Textes : Zacharie 3, v. 1 à 10 Ps 15 Deutéronome 4, v. 1 à 8 Jacques 1, v. 17 à 27 Marc 7, v.1 à 23M. Jean-Pierre PairouTélécharger le document au complet

Prédication

Peut-on se passer de Morale ? Question de dissertation mais aussi, on le verra, question qui atraversé le 20° siècle. À celle-ci s’ajoute une autre question qui nous est plus spécifique : Y a-t-il une Morale Chrétienne ? Se passer de morale : des tentatives ont eu lieu au XIX° siècle, « Au-delà du bien et du mal » du philosophe Nietzsche relève de ce questionnement. Cette problématique a connu deux ramifications. La première est ce qu’on pourrait nommer la tendance « dionysiaque », caractérisée par un refus de toutes règles, un certain anarchisme qu’on pourrait qualifier de « naturaliste » version « beatniks, baba-cool ». Usage de drogues, expériences a-morales et sexuelles conduisant à des dérives féroces pour l’individu.La seconde est celle qui conduit à l’exaltation de l’homme qui doit être dépassé pour faire advenir le « surhomme », l’homme nouveau décrit par le nazisme et qui a conduit au désastre que l’on sait.Il semble donc bien que la morale, comprise comme règles communes de vie entre les hommes soit indispensable, l’absence de celles-ci conduisant immanquablement au désastre. Elles sont d’ailleurs à peu près les mêmes sous toutes les latitudes et dans toutes les cultures.Dans notre texte, Jésus se trouve une fois de plus confronté aux pharisiens. Ceux-ci sont parfois caricaturés ou présentés comme « les méchants ». Il s’agit en réalité d’une branche du judaïsme qui se veut proche des textes, mais en leur donnant une lecture particulière. Ainsi certaines règles qui étaient destinées aux seuls prêtres sont-elles étendues à tout le peuple (règles de pureté par exemple. La pureté entendue comme obligatoire pour s’approcher de Dieu, régit l’accès au Temple et ne s’applique qu’aux seuls prêtres tandis que les pharisiens l’étendent à tous les juifs). Cette tendance l’emportera à la destruction du Temple de Jérusalem et donnera naissance au judaïsme tel que nous le connaissons. Le texte qui nous concerne est situé après la marche de Jésus sur la mer et avant l’épisode de la syro-phénicienne dans le territoire de Tyr, territoire étranger dans lequel la présence de Jésus constitue une transgression des règles religieuses.La polémique qui lui est faite concerne deux exemples de commandements. Tout d’abord, le lavement des mains, qui n’est pas une simple question d’hygiène, mais aussi une question de pureté et donc de proximité avec Dieu. La seconde touche au respect dû aux parents. Cette règle était souvent détournée et remplacée par une simple offrande au temple.Ce qui est en cause, c’est la prétendue opposition de Jésus à la tradition : En ne se lavant pas les mains les disciples ne suivent pas les règles. En refusant la tradition de l’offrande au Temple qui détourne du respect dû aux parents qui est respect dû à Dieu.Ce qui est en jeu, c’est la différence entre morale sociale -règles de vie commune- et commandements divins.Il existe deux façons d’aborder la morale :Faire des règles un absolu désincarné qui ne voit plus son but (ex. Règles culinaires dont on ne voit plus la finalité.) Certaines règles morales peuvent ainsi être appliquées aveuglément : « Tu ne mentiras pas »… même pour sauver une vie ? « Tu ne tueras point »… en lien avec question de l’euthanasie par exemple. Cette façon d’appliquer les règles ne tient pas compte de l’humain. La morale devient Moralisme. Un exemple est fourni par la stigmatisation puritaine (Port de la marque rouge par une femme qui avait « fauté » avec un pasteur).La seconde manière de « moraliser » est de « faire du religieux », c’est-à-dire privilégier une prétendue relation à Dieu qui ne tient pas compte des conséquences pour autrui. Il existe une façon pècheresse de donner dans la religiosité. Au légalisme de la tradition, Jésus oppose le prophétisme du cœur : « Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi.. » v. 6. L’amour est primordial et remet les règles morales à leur juste place. « Aime Dieu et aime ton prochain comme toi-même. » Unique commandement dont tous les autres ne doivent être qu’une illustration. Quand j’agis, comment suis-je le plus aimant ? Telle est la question qui relativise les règles morales qui ne sont que sociales. Ce questionnement permet de ne pas prendre des lois de tradition pour des règles divines. « Aime et fais ce que tu veux » disait Saint-Augustin. , mais aussi « La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure ».En réalité, il n’y a pas stricto sensu de morale chrétienne dans le sens où le christianisme édicterait des règles immuables applicables en tous lieux et de toute éternité.Oui, le chrétien, en ce sens, peut se passer de morale, car sa seule règle est celle de l’amour, qui précisément ne saurait être une « règle », mais qui est un commandement. » La règle s’impose, mais comment imposer d’aimer ? Le commandement est le But qui permet de cheminer. L’amour n’est jamais un acquis, il est un sens (signification et direction)Le chrétien n’est donc pas esclave de règles, fussent-elles édictées par les Églises, mais il est responsable devant Dieu de l’amour qu’il donne (ou qu’il ne donne pas !).La pureté véritable qui est proximité avec Dieu dans l’amour, n’est jamais conquise. Elle est un cheminement, une « Thora », qui est celui du cœur. Nous savons bien que nous sommes pleins de ces impuretés qui souillent notre cœur et sortent de nous. Mais nous savons aussi qu’en suivant ce chemin d’amour de Jésus, nous pouvons marcher vers Dieu et son amour.