Textes : Psaume 10 Psaume 30 1 Rois 17, v. 17 à 24 Galates 1, v. 11 à 19 Luc 7, v. 11 à 17 Pasteur Jean-Pierre SternbergerTélécharger le document au complet

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Notes bibliquesLuc 7, v. 11 à 17 : un grand prophète s’est levé parmi nousProposition de traduction annotée

11 Il se rendit ensuite dans une ville appelée Naïn[1]; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui.
12 Lorsqu’il approcha de la porte de la ville, voici : on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, laquelle était veuve; et il y avait avec elle une foule de la ville[2].
13 Le Seigneur[3] la vit; il fut ému par elle et lui dit : “Ne pleure pas[4] !”
14 Il s’approcha et toucha[5] le cercueil. Les porteurs s’arrêtèrent. Il dit : “Jeune homme, je te le dis, réveille-toi !”[6]
15 Et le mort[7] se redressa[8] et se mit à parler. Il le rendit à sa mère[9]
16 La crainte les saisit tous[10]; ils glorifiaient Dieu et disaient qu’un grand prophète s’est levé[11] parmi nous[12], et que Dieu est intervenu en faveur de son peuple.
17 Cette parole se répandit à son sujet dans toute la Judée et dans tous les environs[13].

____________[1]– correspondant au village arabe actuel de Nein au pied du Djebel Dahi, au sud du mont Thabor[2]– rencontre des deux foules : celle qui accompagne Jésus et celle qui accompagne le mort. [3]– plusieurs manuscrits importants précisent “le Seigneur Jésus”. Dans les autres manuscrits l’absence du nom de Jésus peut laisser entendre que le Père est lui aussi ému de cette situation. A noter que dans ce chapitre Jésus est appelé “Seigneur” ou “le Seigneur” sans précision : 7,6.19. [4]– le même ordre est donné à propos de la fille de Jaïros en 8,52. Il reviendra en 23,28 au sujet des femmes qui se lamentent sur le sort de Jésus. La scène des pleurs revient en Ac 9;39 concernant Dorcas/ Tabitha. En Actes 21,13 Paul s’étonne de ce qu’on pleure à son sujet alors qu’il est prêt à donner sa vie pour le Christ. [5]– cf. Lc 7,39 et 22,51 où Jésus touche quelqu’un ou se laisse toucher par quelqu’un au grand étonnement des témoins de la scène. Il se rend impur en touchant le cercueil, en étant touché par une femme. Il guérit le serviteur venu l’arrêter. Jésus guérit aussi en touchant (Luc 5,13) ou en étant touché (Luc 8,44-46). [6]– autre traduction : “lève-toi” cf la fille de Jaïros. À la différence des miracles d’Élie et d’Élisée, celui de Jésus ne requiert qu’un simple contact (il touche le cercueil) et une parole. [7]– et non pas “le jeune homme” . Cette mention souligne bien qu’il s’agit d’une résurrection. [8]– ou “s’assit”. Le verbe grec est connoté par une idée de retour à un état antérieur.[9]– évocation des récits sur Élie et Élisée : 1 Rois 17,23 et 2 Rois 4,36[10]– c’est à dire les deux foules : celle qui accompagne Jésus et celle qui sort de la ville ainsi que les disciples[11]– même verbe que dans la parole adressée par Jésus au jeune homme mort v. 15 au point qu’il y a comme l’esquisse d’un parallèle entre la résurrection du jeune homme et le surgissement au sein du peuple d’un grand prophète. Cette figure de style anticipe l’annonce de la résurrection de Jésus. [12]– le narrateur s’inclut-il dans ce nous ? La foule ne loue pas de ce que Jésus ait ressuscité un mort : le miracle est attribué à Dieu et non à Jésus. Jésus est reconnu comme prophète parlant au nom de YHWH. [13]– ce verset sert de liaison avec la péricope suivante et notamment 7,19.Commentaire En proposant pour ce dimanche la lecture conjointe des textes de Luc 7, 11-17 et de 1 Rois 17,17-24, les auteurs de la liste dominicale soulignent le lien qui unit ce miracle de Jésus de celui d’Élie qui, par sa prière, permit que soit rendu son fils à la veuve de Sarepta. La mention de la ville de Naïn aurait pu tout aussi bien inciter à envisager le récit de 2 Rois 4,8-37 où Élisée disciple d’Élie rend à la vie le fils d’une femme pieuse de la ville de Schunem. Naïn et Shounem sont très proches géographiquement si bien que c’est pratiquement à l’endroit où jadis, le prophète Élisée rendit un fils ressuscité à sa mère (2 Rois 4,36) que le prophète Jésus (Luc 7,16) rend un fils à sa mère (Luc 7,15). Si on compare les trois récits de 1 Rois 17, 2 Rois 4 et Luc 7 on constate aussi un certain nombre de différences qui laissent entendre que le prodige accompli par Jésus est encore plus grand que ceux d’Élie ou d’Élisée. Élie comme Élisée sont décrits comme des prophètes itinérants vivant de ce qu’on leur donne et redevables à la bonté des mères des enfants décédés. Jésus semble au contraire passer par hasard à Naïn. Il ne doit rien à la veuve qu’il ne connaît pas mais agit au seul motif de sa compassion. Les enfants ressuscités par Élie et Élisée sont morts depuis quelques heures à peine. Le lecteur peut encore croire que ces enfants ne sont qu’évanouis. À Naïn, le jeune homme qui va être enterré est décédé depuis un certain temps. Élie et Élisée ont dû s’y reprendre à plusieurs reprises pour que les enfants décédés depuis peu reviennent à la vie. Il suffit à Jésus de toucher le cercueil et de prononcer une parole pour que le mort se dresse à nouveau. Tout se passe donc comme si Luc souhaitait d’une part montrer que Jésus se situait dans la lignée des deux grands prophètes de l’Ancien Testament tout en accomplissant d’autre part des signes plus étonnants encore qui vont subjuguer les foules quand les résurrections d’autrefois s’étaient produites dans l’espace intime de la chambre haute. Le rapprochement entre ce récit propre à Luc et les textes des livres des Rois n’est pas dû au hasard. Luc insiste souvent sur le lien entre le ministère de Jésus et ceux d’Élie et Élisée. Ainsi quand les habitants de Nazareth contestent son autorité, Jésus qui parle de lui-même comme d’un prophète évoque leurs exemples pour souligner que s’il ne se consacre pas à soulager les peines de ses concitoyens de Nazareth, il agit à l’image de ces illustres prophètes d’autrefois qui ont préféré guérir et soulager des étrangers plutôt que des fils d’Israël peu enclins à les reconnaître (Luc 4,25-27). On peut comprendre cette allusion comme l’annonce de e qui sera un des thèmes majeurs de la deuxième partie de l’œuvre de Luc : les Actes rapportant les aventures d’apôtres qui, surtout avec Paul, se tournent délibérément vers les païens. Plus loin, Luc 9,61-62 rapporte un dialogue entre un candidat disciple et Jésus qui fait référence au récit de la vocation d’Élisée appelé par Élie (1 Rois 19,19-20). Ici encore, on peut lire une allusion à un des thèmes chers à Luc : le rapport entre le maître à qui est consacré l’évangile et les disciples qui devenus apôtres sont les héros des Actes. À Gethsémané, la présence d’un envoyé de Dieu venu épauler Jésus évoque à nouveau la figure d’Élie soutenu lui aussi par un ange quand, en proie au doute, il se retire au désert de Beer Sheva (1 Rois 19,7-8 et Luc 22,43-45). Mais alors qu’Élie mange et se rendort comme le font les disciples de Jésus. Jésus reste éveillé et prie. L’ange n’a pas à revenir une deuxième fois. Jésus est bien dans la continuité d’Élie sans présenter les mêmes signes de faiblesse. L’épisode de l’ascension enfin prend tout son sens si on le rapporte au récit du départ d’Élie. En effet, l’utilisation par Luc de la figure d’Élie sert à exprimer une conviction profonde : comme Élisée, disciple d’Élie, les disciples de Jésus reçoivent une part de l’esprit de leur maître qu’ils ont vu s’élever dans les cieux (2 Rois 2,10-12; Actes 1,9-10). Ils en sont les authentiques continuateurs de son œuvre tout autant que les porteurs de son message.Au travers de tous ces rapprochements, il apparaît que la compréhension par Luc du rôle de Jésus passe par une reprise des principaux événements des sagas d’Élie et d’Élisée. L’épisode de Luc 7,11-17 appartient à cette série de textes dont il constitue un élément important. Important car il aborde également le thème de la résurrection.À y regarder de près en effet nous constatons, qu’en plus des résurrections de Jésus et de Lazare, 6 récits de résurrections sont proposés dans la Bible : une pour Élie, une pour Élisée, deux pour Jésus (avec celle de la fille de Jaïrus en Luc 8,41-55), une pour Pierre (Tabitha en Actes 9,36-42) et une pour Paul (Eutyque Actes 20,7-12). En attribuant deux résurrections à Jésus, Luc décrit ce dernier comme un prophète aussi extraordinaire sinon plus qu’Élie et Élisée. En choisissant de rapporter deux récits pour Pierre et pour Paul, il souligne combien des deux-là sont, chacun de son côté, les dignes disciples de leur maître, dans la lignée des prophètes d’Israël. C’est le même esprit qui agit de génération en génération depuis le prophète Élie ressuscitant le fils d’une femme phénicienne jusqu’à Paul ressuscitant un jeune homme décédé en terre païenne.Éléments de bibliographieBADET Christian, “ Luc 7.11-17 ”, in : Lire & Dire , 44/2000 p. 37- 48Charles L’EPLATTENIER, Lecture de l’évangile de Luc. Desclée, Paris 1982. François BOVON, L’Évangile selon Saint Luc – tome IIId. Labor et Fides, Genève 2009.Proposition de prédication pour le dimanche 9 juin 2013 Luc 7,11-17Iskander Iskander est mort le soir du jeudi de l’Ascension. Son corps criblé de 23 balles de 9 mm a été retrouvé dans la voiture qu’il n’avait pas le droit de conduire. Habitant du quartier des Micocouliers à Marseille, Iskander avait 17 ans. Il était connu des services de police pour de menus trafics et pour avoir conduit sans permis. Peut-être se considérait-il comme un homme. Aux yeux de la loi, il était encore mineur. Pour quelques mois encore, Iskander était un enfant.Je pense à la maman d’Iskander. La répétition des règlements de compte extrêmement violents qui endeuillent depuis des années les quartiers nord de Marseille ont conduit à une quasi banalisation de ce qu’on classe alors dans la catégorie des faits divers. Divers faits se sont passés le jeudi de l’ascension à Marseille et parmi ces divers faits, il y a l’assassinat au pistolet mitrailleur d’un garçon de 17 ans. Bien sûr, il conduisait sans permis. Peut-être trempait-il dans le trafic de drogue. Moi, je suis frappé de ce que les médias aient si peu diffusé son prénom : Iskander et qu’ils aient insisté sur le fait qu’il n’avait pas 17 ans mais 17 ans et demi. Comme s’il fallait à tout prix le raccrocher au monde des adultes. Dans 6 mois, il aurait été un homme. Dans six mois, sa mort aurait pu être plus facilement oubliée. Car il est facile de s’exclamer : “encore un règlement de compte à Marseille !” Il est facile de conclure -et nous l’avons peut-être pensé ne serait-ce qu’un instant- que les truands se tuent les uns les autres. Qu’est-ce ça veut dire : règlement de comptes. Comme si les comptes étaient réglés. Comme s’ils étaient justes. Comme si c’était juste. Je pense à la maman d’Iskander. Elle n’est jamais juste la mort d’un garçon de 17 ans. Peut-être avait-il 17 ans, ce garçon né et mort il y a 2000 ans près d’un autre rivage de la même Méditerranée. C’était un garçon du village de Naïn. Naïn ou plutôt Nén puisque c’est ainsi que ce nom se prononce là-bas aujourd’hui. Nén est un village palestinien situé près du mont Thabor, un peu au sud du lac de Galilée, le pays de Jésus. De ce garçon de Nén, on ne sait pas grand chose si ce n’est que son père était mort, qu’il n’avait ni frère ni sœur, tout juste sa mère, et qu’il était mort. À son enterrement, tout le village est venu pour entourer sa mère. Et tout le monde pleurait sur lui et sur elle. Sur lui car c’est triste de mourir si jeune. Sur elle car c’est dramatique de devoir vivre quand on a perdu tous les siens. C’est dramatique d’avoir eu à enterrer son mari d’abord et son fils ensuite. À Nén, c’est sûr, on se rappelait pourtant de ce qui s’était passé il y a des siècles à Shounem, le village d’à côté. Nén, Shounem, ce sont les mêmes champs, les mêmes sources, les mêmes familles, la même histoire. Aussi aimait-on raconter l’extraordinaire histoire de la femme de Shounem et de son fils. Chez eux venait régulièrement le prophète Élisée, disciple du grand prophète Élie. Élisée était un ami de cette famille de Shounem. Il avait même une chambre dans leur maison avec tout le confort de cette époque pour un homme qui se contentait de peu : un lit, une table, une lampe. La femme qui vivait dans cette maison accueillante était heureuse et le prophète revenait souvent. Ce fut même la maison du bonheur quand, après des années d’attente, elle put lui présenter le fils qu’elle avait eu, un fils qu’Élisée avait béni et pour lequel on avait fait la fête avec tout le village. Mais un jour l’enfant qui était aux champs avec son père se plaignit de violents maux de tête. Le père envoya son fils vers la mère. La mère tenta de soulager la douleur, d’apaiser l’enfant, de le bercer pour qu’il puisse s’endormir. Quand il ferma les yeux il avait cessé de vivre. Alors, elle refusa sa mort. Elle prit le corps de son fils. Elle le mit sur le lit de l’homme de Dieu. Elle courut comme une folle chercher l’homme de Dieu. Elle ramena l’homme de Dieu à la maison. Elle l’obligea à prier et l’homme de Dieu pria. Mieux, il se coucha sur l’enfant, il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains. Il resta un moment courbé sur lui, et le corps de l’enfant se réchauffa. L’homme de Dieu sortit puis rentra à nouveau dans la chambre. Il recommença. Alors l’enfant éternua sept fois. L’enfant ouvrit les yeux. La vie avait gagné. Voilà la formidable histoire qu’on racontait à Nén, le village d’à côté de Shounem, une histoire que la mère du garçon mort devait aussi se rappeler quand elle franchit le seuil de sa maison pour aller avec tout le village enterrer son fils, le seul homme qui lui restait. On aime ces histoires de bagarre quand elles se terminent bien. On aime revoir les vieux épisodes de la série Urgence que la télévision nous repasse régulièrement. On aime ces femmes et ces hommes qui se donnent à fond, et vivent intensément chacun de leurs gestes. On les aime quand ils doutent et encore plus quand, parfois, ils chutent. On les aime quand ils pleurent à la nuit tombée ou quand l’épisode se termine dans une rue de Chicago endormie. Ils pleurent parce qu’ils ont échoué. Ils pleurent parce qu’ils n’ont pas su y faire, parce qu’ils n’ont rien pu faire. Parce que c’est insupportable de devoir écrire dans un rapport administratif l’heure de la mort d’un garçon de 17 ans. On aime les voir lutter à la manière du prophète Élisée. Élisée, homme de Dieu, mais homme d’abord. On aime les voir lutter et on aime les voir gagner. Sur le malheur et sur la mort.À Nén, ou Naïn, si vous préférez. Le cortège a quitté le village en direction du cimetière. Et là tout se passe très vite. Une autre foule les rejoint, une foule inattendue et même un peu inconvenante. C’est la foule des disciples et autres adeptes du prophète Jésus de Nazareth. Jésus aussi est parmi eux. Jésus sort de la foule. Il s’approche du brancard sur lequel repose le cercueil du jeune homme. Il touche le cercueil. Il demande à la maman de ne pas pleurer. Il dit “Jeune homme, je te le dis, réveille-toi !” Et le mort se redresse. Il se met à parler. Il est rendu à sa mère et aux siens !Alors, c’est comme au temps du prophète Élisée ou de son maître Élie car Élie, lui aussi, avait réveillé le fils mort d’une veuve de Phénicie. Et c’est donc le même esprit qui fait la force de Jésus comme elle fera dans les années qui viennent la force des apôtres Pierre et Paul qui eux aussi ont prié jusqu’à ce que des morts ressuscitent. A n’en pas douter, Jésus est un grand prophète. Toute la foule proclame qu’un grand prophète s’est levé parmi nous. Un grand prophète avec qui rien n’est impossible. Un grand prophète avec qui les veuves désormais n’auront plus à pleurer la mort de leurs enfants. Dieu agit enfin parmi les hommes. Les hommes n’auront donc plus à lutter ni les femmes à pleurer.Je pense à la maman d’Iskander, garçon de 17 ans tué dans la soirée du jeudi de l’Ascension. Pourquoi Jésus est-il passé par le village de Nén en Galilée au premier siècle et non au XXIème siècle par la cité des Micocouliers de Marseille ? Pour Jésus, qu’est-ce que 23 balles de 9 mm ? Mais de quel Jésus parlons-nous ? Du corps de Jésus de Nazareth, on a extrait au soir de la passion au moins quatre grands clous de plusieurs centimètres. Les clous, c’est moins précis que les balles. On souffre plus longtemps. On dit que la mère de Jésus était veuve, elle aussi. On dit qu’elle était au pied de la croix gardée par les légionnaires romains. On dit qu’avant qu’il n’expire quelques imbéciles sont venus l’insulter en criant : “il en a sauvé beaucoup d’autres, qu’il se sauve lui-même et nous croirons en lui”. Jésus en a sauvé beaucoup. Il a rendu un fils à sa mère. Mais Jésus ne s’est pas sauvé. Il ne s’est pas sauvé lui-même; il n’a pas fui la mort. Aussi croyons-nous en lui. Nous croyons qu’il était un grand prophète. Il a porté la parole de Dieu comme Élie puis Élisée avant lui. Du chaos de nos morts, cette parole fait naître un autre monde, fait de justice, de respect, de beauté. Quand des femmes ou des hommes s’emparent de cette parole, quand ils l’écoutent, l’entendent et la mettent en pratique, quand ils luttent avec elle comme on soigne un blessé, cette parole les rend forts, plus forts que la mort. Le prophète Jésus portait cette parole. Il ne l’utilisa jamais. Il ne s’est pas sauvé. Il est mort lui aussi et lui aussi il est ressuscité. Lui aussi mais autrement. Car sa résurrection est le signe qu’il était plus qu’un prophète. Quand il disait la Parole, il était lui, cette parole de Dieu donnée au monde. Iskander est mort dans la soirée du jeudi de l’ascension. Si Jésus était passé par là, s’il avait touché sa voiture comme il a touché jadis le cercueil du jeune gars de Naïn, peut-être aurait-il fait en sorte qu’Iskander vive encore à Marseille. Mais peut-être aussi qu’on l’aurait rattrapé ailleurs, dans un endroit où Jésus n’est pas. Jésus n’est pas partout. Jésus n’est pas partout et Jésus n’a jamais voulu être la solution qui nous permettrait de ne plus avoir à lutter contre le mal. Le mal dont souffre Marseille, ce mal dont nous souffrons tous. Ce mal qui tue les fils des veuves, c’est tous ensemble que nous ferons face à lui. Dieu seul est le chemin mais nous pouvons y marcher.Dieu seul est la lumière mais nous pouvons ouvrir les yeux et le cœur.Dieu seul est la vie mais nous pouvons respirer et ranimer en nous le désir de vivreDieu seul peut faire ce qui paraît impossible mais nous pouvons avec d’autre entreprendre le possible.Dieu seul suffit à lui-même mais il compte aussi sur nous.Dieu seul peut ressusciter les morts, mais nous pouvons tous ensemble faire en sorte que les hommes cessent de tuer leurs enfants. Amen

Notes bibliquesLuc 7, v. 11 à 17 : un grand prophète s’est levé parmi nousProposition de traduction annotée

11 Il se rendit ensuite dans une ville appelée Naïn[1]; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui.
12 Lorsqu’il approcha de la porte de la ville, voici : on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, laquelle était veuve; et il y avait avec elle une foule de la ville[2].
13 Le Seigneur[3] la vit; il fut ému par elle et lui dit : “Ne pleure pas[4] !”
14 Il s’approcha et toucha[5] le cercueil. Les porteurs s’arrêtèrent. Il dit : “Jeune homme, je te le dis, réveille-toi !”[6]
15 Et le mort[7] se redressa[8] et se mit à parler. Il le rendit à sa mère[9]
16 La crainte les saisit tous[10]; ils glorifiaient Dieu et disaient qu’un grand prophète s’est levé[11] parmi nous[12], et que Dieu est intervenu en faveur de son peuple.
17 Cette parole se répandit à son sujet dans toute la Judée et dans tous les environs[13].

____________[1]– correspondant au village arabe actuel de Nein au pied du Djebel Dahi, au sud du mont Thabor[2]– rencontre des deux foules : celle qui accompagne Jésus et celle qui accompagne le mort. [3]– plusieurs manuscrits importants précisent “le Seigneur Jésus”. Dans les autres manuscrits l’absence du nom de Jésus peut laisser entendre que le Père est lui aussi ému de cette situation. A noter que dans ce chapitre Jésus est appelé “Seigneur” ou “le Seigneur” sans précision : 7,6.19. [4]– le même ordre est donné à propos de la fille de Jaïros en 8,52. Il reviendra en 23,28 au sujet des femmes qui se lamentent sur le sort de Jésus. La scène des pleurs revient en Ac 9;39 concernant Dorcas/ Tabitha. En Actes 21,13 Paul s’étonne de ce qu’on pleure à son sujet alors qu’il est prêt à donner sa vie pour le Christ. [5]– cf. Lc 7,39 et 22,51 où Jésus touche quelqu’un ou se laisse toucher par quelqu’un au grand étonnement des témoins de la scène. Il se rend impur en touchant le cercueil, en étant touché par une femme. Il guérit le serviteur venu l’arrêter. Jésus guérit aussi en touchant (Luc 5,13) ou en étant touché (Luc 8,44-46). [6]– autre traduction : “lève-toi” cf la fille de Jaïros. À la différence des miracles d’Élie et d’Élisée, celui de Jésus ne requiert qu’un simple contact (il touche le cercueil) et une parole. [7]– et non pas “le jeune homme” . Cette mention souligne bien qu’il s’agit d’une résurrection. [8]– ou “s’assit”. Le verbe grec est connoté par une idée de retour à un état antérieur.[9]– évocation des récits sur Élie et Élisée : 1 Rois 17,23 et 2 Rois 4,36[10]– c’est à dire les deux foules : celle qui accompagne Jésus et celle qui sort de la ville ainsi que les disciples[11]– même verbe que dans la parole adressée par Jésus au jeune homme mort v. 15 au point qu’il y a comme l’esquisse d’un parallèle entre la résurrection du jeune homme et le surgissement au sein du peuple d’un grand prophète. Cette figure de style anticipe l’annonce de la résurrection de Jésus. [12]– le narrateur s’inclut-il dans ce nous ? La foule ne loue pas de ce que Jésus ait ressuscité un mort : le miracle est attribué à Dieu et non à Jésus. Jésus est reconnu comme prophète parlant au nom de YHWH. [13]– ce verset sert de liaison avec la péricope suivante et notamment 7,19.Commentaire En proposant pour ce dimanche la lecture conjointe des textes de Luc 7, 11-17 et de 1 Rois 17,17-24, les auteurs de la liste dominicale soulignent le lien qui unit ce miracle de Jésus de celui d’Élie qui, par sa prière, permit que soit rendu son fils à la veuve de Sarepta. La mention de la ville de Naïn aurait pu tout aussi bien inciter à envisager le récit de 2 Rois 4,8-37 où Élisée disciple d’Élie rend à la vie le fils d’une femme pieuse de la ville de Schunem. Naïn et Shounem sont très proches géographiquement si bien que c’est pratiquement à l’endroit où jadis, le prophète Élisée rendit un fils ressuscité à sa mère (2 Rois 4,36) que le prophète Jésus (Luc 7,16) rend un fils à sa mère (Luc 7,15). Si on compare les trois récits de 1 Rois 17, 2 Rois 4 et Luc 7 on constate aussi un certain nombre de différences qui laissent entendre que le prodige accompli par Jésus est encore plus grand que ceux d’Élie ou d’Élisée. Élie comme Élisée sont décrits comme des prophètes itinérants vivant de ce qu’on leur donne et redevables à la bonté des mères des enfants décédés. Jésus semble au contraire passer par hasard à Naïn. Il ne doit rien à la veuve qu’il ne connaît pas mais agit au seul motif de sa compassion. Les enfants ressuscités par Élie et Élisée sont morts depuis quelques heures à peine. Le lecteur peut encore croire que ces enfants ne sont qu’évanouis. À Naïn, le jeune homme qui va être enterré est décédé depuis un certain temps. Élie et Élisée ont dû s’y reprendre à plusieurs reprises pour que les enfants décédés depuis peu reviennent à la vie. Il suffit à Jésus de toucher le cercueil et de prononcer une parole pour que le mort se dresse à nouveau. Tout se passe donc comme si Luc souhaitait d’une part montrer que Jésus se situait dans la lignée des deux grands prophètes de l’Ancien Testament tout en accomplissant d’autre part des signes plus étonnants encore qui vont subjuguer les foules quand les résurrections d’autrefois s’étaient produites dans l’espace intime de la chambre haute. Le rapprochement entre ce récit propre à Luc et les textes des livres des Rois n’est pas dû au hasard. Luc insiste souvent sur le lien entre le ministère de Jésus et ceux d’Élie et Élisée. Ainsi quand les habitants de Nazareth contestent son autorité, Jésus qui parle de lui-même comme d’un prophète évoque leurs exemples pour souligner que s’il ne se consacre pas à soulager les peines de ses concitoyens de Nazareth, il agit à l’image de ces illustres prophètes d’autrefois qui ont préféré guérir et soulager des étrangers plutôt que des fils d’Israël peu enclins à les reconnaître (Luc 4,25-27). On peut comprendre cette allusion comme l’annonce de e qui sera un des thèmes majeurs de la deuxième partie de l’œuvre de Luc : les Actes rapportant les aventures d’apôtres qui, surtout avec Paul, se tournent délibérément vers les païens. Plus loin, Luc 9,61-62 rapporte un dialogue entre un candidat disciple et Jésus qui fait référence au récit de la vocation d’Élisée appelé par Élie (1 Rois 19,19-20). Ici encore, on peut lire une allusion à un des thèmes chers à Luc : le rapport entre le maître à qui est consacré l’évangile et les disciples qui devenus apôtres sont les héros des Actes. À Gethsémané, la présence d’un envoyé de Dieu venu épauler Jésus évoque à nouveau la figure d’Élie soutenu lui aussi par un ange quand, en proie au doute, il se retire au désert de Beer Sheva (1 Rois 19,7-8 et Luc 22,43-45). Mais alors qu’Élie mange et se rendort comme le font les disciples de Jésus. Jésus reste éveillé et prie. L’ange n’a pas à revenir une deuxième fois. Jésus est bien dans la continuité d’Élie sans présenter les mêmes signes de faiblesse. L’épisode de l’ascension enfin prend tout son sens si on le rapporte au récit du départ d’Élie. En effet, l’utilisation par Luc de la figure d’Élie sert à exprimer une conviction profonde : comme Élisée, disciple d’Élie, les disciples de Jésus reçoivent une part de l’esprit de leur maître qu’ils ont vu s’élever dans les cieux (2 Rois 2,10-12; Actes 1,9-10). Ils en sont les authentiques continuateurs de son œuvre tout autant que les porteurs de son message.Au travers de tous ces rapprochements, il apparaît que la compréhension par Luc du rôle de Jésus passe par une reprise des principaux événements des sagas d’Élie et d’Élisée. L’épisode de Luc 7,11-17 appartient à cette série de textes dont il constitue un élément important. Important car il aborde également le thème de la résurrection.À y regarder de près en effet nous constatons, qu’en plus des résurrections de Jésus et de Lazare, 6 récits de résurrections sont proposés dans la Bible : une pour Élie, une pour Élisée, deux pour Jésus (avec celle de la fille de Jaïrus en Luc 8,41-55), une pour Pierre (Tabitha en Actes 9,36-42) et une pour Paul (Eutyque Actes 20,7-12). En attribuant deux résurrections à Jésus, Luc décrit ce dernier comme un prophète aussi extraordinaire sinon plus qu’Élie et Élisée. En choisissant de rapporter deux récits pour Pierre et pour Paul, il souligne combien des deux-là sont, chacun de son côté, les dignes disciples de leur maître, dans la lignée des prophètes d’Israël. C’est le même esprit qui agit de génération en génération depuis le prophète Élie ressuscitant le fils d’une femme phénicienne jusqu’à Paul ressuscitant un jeune homme décédé en terre païenne.Éléments de bibliographieBADET Christian, “ Luc 7.11-17 ”, in : Lire & Dire , 44/2000 p. 37- 48Charles L’EPLATTENIER, Lecture de l’évangile de Luc. Desclée, Paris 1982. François BOVON, L’Évangile selon Saint Luc – tome IIId. Labor et Fides, Genève 2009.Proposition de prédication pour le dimanche 9 juin 2013 Luc 7,11-17Iskander Iskander est mort le soir du jeudi de l’Ascension. Son corps criblé de 23 balles de 9 mm a été retrouvé dans la voiture qu’il n’avait pas le droit de conduire. Habitant du quartier des Micocouliers à Marseille, Iskander avait 17 ans. Il était connu des services de police pour de menus trafics et pour avoir conduit sans permis. Peut-être se considérait-il comme un homme. Aux yeux de la loi, il était encore mineur. Pour quelques mois encore, Iskander était un enfant.Je pense à la maman d’Iskander. La répétition des règlements de compte extrêmement violents qui endeuillent depuis des années les quartiers nord de Marseille ont conduit à une quasi banalisation de ce qu’on classe alors dans la catégorie des faits divers. Divers faits se sont passés le jeudi de l’ascension à Marseille et parmi ces divers faits, il y a l’assassinat au pistolet mitrailleur d’un garçon de 17 ans. Bien sûr, il conduisait sans permis. Peut-être trempait-il dans le trafic de drogue. Moi, je suis frappé de ce que les médias aient si peu diffusé son prénom : Iskander et qu’ils aient insisté sur le fait qu’il n’avait pas 17 ans mais 17 ans et demi. Comme s’il fallait à tout prix le raccrocher au monde des adultes. Dans 6 mois, il aurait été un homme. Dans six mois, sa mort aurait pu être plus facilement oubliée. Car il est facile de s’exclamer : “encore un règlement de compte à Marseille !” Il est facile de conclure -et nous l’avons peut-être pensé ne serait-ce qu’un instant- que les truands se tuent les uns les autres. Qu’est-ce ça veut dire : règlement de comptes. Comme si les comptes étaient réglés. Comme s’ils étaient justes. Comme si c’était juste. Je pense à la maman d’Iskander. Elle n’est jamais juste la mort d’un garçon de 17 ans. Peut-être avait-il 17 ans, ce garçon né et mort il y a 2000 ans près d’un autre rivage de la même Méditerranée. C’était un garçon du village de Naïn. Naïn ou plutôt Nén puisque c’est ainsi que ce nom se prononce là-bas aujourd’hui. Nén est un village palestinien situé près du mont Thabor, un peu au sud du lac de Galilée, le pays de Jésus. De ce garçon de Nén, on ne sait pas grand chose si ce n’est que son père était mort, qu’il n’avait ni frère ni sœur, tout juste sa mère, et qu’il était mort. À son enterrement, tout le village est venu pour entourer sa mère. Et tout le monde pleurait sur lui et sur elle. Sur lui car c’est triste de mourir si jeune. Sur elle car c’est dramatique de devoir vivre quand on a perdu tous les siens. C’est dramatique d’avoir eu à enterrer son mari d’abord et son fils ensuite. À Nén, c’est sûr, on se rappelait pourtant de ce qui s’était passé il y a des siècles à Shounem, le village d’à côté. Nén, Shounem, ce sont les mêmes champs, les mêmes sources, les mêmes familles, la même histoire. Aussi aimait-on raconter l’extraordinaire histoire de la femme de Shounem et de son fils. Chez eux venait régulièrement le prophète Élisée, disciple du grand prophète Élie. Élisée était un ami de cette famille de Shounem. Il avait même une chambre dans leur maison avec tout le confort de cette époque pour un homme qui se contentait de peu : un lit, une table, une lampe. La femme qui vivait dans cette maison accueillante était heureuse et le prophète revenait souvent. Ce fut même la maison du bonheur quand, après des années d’attente, elle put lui présenter le fils qu’elle avait eu, un fils qu’Élisée avait béni et pour lequel on avait fait la fête avec tout le village. Mais un jour l’enfant qui était aux champs avec son père se plaignit de violents maux de tête. Le père envoya son fils vers la mère. La mère tenta de soulager la douleur, d’apaiser l’enfant, de le bercer pour qu’il puisse s’endormir. Quand il ferma les yeux il avait cessé de vivre. Alors, elle refusa sa mort. Elle prit le corps de son fils. Elle le mit sur le lit de l’homme de Dieu. Elle courut comme une folle chercher l’homme de Dieu. Elle ramena l’homme de Dieu à la maison. Elle l’obligea à prier et l’homme de Dieu pria. Mieux, il se coucha sur l’enfant, il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains. Il resta un moment courbé sur lui, et le corps de l’enfant se réchauffa. L’homme de Dieu sortit puis rentra à nouveau dans la chambre. Il recommença. Alors l’enfant éternua sept fois. L’enfant ouvrit les yeux. La vie avait gagné. Voilà la formidable histoire qu’on racontait à Nén, le village d’à côté de Shounem, une histoire que la mère du garçon mort devait aussi se rappeler quand elle franchit le seuil de sa maison pour aller avec tout le village enterrer son fils, le seul homme qui lui restait. On aime ces histoires de bagarre quand elles se terminent bien. On aime revoir les vieux épisodes de la série Urgence que la télévision nous repasse régulièrement. On aime ces femmes et ces hommes qui se donnent à fond, et vivent intensément chacun de leurs gestes. On les aime quand ils doutent et encore plus quand, parfois, ils chutent. On les aime quand ils pleurent à la nuit tombée ou quand l’épisode se termine dans une rue de Chicago endormie. Ils pleurent parce qu’ils ont échoué. Ils pleurent parce qu’ils n’ont pas su y faire, parce qu’ils n’ont rien pu faire. Parce que c’est insupportable de devoir écrire dans un rapport administratif l’heure de la mort d’un garçon de 17 ans. On aime les voir lutter à la manière du prophète Élisée. Élisée, homme de Dieu, mais homme d’abord. On aime les voir lutter et on aime les voir gagner. Sur le malheur et sur la mort.À Nén, ou Naïn, si vous préférez. Le cortège a quitté le village en direction du cimetière. Et là tout se passe très vite. Une autre foule les rejoint, une foule inattendue et même un peu inconvenante. C’est la foule des disciples et autres adeptes du prophète Jésus de Nazareth. Jésus aussi est parmi eux. Jésus sort de la foule. Il s’approche du brancard sur lequel repose le cercueil du jeune homme. Il touche le cercueil. Il demande à la maman de ne pas pleurer. Il dit “Jeune homme, je te le dis, réveille-toi !” Et le mort se redresse. Il se met à parler. Il est rendu à sa mère et aux siens !Alors, c’est comme au temps du prophète Élisée ou de son maître Élie car Élie, lui aussi, avait réveillé le fils mort d’une veuve de Phénicie. Et c’est donc le même esprit qui fait la force de Jésus comme elle fera dans les années qui viennent la force des apôtres Pierre et Paul qui eux aussi ont prié jusqu’à ce que des morts ressuscitent. A n’en pas douter, Jésus est un grand prophète. Toute la foule proclame qu’un grand prophète s’est levé parmi nous. Un grand prophète avec qui rien n’est impossible. Un grand prophète avec qui les veuves désormais n’auront plus à pleurer la mort de leurs enfants. Dieu agit enfin parmi les hommes. Les hommes n’auront donc plus à lutter ni les femmes à pleurer.Je pense à la maman d’Iskander, garçon de 17 ans tué dans la soirée du jeudi de l’Ascension. Pourquoi Jésus est-il passé par le village de Nén en Galilée au premier siècle et non au XXIème siècle par la cité des Micocouliers de Marseille ? Pour Jésus, qu’est-ce que 23 balles de 9 mm ? Mais de quel Jésus parlons-nous ? Du corps de Jésus de Nazareth, on a extrait au soir de la passion au moins quatre grands clous de plusieurs centimètres. Les clous, c’est moins précis que les balles. On souffre plus longtemps. On dit que la mère de Jésus était veuve, elle aussi. On dit qu’elle était au pied de la croix gardée par les légionnaires romains. On dit qu’avant qu’il n’expire quelques imbéciles sont venus l’insulter en criant : “il en a sauvé beaucoup d’autres, qu’il se sauve lui-même et nous croirons en lui”. Jésus en a sauvé beaucoup. Il a rendu un fils à sa mère. Mais Jésus ne s’est pas sauvé. Il ne s’est pas sauvé lui-même; il n’a pas fui la mort. Aussi croyons-nous en lui. Nous croyons qu’il était un grand prophète. Il a porté la parole de Dieu comme Élie puis Élisée avant lui. Du chaos de nos morts, cette parole fait naître un autre monde, fait de justice, de respect, de beauté. Quand des femmes ou des hommes s’emparent de cette parole, quand ils l’écoutent, l’entendent et la mettent en pratique, quand ils luttent avec elle comme on soigne un blessé, cette parole les rend forts, plus forts que la mort. Le prophète Jésus portait cette parole. Il ne l’utilisa jamais. Il ne s’est pas sauvé. Il est mort lui aussi et lui aussi il est ressuscité. Lui aussi mais autrement. Car sa résurrection est le signe qu’il était plus qu’un prophète. Quand il disait la Parole, il était lui, cette parole de Dieu donnée au monde. Iskander est mort dans la soirée du jeudi de l’ascension. Si Jésus était passé par là, s’il avait touché sa voiture comme il a touché jadis le cercueil du jeune gars de Naïn, peut-être aurait-il fait en sorte qu’Iskander vive encore à Marseille. Mais peut-être aussi qu’on l’aurait rattrapé ailleurs, dans un endroit où Jésus n’est pas. Jésus n’est pas partout. Jésus n’est pas partout et Jésus n’a jamais voulu être la solution qui nous permettrait de ne plus avoir à lutter contre le mal. Le mal dont souffre Marseille, ce mal dont nous souffrons tous. Ce mal qui tue les fils des veuves, c’est tous ensemble que nous ferons face à lui. Dieu seul est le chemin mais nous pouvons y marcher.Dieu seul est la lumière mais nous pouvons ouvrir les yeux et le cœur.Dieu seul est la vie mais nous pouvons respirer et ranimer en nous le désir de vivreDieu seul peut faire ce qui paraît impossible mais nous pouvons avec d’autre entreprendre le possible.Dieu seul suffit à lui-même mais il compte aussi sur nous.Dieu seul peut ressusciter les morts, mais nous pouvons tous ensemble faire en sorte que les hommes cessent de tuer leurs enfants. Amen

Notes bibliquesLuc 7, v. 11 à 17 : un grand prophète s’est levé parmi nousProposition de traduction annotée

11 Il se rendit ensuite dans une ville appelée Naïn[1]; ses disciples et une grande foule faisaient route avec lui.
12 Lorsqu’il approcha de la porte de la ville, voici : on portait en terre un mort, fils unique de sa mère, laquelle était veuve; et il y avait avec elle une foule de la ville[2].
13 Le Seigneur[3] la vit; il fut ému par elle et lui dit : “Ne pleure pas[4] !”
14 Il s’approcha et toucha[5] le cercueil. Les porteurs s’arrêtèrent. Il dit : “Jeune homme, je te le dis, réveille-toi !”[6]
15 Et le mort[7] se redressa[8] et se mit à parler. Il le rendit à sa mère[9]
16 La crainte les saisit tous[10]; ils glorifiaient Dieu et disaient qu’un grand prophète s’est levé[11] parmi nous[12], et que Dieu est intervenu en faveur de son peuple.
17 Cette parole se répandit à son sujet dans toute la Judée et dans tous les environs[13].

____________[1]– correspondant au village arabe actuel de Nein au pied du Djebel Dahi, au sud du mont Thabor[2]– rencontre des deux foules : celle qui accompagne Jésus et celle qui accompagne le mort. [3]– plusieurs manuscrits importants précisent “le Seigneur Jésus”. Dans les autres manuscrits l’absence du nom de Jésus peut laisser entendre que le Père est lui aussi ému de cette situation. A noter que dans ce chapitre Jésus est appelé “Seigneur” ou “le Seigneur” sans précision : 7,6.19. [4]– le même ordre est donné à propos de la fille de Jaïros en 8,52. Il reviendra en 23,28 au sujet des femmes qui se lamentent sur le sort de Jésus. La scène des pleurs revient en Ac 9;39 concernant Dorcas/ Tabitha. En Actes 21,13 Paul s’étonne de ce qu’on pleure à son sujet alors qu’il est prêt à donner sa vie pour le Christ. [5]– cf. Lc 7,39 et 22,51 où Jésus touche quelqu’un ou se laisse toucher par quelqu’un au grand étonnement des témoins de la scène. Il se rend impur en touchant le cercueil, en étant touché par une femme. Il guérit le serviteur venu l’arrêter. Jésus guérit aussi en touchant (Luc 5,13) ou en étant touché (Luc 8,44-46). [6]– autre traduction : “lève-toi” cf la fille de Jaïros. À la différence des miracles d’Élie et d’Élisée, celui de Jésus ne requiert qu’un simple contact (il touche le cercueil) et une parole. [7]– et non pas “le jeune homme” . Cette mention souligne bien qu’il s’agit d’une résurrection. [8]– ou “s’assit”. Le verbe grec est connoté par une idée de retour à un état antérieur.[9]– évocation des récits sur Élie et Élisée : 1 Rois 17,23 et 2 Rois 4,36[10]– c’est à dire les deux foules : celle qui accompagne Jésus et celle qui sort de la ville ainsi que les disciples[11]– même verbe que dans la parole adressée par Jésus au jeune homme mort v. 15 au point qu’il y a comme l’esquisse d’un parallèle entre la résurrection du jeune homme et le surgissement au sein du peuple d’un grand prophète. Cette figure de style anticipe l’annonce de la résurrection de Jésus. [12]– le narrateur s’inclut-il dans ce nous ? La foule ne loue pas de ce que Jésus ait ressuscité un mort : le miracle est attribué à Dieu et non à Jésus. Jésus est reconnu comme prophète parlant au nom de YHWH. [13]– ce verset sert de liaison avec la péricope suivante et notamment 7,19.

 
 

Commentaire En proposant pour ce dimanche la lecture conjointe des textes de Luc 7, 11-17 et de 1 Rois 17,17-24, les auteurs de la liste dominicale soulignent le lien qui unit ce miracle de Jésus de celui d’Élie qui, par sa prière, permit que soit rendu son fils à la veuve de Sarepta. La mention de la ville de Naïn aurait pu tout aussi bien inciter à envisager le récit de 2 Rois 4,8-37 où Élisée disciple d’Élie rend à la vie le fils d’une femme pieuse de la ville de Schunem. Naïn et Shounem sont très proches géographiquement si bien que c’est pratiquement à l’endroit où jadis, le prophète Élisée rendit un fils ressuscité à sa mère (2 Rois 4,36) que le prophète Jésus (Luc 7,16) rend un fils à sa mère (Luc 7,15). Si on compare les trois récits de 1 Rois 17, 2 Rois 4 et Luc 7 on constate aussi un certain nombre de différences qui laissent entendre que le prodige accompli par Jésus est encore plus grand que ceux d’Élie ou d’Élisée. Élie comme Élisée sont décrits comme des prophètes itinérants vivant de ce qu’on leur donne et redevables à la bonté des mères des enfants décédés. Jésus semble au contraire passer par hasard à Naïn. Il ne doit rien à la veuve qu’il ne connaît pas mais agit au seul motif de sa compassion. Les enfants ressuscités par Élie et Élisée sont morts depuis quelques heures à peine. Le lecteur peut encore croire que ces enfants ne sont qu’évanouis. À Naïn, le jeune homme qui va être enterré est décédé depuis un certain temps. Élie et Élisée ont dû s’y reprendre à plusieurs reprises pour que les enfants décédés depuis peu reviennent à la vie. Il suffit à Jésus de toucher le cercueil et de prononcer une parole pour que le mort se dresse à nouveau. Tout se passe donc comme si Luc souhaitait d’une part montrer que Jésus se situait dans la lignée des deux grands prophètes de l’Ancien Testament tout en accomplissant d’autre part des signes plus étonnants encore qui vont subjuguer les foules quand les résurrections d’autrefois s’étaient produites dans l’espace intime de la chambre haute. Le rapprochement entre ce récit propre à Luc et les textes des livres des Rois n’est pas dû au hasard. Luc insiste souvent sur le lien entre le ministère de Jésus et ceux d’Élie et Élisée. Ainsi quand les habitants de Nazareth contestent son autorité, Jésus qui parle de lui-même comme d’un prophète évoque leurs exemples pour souligner que s’il ne se consacre pas à soulager les peines de ses concitoyens de Nazareth, il agit à l’image de ces illustres prophètes d’autrefois qui ont préféré guérir et soulager des étrangers plutôt que des fils d’Israël peu enclins à les reconnaître (Luc 4,25-27). On peut comprendre cette allusion comme l’annonce de e qui sera un des thèmes majeurs de la deuxième partie de l’œuvre de Luc : les Actes rapportant les aventures d’apôtres qui, surtout avec Paul, se tournent délibérément vers les païens. Plus loin, Luc 9,61-62 rapporte un dialogue entre un candidat disciple et Jésus qui fait référence au récit de la vocation d’Élisée appelé par Élie (1 Rois 19,19-20). Ici encore, on peut lire une allusion à un des thèmes chers à Luc : le rapport entre le maître à qui est consacré l’évangile et les disciples qui devenus apôtres sont les héros des Actes. À Gethsémané, la présence d’un envoyé de Dieu venu épauler Jésus évoque à nouveau la figure d’Élie soutenu lui aussi par un ange quand, en proie au doute, il se retire au désert de Beer Sheva (1 Rois 19,7-8 et Luc 22,43-45). Mais alors qu’Élie mange et se rendort comme le font les disciples de Jésus. Jésus reste éveillé et prie. L’ange n’a pas à revenir une deuxième fois. Jésus est bien dans la continuité d’Élie sans présenter les mêmes signes de faiblesse. L’épisode de l’ascension enfin prend tout son sens si on le rapporte au récit du départ d’Élie. En effet, l’utilisation par Luc de la figure d’Élie sert à exprimer une conviction profonde : comme Élisée, disciple d’Élie, les disciples de Jésus reçoivent une part de l’esprit de leur maître qu’ils ont vu s’élever dans les cieux (2 Rois 2,10-12; Actes 1,9-10). Ils en sont les authentiques continuateurs de son œuvre tout autant que les porteurs de son message.Au travers de tous ces rapprochements, il apparaît que la compréhension par Luc du rôle de Jésus passe par une reprise des principaux événements des sagas d’Élie et d’Élisée. L’épisode de Luc 7,11-17 appartient à cette série de textes dont il constitue un élément important. Important car il aborde également le thème de la résurrection.À y regarder de près en effet nous constatons, qu’en plus des résurrections de Jésus et de Lazare, 6 récits de résurrections sont proposés dans la Bible : une pour Élie, une pour Élisée, deux pour Jésus (avec celle de la fille de Jaïrus en Luc 8,41-55), une pour Pierre (Tabitha en Actes 9,36-42) et une pour Paul (Eutyque Actes 20,7-12). En attribuant deux résurrections à Jésus, Luc décrit ce dernier comme un prophète aussi extraordinaire sinon plus qu’Élie et Élisée. En choisissant de rapporter deux récits pour Pierre et pour Paul, il souligne combien des deux-là sont, chacun de son côté, les dignes disciples de leur maître, dans la lignée des prophètes d’Israël. C’est le même esprit qui agit de génération en génération depuis le prophète Élie ressuscitant le fils d’une femme phénicienne jusqu’à Paul ressuscitant un jeune homme décédé en terre païenne.Éléments de bibliographieBADET Christian, “ Luc 7.11-17 ”, in : Lire & Dire , 44/2000 p. 37- 48Charles L’EPLATTENIER, Lecture de l’évangile de Luc. Desclée, Paris 1982. François BOVON, L’Évangile selon Saint Luc – tome IIId. Labor et Fides, Genève 2009.

 
 

Proposition de prédication pour le dimanche 9 juin 2013 Luc 7,11-17Iskander Iskander est mort le soir du jeudi de l’Ascension. Son corps criblé de 23 balles de 9 mm a été retrouvé dans la voiture qu’il n’avait pas le droit de conduire. Habitant du quartier des Micocouliers à Marseille, Iskander avait 17 ans. Il était connu des services de police pour de menus trafics et pour avoir conduit sans permis. Peut-être se considérait-il comme un homme. Aux yeux de la loi, il était encore mineur. Pour quelques mois encore, Iskander était un enfant.Je pense à la maman d’Iskander. La répétition des règlements de compte extrêmement violents qui endeuillent depuis des années les quartiers nord de Marseille ont conduit à une quasi banalisation de ce qu’on classe alors dans la catégorie des faits divers. Divers faits se sont passés le jeudi de l’ascension à Marseille et parmi ces divers faits, il y a l’assassinat au pistolet mitrailleur d’un garçon de 17 ans. Bien sûr, il conduisait sans permis. Peut-être trempait-il dans le trafic de drogue. Moi, je suis frappé de ce que les médias aient si peu diffusé son prénom : Iskander et qu’ils aient insisté sur le fait qu’il n’avait pas 17 ans mais 17 ans et demi. Comme s’il fallait à tout prix le raccrocher au monde des adultes. Dans 6 mois, il aurait été un homme. Dans six mois, sa mort aurait pu être plus facilement oubliée. Car il est facile de s’exclamer : “encore un règlement de compte à Marseille !” Il est facile de conclure -et nous l’avons peut-être pensé ne serait-ce qu’un instant- que les truands se tuent les uns les autres. Qu’est-ce ça veut dire : règlement de comptes. Comme si les comptes étaient réglés. Comme s’ils étaient justes. Comme si c’était juste. Je pense à la maman d’Iskander. Elle n’est jamais juste la mort d’un garçon de 17 ans. Peut-être avait-il 17 ans, ce garçon né et mort il y a 2000 ans près d’un autre rivage de la même Méditerranée. C’était un garçon du village de Naïn. Naïn ou plutôt Nén puisque c’est ainsi que ce nom se prononce là-bas aujourd’hui. Nén est un village palestinien situé près du mont Thabor, un peu au sud du lac de Galilée, le pays de Jésus. De ce garçon de Nén, on ne sait pas grand chose si ce n’est que son père était mort, qu’il n’avait ni frère ni sœur, tout juste sa mère, et qu’il était mort. À son enterrement, tout le village est venu pour entourer sa mère. Et tout le monde pleurait sur lui et sur elle. Sur lui car c’est triste de mourir si jeune. Sur elle car c’est dramatique de devoir vivre quand on a perdu tous les siens. C’est dramatique d’avoir eu à enterrer son mari d’abord et son fils ensuite. À Nén, c’est sûr, on se rappelait pourtant de ce qui s’était passé il y a des siècles à Shounem, le village d’à côté. Nén, Shounem, ce sont les mêmes champs, les mêmes sources, les mêmes familles, la même histoire. Aussi aimait-on raconter l’extraordinaire histoire de la femme de Shounem et de son fils. Chez eux venait régulièrement le prophète Élisée, disciple du grand prophète Élie. Élisée était un ami de cette famille de Shounem. Il avait même une chambre dans leur maison avec tout le confort de cette époque pour un homme qui se contentait de peu : un lit, une table, une lampe. La femme qui vivait dans cette maison accueillante était heureuse et le prophète revenait souvent. Ce fut même la maison du bonheur quand, après des années d’attente, elle put lui présenter le fils qu’elle avait eu, un fils qu’Élisée avait béni et pour lequel on avait fait la fête avec tout le village. Mais un jour l’enfant qui était aux champs avec son père se plaignit de violents maux de tête. Le père envoya son fils vers la mère. La mère tenta de soulager la douleur, d’apaiser l’enfant, de le bercer pour qu’il puisse s’endormir. Quand il ferma les yeux il avait cessé de vivre. Alors, elle refusa sa mort. Elle prit le corps de son fils. Elle le mit sur le lit de l’homme de Dieu. Elle courut comme une folle chercher l’homme de Dieu. Elle ramena l’homme de Dieu à la maison. Elle l’obligea à prier et l’homme de Dieu pria. Mieux, il se coucha sur l’enfant, il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains. Il resta un moment courbé sur lui, et le corps de l’enfant se réchauffa. L’homme de Dieu so