voler ou perdre »: suivre le bon berger ne s’assimile pas à un chemin de mort. La mort n’est pas le passage pour la vie éternelle.
 

Actes 2 : 32-41

  • On est dans le discours inaugural de la première communauté de Jérusalem (le livre des Actes ne parle pas d’Église avant le chapitre 5). Au verset 22, Pierre s’adresse aux Juifs venus à Jérusalem :  »Ecoutez, Hommes d’Israël » ! A la manière du « Shema Israël… » , cet hymne de confession de foi des Israélites ( »Écoute Israël, Dieu notre Seigneur est un… ») Il s’agit donc d’un discours voulant marquer la continuité et la rupture, la fidélité et la nouveauté.
  • On « saute » au verset 32 (drôle de découpage!) pour affirmer que Jésus a été relevé par Dieu. Aujourd’hui, on dit ressuscité. On a fait d’un mot de tous les jours un mot technique de la religion. Mais le NT utilise un mot de tous les jours : relever. Ces relevailles ne sont pas visibles, accessibles à la foule. La résurrection ne se donne à connaître qu’au travers du témoignage. À proprement parler, c’est le témoignage des disciples qui donne corps à la résurrection de Jésus. On oublie trop souvent cela. Du double point de vue historique et scripturaire : la résurrection n’est pas une évidence qui emporte l’unanimité. Il aurait pourtant été  »facile » de l’imposer médiatiquement. Quoi de plus convaincant, irréfutable, qu’un « revenant » bien en chair et en os ? Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Bibliquement, le ressuscité se donne d’abord à voir comme un cadavre manquant, un trou béant dans le flanc de la montagne. Puis comme un sujet d’effroi, d’incrédulité (voir finale courte de Marc), puis comme la rencontre d’un inconnu, impossible à voir comme le Jésus de l’avant-mort (le jardinier de Marie Madeleine, ou les pèlerins d’Emmaüs, ou l’inconnu sur le rivage de Jn 21) ou bien encore comme le Jésus non pas « cicatrisé » des traces de la mort, mais au contraire marqué par la mort (les apparitions aux disciples chez Jean), ou encore la vision du chemin de Damas pour Paul. Sur le plan historique, on sait que les premiers chrétiens vont mettre du temps avant d’intégrer la notion de résurrection. N’oublions pas que ce texte n’est pas la gazette de Jérusalem du jour ! Il y a des années entre les faits et la rédaction de ce livre des actes. Jusqu’ici cette résurrection a pris corps dans le témoignage des croyants. Elle n’en est pas -pour moi- moins vraie ! Au contraire ! Elle ne se donne pas dans l’ordre spectaculaire de la magie, mais dans l’attestation que Jésus peut-être rencontré, qu’il est présent dans notre vie. La résurrection du Christ se manifeste dans la transformation, c’est à dire dans la résurrection des disciples ! D’où l’importance du témoignage.
  • La résurrection est attestée, je dirais  »incorporée » dans les disciples sous l’action de l’Esprit saint. Et de façon paradoxale, elle se donne à connaître comme la Seigneurie du crucifié (verset 36). Pour Luc (auteur du livre des Actes) la résurrection ne gomme pas la croix, elle la prolonge : c’est le crucifié qui est vivant au travers du témoignage des disciples !
  • Ils eurent le cœur transpercé ou brisé. Au sens de Ps 109:16. Ils ont fait périr l’homme au cœur brisé, ils ont accusé et condamné à tort. Comment réparer la faute ? Non pas en payant, non pas en demeurant tourné, fixé sur le mal causé, enfermé dans le remords. Mais en se retournant, mot à mot. En changeant d’horizon, en passant de l’horizon de la dette, de la culpabilité, à celui de gratuité, de la vie à offrir et non à payer !

1 Pi 2:18-25

  • C’est à la lumière de ce qui précède qu’il faut comprendre ces versets. Surtout pas une invitation morbide à la soumission, mais au contraire une subversion, une façon d’habiter même le malheur à la lumière de la grâce.
  • Il y a une lecture doloriste qui a été faite, qui trouve gloire dans la souffrance. C’est une lecture à proprement parler perverse ! C’est notre devoir d’y résister, quand bien même nous aurions l’impression d’être fidèle au texte.
  • C’est vers un nouvel horizon qu’il faut se tourner : l’absurdité du mal n’a pas le dernier mot.
 
 

Prédication proposée
 

(On peut toujours la lire… Mais ce serait tellement mieux que de seulement en relever une ou deux phrases qui vous inspirent et les reprendre avec vos mots à vous, polis par vos expériences, votre sensibilité, votre foi !) Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ! Nous nous en portons témoins ! C’est nous, les témoins qui donnons corps au ressuscité ! Sans nous la résurrection est morte. Tout au mieux -pour les plus crédules- ce serait un fait historique… encore qu’attesté seulement par ceux qui y croyaient. Sans nous le ressuscité est absent, Pâques juste une histoire au passé. Mais nous, nous sommes le visage, les mains, les bras, les yeux, la bouche du ressuscité. C’est notre foi qui lui donne vie, qui lui donne son actualité. C’est nous qui le rendons  »efficace » aujourd’hui. C’est nous qui lui donnons la capacité d’accompagner les humains jusque dans le pire des malheurs, au cœur des injustices les plus effroyables, et de leur redonner force de vivre. Ne vous y trompez pas pour autant: ce n’est pas nous qui allons accompagner et faire revivre ! Nous touchons ici à la spécificité de la posture du chrétien : agissant, non de ses propres forces, mais fort d’une confiance qui lui est donnée. À la suite du berger qui l’appelle. Le bon berger ne nous parque pas dans une bergerie étanche. Il nous appelle par un nom singulier. Il nous donne une identité unique, chacun par son nom, au milieu du troupeau des anonymes. Il nous pousse dehors, mot à mot, le verbe grec signifie : il nous expulse. Le mot est souvent utilisé pour désigner la mise au monde, l’accouchement d’un enfant. Il nous fait naître au monde. Il nous fait vivre d’une vocation : agir, être présent au monde de se savoir aimé. Le bon berger nous fait pénétrer dans le monde à sa suite, animé de son élan pour le monde. Animé de l’élan de Dieu pour le monde. Venir l’habiter pour l’aimer, le créer, lui offrir la gratuité, et jamais pour le coloniser ni lui demander des comptes. Tout le ministère de Jésus a consisté en cela : accueillir, guérir, consoler sans juger, aimer sans demander en retour. Le suivre, c’est voir le monde à la lumière de cette tendresse gratuite, de cet élan de vie et de gratuité. Au fond, il s’agit d’une succession d’allers-retours, à la manière d’un cœur, entre diastole et systole : accueillir, recevoir une parole qui nous donne une valeur gratuite, c’est à dire hors de prix. Recevoir un nom vivant. Un nom que rien ne saurait nous ravir. Pas même la mort. Dieu nous donne un nom secret donné sans mérite, sans contre-partie, sans avoir à être à sa hauteur. Ce nom-là ne meurt pas car il tient dans sa tendresse. C’est ce que le Nouveau Testament appelle la vie éternelle. Rien à voir avec une immortalité par nature, mais avec une promesse d’amour. C’est d’abord ce dont nous avons à nous nourrir, comme le cœur a d’abord à se remplir de sang oxygéné avant de l’envoyer vers toutes les parties du corps. C’est d’abord d’accueillir le Dieu qui se fait humain, qui vient partager nos peines et nos joies dans toute leur étendue, dans toute leur épaisseur. Jusqu’à en mourir… C’est d’abord de cela qu’il nous faut nous nourrir. Et c’est alors que nous sommes expulsés dans le monde, mis au monde, nouveaux. Renouvelés. Appelés à vivre de cette promesse, de cette tendresse. De cette vie en abondance.Et c’est ainsi que nous donnons corps au ressuscité. Libérés de devoir prouver quelque chose, de devoir bien agir pour avoir une valeur, de se servir des autres pour devenir quelqu’un de bien. Libérés de devoir mériter la vie, puisqu’on l’a reçue, gratuitement. La vie chrétienne est une succession de moments où l’on est comme morts, oublieux et oubliant que la vie nous a été donnée. Et de moments où l’on est comme redonnés, restitués à la vie. Rendus au monde, vivants. Relevés. Ressuscités. Donnant corps au ressuscité. Nous est alors donnée, le plus souvent à notre insu, sans que nous en soyons conscients, cette capacité à accueillir, à soigner, aimer, apaiser, relever d’une parole, d’une grâce qui n’est pas la nôtre. Nous devenons capables d’écouter, sans avoir besoin d’esquiver ou de contredire ce qui nous effraie dans la plainte ou dans la colère de l’autre, sans le censurer, sans avoir peur des silences, sans croire devoir les combler, sans se sentir obligés de donner des conseils. Sans capturer l’autre, sans se mettre à sa place… En lui laissant sa place. Car le bon berger témoigne d’un Dieu dont le Règne ne consiste pas à régir, mais à servir. Amen !Envoi possible : C’est vous qui donnez corps au Ressuscité !Vous serez-là en son nom. Vous écouterez en son nom, vous espérerez en son nom.Vous désignerez, hors de vous-mêmes, cette parole qui vous a relevés…Elle en relèvera d’autres que vous !C’est là notre vocation.

Textes : Romains 1, v. 16 à 32 Psaume 23Actes 2, v. 32 à 41 1 Pierre 2, v. 18 à 25 Jean 10, v. 1 à 10Pasteur Didier Fiévet Télécharger tout le document

Notes bibliques
 

Jean 10:1-10

  • Je me range à la traduction de la Nouvelle Bible Segond. Je n’ai pas vu de problème de traduction particulier dans cette version.
  • Amen, amen ! n’introduit jamais quelque chose de parfaitement nouveau : l’expression fait lien avec ce qui précède. Jésus s’adresse aux interlocuteurs qu’il avait à la fin du chapitre 9. Un public nombreux et varié (en 9:39, on ne sait pas à qui parle Jésus), puis les pharisiens, c’est à dire  »ceux qui disent voir » (on pourrait traduire :  »ceux qui disent savoir »). Ce serait même là leur péché : prétendre savoir, prétendre posséder la vérité.
  • Là, sont introduits deux passages qui commencent par  »Amen, amen ! » Un mot qui fait référence à ce qui est digne de foi. Ce qui est suffisamment crédible pour constituer un fondement de l’existence.
  • Cette succession entre 9:41 et 10:1 met en évidence qu’est crédible, non ce que je sais, ce que je vois (ce que je peux prouver, ce à quoi je peux accéder par moi-même, ou par la religion -c’est la prétention des pharisiens) mais ce qui vient d’ailleurs que de nous. Habituellement, face au croire, nous croyons être renvoyés à nous-mêmes, à notre intériorité, à nos critères, à notre capacité de choix. Là, par la structure même du texte, est réputé crédible, ( »digne d’Amen !’)’ ce qui prend sa crédibilité hors de moi-même.  »La vérité, c’est moi qui vous la dis ». Voilà ce que dis Jésus. C’est lui qui ouvre nos yeux, là où nos principes religieux nous laissent aveugles. En ce sens, s’atteler à la lecture des versets suivants, c’est entendre que la vérité de Jésus ne nous est jamais définitivement connue. Jésus doit demeurer toujours à venir. (Récurrence de compréhension juive du Messie).
  • C’est ainsi que logiquement, la première action du berger, c’est de venir vers (εισερχοέιν, en grec venir vers, venir dans). Il n’y a de Christ qu’à venir. Quand on croit savoir qui est Jésus-Christ, quand c’est pour nous un événement du passé, un événement dont nous n’attendons plus rien de neuf… nous l’avons perdu !
  • Quels sont les bergers prétendants ? Le texte laisse entendre un contexte polémique. Des pasteurs usurpateurs menacent l’Église naissante en cette fin de 1er Siècle. ( » Il débat donc qu’il ne faut point mettre au rang des pasteurs et des bergers, ni des brebis, tous ceux qui usurpent extérieurement place dans l’Église  » Commentaires de l’évangile selon St Jean par Jean Calvin. Edition Kerygma et Edit. Farel. p. 289). Ceux qui escaladent seraient donc les pharisiens, parti non institué par Dieu et qui a pris une part prépondérante dans la vie politique, morale et religieuse d’Israël. En opposition au Messie, constamment annoncé dans l’AT. Mais cette interprétation, pour classique qu’elle soit, vient en contradiction avec le fait que le Messie-Jésus sera différent de celui que prédisait les Écritures. En particulier, elles en font un messie moissonneur, « récapitulant » l’histoire. Jésus se présente comme un serviteur ouvrant l’histoire. Il ne sera d’ailleurs pas reconnu par les siens (Jn 1). Il me semble qu’il faille chercher ailleurs.
  • Que signifie donc entrer dans la bergerie par l’extérieur, sinon entrer en humanité  »pour de faux » ? Il n’y a de Christ que pleinement humain. Entrer par l’extérieur, c’est prétendre épouser l’humanité, mais sans en connaître la vraie condition, charnelle, mortelle. Un des éléments de la polémique qui sous-tend l’évangile de Jean est une querelle avec le gnosticisme. C’est à dire avec l’idée que le Messie ne pouvait venir sur terre que pour extraire les humains des contraintes de la chair, et non pour s’y enfoncer avec eux. Ce que Jean signifie par ce critère du « bon berger », c’est que le berger partage le même lieu, le même besoin d’abri dans l’enclos que les brebis, et qu’il y entre comme elles, par la porte. Et non par  »l’extérieur ! », comme le font les voleurs qui dérobent et les brigands qui égorgent…
  • Qui est le gardien de l’enclos qui ouvre la porte au berger ? D’un point de vue ethnologique, certains font valoir qu’il y avait un enclos commun à plusieurs troupeaux, gardé par un préposé. Le berger allant camper à l’écart., et revenait au matin. Ses brebis le reconnaissaient au timbre de sa voix. Mœurs de nomades et non de bergers cévenols ! Ce qui ne nous apprend pas grand chose. Manifestement, il s’agit d’une allégorie et peut-être même d’une métaphore. Jean de Chrysostome a pensé à Moïse, la porte figurant l’Écriture. D’autres ont pensé au Baptiste.
  • Quant à l’enclos, la majorité des commentateurs en font le Royaume de Dieu qui se prépare. En effet, le verset 16 (un peu plus loin) semble assimiler l’enclos (aulè, en grec) à Israël. Toutefois, le même verset dit explicitement qu’il y a d’autres enclos.
  • Il appelle ses propres moutons par leur nom. Il leur donne une identité singulière qui dépend de leur appartenance au berger. Si l’on admet que métaphoriquement les moutons sont les disciples, leur identité ne repose pas en eux. Mais dans la parole et dans la voix du berger. L’identité des chrétiens ne tient pas à ce qu’ils pensent font ou croient, mais à celui qui leur parle. A celui qui s’adresse à eux comme un berger dont ils reconnaissent la voix. L’identité chrétienne ne tient pas dans l’adhésion à un ensemble de valeurs, mais à une reconnaissance réciproque.
  • Les brebis ne sont destinées à demeurer dans l’enclos. Le berger les fait sortir. Le verbe utilisé est violent (εκβαλλω, en grec. Jeter dehors, expulser. Mettre au monde). Le berger expulse les brebis, les exposent au monde. Suivre Jésus ne s’apparente pas à un retrait du monde, à un retour à un jardin originel, à une mise à l’écart du monde. Mais au contraire à une mise au monde.
  • La voix d’un étranger : là encore, le messie est montré comme celui qui a une langue commune avec ses brebis. Qui partage la même humanité.
  • Verset 6 : on arrive à la fin de cette métaphore. Ici désignée par le mot παροιμια qui signifie habituellement : proverbe, aphorisme. On y a vu un synonyme de parabole, ce qui n’est pas assuré. En tout cas on préférera parler de parabole, plutôt que d’allégorie car dans cette dernière une chose n’en figure qu’une seule autre. La comparaison est rigide. Alors que la parabole éveille au contraire à plusieurs interprétations. Certains ont vu dans cette parabole un équivalent johannique de la parabole du semeur chez Marc : découverte d’un Messie qui ouvre l’histoire, qui ne la conclut pas. Avec, chez Jean, une nuance de mystère, de vérité cachée. Une parabole ne dit pas le dernier mot, elle ouvre l’espace pour une parole nouvelle. Ce qui assume le risque qu’elle puisse ne pas être comprise. On reste sur une question : qui est le bon berger ? Et c’est cette question qui demeure salutaire pour aujourd’hui ; de la même façon que les contemporains de Jésus ne vont pas reconnaître en lui le bon berger (pour la plupart, y compris les disciples et autres apôtres, qui ne seront décrits comme croyants que dans l’après-coup) de la même façon, il se pourrait bien que la manière que nous avons de croire savoir qui est Jésus, de le faire rentrer dans des catégories catéchétiques déjà connues, d’en faire un objet de savoir, nous fasse passer à côté de lui. La question :  »qui est le bon berger ? » peut nous paraître superflue, encombrante, inadaptée voire blasphématoire ( »qui est le bon berger ? C’est Jésus, bien sûr! »). Mais elle est salutaire ! Elle nous questionne sur ce qui nous guide : des valeurs morales ou religieuses, des idées humanistes, des idéaux ? Ou bien la voix de quelqu’un qui remet en cause les valeurs les mieux établies ? La voix d’un Dieu qui choisit ce qui est faible, petit et méprisable pour se révéler ? La voix d’un Messie qui ne cherche pas à nous exonérer de la condition humaine, de ses lourdeurs, opacités et fragilités, mais qui y plonge ?
  • On passe au verset 7, un nouveau récit commence (d’où mes difficultés avec le découpage proposé par le lectionnaire!) . Là encore introduit par amen, amen ! Donc en lien avec ce qui précède : là encore, la figure du messie est revisitée ! On s’attendrait, en effet à ce que Jésus dise : le bon berger, c’est moi.
  • Or voilà qu’il dit (verset 8) :  »moi, je suis la porte. » Toute autre figure que celle attendue ! Il reprend l’allusion au bandit et brigands du verset 1. On se souviens que chez Jean, le  »moi je suis » (εγω ειμι) est en lien avec le  »Je suis qui je serai » d’Exode 3 ; c’est une marque de la Seigneurie de Jésus, Locuteur premier de la parole première (cf. Jn 1), incarné. Ce qui fait porte : ce qui permet le passage entre le royaume de Dieu et le monde, c’est la voix de Celui qui parle. La porte est à la fois ce qui ouvre le passage et ce qui le ferme. Il y a un effet discriminant : ou j’entends la voix du Messie incarné. Ou je ne l’entends pas. Ou je comprends, je saisis, je me saisis de ce que signifie l’incarnation de la Parole, et je suis saisi par le Royaume qui se déploie dans le monde (et non hors du monde) ou je reste sur le côté du chemin.
  • Verset 9 : Répétition :  »moi, je suis la porte ». Jean précise et développe.  »Si quelqu’un entre par moi… » Alors, tu rentres ou tu sors ? La question est entière. Tout à l’heure, il s’agissait de sortir : le bon berger, celui qui n’est ni voleur ni brigand, celui qui n’est pas un usurpateur, fait sortir les brebis de l’enclos. Et là il les fait entrer… Sans précision de lieu. On est dans la parabole. On avance comme dans un film d’Indiana Jones : on découvre le chemin en le parcourant ! C’est que la frontière entre le dedans et dehors, entre le Royaume (l’enclos) et le monde n’est une frontière que pour qui n’a pas entendu la voix du Messie ouvrir une voie entre les deux. Là encore, la querelle avec le gnosticisme est très présente. Car être sauvé (9b), ce n’est donc pas être retiré du monde, ni dans le monde, mais habiter le monde d’une autre façon, à la lumière (voir Ch9) d’une rencontre, de la rencontre du Bon berger qui met au monde en faisant « communiquer » l’enclos (à savoir le Royaume de Dieu) et l’extérieur.
  • Les voleurs, les imposteurs religieux qui nient l’incarnation du logos ne viennent que pour leur profit (sans doute à la fois profit financier -les  »gurus » se font souvent cher payer !, et en termes de pouvoir). Mais le bon berger, lui vient pour que nous ayons la vie en abondance. Le mot qui est utilisé ici est Zoè (ζωη), mot qui chez Jean (et plus généralement dans le NT) est réservé à ce que nous appelons la vie éternelle. La vie vivante, pourrions-nous dire. Car il ne s’agit pas tant d’une catégorie temporelle désignant la vie après la mort, que d’une qualité de la vie présente : la vie vécue à la suite du bon berger qui nous fait pénétrer les mystères du Dieu qui c