Notes bibliques

Quelques pistes

Comparaison Marc et Jean

S’il s’inspire évidemment du récit de l’appel des disciples dans l’évangile selon Marc, le récit lucanien n’en reste pas moins une composition très personnelle. En effet, Luc développe considérablement les thèmes de la pêche et des pêcheurs, préparant ainsi tout un discours sur l’Église.

Comparaison Ésaïe
La réaction de Pierre évoque bien sûr celle d’Ésaïe, il ne faut pas voir dans le «éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur» une culpabilisation excessive et encore moins un refus de Dieu. Le cri de Pierre s’inscrit dans la tradition juive qui veut que nul ne puisse contempler Dieu sans mourir. La formule de Simon-Pierre est à recevoir comme l’expression de la crainte (au sens biblique de profond respect que Pierre a pour Dieu)

L’évangéliste donne ainsi une image très positive de Pierre qui, dès le départ, reconnaît le caractère divin de Jésus.
Mais ce parallèle avec Ésaïe nous pousse aussi à souligner le contraste entre les deux textes. C’est dans sa gloire manifestée au cœur du Temple que Dieu se révèle à Ésaïe, c’est dans le contexte de son labeur quotidien qu’il est donné à Pierre de reconnaître Jésus : Dieu est sorti du Temple pour rentrer dans la vie active.

L’appel et la pêche
Luc reprend à Marc le contexte de la pêche mais il détaille celle-ci, nous livrant une scène de pêche de l’époque très précise et réaliste : les pêcheurs encerclent les poissons de leurs filets et ont donc besoin d’agir à plusieurs barques : une opération délicate qui demande coordination et concertation. Bien sûr, Luc n’a pas pour but de décrire la pêche sur le lac de Tibériade mais le contexte de la pêche lui fournit une bonne image de l’Église.
En effet, c’est bien comme pêcheurs d’homme que les premiers disciples sont appelés. Le résultat de leur pêche (qui est promise exceptionnelle) ne dépendra pas d’eux, mais ils seront pleinement acteurs de cette pêche et pour cela ils seront appelés à travailler ensembles.

Prédication
Ésaïe VI, 1-8
I corinthiens XV, 1-11
Luc V, 1 à 11

Buisson ardent, chemin de Damas, l’appel de Dieu évoque chez nous des images spectaculaires. Pourtant et si l’appel était simple comme une partie de pêche ?
Les trois textes que nous avons entendus ce matin sont des récits d’appel. Mais un élément lie étroitement le récit de vocation d’Ésaïe à celui des premiers disciples dans l’évangile selon Luc, Simon-Pierre et Ésaïe réagissent de la même manière : « Je suis un homme pêcheur » « Je suis un homme aux lèvres impures». Face à la gloire de Dieu, Simon Pierre et Ésaïe affirment leur limite, leur petitesse d’homme, ils manifestent cette crainte qui est de l’ordre du respect et de l’humilité plus que de la peur.

Mais ce trait commun nous conduit à souligner l’immense différence entre les deux textes. Le prophète voit Dieu se manifester dans le Temple, dans un contexte éminemment religieux. En fait, la vision d’Ésaïe est une amplification de ce qui est visible dans le Saint des Saints, une pleine manifestation de la gloire qui est symbolisée par l’Arche d’Alliance et les Séraphin.
En revanche, pour Simon-Pierre et les autres disciples, cette manifestation survient dans le cadre de leur travail, au cœur de leur vie quotidienne. Dieu passe de la sphère religieuse à la sphère profane. Ainsi, l’évangile selon Luc témoigne d’un Dieu qui nous rejoint là où nous sommes et non plus d’un Dieu vers lequel il nous faut nous élever par notre pratique religieuse.

C’est donc ainsi que va commencer la mission des apôtres, par un appel qui les saisit au beau milieu de leur vie de tous les jours. Luc nous le signale en nous offrant une scène de pêche très vivante et détaillée. On y voit les pêcheurs travailler ensembles pour encercler les poissons de leurs filets, manœuvre délicate qui demande plusieurs barques agissant de concert et donc une très bonne coordination.
Mais cette description n’est pas seulement un documentaire sur la pêche sur le lac de Génésareth. En plantant son décor, Luc ne se contente pas d’insister sur le quotidien dans lequel les disciples sont appelés, il va aussi nous présenter, à travers la mission qui leur est confiée.
En effet, premier constat, Dieu ne nous appelle pas pour notre épanouissement personnel. Quand il se manifeste à nous, quand il éveille notre foi, il nous confie aussi une mission. C’est bien l’expérience qu’ont faite Ésaïe, Simon-Pierre, Paul et tant d’autres témoins bibliques : que l’on soit religieux, simple pêcheur, collecteur de taxes, recevoir la bonne Nouvelle, c’est être appelé à proclamer à son tour. «Tu seras pêcheur d’homme»

Deuxième constat : cette pêche aux hommes est à l’image de la pêche miraculeuse : Pierre a pêché toute la nuit, il a déployé tout son savoir-faire à la meilleure heure, quand les conditions étaient les plus favorables mais ça a été en vain. Et alors que le moment est passé, alors que la fatigue amoindrit ses capacités, quand il relance les filets à la demande de Jésus, la pêche est prodigieusement abondante.
Notre pêche aux hommes ne dépendra pas de nos compétences, de notre application, des conditions dans lesquelles nous témoignerons de la Bonne Nouvelle. Le succès de notre pêche ne sera dû qu’au vouloir de notre Dieu.

Et pourtant, tout comme Simon Pierre, nous sommes appelés à participer pleinement à cette pêche. La pêche miraculeuse n’est pas la pluie de cailles de la traversée du désert, l’évangile ne nous dit pas que de «tous les côtés du navire, les poissons vinrent à sauter ohé, ohé». Pierre et ses associés vont accomplir leurs gestes de tous les jours, ils vont déployer leurs compétences, s’impliquer pleinement dans cette pêche, bref, ils vont travailler.
De la même manière, si le succès de notre annonce ne dépend pas de nous, nous n’en sommes pas moins appelés à fournir un effort, à engager notre savoir-faire. Jésus ne nous appelle pas à nous tenir sur le rivage pour observer le spectacle mais bien à mettre notre barque à l’eau, à jeter nos filets, à travailler.
Et, c’est le troisième constat, à travailler comme Pierre et ses associés : ensembles. En utilisant la pêche comme image de notre mission de chrétiens, Jésus nous rappelle que cette tâche à laquelle nous sommes appelés n’est pas un travail solitaire. Pêcher seul, c’est voir la barque chavirer, les filets se briser, les poissons s’échapper. Pêcher seul c’est tout simplement impossible.
Il en va de même de l’annonce et du témoignage. Il faudrait être un géant de la foi et de la spiritualité pour pouvoir annoncer seul face à nos frères et nos sœurs l’amour de Dieu, la vie à laquelle il nous invite. C’est une mission trop lourde, trop immense pour un individu isolé. C’est ensembles que nous serons porteurs d’une bonne nouvelle, c’est ensembles que nous serons témoins de l’amour de Dieu.

Travailler ensemble, c’est faire équipe. Mieux, c’est faire corps ! Cela demande de la coordination, c’est-à-dire de la compréhension mutuelle, de la confiance et donc de la communication. Tout comme Pierre fit signe à l’autre barque, sachons demander de l’aide à nos frères et sœurs en Christ, sachons répondre aux demandes d’aide. Le travail en équipe fait partie du savoir faire que nous sommes appelés à exercer pour l’annonce de l’Évangile

Frères et sœurs, réjouissons-nous, notre Dieu nous rejoint dans notre quotidien.
Réjouissons-nous, il nous appelle à déployer notre savoir-faire, nos compétences. Il nous invite à la joie du travail bien fait.
Réjouissons-nous, il nous donne de n’être pas seul mais de travailler en équipe, en communion, en fraternité.
Réjouissons-nous car il nous promet une pêche innombrable, miraculeuse.
Réjouissons-nous et lançons notre barque à la mer : il fait de nous des pêcheurs d’hommes.